Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2003, notre pays se dote progressivement d'une politique migratoire structurée, après avoir longtemps balancé entre le mythe de l'« immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements du monde.
Du chemin reste à parcourir pour passer effectivement d'une politique de maîtrise à une politique de pilotage des flux dans un espace européen désormais ouvert.
Mais la création du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement marque une étape extrêmement importante, en réunissant enfin l'ensemble des administrations concernées, qui étaient autrefois éclatées entre les différents ministères.
La création de la mission « Immigration, asile et intégration » est la traduction budgétaire logique de cette réforme fondamentale de structure. En outre, elle est cohérente avec l'approche globale développée par l'Union européenne.
Monsieur le ministre, l'organisation que vous allez mettre en place, structurer et animer est d'une grande importance.
D'une part, nous souhaitons, comme la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine l'avait demandé, disposer d'éléments statistiques sérieux, afin d'évaluer la situation avec précision.
D'autre part, nous insistons sur la nécessité de continuer à promouvoir l'immigration professionnelle que nous appelons de nos voeux.
À cet égard, j'aimerais savoir comment s'organisera à l'étranger l'information sur nos besoins en termes de main-d'oeuvre. Sur le terrain, ce travail sera-t-il confié à nos consulats, à nos missions économiques ou encore à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM ? En outre, disposez-vous d'un premier bilan des besoins de main-d'oeuvre ayant pu être satisfaits grâce à l'ouverture de certains métiers aux ressortissants des nouveaux États-membres de l'Union européenne ?
La mission « Immigration, asile et intégration » est à la fois équilibrée et cohérente. Toutefois, elle ne couvre pas l'ensemble de vos compétences. Les services déconcentrés, comme les services des visas, les services des étrangers dans les préfectures et la police aux frontières ne figurent pas au sein de la mission, bien que vous ayez une autorité conjointe sur certains d'entre eux.
Or je suis intimement convaincu qu'un des grands chantiers sera la modernisation de notre service public de l'immigration, autrefois trop largement cantonné à des tâches de maîtrise des flux et de gestion des demandes. La réhabilitation d'une vision positive de l'immigration passe nécessairement par une réorganisation de nos administrations. Cela exigera sans doute du temps et du doigté, mais je ne doute nullement de votre détermination.
Je souhaiterais insister particulièrement sur les crédits relatifs au droit d'asile, qui sont très importants, car ils représentent les trois quarts de la dotation affectée au programme « Immigration et asile », qui regroupe les deux tiers du budget de l'ensemble de la mission.
Les crédits alloués à l'OFPRA devraient baisser de 5 %, afin de tenir compte de la très forte baisse des premières demandes d'asile depuis trois ans. Cette baisse modérée ne devrait pas gêner le travail de cet organisme ou de la Cour nationale du droit d'asile.
Toutefois, je souhaiterais rappeler qu'une baisse trop brutale des moyens de l'OFPRA en vue de les ajuster sur les variations de la demande d'asile en année n-1 ne serait pas une bonne méthode. Des moyens suffisants doivent être maintenus pour faire face en temps réel aux inévitables fluctuations imprévisibles de la demande.
À défaut, nous risquons de nous retrouver, comme en 2002, avec des stocks énormes d'affaires en cours. Le résultat serait un allongement de la durée des procédures et donc des frais d'hébergement et de prise en charge des demandeurs d'asile. Ainsi, ce qui serait gagné d'un côté pourrait être perdu de l'autre.
En matière d'asile, une réforme est également attendue. Je fais référence à l'autonomie de la Cour nationale du droit d'asile, anciennement dénommée Commission des recours des réfugiés. Vous avez pris l'engagement de consacrer son autonomie financière dès le projet de loi de finances pour 2009, en distinguant son budget de celui de l'OFPRA.
Monsieur le ministre, peut-être sera-t-il intéressant d'accompagner une telle réforme, qui est importante sur le plan budgétaire, d'une réflexion plus globale sur le fonctionnement de la Cour nationale du droit d'asile, dont le rôle, notamment juridictionnel, est essentiel.
Je souhaiterais également saluer le succès du contrat d'accueil et d'intégration, désormais obligatoire depuis le 1er janvier 2007. Ayant assisté à une journée d'accueil de primo-arrivants sur la plate-forme de l'ANAEM à Paris, j'ai pu constater que les signataires appréciaient le déroulement de cette journée permettant de poser les jalons de leur intégration.
Ce succès, il faut le conforter. Certains prestataires, notamment s'agissant des cours de langue, ne seraient pas toujours aussi efficaces et performants qu'ils le devraient. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser la démarche d'évaluation des prestataires mise en oeuvre par l'ANAEM et nous dire si des mesures ont déjà été prises pour en changer s'il en était besoin ?
Je voudrais également poser une question sur l'Europe. L'année 2008 sera une année européenne, en particulier pour votre ministère, le Président de la République ayant annoncé que l'immigration faisait partie des priorités de la France en la matière.
L'organisation d'une nouvelle conférence euro-africaine sera également un moment important. La France pourra mettre en avant l'expérience de ses accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires.
Quant à l'ouverture de telles rencontres, il est important que nous puissions, le moment venu, être tenus informés des évolutions et des projets de la France.
Enfin, je souhaiterais évoquer brièvement la situation des mineurs étrangers isolés en France, sujet sur lequel nous avons porté un regard particulier. Cette année, j'ai souhaité faire un point particulier sur ce problème dans mon rapport.
Si des progrès sont toujours possibles, il faut reconnaître que des améliorations sensibles ont été apportées depuis quelques années, notamment s'agissant des conditions matérielles et juridiques de leur arrivée à Roissy Charles-de-Gaulle.
La prise en charge des mineurs se trouvant sur le territoire français reste inégale, ce qui s'explique en partie par la diversité des profils. Selon les évaluations actuelles, environ 5 000 mineurs étrangers isolés seraient présents sur notre territoire.
Je tiens toutefois à saluer le travail effectué par le lieu d'accueil et d'orientation de Taverny, qui est un centre spécialisé pour les mineurs étrangers isolés géré par la Croix-Rouge. La plupart des mineurs qui y passent parviennent à être régularisés à leur majorité, en raison de leur bonne insertion professionnelle.
Quant aux jeunes qui ne pourraient pas être régularisés à leur majorité, une des pistes à explorer réside dans le développement de partenariats avec des entreprises françaises, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, intervenant dans le pays d'origine de ces mineurs. Les entreprises soutiendraient alors la formation de ces jeunes en vue de leur embauche dans le pays d'origine. Leur retour à leur majorité serait ainsi contractualisé et s'inscrirait dans un projet de réinsertion.
Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces quelques observations, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits inscrits au titre de la mission « Immigration, asile et intégration » dans le projet de loi de finances pour 2008.