Intervention de Nathalie Loiseau

Commission spéciale retrait Royaume Uni de l'UE — Réunion du 23 octobre 2018 à 16h20
Audition de Mme Nathalie Loiseau ministre déléguée aux affaires européennes

Nathalie Loiseau, ministre :

Le backstop prévoit de maintenir un alignement règlementaire entre le nord et le sud de l'Irlande et la participation de l'Irlande du Nord à l'union douanière. Mais les habitants d'Irlande du Nord demeurent des citoyens britanniques. Si la Grande-Bretagne devenait un État tiers, nous aurions toute liberté de choisir le statut de ses ressortissants. La Commission européenne serait seulement habilitée à décider de la mise en place, ou non, de visas de courte durée pour les Britanniques.

Concernant la négociation sur le corridor mer du Nord-Méditerranée, la première proposition de la Commission européenne n'était pas acceptable, puisqu'elle ignorait les ports français. Nous sommes donc entrés en discussion avec la commissaire Bulc. Intégrer uniquement Calais ne suffit pas. Soyons conscients, toutefois, que faire partie d'un corridor entraîne des avantages, mais aussi des obligations. Il faut bien mesurer l'équilibre entre les uns et les autres avant de présenter la candidature d'un port.

Quelles mesures prendrons-nous pour assurer la fluidité du trafic ? Nous parlons là de l'hypothèse d'une absence d'accord de retrait ou d'un accord prévoyant la non-participation du Royaume-Uni à l'union douanière. Nous ne savons pas ce qu'il en sera : au début, le Royaume-Uni ne souhaitait plus rester ni dans le marché unique, ni dans l'union douanière. Mais depuis, sont apparues des hypothèses comprenant une participation temporaire à cette dernière. Nous attendons une stabilisation de la position britannique. Mais les hypothèses que j'ai indiquées impliqueraient des contrôles. Et même si le Royaume-Uni reste dans l'union douanière mais s'écarte des règlements européens, il faudra procéder à des contrôles sanitaires et règlementaires. La fluidité pourra être assurée par la mise en place d'aires de stationnement et des technologies les plus avancées pour le contrôle des marchandises, mais aussi des animaux vivants, des plantes et des produits agricoles. L'hypothèse de procéder à ces contrôles hors des points d'entrée sur le territoire national est à explorer.

Monsieur le sénateur Masson, vous considérez que la non-communication d'un avis du Conseil d'État est une preuve que quelque chose n'est pas clair. C'est juste la preuve que nous voulons protéger les intérêts de nos concitoyens et de nos entreprises. Ce que vous appelez des conditions extravagantes relève de ce souci. Vous parlez à juste titre de la frontière irlandaise, qui deviendrait une frontière extérieure. Il est hors de question d'en faire la porte d'entrée incontrôlée de marchandises du Royaume-Uni et du reste du monde. Ce serait fragiliser le droit des consommateurs européens et les entreprises européennes qui seraient confrontées à une concurrence déloyale.

Nous nous sommes mis d'accord avec le Royaume-Uni pour faire en sorte que la frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande ne soit pas une frontière physique, afin de préserver les accords du Vendredi saint. Voici ce qui a été signé par Mme May elle-même - je traduis de l'anglais : « En l'absence de solution agréée, le Royaume-Uni assurera qu'il n'y a pas de barrières réglementaires entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni, sauf à ce que, comme il est prévu par les accords de 1998, l'exécutif et l'Assemblée d'Irlande du Nord soient d'accord pour qu'il y ait une différence réglementaire entre l'Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni. Si une autre solution n'était pas possible, le Royaume-Uni proposera des solutions spécifiques pour l'Irlande du Nord. S'il n'y a pas de solution agréée pour ces solutions spécifiques, le Royaume-Uni maintiendra un alignement complet avec les règles du marché intérieur et de l'union douanière qui maintenant ou dans le futur permettent une pleine coopération entre le nord et le sud de l'île d'Irlande. » C'est un engagement pris par le Royaume-Uni, que nous lui demandons de traduire dans l'accord que nous signerons avec lui.

Vous semblez penser que l'essentiel de nos efforts consistent à faire dérailler le Brexit. Nous ne l'avons pas souhaité, c'est vrai. Mais nous le respectons en tant que décision démocratique du Royaume-Uni. Nos efforts consistent à faire en sorte que la séparation soit ordonnée, et que nos concitoyens et nos entreprises soient protégés. Nous ne travaillons à aucun moment sur des hypothèses comme celles d'un nouveau referendum, car le gouvernement britannique ne l'a pas envisagé - nous avons assez de travail comme cela !

Vous souhaitez savoir ce que nous ferions si le Royaume-Uni, par extraordinaire, restait dans l'Union, concernant la représentation de la France au Parlement européen. Je voudrais partager avec vous ma surprise, lorsque j'ai constaté, en prenant mes fonctions, que, comme vous l'avez dit très justement, le nombre de parlementaires européens français fixé en 2013, ne correspondait pas à notre poids démographique dans l'Union européenne. Je me suis même interrogée si nous avions obtenu en échange un avantage qui aurait valu que nous acceptions cette représentation insuffisante. Je ne l'ai pas trouvé. J'ai profité du retrait britannique pour négocier d'abord avec la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen, puis avec son assemblée plénière, et j'ai obtenu cinq sièges supplémentaires. Si par extraordinaire, le Royaume-Uni décidait de revenir dans l'Union européenne - hypothèse que rien ne vient étayer aujourd'hui - il faudrait remettre sur le métier la répartition entre États membres, sachant que chacun souhaite faire entendre ses positons, et c'est bien normal. Mais au moment où nous parlons, il n'est pas question qu'il y ait des élections européennes sur le sol britannique.

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