Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 23 octobre 2018 à 14h30
Prévention des violences lors des manifestations et sanction de leurs auteurs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Comme l’a demandé mon collègue Pierre-Yves Collombat en commission, ne peut-on pas neutraliser quelques individus ultraviolents autrement qu’en violentant une fois encore les libertés publiques et en s’en prenant au code pénal ?

Il est très inquiétant de constater que les articles 1er et 2 de la proposition de loi sont directement issus de la législation antiterroriste telle qu’elle a été aggravée l’année dernière, à la suite des nombreux renouvellements de l’état d’urgence et à l’instauration dans notre droit commun d’un certain nombre de dispositifs déployés dans ce cadre précis de menace terroriste. Le droit d’exception continue donc de polluer notre droit commun, au détriment des libertés individuelles et publiques !

Permettez-moi de rappeler que, en droit international, le droit à la liberté de réunion pacifique est inscrit dans les traités relatifs aux droits de l’homme auxquels la France est partie, comme les droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression, auxquels il est étroitement lié.

En ce sens, les propos du Défenseur des droits ne sont guère rassurants, puisqu’il estime, madame la rapporteur, dans la contribution qu’il vous a remise, que, « eu égard à son économie générale, cette proposition de loi apparaît tout à la fois inutile et dangereuse et semble s’affranchir des exigences constitutionnelles et conventionnelles ».

En droit français, l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle, énonce clairement la liberté de manifestation des opinions : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Ce ne sont pas les manifestants eux-mêmes qui troublent l’ordre public.

En matière de sécurité publique, les forces de l’ordre n’ont sûrement pas besoin de ce genre de dispositif. En revanche, la rénovation de leurs moyens matériels et humains est urgente. L’explication de ces violences réside sans doute moins dans leur accroissement ou leur intensité hypothétiques que dans l’incapacité de nos forces de l’ordre à les démanteler et à remonter le fil de ces formations violentes, qui pourtant expriment bien souvent leurs intentions avant de frapper, faute de moyens suffisants.

Mes chers collègues, il est grand temps de changer de paradigme, de cesser de s’inscrire dans le diptyque caricatural : tout-sécuritaire et répression ou tout-libertaire et laxisme !

Enfin, il faudra bien un jour que nous nous intéressions à une question – même si elle n’est pas le sujet de cet après-midi. En février 2017, six experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ont interpellé le gouvernement français sur « l’usage excessif de la force par la police ».

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