Séance en hémicycle du 23 octobre 2018 à 14h30

Résumé de la séance

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Sommaire

La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 463 [2017-2018], texte de la commission n° 13, rapport n° 11, tomes I et II) et sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions (projet n° 462 [2017-2018], texte de la commission n° 12, rapport n° 11, tomes I et II).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, mes chers collègues, avant de passer aux scrutins, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote communes, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant quant à lui de trois minutes.

La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en ouverture de mon propos, je voudrais, au nom du groupe auquel j’appartiens, adresser mes remerciements au Gouvernement.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. Je veux le remercier d’avoir choisi d’adresser ces textes importants au Sénat en premier. C’était reconnaître – du moins, c’est ainsi que nous l’interprétons – la qualité du travail accompli ici depuis plusieurs années dans tous les domaines, mais singulièrement dans celui qui nous occupe, la justice.

Très bien ! sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il devrait le faire aussi pour la révision constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Un travail important et approfondi a été effectué au cours de l’année 2017, en particulier sous la direction de M. le président de la commission des lois. Il s’agissait d’élaborer une réforme nécessaire pour notre justice, dont on peut considérer qu’elle a été, sous toutes les majorités, le parent pauvre en matière de politiques publiques et de priorités budgétaires. On pouvait en tout cas relever une absence de cohérence générale dans les missions qui étaient les siennes.

Ce travail a conduit à la présentation d’un rapport d’information, puis à l’adoption en première lecture par notre assemblée, en octobre 2017, d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique qui contenaient des propositions importantes et exprimaient deux grandes ambitions.

Notre première ambition était de donner à notre justice les moyens budgétaires nécessaires pour qu’elle puisse rattraper le retard accumulé durant un quinquennat entier.

La seconde était de lui offrir la numérisation qu’elle attend et dont elle a tant besoin pour être, enfin, au niveau de ses missions. Nous ne voulions plus voir, dans les juridictions, des logiciels datant de 2008 ou de 2009 !

Une telle démarche était importante pour rappeler qu’en matière civile nous pouvions évoluer, parfois simplifier les choses et, en tout cas, rendre le système plus efficace.

Elle était importante, parce qu’en matière pénale, nous avions également relevé la nécessité absolue d’une corrélation essentielle entre le prononcé de la peine et son exécution.

Elle était importante, enfin, parce que, en matière pénitentiaire, nous avions bien sûr cherché à résoudre les difficultés rencontrées dans des maisons d’arrêt « surbookées », si vous me permettez cette expression. On pouvait relever des conditions d’incarcération tout à fait inadmissibles, un temps d’exécution de la peine totalement inadapté et, au bout du bout, un système complètement inefficace.

Tout cela figurait dans notre rapport de 2017.

Madame le ministre, vous avez souhaité élaborer votre texte et engager un débat dans le cadre d’ateliers. Nous pouvons pour partie saluer ce débat, car il a largement repris le constat qui avait déjà été fait par le Sénat, dans le cadre de notre commission des lois, en avril 2017. Ce débat nous a toutefois quelque peu déçus. En effet, nous avons estimé que les moyens budgétaires que vous aviez prévus étaient bien inférieurs à ceux que nous préconisions : vous prévoyiez, sur cinq ans, une augmentation de 23, 5 %, alors que nous entendions la fixer à 33, 8 %. Le Sénat, dans le cadre des débats qui s’achèvent aujourd’hui, est revenu aux critères d’augmentation que nous avions fixés dans notre rapport de 2017.

Nous avons également voulu, dans le cadre de ce texte, nous montrer plus protecteurs en matière civile. Nous n’avons pas voulu, à l’évidence, sortir le justiciable du tribunal : il faut qu’il puisse conserver l’accès à son juge. C’était naturel et essentiel. Nous avons souhaité maintenir cette possibilité réelle, sans pour autant renoncer aux innovations, mais bien au contraire en les accompagnant.

Je pense en particulier au renforcement de l’encadrement des services en ligne de résolution amiable des litiges, ou encore à la suppression de la représentation obligatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux, mais surtout à la suppression de certaines déjudiciarisations envisagées par le Gouvernement et aux restrictions apportées à d’autres.

Nous avons notamment, dans cette dernière veine, supprimé l’attribution exclusive aux notaires de la compétence de recueil du consentement du couple qui recourt à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. Outre ce détail important, nous avons limité l’expérimentation permettant aux caisses d’allocations familiales de réviser les pensions alimentaires sans passage devant le juge aux seules hypothèses dans lesquelles les parties sont d’accord sur le nouveau montant de la pension.

Nous avons également conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux, limité les procédures sans audience ainsi que la dématérialisation des procédures, sans négliger l’accès au juge pour tous les justiciables. Enfin, nous avons bien sûr permis le contrôle effectif des comptes de gestion des personnes sous tutelle par le juge des tutelles.

Le texte issu de nos travaux est innovant, parce que nous avons voulu réformer l’aide juridictionnelle et son financement, qui est en souffrance. Il fallait bien trouver des solutions ; c’est pourquoi nous avons réinstauré le droit de timbre.

Nous avons évidemment voulu mieux garantir dans ce texte les libertés individuelles : c’est l’ADN du Sénat !

Si l’on donne toujours plus de pouvoir au procureur de la République, celui qui subit des poursuites doit inévitablement pouvoir exercer ses droits de défense. La balance n’est pas simplement le symbole de la justice ; il faut qu’elle soit équilibrée. Nous avons donc limité l’extension à de nouvelles infractions des techniques d’enquête intrusives pour la vie privée. Nous avons également prévu la présence de l’avocat lors des perquisitions, notamment en cas de flagrance.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous avons maintenu le droit, pour le justiciable, de refuser le recours à la visioconférence, nous avons préservé la collégialité des travaux devant la chambre de l’instruction et nous avons supprimé la procédure de comparution à effet différé, qui nous a semblé tout à fait extravagante : renvoyer quelqu’un devant le tribunal alors que le dossier n’est pas complet est à nos yeux totalement inacceptable !

Nous nous sommes aussi montrés plus fermes dans beaucoup de domaines, et ce contre l’avis du Gouvernement.

Je voudrais en citer quatre exemples : la création d’une peine générale d’interdiction du territoire français ; le relevé automatique de l’état de récidive ; la révocation automatique du sursis par une décision motivée de la juridiction ; enfin, le maintien des peines d’emprisonnement inférieures à un mois, afin d’éviter les effets de seuil. Cela montre à quel point le Sénat est attaché à la fermeté et à la clarté de la sanction.

Enfin, madame le ministre, nous avons donné notre accord pour la création d’un juge national de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, ou JIVAT ; nous vous accompagnons sur ce sujet, car cette expérience est sans nul doute utile et nécessaire pour les victimes.

En revanche, nous avons émis les plus grandes réserves et exprimé notre désaccord quant au parquet national antiterroriste, non que nous souhaitions affaiblir son pouvoir, bien au contraire, mais parce que nous avons constaté que le dispositif actuel fonctionnait bien et qu’il n’y avait pas lieu, pour le renforcer, de créer d’élément nouveau.

Je voudrais terminer mon propos en relevant que ce texte me semble sortir de son examen au Sénat avec des ajouts importants.

Nous regrettons, comme toujours dans de telles circonstances, l’emploi de la procédure accélérée, qui empêche l’aller-retour entre les deux chambres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Très vrai ! Ne l’acceptez pas, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

De ce fait, nous ne pourrons pas continuer d’affiner un certain nombre de points importants que nous avons relevés pendant nos débats.

Nous nous retrouverons sans doute pour la commission mixte paritaire. D’ici là, laissons à l’Assemblée nationale le soin d’apprécier les avancées que le Sénat a produites ; j’espère du moins qu’elle le fera, et je tiens à les rappeler : une fermeté accrue et une plus grande efficacité dans l’exécution de la peine prononcée ; la protection des libertés individuelles – c’est notre ADN ! – ; enfin, pour les juridictions civiles, sans opposition, bien au contraire, aux évolutions technologiques et à de nouvelles procédures, la préservation de la possibilité, pour le justiciable, d’avoir accès au juge. Voilà les points essentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet. C’est pourquoi notre groupe votera, bien évidemment, en faveur du texte issu des travaux de la commission des lois et de notre débat.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, le groupe La République En Marche était, pour sa part, d’accord avec les objectifs que le Gouvernement avait exprimés en présentant ces projets de loi : faire de la justice une priorité et mettre en œuvre un vaste mouvement de réorganisation et de numérisation de celle-ci, en la dotant de moyens importants.

Au cours de l’examen de ces textes, il est vrai que des dissensions sont apparues entre nous, notamment sur le divorce ou sur l’échelle des peines.

Sur le divorce, nous étions pourtant parvenus à un équilibre dans les textes initiaux déposés par le Gouvernement. Certes, la tentative de conciliation était vouée à disparaître de la procédure de divorce, mais ce n’était pas une suppression sèche.

En effet, le texte initial prévoyait la possibilité, pour chacune des parties, de demander des mesures provisoires. Cette audience pouvait s’apparenter à l’audience de tentative de conciliation. Autre élément d’équilibre, pour compenser la disparition de la tentative de conciliation, le Gouvernement avait consenti à revenir sur la cause du divorce, en acceptant qu’il n’en soit pas fait état dès l’introduction du divorce. Pour ma part, j’avais estimé que, par ces deux mesures, on était parvenu à un certain point d’équilibre ; malheureusement, la commission des lois les a remises en cause.

Ces divergences mises à part, les textes qui nous réunissent de nouveau aujourd’hui ont donné lieu à beaucoup de points d’accord sur des mesures essentielles.

Je pense à la mise en place d’un mode de saisine unique en matière civile, à la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance, ou encore à l’expérimentation du tribunal criminel départemental.

Je pense également à la réforme des ordonnances d’injonction de payer, qui vise à centraliser le traitement des injonctions de payer.

En définitive, comme à son habitude, notre assemblée a bien travaillé. Je souhaite moi aussi remercier le Gouvernement d’avoir fait commencer l’examen de ces deux projets de loi en première lecture devant notre assemblée. Je l’avais dit lors de la discussion générale ; je le réitère aujourd’hui, tout en formant le vœu que cela se reproduise à d’autres occasions. En effet, il y va de l’équilibre de nos discussions au sein du Parlement. Par ailleurs, en permettant au Sénat d’être davantage saisi en premier de textes d’initiative gouvernementale, on pourra à nouveau bénéficier de discussions aussi riches que celle que nous venons d’avoir, et ces textes seront examinés avec le sérieux et la rigueur qui siéent à notre assemblée.

Je souhaite également remercier toutes celles et tous ceux de nos collègues qui ont participé à ces riches discussions, tant en commission qu’en séance publique. Nous avons fait évoluer ce texte et chacun d’entre vous a contribué à cet enrichissement.

Je veux aussi remercier M. le président de la commission des lois et MM. les corapporteurs, qui ont effectué – je tiens à le dire ici solennellement – un travail rigoureux et de qualité tout au long de cette discussion.

Enfin, j’adresse mes remerciements à Mme la garde des sceaux. Comme à votre habitude, madame la ministre, vous avez pratiqué le dialogue, au cours de l’examen de ces textes, mais aussi en amont. Votre porte est toujours restée ouverte et vous avez écouté les suggestions que notre commission et nos collègues vous ont soumises depuis le début de l’examen de ces textes.

Certes, certains sujets importants auraient selon nous mérité une maturation supplémentaire. Je pense aux tribunaux de commerce, ou encore à l’aide juridictionnelle.

Sur ce dernier point, il est clair que les discussions doivent être encore plus poussées. L’aide juridictionnelle mérite une réforme d’ensemble : il nous faut examiner tous les paramètres de cette institution très importante pour notre justice, et non pas procéder, comme cela a été tenté à l’occasion de ces projets de loi, à des retouches partielles. L’aide juridictionnelle mérite qu’on y consacre du temps et un projet global de réforme.

Sur le parquet national antiterroriste, je regrette, au vu de l’importance du sujet, qu’aucun accord n’ait été trouvé.

Cela dit, le groupe La République En Marche ne s’opposera pas à ce que le débat se poursuive sur ces sujets à l’Assemblée nationale, dans le respect du bicamérisme.

C’est la raison pour laquelle, malgré les divergences dont j’ai fait état, nous voterons en faveur de ces textes ainsi modifiés.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Roger Karoutchi applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, il y a un an, presque jour pour jour, nous débattions ici du projet de redressement de la justice de la droite sénatoriale, conduite par Philippe Bas.

M. le président de la commission des lois se disait alors prêt à faire profiter le Gouvernement de nos travaux, puisque les siens n’en étaient alors qu’à leurs prémices. Pour notre part, nous formions le vœu que les chantiers lancés par Mme la garde des sceaux aboutissent à un texte obéissant à une tout autre logique : il fallait répondre à l’urgence à prôner et à ériger une justice à la fois plus efficace et plus humaine.

De manière générale, le projet du Gouvernement nous déçoit tant sur la forme que sur le fond. Une myriade d’articles protéiformes expriment un objectif dangereux : il s’agirait de redresser la justice en traitant l’embolie diagnostiquée de nos juridictions à coups de mesures gestionnaires et comptables. C’est donc toujours la même logique, après la réforme du transport ferroviaire et avant celle des hôpitaux.

Bien que vous vous en défendiez, madame la garde des sceaux – de bonne foi, je pense –, je peux vous assurer que la main invisible de Bercy n’épargne pas votre ministère, aussi régalien soit-il !

Sur la forme des débats, certes, nous nous réjouissons que la première lecture de ce texte ait fait honneur au Sénat. Nous nous interrogeons cependant sur la qualité de nos échanges, qui ont été quelque peu tronqués par la dualité entre Gouvernement et droite sénatoriale, dualité dont le théâtre ne peut évidemment être que le Sénat.

Aussi avons-nous discuté d’un texte des Républicains, que les députés En Marche ramèneront à sa version initiale, avant de céder au final sur quelques points pour un éventuel accord en commission mixte paritaire. Tout est couru d’avance, si vous me permettez l’expression ; cela peut susciter un grand sentiment de frustration dans un groupe comme le nôtre.

Je veux à présent reprendre brièvement le fond du texte, dans sa structure générale et ses grandes divisions.

Sur le budget, si nous nous félicitons de la majoration de 10 % de l’augmentation des crédits prévus pour la période 2018-2022, qui rétablit la trajectoire budgétaire adoptée par le Sénat l’année dernière, la question de la ventilation de ces moyens continue à susciter des interrogations. Nous constatons ainsi que l’augmentation des crédits proposée s’inscrit dans la même orientation que celle de ces dernières années : l’impact de cette progression, telle que cela est suggéré, est largement réduit pour les services judiciaires ou l’accès à la justice, puisque le programme de l’administration pénitentiaire l’absorbe en grande partie.

Sur la procédure civile, nous nous réjouissons des modifications apportées par notre commission des lois ; son travail d’amélioration dans l’objectif de « mieux protéger les personnes vulnérables » est notable.

Nous saluons le travail de nos corapporteurs dans ce sens, ainsi que leur intention de combattre la déjudiciarisation dont était pétri le texte du Gouvernement dans un seul et simple souci économique. Nous espérons que leurs modifications résisteront aux lectures à venir.

Nous nous félicitons notamment de la conservation par la commission des lois de la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux, que le texte gouvernemental supprimait. Nous approuvons aussi la suppression de la dématérialisation de certaines procédures lorsqu’elle se faisait au détriment de l’accès au juge pour les justiciables.

Sur la procédure pénale, quelques apports des corapporteurs ne sont pas négligeables non plus. Nous partageons leur constat d’un renforcement excessif du pouvoir du parquet. De ce fait, nous saluons la conservation de l’obligation de présentation au procureur pour la prolongation de garde à vue et celle de l’accord de la personne mise en cause pour la visioconférence lorsque le juge statue sur la détention provisoire. Saluons aussi la limitation de l’extension à de nouvelles infractions des techniques d’enquête intrusives pour la vie privée, et surtout le maintien de la collégialité des travaux de la chambre de l’instruction.

Nous regrettons néanmoins l’adoption d’un certain nombre d’autres mesures qui justifient notre opposition. Par exemple, l’expérimentation du tribunal criminel départemental porte atteinte selon nous à un fondement de notre justice républicaine, les jurés populaires ; l’extension de l’amende forfaitaire délictuelle ne fait quant à elle que poursuivre l’échec de la politique répressive en matière de lutte contre la drogue, politique à l’œuvre depuis trop longtemps et particulièrement délétère, notamment pour nos mineurs.

Sur l’efficacité et le sens des peines en matière de justice pénale, messieurs les corapporteurs, vos propositions nous inquiètent et témoignent de l’urgence qu’il y a à réfléchir sérieusement sur le sens de la peine et l’échelle des peines.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la peine a trois vocations : punir, protéger la société, et réinsérer. Dans ce texte, la réinsertion n’a que très peu de place ; au contraire, la peine n’est envisagée presque que sous l’angle de la punition. En outre, l’unique peine considérée comme possible est la prison, comme s’il n’existait que celle-ci.

Sur l’organisation des juridictions, enfin, point crucial d’accord entre le Gouvernement et la droite sénatoriale, quel que soit le nom qui sera finalement retenu pour les tribunaux uniques de première instance, leur création poursuit la logique qui consiste à englober les tribunaux d’instance dans les tribunaux de grande instance.

Cela est pour nous révélateur de la déshumanisation de la justice, que l’on engage, notamment, en s’attaquant à sa proximité avec le justiciable. La suppression à venir des tribunaux d’instance, en commençant par leur dévitalisation, n’ira que dans ce sens. Nous le regrettons amèrement. En effet, la justice, je le répète, fait l’objet d’une politique publique bien particulière, car elle est essentielle à notre État de droit : sans son bon fonctionnement, c’est toute la société qui s’effondre !

Sur les ajouts de la commission des lois, et notamment sur le point de l’accès à la justice, faire précéder toute demande d’aide juridictionnelle de la consultation d’un avocat ajoute selon nous un obstacle supplémentaire au parcours du justiciable qui souhaite saisir la justice et qui n’en a pas les moyens. De plus, confier aux avocats, qui sont des acteurs privés, une mission qui relève de l’autorité de l’administration, et ce dans le seul objectif de réaliser des économies, est pour nous inadmissible. S’attaquer à l’aide juridictionnelle, c’est s’attaquer à la fonction essentielle de la justice, à savoir rétablir l’égalité des armes entre les parties. L’aide juridictionnelle est un moyen précieux d’accéder à la même justice pour tous.

Pour toutes ces raisons, et également parce que le Sénat, malgré sa fidélité à son rôle de défenseur des libertés individuelles, n’a modifié le texte qu’à la marge sans rien changer à son économie générale, nous voterons contre ces deux projets de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, la justice est le parent pauvre, l’institution à laquelle nous n’avons pas, dans le passé, donné suffisamment de moyens ; chaque gouvernement s’en préoccupe de manière plus ou moins heureuse.

Entre 2007 et 2012 – souvenons-nous tout de même de cette période ! –, se consacrer à la justice, c’était réduire à quatre-vingts l’effectif des promotions de magistrats recrutés, magistrats qui font cruellement défaut aujourd’hui. C’était la réforme de la carte judiciaire, qui laisse encore des doutes dans les esprits ; madame la garde des sceaux, vous le savez bien. C’était aussi la loi pénitentiaire de 2009, qui permettait de ne pas exécuter certaines peines d’emprisonnement de moins de deux ans ; cela a par la suite permis à certains d’en faire leurs choux gras, en disant que les peines ne sont pas exécutées !

Sous le précédent quinquennat, la garde des sceaux, Mme Taubira, avait lancé les états généraux de la justice. Ce grand débat aurait pu inspirer le gouvernement actuel, qui a préféré mener cinq chantiers rapides, dont les résultats rejoignent d’ailleurs pour partie ce qui a été dit lors des états généraux ou au sein de la mission d’information sénatoriale que présidait M. le président de la commission des lois et à laquelle j’avais participé au nom de mon groupe.

La garde des sceaux de l’époque avait, en matière pénale, fait une proposition que d’aucuns ont beaucoup décriée : la contrainte pénale.

Son successeur avait envisagé que l’on permette à des époux, qui sont d’accord pour mettre fin à leur union, de s’organiser, chacun avec son avocat, pour établir une convention de divorce. Ainsi, ils n’auraient pas été obligés de se présenter devant le juge. Dans la mesure où ils étaient d’accord, ce dernier n’avait qu’un rôle : homologuer cette convention.

Madame la garde des sceaux, les réformes que vous nous proposez depuis lors relèvent, avant tout, de la programmation financière. Cette dernière devait s’établir sur cinq ans, mais à compter de l’année qui s’achève. À juste titre, les corapporteurs ont observé qu’il vaudrait mieux élaborer une programmation pour les cinq ans à venir, à partir de 2019.

D’ailleurs, en examinant le budget de la justice, il semble déjà que l’augmentation n’est pas tout à fait à la hauteur des objectifs inscrits à l’article 1er de votre projet de loi. L’article 1er proposé par nos corapporteurs fixe des montants supérieurs et conformes à ce qui avait été annoncé lors du vote de la proposition de loi défendue par M. Bas, en octobre 2017.

Qu’importe : l’essentiel c’est que des efforts soient accomplis, et qu’ils s’inscrivent dans la durée, ce qui, étant donné l’annualisation budgétaire, n’est jamais garanti.

Toutefois – je vous l’avais dit lors de la discussion générale –, ce que l’on voyait poindre nettement derrière cette réforme, c’était le moyen de faire des économies, au risque d’entraîner une déjudiciarisation et une déshumanisation. Or nos concitoyens ont besoin de la justice.

Je reprends l’exemple du divorce. Certes, lorsque les époux sont d’accord, ils n’ont pas besoin d’aller voir le juge ; mais lorsque l’un veut divorcer et l’autre non, lorsque le couple a des enfants et que telle ou telle disposition s’impose, les époux doivent être en mesure de voir un juge très rapidement.

Aujourd’hui, la conciliation de divorce n’a plus vocation à concilier des époux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

… mais à régler très rapidement diverses questions relatives, notamment, à l’organisation de l’autorité parentale.

Vous avez fait l’impasse sur ce point, qu’il faudrait travailler de nouveau – je le signale, même si, malheureusement, nous n’aurons qu’une seule lecture –, afin de satisfaire les attentes exprimées par notre collègue du groupe La République En Marche.

Pour ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi, j’observe que la place du juge subit de nombreuses atteintes, et que ces dernières sont extrêmement importantes : on supprime, autant que faire se peut, la collégialité ; on retire au juge la révision des pensions alimentaires pour la confier à la caisse d’allocations familiales : ce sont là autant de sujets dont nous avons débattu.

Cher collègue corapporteur qui venez de vous exprimer au nom de votre groupe, j’aurais aimé pouvoir remercier, avec vous, Mme la garde des sceaux d’avoir pris l’initiative de saisir d’abord le Sénat, lequel a beaucoup travaillé sur ce sujet.

Mais, madame la ministre, tout au long du débat, vous avez tenté de rétablir votre texte, et rien que votre texte.

Nos collègues du groupe La République En Marche ont annoncé qu’ils voteraient le texte issu des travaux du Sénat : peut-être inciteront-ils ainsi les députés En Marche à ne pas totalement vous suivre, au profit des propositions faites par nos corapporteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Globalement, nous avons plutôt à saluer le travail de nos corapporteurs. Sur de très nombreux points, ils ont corrigé les excès de votre texte. Sur d’autres – je pense notamment à des sujets sur lesquels nous sommes tous d’accord, vous comprise –, ils ont apporté des garanties, notamment pour les droits de la défense dans le domaine pénal.

Mes chers collègues, au sujet des peines, peut-être ont-ils ouvert la voie à une synthèse entre nous. Il s’agit d’inscrire dans les dispositions du code pénal relatives à l’échelle des peines, en lieu et place de la contrainte pénale, non pas la détention à domicile, qui était un moyen d’organiser l’emprisonnement, mais la probation ; cette dernière est une synthèse entre le sursis avec mise à l’épreuve, qui ne fonctionne pas, et l’excès de l’emprisonnement, qui pose problème.

Dans ce domaine, il me semble que nous sommes sur la voie d’un consensus. En effet, nous devons être capables de dire tous ensemble que, d’une part, face à la justice, il est important qu’un coupable soit jugé coupable – à cet égard, la procédure pénale doit le protéger, ce qu’elle ne fait pas suffisamment ; d’autre part, la réinsertion doit être possible – et pour cause, elle est indispensable à notre société !

Monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, l’équilibre aurait pu être trouvé, et nous aurions presque pu voter le texte issu des travaux de la commission, si, au cours du débat, le groupe majoritaire n’avait subitement fait adopter un certain nombre d’amendements, afin de prouver qu’il défend une politique franchement répressive – je pense aux articles 43 et suivants du projet de loi.

Nous ne pouvions nous satisfaire du projet de loi initial déposé par le Gouvernement. Ce texte a été bien amélioré par le Sénat – il faut le dire –, mais, en définitive, il reflète les excès de votre proposition de loi de l’automne dernier. Mes chers collègues, dès lors, nous n’avons qu’une solution : nous abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Néanmoins, cette abstention est constructive : après avoir entendu notre collègue Thani Mohamed Soilihi, nous avons l’espoir que l’Assemblée nationale ne fera peut-être pas simplement ce que veut le Gouvernement. D’ailleurs, c’est là une solution dont ne veulent ni les avocats ni les magistrats, que nous avons tous auditionnés !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Patricia Schillinger et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, je commencerai par un satisfecit, pour saluer le climat apaisé et constructif dans lequel ces deux textes ont été examinés.

Compte tenu de l’importance des sujets abordés et de la mise en œuvre de la procédure accélérée, il était indispensable de consacrer deux semaines à ces débats. Cette décision était gage de sérieux, et la qualité de nos échanges a été – je le crois – à la hauteur des défis qui s’imposent aujourd’hui à la justice.

Nos débats ont souvent permis de souligner, en matière pénale notamment, qu’il existe une volonté commune de changer de modèle.

Les hésitations qui demeurent portent essentiellement sur l’anticipation des effets directs et indirects des dispositifs que nous élaborons. Je pense notamment à la révision de l’échelle des peines correctionnelles, à la peine autonome de probation, ou encore à l’expérimentation d’un tribunal criminel.

La justice que nous défendons, au groupe du RDSE, est une justice accessible, lisible et impartiale, dont l’impartialité est garantie soit par le statut de fonctionnaire du magistrat rendant justice, soit par la reconnaissance par ses pairs.

À ce stade, ces deux textes contiennent donc des éléments de nature à nous réjouir, mais également des dispositions ambiguës ou plus contestables.

Les nouvelles technologies de communication sont certes devenues des outils incontournables pour une majorité de Français. Mais elles peuvent produire des effets ambivalents en matière de justice. Elles permettent sans doute d’accélérer la résolution de conflits pour une partie de la population. Toutefois, dans le même temps, elles réduisent l’accès à la justice de nos concitoyens victimes de la fracture numérique. C’est pourquoi nous restons très dubitatifs quant à l’extension à court terme de la dématérialisation des procédures.

Il en va de même des modes alternatifs de règlement des différends, qui sont des outils de pacification sociale intéressants, à condition qu’ils ne soient pas systématiquement rendus obligatoires ni uniquement utilisés afin de réguler le stock de contentieux.

Entre 2006 et 2017, le nombre de conciliations a progressé de 122 000 à 137 000 ; en revanche, le taux de conciliation s’est dégradé, passant de 56, 2 % à 51, 2 %. Ce constat semble illustrer l’existence d’un stock constant de litiges pour lesquels l’intervention du juge sera toujours nécessaire, en raison de la confiance que le justiciable place dans l’autorité judiciaire.

Nous craignons plus encore que les nouvelles dispositions introduites en commission des lois, au sujet de l’aide juridictionnelle, ne menacent l’accès au juge. Nous pensons, en particulier, à nos concitoyens les plus vulnérables, ceux qui ne peuvent s’acquitter d’un droit de timbre ou qui renoncent à recourir à un avocat avant l’obtention de l’aide juridictionnelle.

De plus, nous regrettons qu’un certain nombre de propositions que nous avions formulées n’aient pas été inscrites dans ces textes.

Tout d’abord, je songe à la revalorisation du statut de juriste assistant. Je l’évoquais lors de la discussion générale : partout où elle recule, la collégialité de la décision de justice doit être compensée par une collégialité de cabinet, qui sorte le juge de sa solitude de juge unique. Les assistants et greffiers qui assistent les magistrats ne doivent pas être perçus comme de simples délégataires des tâches les plus ennuyeuses. Leurs fonctions doivent s’inscrire dans une trajectoire professionnelle de long terme au sein des juridictions.

Ensuite, madame la garde des sceaux, au sujet de la prise en charge juridique des mineurs isolés étrangers, nous avons entendu vos réponses. Mais nous considérons que l’urgence de leur situation justifie d’apporter des solutions dès à présent. Beaucoup d’entre eux sont des adolescents aujourd’hui. Il n’est pas concevable de reporter le règlement de leur situation dans un ou deux ans.

Nous exprimons les mêmes regrets quant au rejet des amendements de notre collègue Françoise Laborde, visant à assurer une meilleure prise en compte des victimes de violences conjugales. Nos institutions n’ont pas suffisamment pris la mesure de ce phénomène. Les dispositions dont il s’agit sont pourtant un levier clef dans la lutte contre le sentiment d’insécurité.

A contrario, alors que la réforme de la carte judiciaire a suscité beaucoup d’inquiétudes dans les territoires, les solutions proposées par nos corapporteurs sont rassurantes, à commencer par l’abandon de la spécialisation des chambres détachées et des cours d’appel.

Néanmoins, comme l’a souligné notre collègue Sophie Joissains, une chambre détachée restera toujours plus facile à fermer qu’une juridiction. Nous resterons donc particulièrement vigilants sur ces points, car nous nous opposerons toujours aux effets indésirables de la métropolisation, qui consisteraient à faire des métropoles la seule référence des cartes administratives au détriment de l’échelle départementale, laquelle est beaucoup plus humaine.

La réussite de la réforme de la justice dépendra aussi de la confiance des agents envers les outils que nous mettons à leur disposition. C’est pourquoi il est si difficile de réformer des institutions qui fonctionnent bien, comme les tribunaux d’instance ou les cours d’assises. Vous vous y êtes pourtant attelée, madame la garde des sceaux, et il faut saluer l’approche globale que vous avez voulu suivre pour votre réforme.

D’autres outils judiciaires sont en plus mauvais état : nous tous ici en avons conscience, il est urgent de rénover le parc carcéral, et avec lui, le sens de la peine.

Grâce au travail accompli par la Chancellerie et par la commission des lois, le débat a permis de faire émerger un consensus autour de la nécessité de marginaliser l’emprisonnement en matière délictuelle.

Il importe que la prison ne soit plus perçue comme un « rite de passage », par lequel les jeunes délinquants vont s’endurcir dans des conditions matérielles indignes, aux côtés de condamnés plus aguerris et parfois radicalisés.

Il importe également de sortir de prison les personnes dont la santé exige des soins psychiatriques lourds. C’était l’objet des amendements que nous avions déposés avec notre collègue Nathalie Delattre. Certaines propositions, comme l’atténuation du principe de séparation des prévenus et des condamnés en vue d’optimiser l’occupation dans les maisons d’arrêt, nous semblent particulièrement pertinentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Le sens doit enfin guider notre plume quand nous légiférons sur les travaux d’intérêt général menés à des fins de réadaptation : nous avons bon espoir que l’agence créée par le texte permette le développement de cette sanction, à condition qu’elle soit effectivement mise au service de la collectivité.

Dans ces conditions, au regard des équilibres obtenus après le débat en séance, les membres du groupe du RDSE ont décidé de s’abstenir.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Murmures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, ces textes présentent des aspects positifs, mais aussi des aspects beaucoup plus discutables. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.

Cela étant, je tiens à insister sur un point qui, finalement, sous-tend tous les autres : c’est la dimension géographique de la réforme.

Il ne faut pas se faire d’illusion, les ministres de la justice successifs visent un seul et même but : regrouper au maximum les tribunaux, notamment les cours d’appel.

Madame le ministre, vous n’êtes pas la première ; vous ne serez peut-être pas la dernière, sauf si vous parvenez à vos fins un peu plus vite que les autres…

M. Roger Karoutchi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

On a dit que ce projet était abandonné : ce n’est pas vrai ! Avec les réformes que vous engagez, il n’y aura plus, à terme, qu’une seule vraie cour d’appel par région. D’ores et déjà, dans chaque région, une cour d’appel commence à coordonner toutes les autres, elle prend la main sur leur organisation. Pour le moment, on garde ces autres cours d’appel pour ne pas ameuter les foules. Mais on voit bien que, petit à petit, la juridiction destinée à devenir l’unique cour d’appel régionale devient de plus en plus importante.

Bien sûr, des réorganisations doivent être menées, afin de garantir une harmonie territoriale. Mais on a créé de grandes régions en fusionnant les régions précédentes. Dans ces conditions, il n’est pas raisonnable de vouloir aboutir, à terme, à une seule cour d’appel par région.

Dans la région Grand Est, qui est complètement aberrante, c’est véritablement la chienlit ! Ce n’est pas normal de demander aux gens de faire 200 kilomètres pour aller à la cour d’appel : en procédant ainsi, on ne garantit pas à nos concitoyens l’accessibilité à une justice honnête et cohérente. Et ce qui est fait pour les cours d’appel vaut aussi pour d’autres tribunaux.

Chaque ministre avance d’un pas, puis recule de moitié. Mais, au total, on progresse toujours dans la même direction : une seule cour d’appel par région. Aujourd’hui, c’est clairement ce dont il s’agit. Je ne me fais pas d’illusion, on y viendra.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Mais c’est faux, monsieur le sénateur, c’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Les avocats de Colmar déclarent : « Ça y est, on a sauvé la cour d’appel. » Ils le disent peut-être pour se faire plaisir ; de toute manière, la cour d’appel de Colmar, comme d’autres cours d’appel de la région Grand Est, est menacée dans son existence à terme.

De deux choses l’une : ou bien l’on fait des petites régions, et dans ce cas il peut y avoir une cour d’appel par région ; ou bien l’on garde ces grandes régions qui n’ont aucun sens, mais alors – je le dis très clairement – ce choix est une aberration !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des lois applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, l’ambition des deux textes qui vont être mis aux voix dans un instant est-elle à la hauteur de leur intitulé ? Est-ce une « réforme pour la justice » ? Est-ce bien l’électrochoc dont notre système a besoin ?

À nos yeux, avant que le Sénat ne s’en saisisse, la réponse était négative. Nous avions un florilège de mesures, souvent intéressantes d’ailleurs, mais non une réforme ambitieuse. Nous avions un catalogue assez fourni que l’on aurait pu appeler « diverses dispositions en matière de justice ».

Vous avez pu le constater, madame la garde des sceaux, le Sénat n’a pas été avare de propositions lors des semaines d’examen des deux projets de loi, et pour cause : notre commission des lois est mobilisée sur ce sujet depuis des années, notamment pour ce qui concerne son aspect budgétaire, qui ne règle pas tout, évidemment, mais qui est fondamental.

Notre collègue Yves Détraigne, dont je salue l’implication dans ce dossier, nous alerte inlassablement lors de chaque projet de loi de finances sur de nombreux problèmes : le manque criant de moyens, l’état de délabrement des juridictions, l’insalubrité de nombreuses prisons, ou encore les moyens informatiques d’un autre âge avec lesquels greffiers et magistrats travaillent au quotidien.

Nous avons donc modifié l’article 1er du projet de loi, qui fixe la programmation pluriannuelle, conformément à ce que nous estimons indispensable au redressement de notre justice.

La réflexion du Sénat sur le sujet ne se limite pas à cet aspect financier qui, je le répète, ne règle pas tout.

Nos corapporteurs se sont appuyés sur les travaux de la mission d’information sénatoriale sur le redressement de la justice, lancée en 2016. Celle-ci avait abouti à pas moins de 127 propositions, et elle a conduit à l’adoption par le Sénat de la proposition de loi d’orientation et de programmation pour le redressement de la justice, le 24 octobre 2017.

Nous avons fait de très nombreuses propositions, qui ont souvent reçu ici un très large assentiment, au-delà des frontières entre groupes politiques.

Malheureusement, madame la ministre, force est de constater qu’au cours des deux semaines de travaux en séance le Gouvernement n’a eu qu’une seule ligne de conduite, claire : tenter de rétablir, point par point, presque obstinément, le texte initial.

Je reconnais que vous avez toujours cherché à argumenter vos positions, et que la qualité de nos débats mérite d’être saluée.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Mais, au total, qu’en est-il du travail parlementaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Persuadé de détenir la bonne solution, le Gouvernement est resté sourd à presque toutes les propositions de notre assemblée. Espérons, madame la ministre, que les députés de votre majorité auront un peu plus d’égards pour le travail du Sénat…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

J’en viens au fond de cette réforme, que j’évoquerai en quelques mots.

L’une des orientations du projet de loi, qui ne fait d’ailleurs qu’accentuer un phénomène semblant inéluctable depuis plusieurs années, c’est l’augmentation des pouvoirs des magistrats du parquet. Nous n’y sommes pas opposés par principe, mais il faut être prudent à ce sujet.

On ne peut occulter le fait que les parquetiers ne constituent pas une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La France a déjà subi plusieurs condamnations à ce titre.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Or cette situation ne pourra pas s’améliorer tant que nous n’aurons pas apporté des garanties supplémentaires d’indépendance statutaire en révisant notre Constitution…

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Ces mesures ont été adoptées par le Sénat dès 2013.

Notre commission a fait, sur ce volet du texte, un important travail, fidèle à la tradition de défense des libertés individuelles à laquelle la Haute Assemblée est attachée.

Les modifications votées sur l’initiative de nos collègues Buffet et Détraigne ont permis de préserver un équilibre entre l’efficacité dans la recherche des auteurs d’infractions, les libertés et les droits de la défense.

Les travaux en séance ont permis d’ajouter au projet de loi ordinaire de nombreuses autres dispositions que nous avions adoptées en 2017, comme la peine complémentaire d’interdiction du territoire français pour les étrangers coupables de délits et crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, ou encore la suppression du principe de l’attribution automatique de crédits de réduction de peines aux condamnés détenus.

Nous nous félicitons de ces modifications et espérons qu’elles seront adoptées par l’Assemblée nationale.

La réforme de l’organisation juridictionnelle de première instance est un autre aspect important de ce projet de loi.

Sans surprise, puisqu’il l’avait approuvé dès octobre 2017, le Sénat a adopté le regroupement du tribunal de grande instance et des tribunaux d’instance. Pour autant, les élus de notre groupe veilleront à ce que cette réforme ne conduise, ni aujourd’hui ni demain, à la fermeture d’implantations judiciaires. Mes collègues et moi-même sommes en effet extrêmement attachés au maintien de tous ces lieux de justice, au nom de l’exigence de proximité pour le justiciable.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, une majorité de notre groupe est convaincue que le travail du Sénat a permis de redonner à cette réforme le souffle et la vision qui lui faisaient défaut. Cette transformation a été rendue possible par le travail de nos deux corapporteurs, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, que je salue une fois encore. Ils n’ont pas ménagé leurs efforts depuis le mois de juillet dernier, et leur travail a porté ses fruits.

Les textes qui nous sont soumis cet après-midi sont plus équilibrés et plus cohérents que dans la rédaction initiale du Gouvernement : c’est la raison pour laquelle nous voterons ces projets de loi ainsi amendés !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, nous allons aujourd’hui procéder au vote, d’une part, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, de l’autre, du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.

Ces textes visent, selon le Gouvernement, à « rendre plus effectives les décisions des magistrats, donner plus de sens à leurs missions et rétablir la confiance de nos concitoyens dans notre justice ». Ils ont également pour but de « lancer des réformes structurelles ».

Je souhaite à nouveau mettre l’accent sur la situation de notre justice, qui ne s’améliore pas, et pour cause : le problème de fond est évidemment celui des moyens.

Oui, la justice de notre pays est dans un état critique aujourd’hui, car elle souffre d’un manque d’investissement prolongé.

Des délais de jugement qui s’allongent, une situation chronique de sous-effectif liée aux vacances de postes, un système illisible d’exécution des peines, en vertu duquel la peine exécutée n’est, souvent, pas la peine prononcée, une surpopulation carcérale chronique : cette situation très dégradée de la justice est sans cesse dénoncée par les acteurs du droit. En témoignent la colère des magistrats et des avocats, ou encore l’esprit de révolte des agents de l’administration pénitentiaire qui s’est fait jour l’année dernière.

Nous pouvons certes regretter que le Gouvernement ait attendu le 20 avril 2018 pour nous présenter ces textes. En revanche, le projet de loi ordinaire est le premier texte de programmation présenté, en la matière, depuis 2002, et je tiens à vous en remercier, madame la garde des sceaux.

Je souhaite également relever à cette tribune la qualité des travaux menés par nos collègues François-Noël Buffet et Yves Détraigne. Sur leur initiative, la commission a inséré dans ces projets de loi plusieurs dispositions issues de la proposition de loi d’orientation et de programmation et de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice, déposées au Sénat par Philippe Bas, président de la commission des lois, à l’issue des travaux de la mission d’information sur le redressement de la justice.

Les textes qui sont soumis au vote aujourd’hui couvrent un champ très vaste. Ils balayent notamment le droit civil, le droit pénal, la procédure pénale et l’organisation judiciaire, et les nombreuses modifications introduites par les deux corapporteurs ont permis de les améliorer.

Ainsi, en matière budgétaire, la commission a demandé un effort plus important, à la hauteur des enjeux du redressement de la justice.

En matière de justice civile, elle a amélioré l’efficacité et la rapidité des procédures tout en veillant à la protection des personnes vulnérables par la suppression ou l’encadrement de certaines mesures.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Pour ce qui concerne la procédure pénale, la commission a été soucieuse de l’équilibre entre l’efficacité des enquêtes et la garantie des libertés, lesquelles étaient mises en danger par un renforcement excessif des prérogatives du parquet.

En matière d’organisation judiciaire, elle a clarifié la réforme, avec la création du tribunal de première instance, tout en veillant au maillage territorial et à la proximité de l’institution judiciaire.

Je me réjouis également que la commission ait restauré la crédibilité du prononcé et de l’exécution des peines en supprimant tout examen obligatoire des peines d’emprisonnement aux fins d’aménagement, et qu’elle ait fait de la probation une peine autonome, que le juge peut prononcer, le cas échéant, en complément d’une peine d’emprisonnement.

Je me félicite enfin que la commission ait supprimé le caractère automatique de la libération sous contrainte aux deux tiers de la peine.

Les débats en séance ont permis de nombreux apports intéressants. Parmi ceux-ci, je tiens à citer la possibilité donnée aux victimes d’agression d’être informées du statut carcéral de leur agresseur et des conditions de sa sortie d’incarcération ; la création d’une peine complémentaire générale d’interdiction du territoire français pour les étrangers coupables de délits et crimes punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement ; la suppression du principe de l’attribution automatique de crédits de réduction de peines aux condamnés détenus ; l’expérimentation d’un vote par correspondance pour les personnes détenues ; l’organisation d’un « isolement électronique » des détenus dans leur cellule ; ou encore la possibilité de procéder en prison, sur les visiteurs, à toute mesure de contrôle jugée nécessaire à la sécurité et au bon ordre de l’établissement.

Madame la ministre, mes chers collègues, l’état dans lequel se trouve la justice de notre pays nécessite des mesures fortes, urgentes et efficaces.

Ces deux textes modifiés par le Sénat apportent de réelles réponses aux difficultés que subissent à la fois les professionnels de la justice et les justiciables. Aussi, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires, dans leur grande majorité, les voteront !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. le président de la commission des lois applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dans le texte de la commission modifié.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, sera ouvert dans quelques instants. Il aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Éric Bocquet, Jacky Deromedi et Daniel Dubois, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et vais suspendre la séance jusqu’à seize heures, heure à laquelle je proclamerai le résultat. Nous procéderons alors, dans l’hémicycle, au scrutin public ordinaire de droit sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 3 :

Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés247Pour l’adoption228Contre 19Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix, dans le texte de la commission modifié, l’ensemble du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 4 :

Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés320Pour l’adoption303Contre 17Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne prononcerai que quelques mots après ce vote pour remercier le Sénat de la qualité des débats qui se sont tenus durant ces deux dernières semaines.

J’adresse ces remerciements tout d’abord au président de la commission des lois, M. Philippe Bas ainsi qu’aux deux corapporteurs, MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne, qui ont accompli un travail important pour lire, comprendre et expliquer ce projet de loi, tout en défendant les options qu’ils avaient choisies.

Je voudrais également remercier les sénatrices et des sénateurs des différents groupes politiques qui se sont exprimés. Leurs interventions ont permis d’enrichir la réflexion que j’ai souhaité mener à l’occasion de ce projet de loi en apportant des éléments très précieux pour le Gouvernement.

Ce projet de loi nous a conduits à constater un certain nombre de points d’accord sur des sujets importants, vous les avez relevés.

Des points de désaccord sont également apparus, j’en prends acte. Certains d’entre eux portent sur des sujets importants, d’autres sur des points plus mineurs. C’est la richesse du débat parlementaire et je suis certaine que nous saurons en tirer les meilleurs enseignements.

Nous partageons une ambition : que la justice de notre pays prenne réellement sa place et qu’elle soit dotée de moyens importants pour fonctionner. Cette ambition nous réunit, c’est là l’essentiel.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour dix minutes.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Républicains, de la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (proposition n° 575 [2017-2018], rapport n° 51, texte de la commission n° 52).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau, auteur de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le secrétaire d’État, je vous félicite de votre récente nomination et vous souhaite la bienvenue au Sénat. Vous avez l’occasion de vous saisir des outils indispensables que cette proposition de loi vise à offrir aux forces de sécurité.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous le savez bien, lors de chaque manifestation, nous assistons désormais à un déferlement de violence de plus en plus préoccupant, de la part de groupes d’individus de plus en plus déterminés et organisés.

Ces groupes font preuve d’une violence aveugle, mais ils ont une cible : nos forces de l’ordre, nos institutions, en somme, la République !

Ces Black Blocs, comme on les appelle, ne s’en prennent pas seulement aux biens, mais d’abord aux personnes dépositaires de l’autorité publique, à coup de fusées, de barres de fer, de battes de base-ball et d’armes en tout genre.

Lorsqu’ils cherchent à blesser, voire pire, nos policiers ou nos gendarmes, c’est notre démocratie qu’ils cherchent à abattre. Ils ne s’en cachent pas ! Je peux d’ailleurs en témoigner : ces groupes sont les mêmes que ceux qui, dans ma région, à Notre-Dame-des-Landes, en scandant le même mot d’ordre : « À mort l’État ! », ont incendié des véhicules de gendarmerie, ont attaqué des brigades de gendarmerie et ont saccagé à plusieurs reprises le centre-ville de Nantes ou de Rennes en terrorisant les riverains.

Bien davantage que de casseurs de vitrines, il s’agit en fait de briseurs de République ! Eh bien, la République doit briser ces groupes, mes chers collègues ; elle doit casser leur logique de haine, en particulier de haine anti-flics, qui est inacceptable et insupportable.

Notre rôle de législateur est d’opposer à cette loi du plus fort la force de la loi.

Or, aujourd’hui, la loi présente trop de faiblesses que ces groupes utilisent très opportunément. J’avancerai un seul exemple : si ces individus dissimulent leurs visages, allant parfois même jusqu’à se changer derrière de grands draps pour ne pas être identifiés, c’est parce qu’ils savent parfaitement que la dissimulation du visage n’est passible que d’une contravention et que le fait d’agresser anonymement puis de se fondre dans la foule leur offre une quasi-impunité.

Sur les 1 200 individus qui ont saccagé Paris le 1er mai de cette année, moins d’une centaine ont été déférés devant la justice et le taux de relaxe a été sans aucune commune mesure avec ce qu’il est d’habitude, faute d’outils juridiques adéquats.

L’objectif de cette proposition de loi est donc de renforcer notre législation afin de l’adapter aux modes d’action de ces groupes.

À cette fin, je vous propose que la loi confère aux responsables de la sécurité publique ainsi qu’aux forces de l’ordre les moyens d’agir en créant de nouveaux dispositifs à la fois préventifs et répressifs.

Concernant le volet préventif, tout d’abord, des fouilles ciblées doivent pouvoir être organisées avant et pendant ces rassemblements et le préfet doit pouvoir interdire à des individus violents de participer à ces manifestations. Ces dispositions existent déjà pour prévenir le hooliganisme. Pourquoi ne pas les étendre à des manifestations dont on sait à l’avance, par les réseaux sociaux, qu’elles risquent de dégénérer ?

S’agissant du volet répressif, je propose de punir sévèrement d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende le fait de dissimuler son visage pendant une manifestation et de cinq ans de prison et de 4 500 euros d’amende le fait de porter une arme lors d’une manifestation sur la voie publique.

Mes chers collègues, à qui fera-t-on croire que cacher son visage dans ces manifestations hyperviolentes n’est qu’une manière de se protéger contre les coups de soleil ?

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Enfin, les dégâts matériels causés par ces individus sont parfois considérables et c’est le contribuable qui paye. Il faut mettre fin à ce régime d’irresponsabilité et permettre enfin à l’État de faire payer à ces délinquants le coût de leurs violences. Le principe doit être simple et efficace : celui qui casse paye.

Mes chers collègues, nous sommes tous attachés au droit de manifester. Il s’agit d’une liberté absolument fondamentale que nous devons renforcer. Charles Péguy écrivait : « L’ordre, et l’ordre seul, fait en définitive la liberté. Le désordre fait la servitude. »

Notre rôle, comme parlementaires, est de protéger cette liberté en mettant fin au désordre créé par ces violences ; notre devoir est de refuser que la République soit asservie par ceux qui se servent des manifestations pour casser, pour agresser, pour créer le chaos dans nos rues.

Nous ne devons pas rester désarmés, mes chers collègues, il faut agir, nous en avons les moyens !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis quelques années, un grand nombre de manifestations sur la voie publique sont émaillées de violences et de dégradations d’une particulière gravité, qui nuisent au libre exercice du droit de manifester.

Ces violences et ces dégradations sont le fait de groupuscules ultra-violents, notamment désignés sous le terme de Black Blocs, qui se créent et disparaissent à l’occasion de chaque manifestation. Ils ont en effet pour unique objectif de se fondre dans les cortèges pacifiques pour commettre des dégradations et des violences.

Ainsi, 1 200 Black Blocs se sont infiltrés dans les cortèges de la manifestation du 1er mai dernier à Paris et ont provoqué, par des actes d’une violence inouïe, des dégâts et dégradations d’une ampleur considérable. Je puis en témoigner, car je me trouvais alors en face de l’hôpital Necker-Enfants malades qui a été vandalisé.

Il serait erroné de dire que nous sommes complètement démunis face à ces phénomènes de violence.

Au cours des vingt dernières années, le législateur a en effet renforcé le cadre juridique du maintien de l’ordre en créant de nouveaux outils destinés à prévenir le plus en amont possible les débordements dans les manifestations publiques.

L’autorité administrative a été ainsi dotée de nouvelles prérogatives, parmi lesquelles la possibilité, lors des manifestations, de recourir à la vidéoprotection ou d’interdire le port et le transport d’objets pouvant constituer une arme ; le législateur a, de plus, renforcé l’arsenal répressif, en créant une série d’incriminations spécifiques destinées à sanctionner les faits troublant ou susceptibles de troubler l’ordre public commis à l’occasion d’une manifestation, notamment le délit de participation à un groupement violent, créé par la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

La systématisation et la radicalisation des violences nous conduisent pourtant aujourd’hui à questionner l’efficacité de cet arsenal juridique.

La judiciarisation du maintien de l’ordre et la sanction des actes délictuels commis à l’occasion des manifestations se heurtent en effet, dans la pratique, à des difficultés opérationnelles majeures. Les contraintes liées au maintien de l’ordre nuisent très souvent à la qualité des procédures diligentées ou à la collecte des preuves qui permettraient d’imputer les infractions constatées aux personnes interpellées.

De plus, la présentation en masse de personnes interpellées aux autorités de police judiciaire n’est généralement pas compatible avec le cadre juridique inhérent au placement en garde à vue. Or, faute d’éléments de preuve ou de procédures solides, les parquets sont trop souvent contraints de prononcer des classements sans suite.

Les difficultés à engager des procédures judiciaires sont exacerbées lorsqu’il s’agit de Black Blocs, car ceux-ci recourent à des modes d’action spécifiques, conçus pour entraver l’intervention des pouvoirs publics.

Il est ainsi particulièrement difficile d’interpeller les Black Blocs au cours d’une manifestation, en raison de leur capacité à se mêler rapidement aux manifestants pacifiques, après avoir abandonné, voire brûlé, leurs équipements. Il n’est pas plus aisé de les identifier a posteriori, au moyendes images de vidéoprotection, car ils agissent masqués et vêtus de noir.

Sans avoir pour ambition de résoudre l’ensemble des difficultés soulevées, qui relèvent pour partie de l’organisationnel, la proposition de loi sur laquelle nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui tend à apporter une première série de réponses.

Elle prévoit des mesures fortes, destinées à faciliter l’action des pouvoirs publics à l’égard de ces groupuscules ultra-violents.

Elle s’inscrit dans un mouvement déjà engagé par le législateur au cours des dernières années, qui privilégie une logique chirurgicale, afin d’écarter de la foule les individus perturbateurs ou les casseurs, tout en permettant aux cortèges pacifiques de continuer à manifester.

Je regrette d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que la commission des lois n’ait pas été en mesure de recevoir l’avis de la préfecture de police de Paris – pourtant essentiel en ce qui concerne le maintien de l’ordre –, car les réponses écrites que nous attendions n’avaient pu être validées au plus haut niveau, faute de ministre !

La proposition de loi comporte trois volets, que la commission des lois a approuvés et sécurisés, afin de prévenir efficacement les atteintes à l’ordre public, dans le respect des droits et des libertés constitutionnellement garantis.

Son premier volet est préventif. Il vise à doter l’autorité administrative de nouveaux instruments destinés à prévenir, le plus en amont possible, l’infiltration des manifestations pacifiques par des individus violents.

En premier lieu, il confère au préfet la possibilité de diligenter, par arrêté, un contrôle des effets personnels des passants dans le périmètre ou aux abords immédiats d’une manifestation, lorsqu’il existe des risques de troubles graves à l’ordre public. Ces contrôles comprendraient des palpations de sécurité et des fouilles de sacs et ne pourraient s’effectuer qu’avec le consentement des personnes contrôlées. Il n’est en revanche pas prévu que des contrôles d’identité et des fouilles de véhicules puissent être réalisés.

Il s’agit, à quelques différences près, d’une extension des périmètres de protection que nous avions créés dans la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

En deuxième lieu, la proposition de loi vise à autoriser les préfets à prononcer, à l’encontre de toute personne susceptible de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, une interdiction de participer à une manifestation, assortie, le cas échéant, d’une obligation de pointage auprès d’un représentant de l’autorité publique.

L’interdiction de manifester n’est pas inconnue dans notre droit, mais elle n’existe, actuellement, qu’à titre de peine complémentaire, pour une durée de trois ans. Il s’agirait, ici, d’en faire une mesure administrative préventive, en limitant sa durée de validité à une seule manifestation. Une proposition similaire avait été faite, en 2015, par notre ancien collègue député Pascal Popelin, dans son rapport rédigé au nom de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale relative au maintien de l’ordre.

Enfin, de manière conséquente, la proposition de loi prévoit la création d’un fichier national recensant l’ensemble des mesures d’interdiction de manifester, qu’elles soient prononcées dans un cadre judiciaire ou dans un cadre administratif, afin d’en faciliter le suivi, notamment à l’occasion des contrôles de police.

Ces mesures confèrent à l’autorité préfectorale de larges prérogatives, mais elles ont le mérite de permettre d’écarter, dès avant la manifestation, les individus animés par la seule volonté de commettre des dégradations. Il ne s’agit en aucun cas de porter atteinte à la liberté de manifester, mais au contraire d’en garantir le libre exercice par les manifestants pacifiques, en évitant qu’ils ne soient pris en otage par une poignée d’individus désireux de se livrer à une action violente.

L’adaptation de ces mesures présenterait également l’avantage de compléter l’arsenal juridique à la disposition de l’autorité préfectorale et, ainsi, de permettre une réponse graduée en cas de menaces à l’ordre public.

Il est préférable, j’en suis convaincue, d’empêcher quelques individus de manifester plutôt que d’interdire la tenue d’une manifestation. Dans cette perspective, la commission a complété et précisé les dispositifs pour garantir qu’aucune atteinte disproportionnée ne soit portée aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Le deuxième volet de la proposition de loi est répressif et vise à sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations. Il comprend plusieurs dispositions pénales, auxquelles la commission des lois a apporté quelques modifications pour en assurer l’intelligibilité et la clarté.

Tout d’abord, il s’agit d’ériger la dissimulation volontaire du visage dans une manifestation, actuellement constitutive d’une contravention de la cinquième classe, en un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Ensuite, la proposition de loi élargit l’infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme, afin de viser le port non seulement d’une arme, mais aussi d’une arme par destination, de fusées et d’artifices.

Enfin, plusieurs dispositions renforcent et élargissent la peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Le troisième volet de la proposition de loi consiste en une réforme, prévue à l’article 7, du régime de la responsabilité civile applicable en cas de dommages causés dans le cadre d’une manifestation. Cet article a été entièrement réécrit par la commission des lois, qui a souhaité répondre à l’objectif visé par les auteurs de la proposition de loi – mieux responsabiliser les auteurs de dégâts –, tout en garantissant un régime juridique viable et applicable sur le plan opérationnel.

Le dispositif initial instaurait une présomption de responsabilité civile collective des personnes condamnées pénalement pour des infractions commises à l’occasion d’une manifestation, y compris pour des dommages sans lien avec la faute commise par chacune de ces personnes.

Cette disposition appelait, tout d’abord, d’importantes réserves constitutionnelles, dans la mesure où elle aurait permis de reconnaître la responsabilité d’un individu pour des dommages qu’il n’a pas causés.

Elle risquait ensuite d’affaiblir la protection des victimes. En effet, le régime actuel de responsabilité sans faute de l’État pour tous les dommages commis lors des manifestations garantit le remboursement des victimes. Créer un régime de responsabilité concurrent, qui plus est à l’encontre de personnes dont il y a tout lieu de penser qu’elles seraient insolvables, produirait des effets dont nous n’étions pas certains, d’autant que les victimes se portent rarement parties civiles.

La commission des lois s’est attachée à conserver le principe d’une responsabilité sans faute de l’État, tout en prévoyant la possibilité pour celui-ci de se retourner contre les auteurs des dommages. Ainsi, nous serons sûrs que les responsables de ces dommages sur le plan pénal participeront effectivement à l’indemnisation des victimes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame le rapporteur, vous avez dépassé votre temps de parole d’une minute, ce qui est beaucoup…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendlé, rapporteur. En précisant et complétant les dispositions de cette proposition de loi, la commission des lois a abouti, je crois, à un équilibre satisfaisant entre les exigences de sécurité publique et la nécessaire protection des droits et libertés. J’espère que ce texte recueillera l’assentiment de notre assemblée !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec un profond sentiment de responsabilité que je prends la parole pour la première fois devant la représentation nationale, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs. Je remercie M. le sénateur Retailleau de ses félicitations.

Sentiment de responsabilité, dis-je, car le sujet abordé est particulièrement complexe, sensible. Il touche directement à la liberté de manifestation des opinions, fondée par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

Permettez-moi tout d’abord de remercier M. le sénateur Bruno Retailleau de son initiative, ainsi que Mme le rapporteur, Catherine Troendlé. Cette initiative fait suite aux événements du 1er mai dernier, des événements inacceptables, comme ils l’ont l’un et l’autre souligné : quelques centaines de Black Blocs ultraviolents s’étaient donné rendez-vous dans le seul but d’en découdre.

La commission des lois et son président, que je remercie également, ont accru les garanties du texte initial pour minimiser les atteintes aux droits des personnes. Nous examinerons ces points avec attention dans la discussion des articles.

S’agissant du principe même de ce texte, le Gouvernement estime, comme ses auteurs, que, si nous devons protéger la liberté de manifester, rien ne justifie, à l’occasion de manifestations, les violences graves à l’encontre des forces de l’ordre, non plus que la dégradation des symboles de la République, du mobilier urbain ou des magasins ou enseignes qui seraient les symboles d’une société moderne.

Pour les prévenir, pour garantir l’exercice de la liberté de manifester en permettant à chaque citoyen, s’il le souhaite, de se rendre sans crainte sur les lieux d’une manifestation, les préfets font appel aux membres des compagnies républicaines de sécurité et aux militaires de la gendarmerie mobile, ainsi qu’à l’ensemble des effectifs de sécurité publique, de gendarmerie départementale et, pour les nombreuses manifestations qui se déroulent dans la capitale, de la préfecture de police de Paris.

À ceux qui sont engagés dans ces opérations de maintien de l’ordre au service des Français, au service de nos libertés, je souhaite rendre un hommage appuyé : ils sont mobilisés, à toute heure du jour et de la nuit, pour rétablir l’ordre républicain grâce à leur savoir-faire, leur sang-froid et leur professionnalisme.

Rappelez-vous les opérations de maintien de l’ordre menées cette année dans des conditions difficiles, dont certaines ont été mentionnées par M. Retailleau et Mme le rapporteur. Je pense à l’évacuation de la ZAD de Notre-Dames-des-Landes et à celle de la ZAD du bois Lejuc à Bure, qui a mobilisé plus de 500 gendarmes, aux opérations d’évacuation menées au sein de plusieurs facultés à Paris et dans certaines grandes agglomérations, aux nombreuses journées nationales de mobilisation et, bien sûr, aux manifestations du mois de mai évoquées il y a quelques instants et à ces images choquantes de Black Blocs encagoulés en tête de la manifestation.

Toujours en première ligne, particulièrement exposées, nos forces de sécurité risquent leur intégrité physique dans ces opérations compliquées, où certains cherchent constamment à les pousser à la faute, sous le regard permanent des médias et des réseaux sociaux. Comme vous le savez, mon expérience passée m’a conduit à diriger de nombreux services d’ordre public : je suis donc bien placé pour en témoigner. Le ministre de l’intérieur en est également parfaitement conscient.

Au reste, c’est dans ce cadre que, le 8 juin dernier, le ministre de l’intérieur s’était déplacé à Saint-Astier, où est formée notre gendarmerie mobile, pour proposer de revisiter et d’adapter notre doctrine d’emploi en matière de maintien de l’ordre, afin que force reste toujours à la loi. Il avait alors présenté plusieurs axes de travail, que nous sommes en train de décliner sur le terrain de manière opérationnelle, pour mieux prévoir, mieux préparer, mieux anticiper et mieux contrôler ces manœuvres d’ordre public – je parle évidemment de doctrine d’emploi opérationnelle.

Un autre axe de travail rejoint tout à fait la proposition de loi en discussion : renforcer les pouvoirs de l’autorité administrative et mieux articuler l’action de celle-ci avec celle de l’autorité judiciaire, pour parvenir à une réponse pénale de qualité et dissuader les fauteurs de troubles de prendre part à des cortèges pour commettre des violences.

Il est en effet de notre responsabilité de mieux anticiper les trois temps d’une manifestation – l’avant, le pendant et l’après –, pour mettre un terme au sentiment d’impuissance que certains ont pu ressentir lorsque les pouvoirs publics n’ont pas été en mesure de faire cesser les agissements de personnes venues spécialement pour en découdre, commettre des violences et casser.

L’absence de dispositif administratif spécifique d’interdiction individuelle de manifester et l’absence de poursuites pénales ou de condamnation des fauteurs de troubles suscitent légitimement une forme d’incompréhension chez nos concitoyens.

C’est pourquoi un groupe de travail spécifique, composé de juristes et d’opérationnels, a été installé par le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice, pour convenir des moyens les plus simples et les plus efficaces de mieux détecter, interpeller, puis sanctionner les fauteurs de troubles. Ce groupe de travail, qui comprend notamment des responsables des directions générales de la police et de la gendarmerie, rendra ses conclusions le 15 janvier prochain. Ses propositions auront vocation à nourrir la présente proposition de loi lors de son cheminement ultérieur, si elle est adoptée cet après-midi par votre assemblée.

En effet, si certains dispositifs inclus dans la proposition de loi nous paraissent ne pas manquer de pertinence, nous considérons qu’un travail d’examen complémentaire et de réécriture est nécessaire pour qu’ils soient pleinement opérationnels.

Il en est ainsi de la création d’un périmètre de protection permettant le contrôle des personnes pendant les six heures précédant une manifestation, de la possibilité pour l’autorité administrative d’interdire à toute personne susceptible de se livrer à des violences de participer à une manifestation et de la création d’un fichier des interdictions de manifester. Je pense également à la transformation de la contravention de la cinquième classe de dissimulation illicite du visage à l’occasion d’une manifestation en un délit, permettant une signalisation de la personne, un placement en garde à vue et l’engagement d’une procédure rapide, ainsi qu’à l’action récursoire de l’État contre les fauteurs de troubles. Le Gouvernement considère que ces dispositifs doivent encore être affinés et précisés…

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

La discussion des articles, dans quelques instants, nous donnera l’occasion d’en débattre.

D’autres dispositifs, en revanche, n’atteignent pas, à mes yeux, l’objectif assigné à cette proposition de loi. C’est notamment le cas des articles 5 et 6 du texte.

L’article 5 procède à une simple réécriture du délit de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme. Cette modification ne nous semble pas nécessaire, dans la mesure où le port ou l’introduction d’armes par destination lors d’une manifestation peut déjà être réprimé par l’infraction prévue à l’article 431-10 du code pénal, qui sanctionne le fait de participer à une manifestation en étant porteur d’une arme. Pour ces raisons, introduire des exemples d’armes dans la loi n’est pas souhaitable : cela risquerait d’entraîner un affaiblissement du droit et de soulever des difficultés d’interprétation de celui-ci.

De même, l’article 6 ne pourra recueillir l’avis favorable du Gouvernement. Il vise à étendre des peines complémentaires d’interdiction de séjour, la privation des droits civiques, civils et de famille, l’interdiction de détenir une arme pendant cinq ans et la confiscation de l’arme au nouveau délit de dissimulation du visage aux abords d’une manifestation, ainsi qu’au délit d’organisation d’une manifestation sans déclaration préalable. Or la possibilité de prononcer de telles peines pour ces délits faiblement réprimés semble disproportionnée au regard de la peine encourue.

Cette proposition de loi sera donc pour le Gouvernement l’occasion d’avoir avec vous un échange technique sur les propositions que vous avez formulées, des propositions qui, je le crois, pourront être améliorées à la faveur des conclusions du groupe de travail intérieur-justice.

Il ne s’agit pas pour le Gouvernement de rejeter en bloc cette proposition de loi, uniquement parce qu’elle serait défendue par l’opposition, mais d’avoir, pendant ces débats parlementaires, la possibilité d’un premier échange permettant de parvenir, dans quelques mois, à la rédaction d’un texte répondant au mieux aux attentes des praticiens : policiers, gendarmes, agents de police judiciaire et magistrats.

Notre objectif est que, grâce à ce cadre rénové, nos concitoyens puissent exercer la liberté essentielle qu’est le droit de manifester en toute sécurité, en sachant que l’ordre public est préservé et que les forces de sécurité intérieure disposent des outils juridiques nécessaires pour les protéger, se protéger et mettre à la disposition de la justice les fauteurs de troubles !

MM. Thani Mohamed Soilihi et Pierre Louault applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen a pour objectif de prévenir les violences lors des manifestations et de sanctionner leurs auteurs. Elle fait écho à celle de M. Courtial, déposée le 3 mai dernier, qui vise à interdire la dissimulation du visage lors d’une manifestation sur la voie publique.

Nous sommes tous d’accord : les violences qui accompagnent régulièrement les manifestations discréditent le mouvement social et rendent inaudible le message porté par ceux qui y participent. Elles sont à condamner fermement et le professionnalisme dont font preuve les forces de l’ordre en pareil cas doit être salué.

Ces violences intolérables, nous en sommes témoins depuis toujours. Elles se sont produites, évidemment, en Mai 68, mais également en 1986, lors des manifestations contre le projet Devaquet de réforme des universités : un étudiant, Malik Oussekine, avait même trouvé la mort. On pourrait mentionner aussi les violences en marge des mouvements contre le contrat d’insertion professionnelle en 1994, le contrat première embauche en 2006 – à l’époque, 187 personnes avaient été interpellées – et la loi Travail en 2016.

Faire remonter cette violence aux manifestations du mois de mai ou, généreusement, à celles qui ont eu lieu sous le précédent quinquennat – mais personne ne s’aventurerait à faire cette confusion au sein de notre assemblée… – serait donc parfaitement injuste. Parler de défaillance de l’actuel gouvernement le serait tout autant, convenons-en tous.

Il serait donc inutile de chercher à politiser nos débats, d’autant que, fort heureusement, de nombreux rassemblements se déroulent encore dans le calme, comme en témoigne la Marche pour le climat de septembre dernier.

La proposition de loi, dans sa rédaction initiale, présentait des risques importants pour les libertés individuelles. S’il est vrai que la commission des lois a cherché à sécuriser le texte afin de prévenir efficacement les atteintes à l’ordre public dans le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis, il me semble que l’équilibre n’a pas été tout à fait trouvé.

La mesure qui consiste à donner la possibilité aux préfets d’interdire, par arrêté, à toute personne susceptible de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public de participer à une manifestation mérite d’être réétudiée. Au demeurant, comme M. le secrétaire d’État vient de le confirmer, un groupe de travail réunissant les services de la Chancellerie et du ministère de l’intérieur travaille sur ces sujets et rendra ses conclusions très prochainement, en janvier.

En revanche, d’autres dispositifs posent, de notre point de vue, de sérieuses difficultés. Je pense à l’extension, aux abords immédiats d’une manifestation, de l’infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme au fait d’introduire, de détenir ou de faire usage de tout objet susceptible d’en constituer une et, plus encore, à la sanction de la tentative même de ces délits, introduite par la commission des lois. Je pense également à l’extension du champ de la peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Aussi avons-nous déposé des amendements tendant à supprimer les articles 5 et 6 de la proposition de loi, qui nous semblent outrepasser l’objectif visé et porter une atteinte démesurée aux droits et libertés constitutionnels. Nous présenterons également un amendement de repli à l’article 6, qui a reçu un avis favorable de la commission ; mais, vous l’aurez compris, son adoption ne modifierait pas notre vote final.

Enfin, si, dans sa rédaction initiale, la proposition de loi instaurait une présomption de responsabilité civile collective en matière de dommages causés à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique, la commission des lois a fait le choix de maintenir le régime de responsabilité sans faute de l’État, tout en donnant à celui-ci la possibilité d’exercer une action récursoire contre les personnes condamnées pour les violences ou dégradations à l’origine des dommages. La question de l’effectivité de l’exercice de l’action récursoire reste posée, eu égard à l’état de solvabilité des personnes concernées.

Au total, malgré le travail de qualité accompli par Mme la rapporteur, cette proposition de loi présente encore des risques élevés pour les libertés individuelles. C’est pourquoi le groupe La République En Marche s’y opposera.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il faut s’affirmer quand on est parlementaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’arsenal législatif déployé ces dernières années pour lutter contre la violence dans les manifestations est colossal. Mme Troendlé l’a rappelé en présentant son rapport : les prorogations successives de l’état d’urgence entre 2015 et 2017 et les lois antiterroristes qui ont suivi ont largement contribué à alimenter cet arsenal. À tel point qu’Amnesty International a publié, le 31 mai 2017, un rapport intitulé Un droit pas une menace – Restrictions disproportionnées à la liberté de réunion pacifique sous couvert de l ’ état d ’ urgence en France.

Selon les auteurs de cette proposition de loi et notre rapporteur, la force des violences, de plus en plus importante aujourd’hui, notamment avec le phénomène des Black Blocs et leur mode opératoire, met en question l’efficacité de ces mesures, pourtant nombreuses. C’est pourquoi ils proposent de les compléter.

Au préalable, je rappelle, s’il en était besoin, que tous les membres de mon groupe condamnent l’action des Black Blocset de tout groupe troublant les manifestations pacifiques. Nous condamnons toutes les violences et dégradations dans l’espace public !

Ces individus portent atteinte d’abord aux manifestants eux-mêmes – nous savons de quoi nous parlons – et au droit de ceux-ci à manifester.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Leurs agissements nuisent surtout aux messages véhiculés et aux revendications légitimes des manifestants, bien souvent relégués au second plan par les médias, qui se focalisent généralement plus volontiers sur les débordements que sur le fond de la colère des manifestants.

À cet égard, je m’interroge sur le fait qu’aucune des forces organisatrices de manifestations n’ait été auditionnée par Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Peut-être nous en parlerez-vous donc… Il serait en effet intéressant de connaître leur point de vue, à elles qui sont concernées par les dispositifs de sécurité en amont des manifestations, pendant celles-ci, puis en aval et qui subissent également les violences de groupes comme les Black Blocs.

Nous nous interrogeons en outre sur l’unique justification de cette proposition de loi visant clairement à restreindre le droit de manifester : la violence qui s’accroîtrait.

Dans une interview donnée au Figaro à la suite des manifestations contre la loi Travail, Olivier Cahn, chercheur au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, expliquait que le niveau de violence des manifestations en France avait baissé, malgré quelques débordements individuels. « Le niveau de violence a même eu tendance à baisser depuis les années 1970-1980 », constatait-il, en faisant parallèlement observer que, « structurellement, le maintien de l’ordre s’est durci ces dernières années en France, alors qu’à l’étranger la tendance est à la désescalade ».

Et M. Cahn de préciser : « La tradition française, qui était de maintenir à distance les manifestants pour faire le moins de blessés, a évolué. Elle a progressivement laissé la place à une vision plus légaliste où les autorités vont moins rechercher le dialogue avec les syndicats au cours de la manifestation. »

Pour nous, les réponses apportées n’assurent pas l’équilibre fragile entre sécurité publique et libertés publiques. En effet, cette proposition de loi rogne clairement les libertés publiques, quoi qu’en disent ses défenseurs.

M. François Bonhomme s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Elle rogne notamment la liberté de manifester, nous laissant craindre la mise en place progressive des conditions permettant, à terme, de mettre fin à toute manifestation.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme le rapporteur proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme l’a demandé mon collègue Pierre-Yves Collombat en commission, ne peut-on pas neutraliser quelques individus ultraviolents autrement qu’en violentant une fois encore les libertés publiques et en s’en prenant au code pénal ?

Il est très inquiétant de constater que les articles 1er et 2 de la proposition de loi sont directement issus de la législation antiterroriste telle qu’elle a été aggravée l’année dernière, à la suite des nombreux renouvellements de l’état d’urgence et à l’instauration dans notre droit commun d’un certain nombre de dispositifs déployés dans ce cadre précis de menace terroriste. Le droit d’exception continue donc de polluer notre droit commun, au détriment des libertés individuelles et publiques !

Permettez-moi de rappeler que, en droit international, le droit à la liberté de réunion pacifique est inscrit dans les traités relatifs aux droits de l’homme auxquels la France est partie, comme les droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression, auxquels il est étroitement lié.

En ce sens, les propos du Défenseur des droits ne sont guère rassurants, puisqu’il estime, madame la rapporteur, dans la contribution qu’il vous a remise, que, « eu égard à son économie générale, cette proposition de loi apparaît tout à la fois inutile et dangereuse et semble s’affranchir des exigences constitutionnelles et conventionnelles ».

En droit français, l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle, énonce clairement la liberté de manifestation des opinions : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi ». Ce ne sont pas les manifestants eux-mêmes qui troublent l’ordre public.

En matière de sécurité publique, les forces de l’ordre n’ont sûrement pas besoin de ce genre de dispositif. En revanche, la rénovation de leurs moyens matériels et humains est urgente. L’explication de ces violences réside sans doute moins dans leur accroissement ou leur intensité hypothétiques que dans l’incapacité de nos forces de l’ordre à les démanteler et à remonter le fil de ces formations violentes, qui pourtant expriment bien souvent leurs intentions avant de frapper, faute de moyens suffisants.

Mes chers collègues, il est grand temps de changer de paradigme, de cesser de s’inscrire dans le diptyque caricatural : tout-sécuritaire et répression ou tout-libertaire et laxisme !

Enfin, il faudra bien un jour que nous nous intéressions à une question – même si elle n’est pas le sujet de cet après-midi. En février 2017, six experts mandatés par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme ont interpellé le gouvernement français sur « l’usage excessif de la force par la police ».

M. François Grosdidier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les violences policières également portent atteinte au droit de manifester, ainsi qu’aux conditions de travail des policiers eux-mêmes, qui, bien sûr, dans leur grande majorité, exercent leurs missions dans un cadre tout à fait légal et respectable.

Vous l’aurez compris : nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi, à l’instar du Défenseur des droits, qui, dans la note précitée par Mme la rapporteur, l’a jugée « déséquilibrée, attentatoire aux libertés et susceptible d’exposer les forces de l’ordre à davantage de risques et de dégrader leur relation avec la population » !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, Mme le rapporteur ayant dépassé son temps de parole d’une minute, je me suis montré complaisant pendant une minute à l’égard de la dernière oratrice.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je demande maintenant aux orateurs de respecter les règles relatives aux temps de parole.

La parole est à M. Jérôme Durain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi une proposition de loi que j’estime être ni originale ni anodine : elle n’est pas originale, parce qu’elle rappelle des discussions qui ont eu lieu à de multiples reprises dans cet hémicycle ; elle n’est pas non plus anodine, parce qu’elle concerne les libertés fondamentales.

En 1970, dans une société encore marquée par les événements de 1968, le gouvernement avait décidé de mettre à mal la liberté de manifester, au moyen d’une loi anti-casseurs qui provoqua de vifs débats.

Comme la présente proposition de loi rappelle cette loi de 1970 et que M. Retailleau, qui la soutient, est un homme d’histoire, j’espère qu’il me pardonnera de citer nos illustres, ou moins illustres, prédécesseurs.

Ainsi Édouard Le Bellegou, sénateur socialiste, fixait-il le 21 mai 1970, lors de la discussion de la loi de funeste mémoire que je viens d’évoquer, le préalable suivant : « Nous voudrions bien que l’on éloigne de nous cette accusation […], selon laquelle, parce que nous critiquions votre projet de loi, nous étions les complices ou les défenseurs des casseurs. Cet argument est vil, cet argument est faux, cet argument est contraire à la tradition de notre parti et je tiens à vous dire que nous condamnons – je le proclame hautement – tous les actes de violence dirigés contre les libertés publiques, contre la loi républicaine. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

M. Jérôme Durain. De la même manière, le parti socialiste et notre groupe condamnent tout débordement dans les manifestations, qu’elles soient organisées par des syndicats de travailleurs ou par La Manif pour tous.

Mme Françoise Gatel s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Je regrette en effet que l’exposé des motifs de la proposition de loi ne condamne que les manifestations issues des rangs de la gauche, sans critiquer les violences qui ont pu être observées dans les cortèges opposés au mariage pour tous lors du précédent quinquennat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

J’espère que mes collèguesde toutes les travées me rejoindront pour condamner cesdébordements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Ce préalable étant posé, je continuerai mon retour vers le futur en citant un autre illustre sénateur, redevenu ensuite député de la Nièvre. Vous aurez compris que je fais référence au Président de la République le plus populaire de la Ve République, si j’en crois une récente étude d’opinion, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Jacques Chirac ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur Grosdidier, arrêtez de donner de la voix et de crier ! Vos interruptions vous permettent de beaucoup figurer dans les comptes rendus, mais je vous demande de respecter la parole des orateurs lorsqu’ils sont à la tribune !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je vous le demande parce que ces faits sont incessants !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Votre tour viendra, monsieur Grosdidier, soyez patient !

François Mitterrand, disais-je, s’opposa avec force à la loi anti-casseurs de 1970. Il déclara notamment : « En défendant son projet de loi, le gouvernement a voulu dire à l’opinion qu’il entendait frapper les commandos, les bandes organisées, les groupes qui agissent par la violence. S’il s’agissait de cela, on pourrait en discuter. Encore faudrait-il maintenir les garanties du droit ! Mais vous savez, les “formes nouvelles de la délinquance”, il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Et en réalité, nos lois, notre code pénal, permettent de répondre à cette question.

« En vérité, le gouvernement a saisi l’occasion, comme s’il voulait profiter des circonstances, pour élargir incroyablement la délinquance possible. C’est ainsi qu’en fait il interdit désormais le droit de manifester, le droit de se réunir. Et beaucoup de gens, les parents des enfants mineurs, les organisateurs de réunions ayant l’intention d’être pacifiques, les organisateurs, les chefs, responsables, syndicalistes, politiques, les associations professionnelles, toutes tombent sous le coup de la loi.

« Même dans des époques extrêmement rudes, au lendemain de la révolution de 1830, au lendemain des événements de 1934 – les ligues, les ligues factieuses – ou de 1936, au moment où il y avait des conflits dans la rue, on n’est jamais allé si loin. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Je ne veux pas croire, monsieur le président Retailleau, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, que vous souhaitiez vous inscrire dans l’héritage de cette triste loi de 1970.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

D’ailleurs, il me semble que M. Séguin et son groupe du RPR ne se sont pas opposés avec beaucoup de force à son abrogation. La raison en est simple : la loi de 1970 avait fait la preuve de sa dangerosité.

Dans un éditorial du Monde du 26 novembre 1981, Bertrand Le Gendre écrit : « Certes, les casseurs – ou prétendus tels – payèrent leur tribut à la loi nouvelle, mais aussi, très vite, des syndicalistes ouvriers, étudiants et paysans. Des procédures expéditives furent engagées contre les manifestants antinucléaires de Creys-Malville et de Plogoff. On vit même les musiciens anglais d’un groupe punk, les Stranglers, condamnés parce qu’un de leurs concerts avait dégénéré à Nice. Les critiques contre la loi anti-casseurs culminèrent après les incidents du 23 mars 1979 à Paris. Trente-cinq manifestants ou passants furent condamnés à la suite des violences commises place de l’Opéra. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Certes, j’ai bien noté les amendements de Mme la rapporteur visant à rendre ce texte plus acceptable. Encore une fois, nous ne voulons pas donner l’impression d’esquiver le débat sur les dérives qui se produisent dans certaines manifestations. Mais nous craignons que le remède ne s’avère pire que le mal. Comme l’a rappelé Mme Troendlé en commission, « il serait erroné de dire que nous sommes, face à ces phénomènes de violence, complètement démunis ». Mais, à force de vouloir adapter le processus de maintien de l’ordre aux évolutions des casseurs, ne risque-t-on pas de mettre à mal la liberté de manifester ?

Comme l’a rappelé notre collègue Thani Mohamed Soilihi en commission : « Les groupes qui sont visés font preuve d’ingéniosité : aussitôt repérés, ils inventent d’autres modalités d’intervention. Quand cette loi aura été adoptée, ils s’adapteront. Il vaut mieux faire porter l’effort sur le démantèlement de ces groupes. »

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur Grosdidier, je m’adresse plus particulièrement à vous ; je voudrais revenir sur un parallèle que vous avez fait de manière fort opportune avec la lutte contre le hooliganisme. J’aime le sport, comme beaucoup ici ; j’adore le football et j’exècre les hooligans. M. Grosdidier indique que les mesures prises contre les hooligans ont fait leurs preuves. Je ne sais pas si le bilan est aussi tranché qu’il l’indique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Dans une récente tribune au journal Libération, MM. Vikash Dhorasoo, Nicolas Kssis-Martov et Pierre Rondeau…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… s’interrogent le sort fait aujourd’hui aux supporters ultras.

Sont-ils devenus des citoyens de seconde zone ? Tous les supporters ultras ne sont pas des hooligans, comme tous les militants radicaux ne sont pas des casseurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Ce week-end, dans les stades de France, un quart d’heure de silence sans chant d’encouragement a été organisé pour protester contre la répression systématique dont s’estiment victimes les supporters.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Dans la tribune de Libération que je viens d’évoquer, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… les auteurs déclarent : « Pour l’instant, il n’existe aucun dialogue ni aucune concertation, au point de faire des fumigènes un nœud de crispation répressif occultant d’autres problèmes réels dans les tribunes, comme le racisme, l’antisémitisme ou l’homophobie. On accuse et on condamne sans la moindre réflexion. Le recours punitif de plus en plus fréquent jusqu’au huis clos automatique, après des procès réalisés à la va-vite, au sein de commissions de disciplines partiales et sectaires, participe à l’envenimement des choses. » Ce constat m’inquiète. Doit-on manier davantage le bâton que la carotte, alors que l’ambiance des stades en France peut désormais rivaliser avec celles de nos voisins européens ?

Le texte que nous examinons aujourd’hui, M. Grosdidier l’a relevé, s’inscrit dans cette philosophie. Il encourt les mêmes risques : décourager les manifestants comme on décourage les supporters.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

On compte près de treize manifestations par jour à Paris. Comment pourrait-on techniquement émettre des interdictions ponctuelles dans cette ville ?

Il existe, enfin, un autre risque démocratique majeur, celui de cibler certains membres d’organisations politiques et syndicales. Cette proposition de loi est à rebours de l’évolution actuelle.

Sur le long terme, comme cela a déjà été dit, les historiens nous apprennent que les manifestations sont en réalité bien moins violentes que ne l’étaient les manifestations des XIXe et XXe siècles

Rires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Mathilde Larrère et Tangui Perron nous donnaient une piste, dans un texte publié, là encore, dans Libération le 11 octobre dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… pour aborder les manifestations avec un autre regard : « Il faudrait scruter les formes manifestantes, être attentif aux acteurs, aux slogans comme à leurs supports, et inscrire les manifestations dans le temps long de l’histoire sociale. On redécouvrirait alors l’inventivité de collectifs de graphistes producteurs de nouvelles images – gros succès, tout récent, du slogan-autocollant “Rêve-toi et Marx” –, la réapparition – encore timide – des chorales et des orchestres et, surtout, le syncrétisme de certaines luttes. »

C’est un angle différent de celui qui a été retenu par les auteurs de cette proposition de loi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

… lesquels ont préféré se focaliser sur la violence. Il y a de la violence dans les manifestations. Il y en a toujours eu. Il s’agit de la contrôler et de l’éviter. Il ne s’agit pas d’éviter les manifestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Monsieur Retailleau, pour conclure mon propos, je souhaitais vous poser une question sincère : que pensent les organisations syndicales, les partis politiques, les autorités judiciaires, les policiers et les militants associatifs de votre proposition de loi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

(Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) sur la violence dans les manifestations que vous évoquez, je veux le croire, avec sincérité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Vous n’avez sans doute pas réalisé d’étude d’impact, et je le comprends parfaitement. Mais avez-vous consulté dans un esprit de rassemblement ? Je vous pose cette question, non pas pour vous taquiner, mais pour vous aider à mener la réflexion §

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

(Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.) Je le dis parce que ses propos, je le vois bien, font sourire. Interrompre de manière systématique n’est pas à l’honneur du Sénat. Tout le monde a le droit de parler sans être interrompu toutes les dix secondes !

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je demande une nouvelle fois à M. Grosdidier de cesser d’interrompre en criant les orateurs qui s’expriment à la tribune ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

provoqués par des ligues nationalistes en face de la Chambre des députés, s’étaient soldés par 18 morts et plus de 3 000 blessés, dans un contexte économique, politique et organisationnel instable.

Le décret-loi du 23 octobre 1935 portant réglementation des mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre public est venu organiser le régime juridique des manifestations en instaurant un système de déclaration préalable à l’autorité administrative. D’autres mesures préventives telles que le renforcement du pouvoir de dissolution de groupes de combat et de milices privées ont rapidement été prises.

En réponse aux événements de mai 1968, avec des affrontements d’une autre ampleur que ceux que nous connaissons aujourd’hui, la loi du 8 juin 1970 tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance, dite « loi anti-casseurs », a instauré une responsabilité pénale et collective des auteurs de violences. Jugée arbitraire, puisqu’elle permettait de condamner de simples participants à une manifestation qui n’avaient pas pris part aux actions, elle fut abrogée en 1981.

Mes chers collègues, nous partageons la volonté des auteurs de la proposition de loi de lutter contre les violences lors des manifestations et de freiner le phénomène des Blacks Blocs, tant que nos libertés fondamentales demeurent préservées, parmi lesquelles la liberté d’aller et venir et le droit de manifester.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Il est étonnant que la proposition de loi ne vienne pas illustrer par des chiffres la nécessité de légiférer pour renforcer un arsenal répressif en vigueur très complet, comme cela a été décrit par le rapport de la commission des lois. Alors que les formes de délinquance ne sont pas plus nouvelles ni plus violentes que celles que l’on a connues par le passé, il est proposé de restreindre davantage l’exercice de nos libertés individuelles.

Cette proposition de loi, si elle part d’une intention louable, ne pouvait être adoptée en l’état, et je souhaite saluer le travail réalisé en commission par Mme la rapporteur, qui a tenté autant que possible de faire en sorte que ce texte ne sorte pas des bornes de la constitutionnalité.

Je m’interroge sur l’inflation législative que nous connaissons, pour une efficacité contestable : nombreuses sont les mesures intégrées à cette proposition de loi qui sont satisfaites par notre droit en vigueur.

Concernant le volet préventif de la proposition de loi, le contrôle des effets personnels des passants aux abords des manifestations est déjà existant. Une généralisation des contrôles, en élargissant le dispositif des périmètres de protection et de sécurité prévu pour l’état d’urgence, nous semble à la fois risquée sur le plan constitutionnel et impossible à mettre en œuvre dans la pratique, au regard du nombre de personnes qui devraient être soumises à un contrôle.

En ce qui concerne la possibilité pour le préfet de prononcer des interdictions administratives de manifester à l’encontre des individus susceptibles de représenter une menace pour l’ordre public, nous considérons que de telles interdictions doivent continuer d’intervenir dans un cadre judiciaire, plus protecteur des droits fondamentaux. En effet, il n’est pas souhaitable d’interdire de manifester des personnes qui n’ont jamais été condamnées pour des violences lors des manifestations, jugées sur leur simple comportement.

À l’instar de l’article 3, qui prévoit la création d’un fichier national des personnes interdites de manifester, nous estimons que ces articles sont difficilement applicables. S’il est aisé de filtrer les entrées dans un lieu clos comme un stade, il s’avère très compliqué de bloquer l’accès à une manifestation en plein air. Il est donc préférable de maintenir le droit en vigueur, qui permet au juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Sur le volet répressif, l’article 4 vient ériger en délit la dissimulation volontaire du visage. Autant dire que cette disposition me paraît disproportionnée et d’une utilité limitée. Comme cela est clairement indiqué dans le rapport, la dissimulation du visage, actuellement sanctionnée par le code pénal, ne fait l’objet que d’un faible nombre de contraventions en temps normal. Lors d’une manifestation, les forces de l’ordre ont effectivement d’autres préoccupations. Encore une fois, le droit en vigueur reste plus judicieux en retenant la dissimulation du visage comme une circonstance aggravante.

Enfin, le dispositif de responsabilité civile collective prévu initialement nous paraissait dangereux, parce qu’il laissait planer le risque qu’un individu puisse être accusé arbitrairement de dommages qu’il n’a pas causés. Cette mesure était disproportionnée et allait plus loin que la loi anti-casseurs – c’est dire ! –, puisque le juge avait la possibilité de limiter la réparation à une partie des dommages et fixer la part imputable à chaque condamné en le dispensant de la solidarité.

Plus qu’un nouveau texte, il nous faut amplifier les moyens, d’une part, de la direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, pour lutter de manière plus concrète contre les Black Blocks et démanteler ces derniers et, d’autre part, de nos forces de l’ordre pour que celles-ci puissent, sur le terrain, exercer pleinement et efficacement leur mission de maintien de l’ordre public.

Sur ces sujets, prenons le temps de la réflexion ! Le renforcement de l’arsenal juridique au cours de ces vingt dernières années n’a pas, pour le moment, fait ses preuves. Intégrons les conclusions de la commission d’enquête pour encadrer la présence d’intervenants extérieurs au sein des manifestations, ainsi que la réflexion conjointe menée par les ministères de la justice et de l’intérieur sur l’amélioration du traitement des infractions commises lors des manifestations.

L’ensemble de ces éléments pourrait, je le pense, nous permettre d’avoir une vision plus complète du sujet afin, le cas échéant, de légiférer.

Pour conclure, je pense qu’en matière de manifestations la liberté doit rester la règle et la restriction l’exception. Vous l’aurez donc compris, la majorité des membres du groupe du RDSE ne pourra pas apporter son soutien à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, les frasques de M. Benalla ne doivent pas nous faire oublier que les manifestations autorisées et pourtant officiellement encadrées, tant par les organisateurs que par les services de police, sont devenues, depuis quelques années, l’occasion, pour essentiellement deux catégories d’individus, de se livrer à la plus extrême des violences : destruction de biens privés comme d’équipements publics allant même jusqu’à s’attaquer à un hôpital pour enfants ; agressions ultraviolentes envers les forces de l’ordre jusqu’à attenter à la vie de policiers en incendiant le véhicule dans lequel ils se trouvent !

Le poète a beau chanter que le rouge et le noir peuvent s’épouser, dans la rue, ils ne le font jamais pour le meilleur, mais ils le font uniquement pour commettre le pire ! Car les auteurs de ces actes insupportables, que professionnels, policiers, ou simples badauds subissent depuis des années sont principalement le fait des mouvances d’extrême gauche et d’anarchistes.

Camouflées dans le treillis de l’antifascisme, qui, on le sait, permet au premier casseur ou clandestin venu d’extérioriser sa haine de tout ce qui peut représenter l’État, de tout ce qui peut représenter la France, ces milices utilisent les manifestations de masse pour les transformer en vastes opérations de casse. Ces derniers mois, ces groupes se sont servis de la loi Travail et des revendications légitimes des travailleurs pour tout détruire. Les uns sont issus du « ghetto » d’Auteuil-Neuilly-Passy, ces révolutionnaires de foire passant du cocktail au champagne au cocktail Molotov ; les autres, qui prétendent renverser la société, passent l’essentiel de leur temps à vivre à ses crochets. Les deux n’ont pas la notion du coût de ce qu’ils détruisent et ont en commun la haine de ceux qui nous protègent.

Il y a quelques jours, ces fanatiques de la destruction, y compris de la démocratie, ont cassé une librairie en plein cœur de Paris, à quelques mètres du Sénat, sans que personne s’en soit indigné !

Le 28 avril, ce sont 24 policiers et gendarmes qui ont été blessés, dont 3 très grièvement à Paris. Le 14 juin, 29 policiers blessés. Le 15 septembre : 15 policiers blessés… Comment ont-ils pu répéter leurs actes sans qu’aucune mesure ne soit prise ? Pourquoi a-t-on tant de complaisance pour cette racaille ? Pourquoi ne pointe-t-on pas leurs accointances avec les syndicats et les partis de gauche et d’extrême gauche ?

Doit-on rappeler les débordements sans précédent, le 1er mai, de la part de plusieurs centaines de Black Blocks en plein cœur de la capitale ? Le prétendu antifascisme doit, lui aussi, avoir ses limites.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Les violences homophobes de petites frappes, on en parle aussi ou pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le climat d’impunité et l’absence totale d’État ne sont pas près d’être remis en cause par la nomination de Christophe Castaner au ministère de l’intérieur. En décembre 2015, celui qui battait encore pavillon socialiste en appelait à demi-mot à l’insurrection des quartiers en cas de victoire du Front national à l’occasion des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur !

Deux mesures suffiraient, si on les appliquait, à éradiquer cette violence. La première : dissoudre les milices d’extrême gauche et anarchistes ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. … la seconde : rétablir et réactualiser, en y incluant l’expulsion du territoire national des casseurs étrangers, la loi dite « anti-casseurs » de 1970. Tout le reste ne serait que littérature et autant d’encouragements lancés aux casseurs pour perpétuer leur entreprise de saccage et d’agression de nos forces de l’ordre.

Mme Claudine Kauffmann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, les violences dans les manifestations deviennent récurrentes : CRS pris au milieu des flammes ; policiers blessés ou brûlés ; dégradations de bâtiments institutionnels, de mobilier urbain, de bâtiments commerciaux ; destructions d’équipements publicitaires ; voitures incendiées ; jets de projectiles contre les forces de l’ordre… Ces faits font malheureusement trop souvent la « une » de l’actualité à l’occasion des manifestations.

Les pouvoirs publics sont ainsi confrontés à l’émergence d’un phénomène nouveau, désigné par l’expression Black Blocs, qui fait obstacle à l’exercice de la liberté de manifester et remet en question la conception traditionnelle de l’ordre public.

Ces individus veulent, par leur action violente, faire passer des messages politiques et exprimer leur haine de l’État et de toute forme d’autorité, ainsi que leur rejet de la mondialisation, du capitalisme et de la société de consommation.

La radicalisation de l’action de ces groupes et mouvances contestataires lors des manifestations conduit à s’interroger aujourd’hui sur l’efficacité de l’arsenal juridique de maintien de l’ordre dont s’est doté notre pays au cours des dernières années.

Le droit de manifester paisiblement, garanti par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, semble aujourd’hui menacé en raison de ces actes violents de grande ampleur.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit notamment de rendre possible le contrôle des effets personnels des passants – contrôle visuel, ouverture des sacs et palpations de sécurité – lors des manifestations, lorsqu’il existe un risque de troubles à l’ordre public.

Elle permet également de constituer, dans le respect des libertés publiques, un fichier de personnes interdites de manifestations et de créer un nouveau délit consistant à dissimuler son visage lors d’une manifestation sur la voie publique, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Elle prévoit aussi de considérer comme un délit, puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, lorsqu’il est commis lors d’une manifestation, le fait de détenir ou de faire usage, sans motif légitime, de fusées d’artifice ou de détenir toute arme par destination.

Enfin, la proposition de loi rend l’ensemble des peines complémentaires prévues pour le délit de port d’arme lors d’une manifestation applicable à l’ensemble des infractions existantes ou nouvelles, en lien avec le fait de participer ou d’organiser une manifestation et ajoute pour ces infractions la peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Le double volet, préventif et répressif, de cette proposition de loi a été approuvé et sécurisé par la commission des lois, grâce à l’adoption de dix amendements de son rapporteur, notre collègue Catherine Troendlé, afin de prévenir efficacement les atteintes à l’ordre public, dans le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis.

Dans le cadre du volet préventif, les préfets pourraient faire contrôler les effets personnels des passants dans le périmètre et aux abords immédiats d’une manifestation. Ils pourraient aussi prononcer, à l’encontre des individus susceptibles de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, des interdictions personnelles de manifester, assorties le cas échéant d’une obligation de pointage dans un commissariat ou une gendarmerie. La création d’un fichier national des personnes interdites de prendre part à des manifestations serait également prévue.

Dans le cadre du volet répressif, l’infraction de dissimulation volontaire du visage dans une manifestation, dans des circonstances faisant craindre des troubles à l’ordre public, actuellement punie d’une contravention de la cinquième classe, serait transformée en un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

L’infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme serait étendue afin de viser aussi les abords immédiats de la manifestation et de sanctionner la tentative de ces délits. Le champ de la peine complémentaire d’interdiction de manifester serait par ailleurs élargi.

Par ailleurs, la proposition de loi, dans sa rédaction initiale, prévoyait d’instaurer une présomption de responsabilité civile collective en matière de dommages causés à l’occasion d’une manifestation sur la voie publique.

La commission des lois a préféré maintenir le régime de responsabilité sans faute de l’État, tout en offrant à celui-ci la possibilité d’exercer une action récursoire contre les personnes condamnées pour les violences ou dégradations à l’origine de ces dommages.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants votera ce texte ainsi modifié et enrichi par notre commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi, à mon tour, de vous souhaiter la bienvenue, pour cette première séance publique.

Monsieur le président, madame la rapporteur, mes chers collègues, il y a quelques mois, des violences d’une gravité inadmissible ont eu lieu en plein Paris. Des commerces ont été détruits. Des personnes auraient pu mourir, si elles n’étaient pas parties à temps.

La préfecture de police était confrontée non pas à des manifestants qui exercent leur droit de manifester, mais bien à des casseurs, à des gens sans foi ni loi, qui veulent détruire et même tuer. Ils n’ont que de la haine pour les forces de l’ordre et de la haine pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Ces casseurs profitent des faiblesses de notre législation. Leur envie est d’autant plus aiguisée qu’ils savent qu’ils ne risquent rien. Ils testent notre réactivité en jouant sur nos propres limites. Cette situation est anormale. Il est choquant que des individus profitent des faiblesses de l’État de droit pour commettre leurs délits. C’est à cette lacune que cette proposition de loi, due à l’initiative de Bruno Retailleau, entend remédier.

Il n’y a pas de violation des libertés publiques quand on cherche à sévir contre ceux qui veulent casser, tuer ou mettre en danger la vie d’autrui. Ceux qui détruisent les commerces de cette France qui travaille, de cette France qui se lève tôt ne méritent pas la protection de la Nation. Ils doivent être mis hors d’état de nuire. Ils doivent être pris pour ce qu’ils sont : des délinquants, voire des criminels.

Manifester est un droit, c’est le droit d’exprimer une opinion ; il est parfaitement légitime. La République ne prétend pas régir les consciences. Chaque citoyen a droit au désaccord et au dissentiment. Il a le droit de le faire savoir. C’est la règle du jeu dans tout État démocratique. Mais dans tout État de droit, il y a une contrepartie, une responsabilité à respecter.

Ainsi, la République se doit d’exiger que l’on manifeste à visage découvert. Je comprends mal cette envie d’anonymat de la part de ceux qui se masquent intégralement… ou plutôt je comprends trop bien qu’il s’agit là d’une lâcheté qui s’ajoute à leur violence.

Après tout, une manifestation est un acte public, où l’on assume son opinion ouvertement et sans détour. Il est incompréhensible que certains profitent de cette occasion pour dissimuler leurs sombres desseins.

Pour cette raison, je soutiens fortement la création d’un nouveau délit visant à punir la dissimulation du visage lors de manifestations et de rassemblements. Cette non-dissimulation est une exigence de bon sens. Il ne s’agit plus de porter atteinte à la vie privée, puisqu’une manifestation est un acte qui se déroule dans l’espace public.

Rappelons que, en 2010, la majorité d’alors avait interdit le port du voile intégral, comme je l’ai rappelé il y a deux semaines à Mme Belloubet, à l’occasion de la séance consacrée aux questions d’actualité au Gouvernement. Le Conseil constitutionnel n’avait alors relevé aucune atteinte à la Constitution. Depuis lors, personne ne songe à y revenir.

Oui, la République ne se vit pas cachée. Évidemment, le dispositif envisagé dans cette proposition de loi n’est « pas applicable aux manifestations conformes aux usages locaux ». C’est en effet ce que prévoit le projet d’article du code pénal. Nous voulons sévir contre les Black Blocs, pas contre Belphégor !

Rires sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

À l’occasion de sa prochaine évasion, Rédoine Faïd n’aura plus besoin d’une burqa, mais il se mêlera aux Black Blocs pour se dissimuler à nouveau… N’attendons donc pas !

De même, il faut améliorer nos dispositifs concernant la responsabilité des dégradations commises collectivement. Entendons-nous bien : il s’agit non pas de sanctionner des personnes qui n’ont rien fait, mais de sévir contre celles qui sont responsables d’actes violents et qui ont été condamnées en conséquence. Il s’agit de permettre à l’État de se retourner, par une action récursoire, contre ceux qui ont été condamnés pénalement pour violence contre les personnes ou atteintes aux biens. Il est normal que ces personnes aient à répondre des dommages résultant de la manifestation : elles ont profité de cette manifestation pour casser et mettre en danger la vie d’autrui ; elles doivent donc en assumer les conséquences et réparer les dommages commis.

Mes chers collègues, il y a urgence en la matière, notamment à Paris, mais aussi en province. Je pense en particulier aux événements qui se sont déroulés à Nantes dont a parlé Bruno Retailleau.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Et je salue tous mes collègues élus de grandes villes qui subissent ces violences inadmissibles.

Nous n’en pouvons plus de ces rassemblements qui dégénèrent. N’attendons pas le pire ! Les violences urbaines sont inexcusables.

Pour toutes ces raisons, en accord avec mes collègues du groupe Les Républicains, qui ont porté ce texte, je voterai cette proposition de loi, et j’invite tous les sénateurs à voter ce texte qui doit emporter l’adhésion la plus large.

Je demande au Gouvernement et au professionnel que vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, d’entendre la voix de ceux qui n’en peuvent plus de cette impunité récurrente des casseurs.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, se réunir, manifester et s’exprimer sont des libertés fondamentales en France.

En effet, le code pénal reconnaît et protège ces libertés. Il punit de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de coups, violences, voies de fait, destructions ou dégradations l’exercice de la liberté d’expression, du travail, d’association, de réunion ou de manifestation.

Si nous comprenons parfaitement que les participants à une manifestation puissent afficher une certaine forme de véhémence – véhémence des propos tenus par les leaders syndicaux, véhémence dans les mots d’ordre de la manifestation –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On a le droit de dire ce que l’on veut pendant les manifestations !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

… aucune violence ni aucune atteinte aux personnes et aux biens ne peuvent être tolérées.

Au-delà de prévenir et de sanctionner les violences, l’enjeu de cette proposition de loi, mes chers collègues, est donc bien de protéger la liberté d’expression.

Certains de nos concitoyens ne vont plus manifester, car ils ont peur. Ils se sentent de plus en plus souvent en insécurité dans l’espace public lors des manifestations.

Le droit de manifester, corollaire de la liberté d’expression, est en train de s’user en raison de ces violences aujourd’hui récurrentes de groupes organisés. Nous ne pouvons l’accepter !

Ces groupes organisés, dénommés Black Blocs, se joignent aux manifestants, non pas pour revendiquer des droits ou défendre leur profession, mais exclusivement pour casser : casser du mobilier public, casser des biens privés, tels que des vitrines, mais aussi « casser du flic » et piller les magasins, ce qui donne lieu à de véritables scènes d’émeutes urbaines.

En dissimulant leurs visages avec des foulards, des cagoules ou des casques, les membres de ces groupes contreviennent à la législation en vigueur, qui interdit la dissimulation du visage dans l’espace public. Ils démontrent surtout leurs intentions belliqueuses. Ces comportements violents font reculer la liberté d’expression.

La proposition de loi sur laquelle nous allons débattre permettra non seulement de prévenir les possibles débordements en amont des manifestations, mais aussi de donner les moyens légaux à la police d’appréhender les causeurs de trouble, et à la justice de les condamner puis de les tenir à l’écart des futurs rassemblements.

Ainsi, la création d’un fichier de personnes condamnées à la peine d’interdiction de participer à des manifestations, dans le respect des libertés publiques, est un outil indispensable pour éviter que les violences ne se reproduisent.

De même, l’interdiction préalable de prendre part à une manifestation ou la convocation au commissariat de police au moment de la manifestation, en cas de risque d’une particulière gravité pour l’ordre public, sont des mesures qui ont déjà fait leurs preuves – je suis d’accord à ce sujet avec mon collègue François Grosdidier –, notamment dans les stades de football.

Nul doute que ces dispositions permettront aussi de pacifier les manifestations sur la voie publique et qu’elles garantiront ainsi à nos concitoyens un usage serein de leur droit de manifester.

En tant que législateurs, mes chers collègues, il est de notre devoir de garantir à chacun de nos concitoyens le droit de manifester paisiblement et en sécurité dans l’espace public. Ce droit, cette liberté de se réunir et de manifester sur la voie publique accordée à chaque Français, est remise en cause par la violence de ces groupes organisés, prêts à en découdre avec l’ordre public républicain.

Dans le respect des libertés publiques, il nous appartient de protéger un des droits fondamentaux garantis par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, celui de pouvoir s’assembler paisiblement.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Lherbier

Mme Brigitte Lherbier. C’est tout le sens du débat qui s’instaure autour de cette proposition de loi. Personnellement, je suis totalement favorable à ce texte !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

M. Christophe Priou. Monsieur le secrétaire d’État, je veux saluer votre première intervention, ainsi que votre esprit d’ouverture. On espère ici que vous l’insufflerez à votre ministre de tutelle qui, la semaine dernière, a été particulièrement désagréable à l’encontre de notre collègue Philippe Dallier lors des questions d’actualité au Gouvernement !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

Nous aurions pu penser qu’avec un arsenal juridique étendu, complet, voire complexe, et même renforcé ces dernières années, la France était en mesure de répondre à toutes les situations impliquant des opérations de maintien de l’ordre.

Force est de constater que de nouveaux phénomènes violents et de nouvelles menaces à l’ordre public nous obligent aujourd’hui à légiférer et à compléter nos moyens d’action, tout en garantissant les libertés fondamentales, comme le droit de manifester.

Manifester, c’est protester ; ce n’est pas casser, ni blesser, ou intimider. Toutes celles et ceux qui pensent que la violence peut se légitimer par des motifs politiques sauront que l’État de droit doit être respecté en tout temps et en tout lieu.

Ces dernières années, l’ouest de la France a été le théâtre de nombreuses exactions et d’actes de vandalisme autour de l’emblématique dossier de Notre-Dame-des-Landes, qui est aussi un emblématique fiasco du gouvernement actuel, et un renoncement du Président de la République à sa promesse de campagne.

On a parlé d’histoire tout à l’heure. Nous venons de fêter les soixante ans de la Ve République. Or l’ouest de notre pays a connu en 2018, à Rennes comme à Nantes, la « chienlit », pour reprendre un mot célèbre de son fondateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

M. Christophe Priou. Puisque l’on fait référence au Président de la République, je voulais simplement dire que, si l’auteur du Coup d ’ État permanent, François Mitterrand, est considéré comme le Président de la République le plus populaire de la Ve République, c’est uniquement parce que l’on n’a pas jaugé l’action du général de Gaulle, qui a été jugé hors concours !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

Les centres-villes de Nantes et de Rennes ont souvent été vandalisés ces dernières années, les équipements publics détruits, les vitrines brisées par des groupuscules ultraviolents.

L’année 2014 a été localement marquée par la grande manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, une des manifestations les plus violentes dans l’histoire de Nantes, même s’il n’y eut heureusement aucune victime.

Toujours à Nantes, en 2016, plus d’une centaine de policiers ont été blessés lors des manifestations contre la loi Travail. À Rennes, à la fin du mois d’avril 2016, il est fait mention d’un groupe de 600 casseurs au profil particulièrement hostile. Encore à Nantes, le 22 mars 2018, des heurts violents ont éclaté entre un groupe de manifestants anticapitalistes, visage dissimulé, et la police. À Rennes, enfin, le 19 avril dernier, une centaine d’individus cagoulés ont harcelé les forces de l’ordre. On a recensé à cette occasion de multiples dégradations.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle reflète la répétition des actes violents. Ces épisodes sont inadmissibles dans un État de droit. Le taux des individus interpellés qui ont été déférés à la justice est faible. Je tiens à saluer le travail exceptionnel et le calme des forces de l’ordre, dont la tâche n’est pas des plus simples dans un contexte de plus en plus dégradé.

Ce texte a le mérite de compléter notre arsenal juridique de façon concrète, parce qu’il est souvent difficile de déterminer les responsabilités et de rassembler les preuves dans le désordre des mouvements de masse. Les dispositions proposées aujourd’hui seront également utiles aux préfets, dont la connaissance du terrain permet d’adapter les dispositifs et de graduer la réponse selon les circonstances propres à chaque manifestation.

Enfin, il serait utile pour l’État de pouvoir se retourner contre les casseurs pour s’assurer qu’ils participent à l’indemnisation des victimes. Quand on observe l’ampleur des dégâts à Nantes et à Rennes après ces manifestations, il faut bien reconnaître que le principe « casseur-payeur » mériterait d’être précisé.

La résilience d’une nation se mesure aussi à sa capacité d’absorber de tels soubresauts avant que leur multiplication ne devienne incontrôlable. Je vous invite à y réfléchir durant le débat et, pour ma part, je soutiendrai cette proposition de loi de bon sens et, surtout, de responsabilité !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun d’entre nous garde en mémoire les violences et les dégradations qui ont émaillé toutes les grandes manifestations récentes, notamment celle du 1er mai à Paris.

Les atteintes aux biens sont naturellement inacceptables, mais les atteintes aux personnes le sont encore plus, a fortiori lorsqu’il s’agit de policiers ou de gendarmes.

De tels saccages et agressions ne sont pas nouveaux. Certes, mais comment s’en satisfaire ? Sommes-nous condamnés au fil des ans à être les spectateurs de ces scènes de guérilla, de ces commerces incendiés, de ces CRS blessés ? Certainement pas !

Il faut utiliser tous les moyens pour que chacun puisse continuer à exercer son droit de manifester dans notre pays. Une manifestation ne saurait créer une zone de non-droit dans laquelle on peut se livrer à toutes les exactions, à toutes les violences, en se sentant protégé par une foule anonyme.

Pour mettre un terme à ces dérives, les moyens que l’on peut utiliser sont d’abord matériels : s’assurer que nos forces de sécurité soient parfaitement équipées, aussi bien pour se protéger que pour détecter et faire cesser efficacement un rassemblement qui bascule dans la violence.

Ensuite, il faut des moyens juridiques pour poursuivre efficacement les individus violents qui se croient intouchables, parce que masqués et noyés dans la foule.

Les auteurs de la présente proposition de loi visent ici un objectif bien précis, qui appelle une évolution de notre droit. Le phénomène dit des Black Blocs s’est développé récemment. Le 1er mai dernier, à Paris, ils étaient près de 1 200. À titre de comparaison, en 2016, ils étaient 200 ; en 2017, environ 800. La tendance est donc assez nette.

Policiers et magistrats se trouvent démunis pour poursuivre ces délinquants utilisant des techniques de dissimulation élaborées et concertées.

Dans les manifestations, les Black Blocs forment des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable. Ces individus portent des vêtements noirs ou très sombres, et dissimulent leur visage, ce qui rend difficile le travail d’identification et d’interpellation. Ils s’habillent ainsi au dernier moment et changent immédiatement de tenue une fois les exactions terminées. Voilà pour le constat.

Comme l’a rappelé notre rapporteur, le dispositif figurant dans la proposition de loi a deux volets : l’un préventif, l’autre répressif.

Nous partageons cette démarche globale consistant à donner de nouveaux instruments à l’autorité administrative avec, par exemple, les fouilles préventives, et à créer des dispositions pénales qui tendent à sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations.

L’un des outils retenus dans le texte existait déjà dans notre droit : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne crée pas un délit consistant dans le fait, pour une personne, de dissimuler volontairement son visage au sein d’une manifestation, afin de ne pas être identifiée. Cette infraction existe depuis 2009, mais il s’agit de lui donner une tout autre portée, puisque le texte fait de cette simple contravention un délit passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

D’un point de vue opérationnel, quelle différence concrète cela fait-il de passer de la contravention au délit ? La modification a une conséquence immédiate, puisqu’elle rend possibles l’interpellation et le placement en garde à vue des auteurs de l’infraction, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. L’intérêt est donc évident.

Particulièrement attentif à toutes les modifications législatives relatives aux fichiers – je siège à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL –, j’ai analysé avec attention les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, qui a pour objet d’autoriser la création d’un traitement de données à caractère personnel destiné à répertorier les mesures d’interdiction individuelle de manifester. Il s’agit, autrement dit, d’un nouveau fichier de police.

Dans sa version initiale, cette disposition pouvait susciter quelques craintes, car elle retenait une définition très large, voire trop large, des finalités de ce fichier, et semblait disproportionnée au regard de l’objectif à atteindre.

Grâce au travail de notre rapporteur, dont je veux ici saluer la qualité, le texte issu des travaux de la commission des lois corrige ce défaut en limitant les finalités du fichier et en prévoyant que le décret en Conseil d’État, prévu en l’application de l’article, sera pris après publication d’un avis motivé de la CNIL. Je vous remercie, madame le rapporteur, pour cette évolution du texte de notre collègue Bruno Retailleau.

Le groupe Union centriste partage d’ailleurs la volonté exprimée par le rapporteur d’assurer, pour l’ensemble du texte, une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. Nous saluons ainsi les modifications introduites en commission, qui apportent un certain nombre de garanties supplémentaires.

Ne soyons pas naïfs, cette proposition de loi ne permettra pas d’éradiquer toutes les formes de violence lors de manifestations. Néanmoins, elle permet de mettre hors d’état de nuire les individus les plus violents et dangereux. Si elle permet de limiter les dégradations ou les agressions dont sont victimes policiers et gendarmes chargés d’assurer le maintien de l’ordre, alors, oui, elle est utile !

Convaincus que cette proposition de loi n’est ni une atteinte insupportable à la liberté de manifester ni une loi inapplicable, comme certains collègues l’ont affirmé en commission, les membres du groupe Union centriste la voteront !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Je veux simplement faire deux observations à l’issue de cette discussion générale, qui a été très intéressante.

Tout d’abord, pour répondre aux propos qui ont été tenus par Mme Assassi sur les violences policières et l’usage excessif de la force, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je le dis parce que je manifeste très souvent !

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

… je voudrais quand même rappeler pour le bon déroulement de ce débat – même si je suis sûr que chacun en a conscience dans cette assemblée – que les policiers travaillent sous une contrainte qui est extrêmement forte en matière d’ordre public. Comme vous le savez, ils tombent sous le coup de la loi comme tout un chacun et sont soumis à un contrôle très précis de l’Inspection générale de la police nationale, notamment.

Je voudrais également rappeler que la qualification de violence policière ou d’usage excessif de la force me paraît pour le coup un peu disproportionnée, au contraire de ce qu’est l’action des policiers en matière de maintien de l’ordre public, à savoir une action qui est toujours très proportionnée.

Ensuite, je tiens à rassurer M. Priou, que je remercie d’ailleurs pour ses mots de bienvenue, tout comme je remercie M. Charon : l’esprit d’ouverture dont je fais preuve devant vous est évidemment totalement partagé par le ministre de l’intérieur, avec lequel je me suis entretenu au sujet de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Priou

En tout cas, ce n’est pas de cet état d’esprit qu’il a fait preuve la semaine dernière !

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Nous avons parfaitement entendu le message que vous nous envoyez au travers de cette proposition de loi. Simplement, je le répète : nous travaillons à ce sujet dans le cadre d’un groupe de travail et certaines dispositions – j’y reviendrai au cours de la discussion des articles – me semblent perfectibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je voudrais simplement apporter quelques éléments de réponse en faisant deux observations.

La première s’adresse à Mme Assassi, qui m’a posé une question concernant l’audition des représentants syndicaux, question dont nous avons eu l’occasion de discuter toutes les deux.

Je n’ai certes pas auditionné les syndicats préalablement à l’élaboration du texte en commission, mais je l’ai fait lorsque le texte a été consolidé par la commission des lois. Je les ai conviés à un petit-déjeuner de travail pour qu’ils m’expliquent quelles étaient leurs inquiétudes et que je puisse, de mon côté, leur expliquer quelle était la démarche de la commission des lois.

Cet échange a eu lieu ce matin. Malheureusement, sur cinq invitations, je n’ai reçu que deux réponses positives. L’échange a toutefois été très fructueux, parce que nous avons pu égrener l’ensemble des garanties que la commission des lois a insérées dans ce texte, tous les syndicats m’assurant qu’ils travaillaient sur le volet sécuritaire, qu’ils avaient à cœur de développer un maximum de sécurité, tout en déplorant d’être démunis face à ces individus extrêmement violents, les Black Blocsappelons-les ainsi.

Je leur ai aussi dit que je restais à leur disposition s’il existait d’autres moyens d’améliorer la sécurisation des manifestations. Voilà la réponse que je souhaitais vous apporter sur ce point.

Ensuite, madame Assassi, vous avez fait référence à la note du Défenseur des droits, à juste titre sans doute. Simplement, je voudrais vous rappeler, mes chers collègues, que cette note – qui est sévère contre le texte ! – a été élaborée préalablement au travail de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je le rappelle encore une fois : la commission a encadré ce texte de nombreuses garanties. J’ai trouvé qu’il n’était pas vraiment honnête intellectuellement de votre part…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il n’y a que vous qui saviez que la note datait d’avant !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je voulais simplement vous dire que vous étiez membre de la commission des lois…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je veux dire que vous avez été membre de la commission des lois par le passé et que celle-ci a pour habitude, comme les autres commissions permanentes du Sénat, de procéder à un travail de fond. Elle tient tout particulièrement au respect des libertés individuelles et, en l’occurrence, au respect de la liberté de manifester.

Ma seconde observation s’adresse à M. Durain. Vous m’avez rappelé que j’avais pu admettre que nous disposions déjà d’un arsenal juridique. Oui, je l’ai dit, mais, comme l’a rappelé M. Hervé il y a quelques instants, les violences des Black Blocssont en train de monter en puissance. Il y en a de plus en plus : le nombre de ces casseurs est ainsi passé de 200 à 1 200.

Le fait de dire qu’il existe un arsenal juridique est donc juste. Il faut certes l’admettre, mais on se rend compte également que cet arsenal juridique ne répond pas aujourd’hui à toutes les attentes…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’en termine, monsieur le président. C’est vrai que j’abuse un peu de mon temps de parole.

Monsieur Durain, plutôt que de rester dans l’attente et de se dire que l’on a tout ce qu’il faut, alors même que ce n’est pas suffisant, il faut reconnaître que le texte de Bruno Retailleau a une qualité : il montre qu’il faut avoir les pieds sur terre, qu’il faut prendre les choses en main et élaborer des mesures, que la commission a d’ailleurs corrigées.

Ce texte a le mérite d’apporter des solutions nouvelles à une difficulté majeure et grandissante.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il est surtout impraticable, madame la rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, j’interprète tous ces dépassements des temps de parole comme une volonté de votre part de tout dire tout de suite et d’en dire beaucoup moins après.

La discussion générale est close.

Nous passons à l’examen du texte de la commission.

Chapitre Ier

Mesures de police administrative

Après l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 211-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -3 -1. – Si les circonstances font craindre des troubles d’une particulière gravité à l’ordre public et à compter du jour de déclaration d’une manifestation sur la voie publique, ou si la manifestation n’a pas été déclarée, dès qu’il en a connaissance, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut autoriser, par arrêté motivé, pendant les six heures qui précèdent la manifestation et jusqu’à dispersion, à l’entrée et au sein d’un périmètre délimité, les agents mentionnés aux 2° à 4° de l’article 16 du code de procédure pénale et, sous la responsabilité de ces agents, ceux mentionnés à l’article 20 et aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du même code à procéder, avec le consentement des personnes faisant l’objet de ces vérifications, à des palpations de sécurité ainsi qu’à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages. La palpation de sécurité est effectuée par une personne de même sexe que la personne qui en fait l’objet.

« L’arrêté est transmis sans délai au procureur de la République et communiqué au maire de la commune concernée.

« L’arrêté définit le périmètre concerné, qui se limite aux lieux de la manifestation, à leurs abords immédiats et à leurs accès, ainsi que sa durée. L’étendue et la durée du périmètre sont adaptées et proportionnées aux nécessités que font apparaître les circonstances.

« L’arrêté prévoit les règles d’accès et de circulation des personnes dans le périmètre, en les adaptant aux impératifs de leur vie privée, professionnelle et familiale.

« Les personnes qui refusent de se soumettre, pour accéder ou circuler à l’intérieur de ce périmètre, aux palpations de sécurité, à l’inspection visuelle ou à la fouille de leurs bagages, ou qui détiennent, sans motif légitime, des objets pouvant constituer une arme au sens de l’article 132-75 du code pénal, en infraction à un arrêté pris en application de l’article L. 211-3 du présent code, s’en voient interdire l’accès ou sont reconduites d’office à l’extérieur du périmètre par les agents mentionnés au premier alinéa du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à la lecture de cette proposition de loi, je ne peux qu’approuver les mesures visant à empêcher l’irruption d’individus violents dans les manifestations en favorisant leur interpellation et plus encore leur condamnation.

J’approuve particulièrement ce texte dans son volet préventif, qui rend possible le contrôle administratif des effets personnels des passants lors des manifestations, dès lors qu’existe un risque de trouble à l’ordre public.

Je l’approuve également, au vu de ce qui s’est passé ces derniers mois lors de manifestations où des centaines de Black Blocs encagoulés, issus de la mouvance radicale d’extrême gauche, ont fait irruption au cri de « Tout le monde déteste la police » et ont gravement menacé l’ordre public, perturbant au passage le traditionnel défilé organisé dans le cadre de la fête du travail.

On peut toujours s’interroger sur la nature composite de cette nouvelle forme de contestation violente et des références politiques qui s’y attachent : une part d’anarchisme, de marxisme

Mme Esther Benbassa s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Bien que ce phénomène soit parfois difficile à identifier, il n’en demeure pas moins que le législateur ne peut se contenter d’observer, d’analyser ou même de commenter, comme l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui avait annoncé que le dispositif policier allait être renforcé pour éviter tout débordement et qui, après le défilé, avait mis en cause les manifestants lambda, non violents.

Il avait en effet déclaré à cette occasion qu’il fallait « que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent s’opposer aux casseurs » et appelé les manifestants à « ne pas être complices de ce qui se passe par leur passivité ». Il s’agissait là d’une réponse très baroque et même dérisoire face à l’impuissance de l’État, attaqué comme tel, incapable d’interpeller et de faire condamner les auteurs de violences.

J’ajoute qu’une partie de ces groupes s’est retrouvée dans les blocages des universités, voire des lycées, il y a quelques semaines, ou encore lors d’une manifestation autoproclamée « antifasciste » et dite « festive », organisée le 22 septembre dernier dans les rues d’Angers.

En effet, il y a là une forme de nihilisme qui menace l’ordre public et, particulièrement, nos forces de l’ordre, cible revendiquée et particulièrement exposée. L’État doit donc réagir et mobiliser tous les moyens nécessaires pour sanctionner ces apôtres de la violence pour la violence !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je veux dire à M. Bonhomme que ce sont justement des propos comme les siens qui nous poussent à rejeter une telle proposition de loi. Ainsi, il tombe dans la caricature et dans les amalgames douteux entre les manifestants et les groupes violents que nous condamnons. M. Bonhomme devrait donc faire attention aux propos qu’il peut tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Madame la rapporteur, je connais votre sérieux et votre rigueur intellectuelle, tout comme je connais le sérieux et la rigueur intellectuelle de la commission des lois pour y avoir siégé pendant de longues années. Toutefois, je pense qu’il aurait été intéressant pour la bonne tenue de nos travaux de préciser, comme vous venez de le faire, que la note qui a été remise par le Défenseur des droits l’avait été avant que la commission n’apporte des modifications au texte initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ainsi, nous aurions évité cet échange.

L’article 1er confère aux préfets des pouvoirs disproportionnés en matière de sécurité publique. Les mesures ici adaptées au cadre particulier des manifestations risquent en outre d’en favoriser une application discriminatoire, dès lors que les fouilles ne requièrent aucune base objective. Sur quels critères s’opéreront les contrôles visuels et les palpations de sécurité, alors que la problématique bien réelle des contrôles au faciès, par exemple, reste aujourd’hui sans réponse de la part des gouvernants successifs de notre pays ?

Mon intervention vaudra aussi défense de l’amendement de suppression que nous avons déposé. Nous voulions simplement rappeler avec cette parole sur article ce que j’ai dit en substance lors de la discussion générale : nous ne pouvons pas accepter cette proposition de loi et donc son article 1er !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent article vise à instaurer un contrôle des effets personnels des passants lors des manifestations. Il s’agit d’une mesure conditionnée à l’existence de troubles à l’ordre public.

Cet article prévoit également la mobilisation des agents de la police judiciaire chargés de procéder aux contrôles administratifs. Cette mesure coercitive, en plus de conférer un pouvoir arbitraire aux forces de l’ordre, est contraire aux libertés fondamentales.

Ce contrôle est de surcroît impraticable et populiste : impraticable, car l’examen d’un rassemblement de 25 000 personnes, par exemple, durerait des heures ; populiste, car l’État suggère que nous pourrions endiguer les violences avec ce procédé.

Une telle mesure avait déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence Austin contre Royaume-Uni du 15 mars 2012, selon laquelle « compte tenu de l’importance fondamentale de la liberté d’expression et de la liberté de réunion dans toute société démocratique, les autorités nationales doivent se garder d’avoir recours à des mesures de contrôle des foules afin, directement ou indirectement, d’étouffer ou de décourager des mouvements de protestation ».

Mes chers collègues, on se sert de quelques centaines de casseurs pour chercher à dissuader les Français de se mobiliser, alors qu’il suffit d’étudier l’histoire dans la longue durée pour voir que toutes nos libertés sont nées dans la rue.

Le contrôle des foules est un procédé liberticide.

Mme Sophie Primas s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Parce que le droit de manifester est consubstantiel à l’exercice d’une citoyenneté et d’une société démocratique en bonne santé, nous ne saurions tolérer l’autoritarisme et la répression des cortèges !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 9 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Même si nous reconnaissons le travail intéressant de Mme la rapporteur sur cet article, nous avons déposé un amendement de suppression, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, sur le plan opérationnel, la présente mesure est déjà encadrée par le droit et appliquée sur le terrain. Le droit permet d’ores et déjà la mise en place d’un dispositif de filtrage des manifestants. Ce dispositif figure parmi un ensemble de mesures préparatoires, qui ont lieu en amont de la manifestation, et peut être mis en œuvre sur le site et aux abords du site. Il vise à détecter les individus interdits de manifestation et à limiter les risques de détention d’armes.

Ensuite, il nous semble que la judiciarisation du maintien de l’ordre fournit aux forces de l’ordre un cadre juridique sécurisant au niveau procédural. On sait que les réquisitions sont généralement délivrées la veille pour des lieux et des périodes déterminés.

Enfin, le présent article nous paraît présenter un caractère disproportionné, car celui-ci tend à introduire dans le droit commun un recours au dispositif des périmètres de protection et de sécurité de l’état d’urgence, prévu à l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure.

Si le Conseil constitutionnel reconnaît un caractère spécifique lié à la menace terroriste justifiant des atteintes fortes aux droits et libertés individuels, il ne saurait en être de même avec la prévention des actes délictuels commis à l’occasion d’une manifestation.

D’une manière générale, le problème ne réside pas dans les textes, mais dans la doctrine d’emploi des forces de l’ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 9 rectifié a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ces deux amendements identiques visent à supprimer l’article 1er et sont par conséquent contraires à la position de la commission des lois.

Cette dernière considère que la mise en œuvre des périmètres de contrôle aux abords d’une manifestation présente un certain intérêt dans la mesure où elle permettra, grâce au filtrage des passants, de mieux sécuriser les manifestations.

En raison des risques d’inconstitutionnalité que présentait le texte initial, la commission a complété l’article 1er de plusieurs garanties que je vais énumérer.

Il y a d’abord l’encadrement dans le temps et l’espace des périmètres de contrôle, qui ne pourront désormais être instaurés que six heures au lieu de douze heures avant la manifestation. Ensuite, nous avons veillé à adapter les mesures de contrôle pour les personnes résidant ou travaillant dans le périmètre. Enfin, la commission a supprimé – j’y reviendrai plus tard – l’intervention des agents de police municipale et des agents de sécurité privée dans ces périmètres.

Grâce à ces modifications, mes chers collègues, nous avons abouti – j’en suis personnellement convaincue – à un texte équilibré, qui écarte toute atteinte disproportionnée aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Je voulais en outre répondre à Mme Assassi que l’on ne risque pas de basculer vers le délit de faciès, dans la mesure où il s’agira de fouilles systématiques, comme à l’entrée des grands magasins, par exemple.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

S’agissant de ces deux amendements de suppression, je voudrais redire que le périmètre de protection permettant d’écarter de la manifestation des personnes qui refusent de se soumettre à certaines vérifications ou détiennent des objets constituant une arme présente à l’évidence un intérêt. Toutefois, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, une telle mesure porte plusieurs atteintes à la liberté d’aller et venir et au droit constitutionnel de manifester. Il convient donc de l’encadrer très strictement.

Le Gouvernement propose de poursuivre le travail de réflexion engagé sur ce sujet, afin d’atteindre un équilibre satisfaisant entre les objectifs d’ordre public et la garantie des libertés fondamentales. Le groupe de travail mis en place par le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice, visant à mieux détecter, interpeller et sanctionner les fauteurs de trouble lors des manifestations, constitue le cadre idéal pour cette réflexion. Il rendra ses conclusions au mois de janvier de l’année prochaine.

Le Gouvernement est néanmoins défavorable à ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes, tout à la fois, opposé à l’article et aux amendements visant à le supprimer…

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

L’article 1er de la proposition de loi tend à instaurer un dispositif de périmètre de protection, d’où pourraient être écartés certains individus. Nous menons actuellement un travail, au sein du ministère, pour encadrer ce dispositif et apporter les meilleures garanties pour sa mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Nous avions compris, monsieur le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements, visant à supprimer purement et simplement l’article, étant précisé que nous fournirons, en janvier, les résultats d’un travail juridique que nous menons sur des dispositifs identiques à celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Si c’est pareil en janvier, autant le faire tout de suite !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 1, présenté par M. Grand, n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 1er.

L ’ article 1 er est adopté.

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -4 -1. – Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté motivé, interdire de prendre part à une manifestation déclarée ou dont il a connaissance à toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public et qui soit s’est rendue coupable, à l’occasion d’une ou plusieurs manifestations sur la voie publique, des infractions mentionnées à l’article L. 211-13, soit appartient à un groupe ou entre en relation de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission de ces mêmes faits.

« Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut imposer, par le même arrêté, à la personne concernée par cette mesure de répondre, au moment de la manifestation, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu’il désigne. Cette obligation doit être proportionnée au comportement de la personne.

« L’arrêté précise la manifestation concernée ainsi que l’étendue géographique de l’interdiction, qui doit être proportionnée aux circonstances et qui ne peut excéder les lieux de la manifestation et leurs abords immédiats ni inclure le domicile ou le lieu de travail de la personne intéressée. La durée de l’interdiction ne peut excéder celle de la manifestation concernée.

« L’arrêté est notifié à la personne concernée au plus tard quarante-huit heures avant son entrée en vigueur.

« Le fait pour une personne de participer à une manifestation en méconnaissance de l’interdiction prévue au premier alinéa du présent article est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.

« Le fait pour une personne de méconnaître l’obligation mentionnée au deuxième alinéa est puni de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

L’article 2 tend à autoriser les préfets et, à Paris, le préfet de police, à prononcer, à l’encontre de toute personne susceptible de représenter une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public, une interdiction de manifester, assortie, le cas échéant, d’une obligation de « pointage » auprès d’un représentant de l’autorité publique.

Il s’agit là encore, comme pour l’article 1er, d’une retranscription de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Cette dernière prévoyait, en son article 3, des mesures de surveillance « à l’encontre de toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics ». Autrement appelé « interdiction de séjour prononcée en vertu de l’état d’urgence », ce dispositif avait été censuré par le Conseil constitutionnel, puis réécrit pour être réintroduit dans la loi, avec des garanties contre les atteintes à la vie privée et familiale des personnes visées par la mesure.

Il est intéressant de noter que la rapporteur a introduit les mêmes modifications pour contourner le caractère anticonstitutionnel de la mesure initiale. Pourtant, comme Éliane Assassi l’indiquait dans son intervention générale, et bien qu’un des articles les plus problématiques, l’article 7, ait été vidé de sa substance, cette proposition de loi semble s’affranchir, dans son ensemble, des exigences constitutionnelles et conventionnelles.

L’amendement que nous présentons à cet article 2, défendu par cette intervention, vise à s’opposer à la transposition de la législation antiterroriste pour l’encadrement des manifestations. La disproportion des mesures de police administrative choisies ne permet pas d’assurer un équilibre entre maintien de l’ordre public et respect du droit constitutionnel de manifester.

Et pour cause… Vous avez très bien rappelé, madame la rapporteur, les propos sévères du Défenseur des droits : « Cette proposition de loi vise, d’une part, à restreindre la liberté de manifester en créant des contrôles administratifs systématiques à l’abord des manifestations et en favorisant des interdictions de manifester personnelles sans en définir les critères ni prévoir de recours effectifs et, d’autre part, à s’affranchir des exigences légales en matière de preuve. »

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposerons la suppression de cet article 2 et de ses dispositions particulièrement attentatoires au droit fondamental de manifester.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous avons bien compris que l’article 2 de la proposition de loi tend à créer une interdiction administrative individuelle, et non générale, de manifester.

Trois raisons ont motivé le dépôt de cet amendement de suppression.

Premier point, il nous semble que la faculté de prononcer une interdiction de manifester existe déjà dans notre droit. Elle s’applique au moyen du recours à une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge pénal, peine complémentaire prévue par l’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure.

Deuxième point, notre attention a été attirée par l’aspect opérationnel de cette mesure. Dans la pratique, la mise en œuvre d’une telle disposition nous semble très compliquée. Une mesure de cet ordre se traduirait par une charge de travail supplémentaire pour les forces de police, surtout si l’interdiction vise quantité de personnes.

En outre, comment déterminer ab initio que telle ou telle personne pourrait participer à telle ou telle manifestation ? Une pratique facile à mettre en œuvre pour des supporters de football, qui peuvent être individualisés, nous apparaît beaucoup plus complexe dans le cas d’une manifestation sur la voie publique.

Enfin, il nous semble qu’il faut faire confiance aux forces de l’ordre dans l’application de nouvelles techniques de désescalade face aux émeutiers. Là encore, on en revient à la doctrine d’emploi des forces de l’ordre.

Troisième et dernier point, comme pour l’article 1er, la mesure préconisée est disproportionnée. Elle conduit, de fait, à transposer dans le droit commun l’interdiction administrative de séjour de l’état d’urgence, en la concentrant sur les manifestations se déroulant sur la voie publique.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 10 rectifié a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La commission des lois a adopté l’article 2. Elle a considéré que la création d’une interdiction administrative de manifester compléterait utilement le champ des prérogatives aux mains de l’autorité préfectorale pour prévenir les débordements à l’occasion d’une manifestation.

De même que l’interdiction de stade, dont elle s’inspire d’ailleurs, cette mesure permettra d’écarter, avant même le début de la manifestation, les individus animés par la seule volonté de commettre des dégradations. Il s’agit de garantir l’exercice de la liberté de manifester pour les manifestants pacifiques.

Comme pour l’article 1er, la commission a apporté plusieurs modifications à cet article 2, et je souhaite également décliner ces différentes garanties.

Premièrement, elle s’est efforcée de mieux caractériser les cas dans lesquels une personne peut faire l’objet d’une interdiction de manifester.

Deuxièmement, elle a également encadré l’étendue géographique de l’interdiction de manifester.

Troisièmement, elle a introduit une obligation de notification de l’interdiction à l’intéressé, afin de lui permettre de saisir, le cas échéant, le juge des référés. Il s’agit de garantir un droit au recours effectif.

Grâce à ces apports, la commission des lois est parvenue à un texte utile, équilibré et proportionné. C’est la raison pour laquelle elle a réservé un avis défavorable à ces deux amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

La mesure d’interdiction administrative proposée à l’article 2 présente, de toute évidence, un intérêt opérationnel très fort pour les forces de l’ordre. Le texte de la commission des lois a apporté des restrictions importantes à ses modalités de mise en œuvre.

Là encore, il nous semble qu’une réflexion s’impose. Pour vous donner un exemple, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous interrogeons sur la possibilité de renvoyer, pour prendre une mesure de police administrative, à un critère de condamnation pour l’une des infractions mentionnées à l’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure.

Au vu de ce qu’est le travail de préparation des services de renseignement en amont des manifestations, et même si, s’agissant d’une mesure de police, il faut une notification, nous nous demandons également si un délai de notification de 48 heures est pertinent.

Je ne vous cache pas non plus que la possibilité de décider d’une interdiction valable pour une ou plusieurs manifestations est aussi à l’étude au sein des services du ministère de l’intérieur.

Voilà donc quelques exemples très concrets des questions abordées dans le cadre de la réflexion que nous avons engagée.

Au risque de vous paraître à nouveau un peu contradictoire, monsieur le président, je confirme donc que la mesure présentant un intérêt opérationnel, le Gouvernement émet, sur ces deux amendements, un avis défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 21, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

à l’article L. 211-13

par les mots :

aux articles 222-7 à 222-13, 222-14-2, 322-1 à 322-3, 322-6 à 322-10 et 431-9 à 431-10 du code pénal

La parole est à Mme le rapporteur.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 2 est adopté.

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est complétée par un article L. 211-4-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 211 -4 -2. – Le ministre de l’intérieur et le ministre de la justice sont autorisés à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, afin d’assurer le suivi, au niveau national, des personnes faisant l’objet d’une interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique en application de l’article L. 211-4-1 du présent code ou de l’article 131-32-1 du code pénal.

« Sont enregistrées dans le traitement, dans la stricte mesure où elles sont nécessaires à la poursuite de la finalité mentionnée au premier alinéa du présent article, les données concernant les personnes faisant l’objet d’un arrêté d’interdiction de manifester sur la voie publique en application de l’article L. 211-4-1 du présent code ou condamnées à la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique en application de l’article L. 211-13.

« Les modalités d’application du présent article, y compris la nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation ainsi que les autorités et les personnes qui y ont accès, sont déterminées par décret en Conseil d’État pris après avis publié et motivé de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 4 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 11 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 4.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

L’article 3 de la proposition de loi a pour objet d’autoriser la création d’un fichier destiné à répertorier les mesures individuelles d’interdiction de manifester.

On serait tenté de dire : un fichier de plus ! À ce jour, ce sont effectivement 106 fichiers qui sont mis à la disposition des forces de sécurité, et encore, c’est sans compter les fichiers utilisés ou gérés par la préfecture de police de Paris.

L’article 3 est d’autant plus inutile, selon nous, que les personnes condamnées à une peine complémentaire d’interdiction de manifester font déjà l’objet d’une inscription au traitement des antécédents judiciaires et sont également enregistrées au fichier des personnes recherchées, ce qui permet aux forces de sécurité intérieure de les identifier comme telles, par exemple à l’occasion d’un contrôle dans une manifestation.

Les fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, trop nombreux, forment un ensemble complexe, ce qui nuit à leur utilisation optimale. Plutôt que d’adopter cet article, nous vous proposons donc d’engager une réflexion globale en vue d’une rationalisation des fichiers existants, fondés sur des dispositions législatives éparses et fréquemment modifiées, ainsi que sur de multiples dispositions réglementaires.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 11 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 3 de la proposition de loi faisant, aujourd’hui, l’objet de nos débats tend à la création d’un fichier de personnes interdites de manifestation.

Avec cette mesure, deux écueils se présentent à nous.

Tout d’abord, se pose la question du fichage. Au regard de l’histoire de notre Nation, ce procédé ne vous interpelle-t-il pas, mes chers collègues ? Le régime de Vichy

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. Le régime de Vichy n’a-t-il pas été précurseur en matière de création de registres dès 1940, avec, notamment, le fameux « fichier Tulard », constitué par la préfecture de police de Paris ?

Nouvelles exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Pour cela, et à raison, le Conseil constitutionnel a toujours été réticent à la mise en place de tels listings.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En atteste notamment sa décision du 22 mars 2012 contre le fichage de traces biométriques.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Nous ne doutons pas que le Conseil constitutionnel « retoquera » une telle mesure si elle vient à être adoptée par notre assemblée.

Cet article pose ensuite le principe de la restriction du droit à manifester.

Ce droit, en France, n’est certes pas constitutionnel, mais il est protégé par l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, découlant du principe de la libre manifestation des opinions.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

S’il a pu être encadré par le passé, notamment en 1934 à la suite des manifestations de l’Action française, les actuelles protestations de l’opposition de gauche contre la politique antisociale du Gouvernement ne sauraient être assimilées au péril fasciste d’antan. Cela va de soi.

Cet article est non seulement attentatoire au respect de la vie personnelle et des libertés individuelles, mais il pourrait aussi être frappé d’inconstitutionnalité, d’où notre volonté, par cet amendement, d’en demander la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame Benbassa, pendant tous les travaux que j’ai menés sur ce texte, je n’ai jamais perdu de vue la question du droit de manifester ; en aucune autre occasion, elle n’a été plus centrale pour moi ! Le souci de préserver ce droit de manifester et l’ensemble des libertés individuelles a dicté toutes nos démarches, aboutissant aux garanties qui encadrent ce texte aujourd’hui.

Le fichier qu’il est envisagé de créer, monsieur Durain, recensera toutes les mesures d’interdiction de manifester, qu’elles soient prononcées dans le cadre judiciaire ou dans le cadre administratif. Je rappelle, à cet égard, la nouveauté introduite à l’article 2, à savoir la possibilité qu’une interdiction individuelle de manifester soit prononcée par l’autorité préfectorale.

L’outil nous semble précieux pour les forces de l’ordre, qui pourront s’assurer du bon respect des mesures prononcées par les individus concernés.

La commission des lois considère donc que ce fichier sera utile et, en conséquence, émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

La création d’un traitement de données à caractère personnel ne relève pas, en principe, de la loi et, en l’espèce, la création d’un fichier constitué de mesures de police administrative ou de peines complémentaires n’appartient à aucune des matières réservées, par l’article 34 de la Constitution, au domaine de la loi.

Ce n’est en fait qu’à raison de l’enregistrement de condamnations pénales – ici la peine complémentaire d’interdiction de manifester prévue par le code de la sécurité intérieure – et si le fichier est mis en œuvre par un service autre que le ministère de la justice qu’une autorisation par la loi serait nécessaire, en application de l’article 777-3 du code de procédure pénale. La commission des lois ayant ajouté le ministère de la justice en tant que responsable du traitement, en supplément du ministère de l’intérieur, l’intervention d’une disposition législative ne semble plus nécessaire.

Par ailleurs, je précise que les réflexions menées, dans le cadre des travaux gouvernementaux, sur l’intérêt opérationnel et la nécessité d’un fichier spécifique aux interdictions administratives et judiciaires de manifester ne sont pas abouties. Il convient de les prolonger, sachant que l’intérêt opérationnel doit se mesurer au regard d’interdictions qui seraient prononcées pour des manifestations ponctuelles – d’autres fichiers, comme ceux qui concernent les interdictions de stade, portent sur des durées plus longues.

Le Gouvernement va donc poursuivre sa réflexion, notamment sur l’intérêt opérationnel de cette mesure, dans le cadre du groupe de travail. Néanmoins, et pour les mêmes motifs que ceux que j’ai mentionnés aux articles 1er et 2, son avis est défavorable sur ces amendements de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’ai ressenti de la colère en entendant Mme Esther Benbassa…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La colère étant retombée, je vais lui répondre avec autant de courtoisie que possible.

Ma chère collègue, lorsque vous assimilez la proposition de la commission des lois aux fichiers mis en place par le régime de Vichy, nous avons le droit de juger cela insultant. En effet, implicitement, vous nous accusez d’être pétainistes !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je n’ai pas prononcé cette phrase ; c’est vous qui le dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Jérôme Durain a rappelé tout à l’heure qu’il existe déjà 106 fichiers ; nous disposons de la loi Informatique et libertés et de la Commission nationale de l’informatique et des libertés – la CNIL – ; nous travaillons avec des fichiers pour la sécurité sociale, pour les cartes nationales d’identité, pour les passeports… Nous en utilisons aussi pour la sécurité nationale !

Quand une république comme la République française se défend, dans le respect du droit, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, en mettant en œuvre de nouvelles législations destinées à empêcher les casseurs de venir disqualifier un certain nombre de manifestations pacifiques et de porter atteinte aux biens de contribuables français, d’honnêtes citoyens, je dois vous le dire, je ne me sens ni fasciste, ni vichyste, ni nazi…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je ne me sens rien de tel lorsque je soutiens, dans le respect de nos libertés fondamentales, les propositions émises par les auteurs de la proposition de loi et amendées par la commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur et dans le sens d’une meilleure proportionnalité, d’un meilleur équilibre.

Oui, il s’agit bien pour nous de prendre toutes les garanties pour pouvoir, à la fois, atteindre nos objectifs de neutralisation des casseurs – ces essaims de frelons qui viennent dégrader les biens – et respecter nos libertés fondamentales, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Nous verrons ce qu’en pense le Conseil constitutionnel !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … et nous le faisons sans supporter les invectives qui nous mettent en accusation d’une manière, non seulement fausse, non seulement injuste, mais aussi particulièrement violente.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Comme vous le savez, mes chers collègues, nous sommes, sur le fond, complètement opposés aux fichiers et, donc, a fortiori, à la création de nouveaux fichiers. Mais je voudrais mentionner un article paru dans le journal Le Monde du vendredi 19 octobre, qui nous apprend que des collègues députés travaillent actuellement sur le nombre de fichiers mis à la disposition des forces de l’ordre de notre pays. Il est question, dans cet article, du « véritable micmac juridique, technique et éthique » qui entoure la gestion de ces fichiers. Pour le même individu, un officier de police judiciaire doit ouvrir, un à un, les quelque 30 fichiers auxquels il a accès.

Par conséquent, outre le fait que nous sommes opposés à la création de fichiers, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt, par le biais de cette proposition de loi, d’en créer un nouveau qui ne contribuera nullement à rendre plus lisible et efficace l’intervention des forces de police.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 22, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

en application de l’article L. 211-13

par les mots :

dans les conditions prévues à l’article 131-32-1 du code pénal

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Un peu plus tard dans la discussion, nous allons présenter un amendement plus général, visant à supprimer la totalité de l’article prévoyant une peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, du fait de la disproportion des dispositions dont il est porteur. C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement de coordination.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa:

« La conformité de ces traitements automatisés de données à caractère personnel est contrôlée, en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, par un ou plusieurs membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Le contrôle est effectué dans des conditions permettant d’en assurer la confidentialité. »

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je n’ai pas repris la parole tout à l’heure, car je ne voulais pas ouvrir la polémique. Mais je crois que vous exagérez, mes chers collègues…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

C’est vous qui nous traitez de pétainistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur Bas, vous jouez le courroux, pour ne pas parler du vrai danger des fichiers ! Nous, les historiens, en avons vu d’autres !

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Vos propos sont très approximatifs pour une historienne !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous, monsieur Grosdidier !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Voilà dix ans, Nicolas Sarkozy proposait le fichage de personnes atteintes de pathologies mentales hospitalisées d’office. Si le Président de la République de l’époque a reculé, le procédé semble toutefois s’être popularisé depuis : généralisation des passeports biométriques pour les exilés arrivant aux frontières de l’Union européenne, « circulaire Collomb » visant au fichage des réfugiés dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile, etc. Ce sont maintenant les manifestants qui sont visés par ce procédé démagogique et populiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Par cette mesure, visant à interdire de manière préventive la présence de certains militants à des rassemblements…

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Franchement, il faut laisser les gens parler ! C’est la première des libertés dans ce Parlement, n’est-ce pas ?

Par cette mesure, visant à interdire de manière préventive la présence de certains militants à des rassemblements, une atteinte de poids est portée à l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, portant sur la présomption d’innocence.

Ainsi, nous ne pouvons que saluer la volonté de la rapporteur, qui a cherché à encadrer une telle mesure, et remercier la commission des lois…

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

… pour son travail tendant à rendre le dispositif initialement proposé moins attentatoire aux libertés fondamentales.

Violentes protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Néanmoins, ces avancées ne sauraient rendre ce texte acceptable.

La commission, afin de se conformer à la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, a demandé que la confection d’un tel fichier se fasse après avis de la CNIL. Une telle solution nous paraît bien faible au regard des enjeux.

C’est pourquoi nous proposons d’encadrer davantage encore le fichage des manifestants, en plaçant celui-ci sous un contrôle strict par la CNIL, en coopération avec la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, veillez à respecter vos temps de parole !

Depuis environ une heure, en l’absence d’interruptions, le débat se déroulait bien. Je vous demande de revenir au calme et à une écoute mutuelle et respectueuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cet amendement vise à introduire un contrôle du fichier recensant les mesures d’interdiction de manifester, contrôle qui serait exercé par la CNIL et la CNCTR.

En application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le fichier prévu à l’article 3 de la proposition de loi sera effectivement soumis, comme tous les traitements de données à caractère personnel, à un contrôle a posteriori de la CNIL. Introduire dans la loi un nouveau fondement juridique pour le contrôle serait source de confusion. Je propose donc que l’on en reste au droit actuel, donc à ce contrôle a posteriori par la CNIL.

Mme Esther Benbassa propose également une participation de la CNCTR à ce contrôle. Pour avoir été membre de cette instance, je puis vous affirmer, mes chers collègues, qu’elle n’est pas compétente, ni pour le contrôle a priori ni pour le contrôle a posteriori. Elle l’est pour les techniques de renseignement, mais n’a aucune prérogative concernant les fichiers.

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

S’agissant du contrôle d’un traitement automatisé de données, la CNIL est compétente et exercera sa compétence.

Par ailleurs, je confirme les propos de Mme le rapporteur sur la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Compétente pour émettre des avis préalables sur des autorisations de mise en œuvre de techniques de renseignement et pour en contrôler, ensuite, l’utilisation et la mise en œuvre, cette instance n’est absolument pas compétente pour contrôler des fichiers.

Par conséquent, l’avis du Gouvernement est également défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Après l’article 431-9 du code pénal, il est inséré un article 431-9-1 ainsi rédigé :

« Art. 431 -9 -1. – Le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement, totalement ou partiellement, son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Le présent article n’est pas applicable aux manifestations conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Cet article tend à sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations, en faisant de l’infraction de dissimulation volontaire du visage dans une manifestation dans des circonstances faisant craindre des troubles à l’ordre public un délit puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Cette infraction est actuellement punie d’une contravention de la cinquième classe. Selon nous, en continuant d’aggraver les sanctions, les auteurs de ce dispositif continuent à traiter les causes, non les symptômes. Modifier l’échelle des peines au gré des fins politiques ne mènera jamais à la résolution des problèmes.

Nous sommes là dans la pure illustration de l’échec de la répression. Pourtant, les auteurs de cette proposition de loi continuent à se fourvoyer, même si aucune infraction nouvelle n’est créée, les comportements visés étant déjà constitutifs d’infractions pénales – violence, dégradation et destruction de biens, port d’armes…

Au lieu de renforcer des sanctions qui existent déjà, donnons plutôt aux forces de l’ordre les moyens de démasquer en amont les individus. Or l’état de déshérence dans lequel sont plongées les forces de l’ordre les empêche de remonter le fil des organisations violentes qui, pourtant, annoncent bien souvent leurs intentions avant d’agir. À cet égard, il semblerait que les groupuscules ayant frappé lors de la manifestation du 1er mai dernier aient annoncé leur « mobilisation » sur les réseaux sociaux, au moins la veille des troubles visés.

Madame la rapporteur, pensez-vous vraiment que les dispositifs que vous proposez parviendront à enrayer ce genre de dysfonctionnements ? Si oui, pouvez-vous nous expliquer comment ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, si manifester n’est pas mon mode d’expression habituel, je me battrai toujours pour la liberté de manifester. Il faut pouvoir manifester en toute sécurité et cet article, contrairement à ce que j’ai pu entendre, vient protéger cette liberté.

Lorsque des individus cagoulés, visage dissimulé par des casques, se mêlent à la foule des manifestants, ils menacent directement ces derniers, d’une part, parce que les forces de l’ordre peuvent être amenées à contrôler par des moyens un petit peu durs ces individus et qu’il peut y avoir des victimes collatérales parmi les manifestants, d’autre part, parce que cela n’interdit pas à ces gens au visage dissimulé de faire des contre-manifestations à l’intérieur des manifestations et, de fait, de molester les manifestants eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

C’est de cela qu’il s’agit : protéger d’abord les manifestants qui exercent leur droit constitutionnel, protéger ensuite les riverains, qui sont les victimes collatérales et les victimes économiques de ces manifestations, protéger enfin nos forces de l’ordre qui se battent à armes inégales avec ces commandos.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes sans doute celui qui connaît le mieux ces individus aujourd’hui. Je suis très content que vous soyez à ce poste à l’occasion de l’examen de ce texte. En effet, vous savez comme moi que ceux qui sont cagoulés ne sont pas tous des casseurs ; en revanche, tous sont complices des casseurs : il y a ceux qui viennent photographier, ceux qui viennent juste énerver les forces de l’ordre et ceux qui viennent vraiment casser.

Vous connaissez par cœur ces groupes dont l’organisation est très compliquée et qui, aujourd’hui, sont non pas sur les réseaux sociaux comme j’ai pu l’entendre, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

… mais sur le darknet, de manière anarcho-militaire. C’est cela qui se passe en ville !

J’ai bien entendu qu’il s’agissait de phénomènes urbains. Aujourd’hui, on les retrouve aussi à la campagne, monsieur le secrétaire d’État : par exemple, des gens cagoulés filment et attaquent des chasses autorisées. C’est exactement la même chose et il faudra se pencher là-dessus.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 5 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 13 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous pensons que cet article est inutile. Il renforce la législation anti-cagoule en faisant de cette infraction un délit puni de un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Or le droit en vigueur admet aujourd’hui deux cas d’interdiction de dissimulation du visage.

D’une part, l’article R. 645-14 du code pénal punit d’une amende de 1 500 euros « le fait pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d’une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l’ordre public », hormis le cas où les manifestations sont conformes aux usages locaux ou lorsque la dissimulation du visage est justifiée par un motif légitime.

D’autre part, l’article 3 de la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public fait de la dissimulation du visage une circonstance aggravante de certaines infractions. L’article 431-4 du code pénal issu de la loi précitée fait ainsi de la dissimulation du visage une circonstance aggravante du délit consistant à « continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations ».

Ainsi, l’interpellation n’est possible que lorsque la dissimulation du visage s’accompagne de la commission d’un délit ou de la tentative de commettre un délit, exigence qui permet de consolider la procédure, puisqu’il faut apporter une double preuve : en premier lieu, que le contrevenant masqué se dissimule le visage afin de ne pas être identifié, de manière volontaire ; en second lieu, qu’il existe des « circonstances de nature à faire craindre des atteintes à l’ordre public ».

Dès lors, on peut considérer que la création d’un tel délit est inutile, voire disproportionnée, pour lutter contre la délinquance, car, si elle est censée faciliter l’interpellation et le placement en garde à vue, en pratique, elle ne rendra pas plus aisé le fait d’aller chercher les individus cagoulés au cœur d’une manifestation.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 13 rectifié a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je rappelle que l’article 4 vise à créer un délit de dissimulation du visage dans une manifestation dans le but de ne pas être identifié par les forces de l’ordre dans des circonstances faisant craindre un trouble à l’ordre public. La dissimulation du visage est aujourd’hui punie d’une simple contravention de la cinquième classe.

La commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression. Elle considère en effet que la création d’un délit présente un intérêt majeur sur le plan opérationnel, puisqu’elle permet la mise en œuvre de mesures de contrainte, dont la garde à vue qui est essentielle. Cela a été souligné à plusieurs reprises lors des auditions.

Ces mesures de contraintes, notamment la garde à vue, ne sont pas possibles dans le cas d’une contravention. Sans méconnaître la difficulté qu’il peut y avoir à interpeller un individu masqué lorsque des débordements se produisent, nous pensons que la sanction prévue par la proposition de loi pourrait être plus dissuasive que l’actuelle contravention dont, faut-il le rappeler, le plafond est de 1 500 euros. Si elle devient un délit, les sanctions encourues peuvent être de un an de prison et 15 000 euros d’amende. Nous pensons que l’effet dissuasif est également important.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Le Gouvernement est favorable à l’article 4, qui transforme cette contravention en délit. Un travail complémentaire et une réflexion se poursuivent autour de la juste proportionnalité de la sanction prévue par le texte, soit un an d’emprisonnement. En prévoyant une peine de six mois, on atteindrait le même objectif que celui qu’a décrit Mme le rapporteur, à savoir la possibilité de signaliser, placer en garde à vue et juger en comparution immédiate.

Si le Gouvernement poursuit la réflexion dans le cadre du groupe de travail dont j’ai parlé, il émet également un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 4 est adopté.

I. – L’article 431-10 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 431 -10. – Est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende :

« 1° Le fait d’introduire ou de porter une arme ou, sans motif légitime, tout objet susceptible de constituer une arme au sens de l’article 132-75, y compris des fusées et artifices, dans une réunion publique, dans une manifestation sur la voie publique ou à ses abords immédiats ;

« 2°

Supprimé

« 3° Le fait de jeter un projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une manifestation sur la voie publique.

« La tentative de ces délits est punie des mêmes peines. »

II. – À l’article 431-12 du code pénal, les mots : « de l’infraction définie » sont remplacés par les mots : « des infractions définies ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Cet article tend à élargir l’infraction de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme, afin de viser non seulement le port d’arme, mais aussi le port d’arme par destination et celui de fusées et d’artifices.

Je suis au regret de constater que sont clairement visés, à travers cet article, non pas les Black Blocs, mais bien certains syndicalistes. Je pense en particulier aux cheminots ou aux dockers, qui peuvent utiliser de manière pacifique ce genre d’artifices, non pour en faire usage d’arme, mais bien plutôt pour marquer leur colère dans l’espace public, se faire entendre et se faire voir. Tel est l’objet des manifestations revendicatives, me semble-t-il.

En outre, nous nous interrogeons sur la notion d’arme par destination et ce qu’elle pourrait englober. La latitude que se laissent les auteurs de ce dispositif est en cela particulièrement inquiétante et nous laisse pour le moins songeurs quant à leurs intentions réelles. J’ai un doute : ne s’agit-il pas tout bonnement de mettre en place les conditions pour censurer finalement toute forme de manifestation dans l’espace public ?

Par ailleurs – et j’ouvre ici une parenthèse importante, car il ne s’agit pas du sujet qui nous occupe à proprement parler aujourd’hui –, je vous invite à prendre connaissance des études de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture, l’ACAT, sur l’armement de la police en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

L’ONG chrétienne alerte les autorités françaises sur la dangerosité des armes dont elles se dotent et sur le caractère contre-productif et possiblement contraire au droit international du recours à ces armes, indiquant que les forces de l’ordre françaises comptent parmi les plus armées d’Europe. « Bien évidemment, le recours à ces armes génère davantage de tensions et troubles à l’ordre public qu’il n’y apporte de solution. À moyen et long termes, le recours à des armes de plus en plus offensives participe de l’accroissement du niveau de violence et concourt à creuser le fossé entre les forces de sécurité et la population », estime l’ACAT.

Une question s’impose : ces armes sont-elles vraiment adaptées au maintien de l’ordre lors de manifestations ? Sont-elles indispensables ? Peut-être y aurait-il lieu de légiférer sur le sujet prochainement avec la même ardeur qui vous amène aujourd’hui à défendre ce genre de dispositifs, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Il s’agit de punir plus fermement la détention d’armes. Nous savons que celles qui sont utilisées lors des manifestations sont le plus souvent non pas des armes répertoriées, mais des armes par destination. Dans une manifestation, une batte de base-ball n’est pas un accessoire de sport, une fourche n’est pas un outil d’agriculteur, et je pourrais poursuivre cette litanie. Ces armes sont apportées dans des manifestations avec la volonté de faire mal et, de plus en plus souvent, d’en découdre avec les forces de l’ordre, voire – ce sont les syndicats de policiers eux-mêmes qui le disent – de tuer.

Non, la violence croissante des manifestations n’est pas le résultat du nouvel armement des policiers. Elle est le résultat de la volonté, non pas de manifestants, mais de casseurs, d’en découdre avec la police. C’est aussi le résultat de la possibilité qu’ils ont, noyés dans la foule, d’introduire de véritables armes qui peuvent se révéler meurtrières.

Il s’agit par conséquent de repousser les amendements de suppression qui seront examinés dans un instant et d’adopter les dispositions de la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 6 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 14 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

L’amendement n° 16 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 18 est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 6.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Cet article tend à élargir le champ des incriminations de manière excessive, inutile et redondante.

C’est excessif, car on place sur le même plan le fait de détenir une arme et celui de détenir des fusées ou artifices, ou d’en faire usage, dans une manifestation sur la voie publique ou à proximité immédiate pour un quantum identique : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

C’est inutile, car on vise tout objet susceptible de constituer une arme, alors que le port d’une arme par destination peut déjà être sanctionné.

C’est redondant, car on propose de sanctionner le fait de jeter un projectile présentant un danger pour la sécurité publique des personnes dans une manifestation sur la voie publique, alors que cet acte est poursuivi et réprimé par l’article 222-13 du code pénal en vigueur.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 14 rectifié a été précédemment défendu.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 16.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Cet article réécrit le délit de participation à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d’une arme. Cette modification ne paraît pas utile dans la mesure où le port, la détention ou l’introduction d’armes lors d’une manifestation peuvent déjà être réprimés par l’infraction actuelle de l’article 431-10 du code pénal, qui sanctionne largement le fait de participer à une manifestation en étant porteur d’une arme.

De même, les précisions apportées quant aux objets pouvant servir d’armes – fusées ou artifices de toute nature – sont également inutiles, dès lors que l’article 132-75 du code pénal, auquel il est d’ailleurs fait renvoi, définit l’arme par destination comme tout objet dont l’utilisation ou la destination est susceptible de créer un danger pour les personnes.

Introduire des exemples de comportement ou d’armes dans la loi n’est pas souhaitable : cela affaiblit le droit et peut soulever à terme des difficultés juridiques inutiles. L’objectif est bien le même, mais il nous semble atteint à droit constant.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 18.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Nous proposons, nous aussi, la suppression de cet article, pour les raisons qui ont été avancées par Jérôme Durain et par M. le secrétaire d’État. Je les rappelle toutefois.

Le quantum de la sanction pénale est ici démesuré et excessif. Désormais, si l’article 5 est adopté, une personne détenant ou faisant usage de fusées ou artifices dans une manifestation sur la voie publique ou à proximité immédiate ou une personne porteuse d’une arme se trouvant dans les mêmes conditions seront toutes deux susceptibles de se retrouver sous le coup d’une incrimination pénale identique : trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

C’est excessif. Tout ce qui est excessif est vain.

En outre, l’arsenal législatif existant est à mon sens suffisant. Il est inutile d’en rajouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Les arguments avancés par les auteurs de ces amendements identiques sont variés.

Si, pour le Gouvernement, l’article 5 n’apporte rien de nouveau par rapport au droit existant, pour le groupe La République En Marche, la protection des libertés fondamentales serait au contraire menacée par l’adoption de cet article – vous avez parlé de mesures excessives, mon cher collègue.

Il est vrai que l’article 5 procède pour partie à une réécriture de l’article 431-10 du code pénal, qui explicite notamment la notion d’arme par destination. Il comporte cependant deux autres mesures plus substantielles auxquelles nous sommes attachés.

D’une part, l’article 431-10 du code pénal sanctionne uniquement le port d’arme dans une manifestation. Nous proposons d’élargir un peu le champ de l’infraction en visant aussi les abords de la manifestation. En effet, les personnes à l’origine des débordements ne participent pas nécessairement à la manifestation, mais peuvent se trouver en marge de celle-ci.

D’autre part, la proposition de loi prévoit de sanctionner les tentatives de ces délits. Quelqu’un qui tenterait de jeter un projectile sur la foule ou sur les forces de l’ordre, mais qui s’en trouverait empêché, pourrait ainsi être poursuivi et sanctionné.

Ces deux motifs nous ont conduits à souhaiter maintenir cet article, donc à émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 5 est adopté.

I. – Le code pénal est ainsi modifié :

« Art. 131 -32 -1. – La peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, qui ne peut excéder une durée de trois ans, emporte défense de manifester sur la voie publique dans certains lieux déterminés par la juridiction. La liste de ces lieux peut être modifiée par le juge de l’application des peines, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale.

« La peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique emporte également, pour le condamné, l’obligation de répondre, le temps des manifestations, aux convocations de toute autorité publique désignée par la juridiction de jugement. La décision de condamnation fixe le type de manifestations concernées.

« Si la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique accompagne une peine privative de liberté sans sursis, elle s’applique à compter du jour où la privation de liberté a pris fin. » ;

« Dans les cas prévus par les articles 222-7 à 222-13 et 222-14-2, lorsque les faits sont commis lors du déroulement de manifestations sur la voie publique, peut être prononcée la peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1. » ;

« 7° L’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1, lorsque les faits punis par les articles 322-1 à 322-3 et 322-6 à 322-10 sont commis lors du déroulement de manifestations sur la voie publique. » ;

4° Le I de l’article 431-11 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, la référence : « par l’article 431-10 » est remplacée par les mots : « à la présente section » ;

b) Le 2° est ainsi rétabli :

« 2° L’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, dans les conditions prévues à l’article 131-32-1 ; »

« Art. 434 -38 -1. – Le fait, pour une personne condamnée à une peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, de participer à une manifestation en méconnaissance de cette interdiction est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Le fait, pour une personne condamnée à une peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, de ne pas répondre, le temps des manifestations, aux convocations de toute autorité publique désignée par la juridiction de jugement, en méconnaissance de la décision de condamnation, est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende. »

II. – L’article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet article prévoit d’étendre le champ de plusieurs peines complémentaires applicables aux personnes s’étant rendues coupables des infractions liées à l’organisation ou à la participation à une manifestation, et à renforcer la peine complémentaire d’interdiction de manifester.

Encore une fois, plutôt que de durcir notre droit pénal et de porter atteinte aux libertés fondamentales, il serait temps de donner de vrais moyens à nos forces de l’ordre pour qu’elles exercent un travail de démantèlement en amont, afin de mettre hors d’état de nuire les personnes violentes visées.

On me répondra que ce n’est pas qu’une question de moyens, mais, à force de le dire, on ne parle plus des moyens. Or nos forces de police et nos forces de l’ordre ont besoin de moyens supplémentaires pour assumer au mieux les missions de service public qui sont les leurs.

Pour nous, la réponse au démantèlement de groupuscules tels que les Black Blocs ne réside sûrement pas dans l’accroissement des pouvoirs de police administrative ou dans le durcissement de notre droit pénal. Toutes les mesures de cette proposition de loi seront soit inefficaces, soit dangereuses pour nos libertés publiques.

En outre, comme l’indique le rapport, l’interdiction de manifester n’est que très peu prononcée : entre 1995 et 2017, seules 32 condamnations ont été assorties d’une peine complémentaire d’interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique. Par ailleurs, aucune condamnation n’a été prononcée pour non-respect de cette interdiction.

Aussi, au-delà de l’affichage politique, pourquoi s’acharner à durcir toutes les peines existantes ? Je me pose la question.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Si toute analogie avec les périodes sombres de l’histoire est particulièrement déplacée, on peut faire une analogie avec la façon dont nous parvenons à maîtriser et à réduire le phénomène du hooliganisme. Certes, les policiers demandent – nous les avons entendus ensemble, madame Assassi, au sein de la commission d’enquête parlementaire – plus de moyens matériels, humains, informatiques, mais ils demandent aussi plus de moyens juridiques.

On entend souvent dire qu’il faut renforcer et favoriser la prévention plutôt que la répression. La meilleure prévention en matière de dérapage dans les manifestations, c’est justement d’empêcher les casseurs répertoriés de s’y introduire à l’insu des organisateurs pour commettre leurs méfaits.

Pour toutes ces raisons, cette mesure d’interdiction de manifester pour des casseurs déjà éprouvés est particulièrement bienvenue. J’entends parfois dire que cela n’a pas empêché le hooliganisme, mais je puis vous assurer, au nom de tous les élus confrontés à ce problème, que, si les dispositions législatives actuelles n’existaient pas et n’étaient pas mises en œuvre, le phénomène de hooliganisme serait aujourd’hui bien plus important dans les stades.

Certes, aucune disposition n’éteindra complètement un phénomène, mais ne pas mettre en œuvre des dispositions nouvelles quand un phénomène comme celui-là est croissant nous interdit de le juguler.

Mettons en œuvre ce qui fonctionne contre le hooliganisme pour assurer un peu plus de sérénité dans les manifestations, au bénéfice premier des manifestants et au bénéfice second de tous nos concitoyens, notamment des riverains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 7 est présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, J. Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 15 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa, Apourceau-Poly, Cohen et Cukierman, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, MM. Savoldelli et Collombat et Mme Lienemann.

L’amendement n° 17 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 19 est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain, pour présenter l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

À ce stade, vous avez compris la position de notre groupe sur ce texte. Cet article la conforte. De nombreuses mesures sont des mesures d’affichage, qui confirment l’orientation sécuritaire de ce texte.

Nous ne sommes persuadés ni de leur efficacité ni de leur caractère opératoire. Je suis en désaccord complet avec ce qui vient d’être dit par M. Grosdidier sur le hooliganisme, j’ai eu l’occasion de l’évoquer lors de la discussion générale.

Face à la guérilla que mènent les Black Blocs, la question n’est pas d’ordre législatif, c’est un problème de doctrine d’emploi : face à des gens violents, agiles, hypermobiles, vous proposez d’alourdir des dispositifs qui ne les contrarieront en rien et qui ne le dissuaderont pas !

Par conséquent, l’extension du champ d’application de la peine complémentaire, la modification de la peine et l’application des peines complémentaires prévues pour le délit de port d’arme ne sont pas, à nos yeux, des améliorations de nature à éviter les phénomènes violents que vous pensez combattre.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 15 rectifié a été précédemment défendu.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 17.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Tel qu’il est rédigé, cet article élargit de manière disproportionnée le champ d’application de la peine complémentaire d’interdiction de manifester à des délits de moindre importance, comme le délit d’organisation d’une manifestation en méconnaissance de la procédure administrative, puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, ou le nouveau délit créé par la proposition de loi de dissimulation de son visage dans une manifestation.

Plus encore, cet article étend le champ d’application de la peine complémentaire d’interdiction de séjour à ces mêmes délits, ce qui est également disproportionné au regard des peines principales encourues.

Au regard de la décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995, qui indique que l’équilibre à trouver par le législateur entre ordre public et garantie des libertés constitutionnellement protégées quand il crée une peine portant restriction de la liberté d’aller et venir est fonction non seulement de la fixation de lieux déterminés où la peine s’applique et du pouvoir du juge de décider de prononcer la peine ainsi que de son champ d’application, mais aussi de la nature des infractions pour lesquelles la peine s’applique, l’extension des champs d’application des peines complémentaires d’interdiction de manifester et d’interdiction de séjour paraît disproportionnée.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Si nous votions cet article, ne méconnaîtrions-nous pas l’article 34 de la Constitution, dont nous tirons pourtant notre compétence en matière de garantie des libertés publiques ? L’extension du champ d’application de la peine complémentaire d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique mérite d’être tempérée par une exigence de proportionnalité, au risque d’entraver la liberté constitutionnelle d’aller et de venir. Vous venez de rappeler la décision du Conseil constitutionnel, monsieur le secrétaire d’État.

Il nous incombe donc d’assurer la bonne articulation des exigences de l’ordre public et de la garantie des libertés constitutionnellement protégées. Cette exigence n’étant pas satisfaite, nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Madame Assassi, vous avez pris acte que peu de condamnations étaient prononcées. C’est lié au manque de clarté et de visibilité pour les magistrats. En effet, ces dispositions se trouvent actuellement dans le code de la sécurité intérieure. Nous proposons donc de les transférer dans le code pénal. Cela permettra d’améliorer la réponse des magistrats.

La commission des lois considère l’extension des peines complémentaires proposée dans cet article comme un outil de prévention de la récidive de ces infractions. De plus, l’obligation de pointage renforce l’efficacité de ces peines. Cette disposition nous paraît particulièrement utile.

Une telle extension n’est pas disproportionnée, parce qu’il s’agit de l’extension de la peine complémentaire de manifester ou de la peine d’interdiction de séjour.

Concernant la peine complémentaire d’interdiction de manifester, le texte de la commission maintient l’obligation pour le juge de préciser les lieux définis. L’article 6 est donc conforme en tout point à la décision du Conseil constitutionnel de 1995.

Concernant la peine complémentaire d’interdiction de séjour, qui appelle une peine principale plus lourde, selon le Gouvernement, je rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que cette peine est d’ores et déjà applicable à des délits punis d’une faible peine d’emprisonnement. Voici quelques exemples : cette peine complémentaire est applicable au délit de demande de fonds sous contrainte, qui est puni de six mois d’emprisonnement. Ce délit a été créé par la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure et a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 13 mars 2003. La peine complémentaire d’interdiction de séjour est également applicable pour le délit prévu à l’article 431-22 du code pénal, lequel réprime d’une peine d’un an d’emprisonnement le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire sans autorisation.

Ce délit et les peines complémentaires afférentes créés par la loi du 2 mars 2010 – je rappelle que cette loi renforce la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public – ont également été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 25 février 2010.

En conséquence, mes chers collègues, l’application de cette peine complémentaire à des infractions punies d’un an d’emprisonnement n’est pas disproportionnée et apparaît conforme à la jurisprudence constitutionnelle. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 20, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 6, comme cela a déjà été expliqué, à l’instar de bien d’autres articles de cette proposition de loi, n’institue pas les garanties constitutionnelles suffisantes s’agissant de l’exercice des libertés publiques. L’avis favorable émis en commission sur cet amendement tend à le confirmer. Si cet avis était confirmé ici par Mme la rapporteur, j’en serais très heureux.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Je comprends la logique de cet amendement de repli, dont l’auteur souhaitait avant tout la suppression de l’article.

Cela étant, l’ajout envisagé ne nous paraît pas indispensable, car il ne permet pas de garantir la proportionnalité du dispositif. Il vise en effet uniquement à rappeler le principe existant en matière de fixation de la peine, à savoir la recherche de l’individualisation de la sanction.

Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 6 est adopté.

Après le premier alinéa de l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’État peut exercer une action récursoire contre les personnes ayant participé à tout attroupement ou rassemblement armé ou non armé, lorsque leur responsabilité pénale a été reconnue par une décision de condamnation devenue définitive. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Sur toutes les travées de cette assemblée – de la gauche démocratique à la droite républicaine, en passant par le centre –, nous partageons les principes de liberté, d’égalité, de fraternité, même s’il existe des nuances entre nous sur les modalités de leur mise en œuvre.

Par contre, il y a un principe qui, souvent, nous distingue, c’est celui de responsabilité. Nous y sommes très fortement attachés, et ce dans tous les domaines. Je pense ainsi à la responsabilité des pollueurs. C’est notre famille politique qui a inscrit la Charte de l’environnement dans la loi suprême, la Constitution. Le Sénat, sur proposition du président Retailleau, a également adopté à l’unanimité l’introduction du principe de pollueur-payeur et de préjudice écologique dans le code civil. Ici, il s’agit tout simplement d’instaurer le principe de casseur-payeur !

La première proposition du texte pouvait présenter un inconvénient. En prévoyant une responsabilité collective, nous prenions le risque d’instaurer une responsabilité in solidum de l’État et des casseurs. Cela aurait permis à l’État de jouer au ping-pong et de se dégager au préjudice des victimes, comme je l’ai vu à la suite des dégâts miniers. Le meilleur dispositif est bien celui qui garantit l’indemnisation des victimes par l’État ; l’action récursoire de l’État permettra de faire en sorte que les casseurs soient aussi les payeurs.

L ’ article 7 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Chapitre IV

Application outre-mer

(Division et intitulé nouveaux)

I. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 711 -1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

II. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».

III. – Aux premiers alinéas des articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est remplacée par la référence : « loi n° … du … visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 8, présenté par MM. Durain, Kanner, Sueur, Jacques Bigot et Fichet, Mmes de la Gontrie et Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jérôme Durain.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 23, présenté par Mme Troendlé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Aux articles L. 282-1 et L. 284-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « L. 211-13, » est supprimée.

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Laurent Nunez

Cet amendement de coordination vise à prendre en compte le transfert dans le code pénal de dispositions relatives à la peine d’interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique. Par cohérence, le Gouvernement ayant déposé un amendement de suppression de l’article 6, il est défavorable à cet amendement.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 8 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Monsieur le secrétaire d’État, je vous souhaite, comme mes collègues, la bienvenue. À cette occasion, permettez-moi de vous faire une recommandation : il serait bon de rompre avec une tradition du Gouvernement, celle de rejeter les propositions de loi extrêmement pertinentes du Sénat. Le Gouvernement s’étant engagé à moins de verticalité, à plus de coconstruction, je vous invite, même si vous avez mis en place, et je le salue, un groupe de travail sur ces sujets, à prendre en compte l’excellent travail que nous avons accompli.

Les débats que suscite le texte que nous examinons aujourd’hui, comme tout texte de cette nature, donnent à penser que certains vivent dans ce merveilleux pays qu’est la théorie, où l’on intellectualise le monde, où l’on ne voit pas la réalité, où l’on ne perçoit pas que la démocratie peut parfois être fragilisée.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Il m’est arrivé pendant les graves manifestations contre la loi Travail de me trouver à Rennes. Il est dommage que nous n’ayons pas été plus nombreux à arpenter cette ville le samedi matin. Pendant trois semaines, les vitrines des rues du centre-ville ont été remplacées par des planches de bois, les commerçants ont fermé boutique, car ils étaient juste terrorisés. Quant aux personnes âgées, elles n’osaient plus sortir de chez elles.

Si la démocratie doit protéger la liberté individuelle, elle doit d’abord protéger les plus fragiles. Je pense que cette proposition de loi, portée par le président Retailleau et par le Sénat, sert d’abord, mes chers collègues, ceux qui ont envie de manifester.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Manifester n’est pas une envie, c’est un droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

J’ai entendu des gens dire qu’ils avaient envie d’aller manifester pour défendre leurs idées, mais qu’ils n’osaient pas le faire, car ils avaient peur. Ces gens sont parfois les premières victimes de ceux qui cultivent une violence n’ayant qu’un objectif : desservir et détruire la démocratie.

Il me semble que notre démocratie, qui est aujourd’hui très fragilisée, ne doit pas faire preuve de faiblesse. Elle doit protéger la liberté individuelle, mais aussi s’affirmer. Je salue donc le travail de protection des libertés individuelles conduit par la commission des lois. Elle a fait preuve de cette même préoccupation lors de l’examen du texte sur la justice la semaine dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Mme Françoise Gatel. Excusez-moi de dépasser mon temps de parole. Cela m’arrive tout comme à vous lorsque vous êtes dans l’hémicycle, monsieur le président !

Rires et vifs applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. Vous pensez donc que je ne dois pas faire respecter le règlement en indiquant que le temps de parole est dépassé ?…

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Pour commencer, je tiens à rappeler que notre groupe est radicalement opposé à toute forme de violence lors des manifestations sur la voie publique. S’en prendre aux biens et aux personnes occasionne des dégâts et des souffrances. Nous sommes donc d’accord sur ce point.

J’ai entendu notre collègue Grosdidier déclarer de sa grosse voix aimable que, si nous partagions tous les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité, les membres de son groupe, dont l’inconscient s’exprimait sans doute à travers lui, étaient les seuls à être attachés au principe de responsabilité. Je vous trouve extrêmement présomptueux, cher collègue !

On peut ne pas être d’accord avec votre proposition de loi tout et en partager les objectifs. Nous sommes pour la pacification de la voie publique, nous sommes pour qu’il soit possible, dans ce pays, de manifester et d’afficher ses opinions dans la tranquillité et sans être importunés par les Black Blocs ou par quiconque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Nous ne sommes pas, comme le pense notre collègue Françoise Gatel, dans la théorie. Nous disons simplement avec constance que nombre des articles que vous proposez sont inutiles, redondants et peu opératoires.

Assumons nos différences et cessez de sous-entendre de façon désagréable que, dans ce pays, le désordre, c’est la gauche !

Monsieur Ravier, vous avez cité les antifascistes d’extrême gauche. Mais enfin, vos amis du Rassemblement national ne sont pas tous adeptes des dominos, des jeux de cartes ou du tricot. Il y en a aussi qui sont un peu vigoureux…

Arrêtons de faire comme s’il y avait, d’un côté, ceux qui sont responsables et, de l’autre, ceux qui sont irresponsables. Nous sommes responsables ! Nous sommes contre la violence, mais pas en luttant contre elle avec les mêmes moyens juridiques que ceux que vous défendez. Je partage d’ailleurs d’une certaine manière l’embarras de M. le secrétaire d’État, qui était un peu incertain par rapport aux dispositions que vous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Le groupe de travail proposera des solutions. Nous attendrons de les connaître.

Quoi qu’il en soit, nous ne partageons pas votre philosophie, et nous sommes pour l’ordre républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Je voudrais faire un certain nombre d’observations.

Tout d’abord, je n’ai aucune susceptibilité d’auteur. En présentant ce texte avec bien d’autres collègues, nous avons simplement voulu apporter une réponse à un phénomène qui devient extrêmement préoccupant. Je remercie donc le président de la commission des lois et la rapporteur d’avoir ajusté les dispositifs proposés tant en matière de sécurité que de protection des libertés publiques.

Ensuite, je ne suis tenu par aucune ligne idéologique. L’ambition de ce texte est simplement de proposer des outils permettant de lutter contre l’inacceptable. Il faut bien le constater – Françoise Gatel l’a fait ; je l’ai également fait dans ma région, à Nantes – et on a pu le voir sur nos écrans le 1er mai dernier : il n’y a jamais eu autant de policiers et de gendarmes blessés lors de manifestations, celles-ci devenant de plus en plus dangereuses.

Ces groupuscules ne se contentent pas d’apporter la chienlit, ils visent les forces de l’ordre ! Ils visent la République ! Ils visent nos institutions ! Nous avons le devoir, nous, parlementaires, d’y mettre le holà et d’endiguer ces phénomènes. C’est tout ce qui nous a guidés.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez à plusieurs reprises parlé d’un groupe de travail. C’est bien la preuve que ce texte traduit une préoccupation légitime. J’espère que ce groupe de travail rendra rapidement ses conclusions.

On peut toujours rendre hommage au courage des forces de l’ordre, mais c’est encore mieux de leur donner de véritables outils afin de leur permettre de lutter contre les violences. « Pour enterrer un problème, nommez une commission », disait Clemenceau. J’espère que vous le ferez mentir !

Enfin, mes chers collègues, j’ai été navré d’entendre un certain nombre de caricatures. On ne peut pas faire un parallèle entre la Manif pour tous et les Black Blocs, quelles que soient nos convictions.

On ne peut pas déplorer les causes et, en même temps, ne rien faire contre leurs effets.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Nous devons lutter de la manière la plus ferme pour préserver le droit de manifester contre ceux qui le défigurent. Nous sommes du côté de la liberté, non de la violence. C’est tout l’intérêt de ce texte, que nous allons voter pour défendre la République et pour donner des instruments, y compris des moyens judiciaires, à nos forces de l’ordre afin de lutter contre un phénomène de plus en plus préoccupant.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Alain Marc applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole de trente-cinq secondes, mais je n’ai fait aucune remarque pendant votre intervention…

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je tiens à faire remarquer que, en tant que président de séance, je laisse aux orateurs une certaine latitude. Les remarques désobligeantes ne sont donc pas les bienvenues.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Rassurez-vous, monsieur le président, j’en ai pour vingt-cinq secondes. Je souhaite simplement réagir à ce qu’a dit Mme Gatel.

Manifester, ce n’est pas une envie, c’est un droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On manifeste, non pas parce qu’on en a envie, mais pour exprimer ses opinions.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Et la liberté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

La liberté aussi est un droit ! Je suis pour la liberté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… dont M. Retailleau vient de parler. Il n’y a pas, d’un côté – le vôtre ! –, ceux qui seraient pour la liberté et, de l’autre – le nôtre ! –, ceux qui ne le seraient pas. Moi, je suis pour la liberté, l’égalité et la fraternité, valeurs dont on parle peu dans cet hémicycle, surtout la fraternité, qui est aussi importante que les deux autres valeurs à mes yeux.

Si nous rejetons cette proposition de loi, ce n’est pas par dogmatisme.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il n’y a pas, d’un côté, les vertueux et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas ! Nous rejetons ce texte simplement parce qu’il s’affranchit d’un certain nombre de règles de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Or, moi, le droit, je le respecte, ce qui n’est pas le cas de cette proposition de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’ai indiqué la position de mon groupe lors de la discussion générale. Elle reste la même à l’issue de nos débats.

Les préoccupations des auteurs de la proposition de loi sont légitimes, et nous les partageons. Je sais gré à Mme la rapporteur des efforts entrepris pour améliorer le texte.

J’ai eu l’occasion de le préciser, notre opposition à cette proposition de loi s’explique uniquement par la disproportion entre les objectifs recherchés et les moyens proposés pour les atteindre. Ce n’est donc pas la peine de dramatiser plus que nécessaire. Nous avons tous les mêmes objectifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je prends acte de la constitution d’un groupe de travail sur la problématique des violences intolérables lors de manifestations.

Tout le monde a sensiblement dit la même chose sur toutes les travées, mais de manière différente. Il ne sert donc à rien de s’exciter.

Je considère que les travaux qui ont été menés au sein de notre assemblée sont importants et qu’ils contribueront à l’élaboration d’une solution acceptable par tous. En attendant, notre groupe votera contre la proposition de loi.

Marques de dépit sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites (proposition n° 596 [2017-2018], texte de la commission n° 33, rapport n° 32).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a quasiment un an jour pour jour, j’étais devant vous pour l’examen de ce texte en tant que ministre auprès du ministre de l’intérieur. Aujourd’hui, c’est au titre de mes nouvelles responsabilités ministérielles que je me présente devant vous à l’occasion de la deuxième lecture de cette proposition de loi, dont le Sénat a souhaité la discussion.

Certes, cette révision du cadre juridique applicable aux conditions d’accueil et d’habitat des gens du voyage – cadre issu de la loi du 5 juillet 2000 – aurait pu demeurer du ressort du ministère de l’intérieur. Il nous a toutefois semblé qu’elle s’inscrivait pleinement dans la démarche que je souhaite poursuivre, dans le cadre de ce ministère aux compétences élargies, qui est de placer les territoires et les collectivités qui les administrent au cœur de nos préoccupations.

Cette proposition de loi répond parfaitement à cette volonté. Il m’a donc semblé naturel, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, de poursuivre – d’achever, je l’espère – ce travail avec vous, dans un esprit constructif, comme je m’y étais engagée l’année dernière.

J’en viens maintenant au fond du sujet.

Cette proposition de loi répond à un besoin qui remonte des territoires. La Haute-Savoie est particulièrement touchée par cette situation, ce qui explique que M. Loïc Hervé et, à l’époque, M. Jean-Claude Carle nous aient proposé les dispositifs que nous étudions aujourd’hui. Mais, ayant moi aussi été élue locale, je sais que ce problème n’est pas l’apanage d’un territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Bien qu’elles ne soient pas la norme et qu’elles revêtent un caractère exceptionnel – je le précise pour éviter tout amalgame –, j’entends l’exaspération qui en résulte et la volonté de légiférer pour mieux lutter contre certaines pratiques inacceptables.

Je tiens tout d’abord à souligner que l’installation de la grande majorité de familles de gens du voyage se fait sans problème, sur des aires prévues à cet effet. En revanche, pour une minorité de cas, qui choisit l’installation illicite, la situation est problématique et peut conduire à des débordements, voire à des violences. C’est pourquoi nous avons demandé aux préfets d’utiliser pleinement les outils juridiques dont ils disposaient afin de mettre un terme à ces situations quand elles se présentaient.

Ces installations illicites ont ainsi lieu sur tout type de terrain, agricole ou municipal, ou dans des zones industrielles. Elles empêchent l’utilisation du bien et pénalisent l’activité économique, créent des troubles et suscitent un profond mécontentement et des tensions avec les propriétaires, la population et les élus.

Il convient aussi de rappeler, et je sais que vous y êtes sensibles, que les gens du voyage doivent être accueillis dans de bonnes conditions, conformément à ce qui est prévu dans le cadre des prescriptions des schémas départementaux, et sur des aires d’installations géographiques adaptées à leurs besoins. Actuellement, dix-neuf départements sont à ce titre en parfaite conformité avec les obligations découlant des schémas. C’est une bonne chose, mais c’est encore insuffisant à l’échelon national, le taux de réalisation du total des prescriptions des schémas départementaux n’étant que de 72 %.

Je sais qu’il existe des difficultés et des réticences – je pense notamment aux zones tendues dans lesquelles la mobilisation du foncier est compliquée ou à celles dans lesquelles il n’y a pas d’acceptation par les riverains de l’installation d’une aire près de chez eux. Toutefois, c’est grâce à un accueil adapté aux besoins des gens du voyage et à ce qui les caractérise – leur liberté de déplacement – que nous réunirons les conditions permettant de limiter les installations illicites, sauf celles d’une minorité qui, on le sait, ne rentre jamais dans le cadre.

Le respect du mode de vie des gens du voyage est un impératif, au même titre que la qualité de vie des personnes qui se trouvent aujourd’hui confrontées à ces installations. C’est à nous, collectivement, de donner à chacun les moyens de vivre sereinement la vie ou l’activité qu’il a choisie.

Cela étant rappelé, le texte qui nous occupe aujourd’hui a pour objectif de renforcer et de corriger la loi au regard des cas particuliers qui tendent malgré tout à se multiplier.

Lors de la première lecture, nous n’étions pas parvenus à un accord, et il était apparu un écart sensible entre ce que vous souhaitiez et ce que le Gouvernement était prêt à accepter. Je garde à cet égard un souvenir contrasté de la séance publique, puisque, malgré une approche plus que constructive de la part du Gouvernement, la Haute Assemblée n’avait souhaité écouter aucune des observations que j’avais alors formulées, votant ainsi le texte dans une version maximaliste, contenant des dispositifs que le Gouvernement avait jugé inopportuns ou peu opérationnels.

Le groupe LR de l’Assemblée nationale ayant décidé d’inscrire à son ordre du jour réservé la discussion de cette proposition de loi adoptée par le Sénat, c’est dans le même état d’esprit que le Gouvernement en a abordé l’examen. J’ai ainsi plaidé auprès des groupes de la majorité parlementaire, qui m’ont entendue, afin qu’ils fassent preuve de la même approche constructive et approuvent des dispositifs qui allaient dans le sens d’un meilleur respect des obligations par les communes et d’une plus grande efficacité des procédures de lutte contre les installations illicites.

Même si les députés ont dû s’y reprendre à deux fois pour des motifs sur lesquels je n’épiloguerai pas – les élus de Haute-Savoie savent ce qu’il en est –, l’Assemblée nationale a adopté cette proposition de loi le 21 juin dernier, dans des termes qui recueillent l’accord du Gouvernement.

Même si je peux comprendre que d’aucuns regrettent la disparition de certains dispositifs avec lesquels le Gouvernement était en désaccord, je souscris néanmoins à la position de votre commission des lois. Sous l’impulsion de son rapporteur, Catherine Di Folco, dont je tiens à saluer le travail de grande qualité et l’approche équilibrée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

… ce qui ne m’étonne guère de sa part, la commission partage l’analyse selon laquelle il paraît souhaitable d’achever le processus législatif à ce stade et de voter le texte dans les mêmes termes que ceux qui ont été retenus par les députés. Ce texte me paraît en effet représenter un compromis satisfaisant.

La clarification des compétences des communes et de leurs groupements en matière d’accueil des gens du voyage, établies par la loi du 5 juillet 2000, était nécessaire, vous avez raison. En effet, les transferts de compétences nés de la loi MAPTAM et de la loi NOTRe ne s’étaient pas accompagnés des aménagements indispensables dans la loi Besson. Les EPCI étant désormais compétents en matière d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires et terrains destinés aux gens du voyage, il s’avère que les obligations découlant des schémas départementaux reposent encore sur les communes, lesquelles, en vertu du principe d’exclusivité des compétences transférées, n’ont plus les outils pour agir. La proposition de loi, telle que présentée aujourd’hui, apporte donc cette clarification en matière de compétences pour chaque type de collectivités.

J’entends également le besoin des communes d’accéder au pouvoir de police spéciale lorsqu’elles respectent leurs obligations, alors que ce pouvoir est aujourd’hui conditionné par le fait que l’EPCI remplisse l’intégralité des obligations qui lui incombent en application du schéma départemental.

Leur incompréhension est légitime, et nous l’avons entendue. C’est pourquoi, afin de mieux lutter contre les installations illicites et de répondre aux besoins des élus qui, eux, ont mis en place des conditions d’accueil satisfaisantes sur le territoire de leur commune et se trouvent aujourd’hui pénalisés, dirais-je, par le reste de leur intercommunalité, le Gouvernement se prononce favorablement à cette demande exprimée par les communes.

Enfin, le renforcement des sanctions pénales prévues par la loi du 18 mars 2003 en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain en vue d’y installer son habitation ainsi que l’application de la procédure de l’amende délictuelle forfaitaire sont des mesures qui me semblent aller dans le bon sens et être de nature à lutter efficacement contre les installations illicites.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est à votre écoute et à celle des élus de vos territoires. Aucun sujet n’est pris à la légère, et mon implication sera totale quand vous me solliciterez, comme j’ai pu vous le montrer avec ce texte.

Je pense qu’en l’espèce nous sommes arrivés à une bonne solution, même si le travail ne sera jamais fini et qu’il faudra sans doute le poursuivre. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement appelle la Haute Assemblée, à l’instar de votre commission des lois, à adopter ce texte sans modification.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, cette proposition de loi, adoptée en première lecture par le Sénat le 31 octobre 2017, est issue de la fusion d’une proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Carle et d’une autre déposée par notre collègue Loïc Hervé. Elle avait pour objet d’apporter des réponses concrètes aux difficultés récurrentes provoquées, sur de nombreuses parties du territoire français, par l’occupation illicite de terrains publics ou privés. Il est en effet de la responsabilité de la puissance publique de garantir l’ordre public et les libertés des autres citoyens, en aménageant un juste équilibre des droits et des devoirs de chacun et en faisant cesser les agissements d’une minorité de fauteurs de troubles.

L’Assemblée nationale a examiné le texte en juin et, malgré le rapport favorable fait au nom de la commission des lois par notre collègue députée Virginie Duby-Muller, que je remercie, nombre de dispositions pragmatiques et mesurées ont été purement et simplement supprimées, sans recherche de compromis. Ces dispositions utiles avaient plusieurs objets.

Il s’agissait, d’abord, de mieux circonscrire les obligations susceptibles d’être assignées aux communes et à leurs groupements en matière d’accueil des gens du voyage, en prévoyant que le schéma départemental élaboré à cet effet ne puisse imposer la réalisation d’aires ou de terrains d’accueil sur le territoire de communautés de communes ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants.

Il s’agissait, ensuite, de ne pas imposer la construction de nouvelles aires d’accueil ou de nouveaux terrains familiaux si les aires et terrains existants n’atteignaient pas un taux d’occupation minimal fixé par décret, ce qui nous semblait être juste du bon sens.

Il s’agissait, encore, de comptabiliser en logements sociaux les emplacements en aire permanente d’accueil, à l’instar des terrains familiaux locatifs. Cela nous paraissait totalement justifié, compte tenu de la situation de précarité des personnes qui les occupent et des coûts importants d’aménagement et d’entretien incombant aux communes et à leurs groupements.

Il s’agissait, en outre, de supprimer la procédure de consignation de fonds à l’égard des communes et EPCI défaillants, inutilement attentatoire à leur libre administration. Plutôt que d’imposer pareille procédure aux élus, l’État, à mon sens, ferait mieux de prendre sa juste part à l’amélioration des conditions d’accueil des gens du voyage. Je rappelle que, depuis 2009, il ne finance plus la réalisation des aires d’accueil et terrains familiaux, sauf pour les communes nouvellement inscrites au schéma départemental. Le montant de ses subventions est passé de 46 millions d’euros en 2008 à 5, 3 millions d’euros en 2018.

Le texte prévoyait également de relever le montant de la taxe sur les résidences mobiles occupées à titre d’habitat principal, afin de fournir un surcroît de recettes aux communes et EPCI qui construisent ces aires et ces terrains d’accueil.

Il proposait de faciliter l’évacuation des campements illicites, en renforçant la procédure administrative. L’article 5 avait pour objet de limiter à quarante-huit heures le délai de recours contre la mise en demeure du préfet, de porter de sept à quinze jours la durée d’applicabilité de cette mise en demeure d’évacuer et de l’étendre à l’ensemble du territoire communal ou intercommunal, afin d’éviter la reconstruction immédiate de campements illicites à proximité.

Sur ce sujet, l’opposition sans nuance de la majorité gouvernementale est désolante. Les procédures actuelles ont montré leurs limites, au point que des heurts violents éclatent, chaque année, entre les habitants, les agriculteurs ou autres entrepreneurs et les occupants illicites. N’est-il pas de la responsabilité du législateur d’aménager des voies de droit pour éviter que la voie de fait ne prenne le dessus ?

Les mesures adoptées par le Sénat n’avaient rien d’excessif et auraient fourni des éléments de réponse aux attentes légitimes des élus et des citoyens.

Il était, par ailleurs, prévu de renforcer la répression pénale des installations en réunion et sans titre sur un terrain, ainsi que des destructions et dégradations commises aux mêmes occasions, tout en veillant à ce que les mesures soient adaptées et proportionnées, dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, l’article 8 créait un délit d’occupation habituelle en réunion d’un terrain sans titre et l’article 9 instituait deux nouvelles peines complémentaires : l’interdiction de séjour et la confiscation des véhicules destinés à l’habitation.

Toutefois, plusieurs dispositions importantes et urgentes ont été maintenues, parmi lesquelles figure une clarification de la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre, rendue nécessaire par les dernières réformes territoriales. Je citerai également l’obligation d’information préalable des autorités publiques lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage, ainsi que la possibilité, pour un maire qui ne serait pas en mesure d’assurer l’ordre public par ses propres moyens lors de ces grands rassemblements, de demander au préfet de département de prendre les mesures nécessaires.

A été en outre maintenue une mesure très importante et attendue, vous l’avez rappelé, madame la ministre, à savoir l’extension au maire de toute commune dotée d’une aire ou de terrains d’accueil du pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal. Il lui sera par conséquent possible de demander au préfet de mettre en œuvre la procédure d’évacuation d’office des campements illicites, même dans le cas où l’EPCI auquel la commune appartient n’a pas rempli l’ensemble de ses obligations. Cette mesure mettra fin à une interprétation aberrante de la loi et répondra à une attente ancienne des élus.

Autre mesure conservée : le doublement des peines encourues en cas d’installation en réunion et sans titre sur le terrain d’autrui, et l’application à ce délit de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle, qui en facilitera la répression.

Cette proposition de loi du Sénat nous revient donc en deuxième lecture, c’est assez rare pour être relevé, et nous avons abordé cette nouvelle étape avec un esprit partagé. Si un grand nombre de dispositions adoptées par le Sénat ont été supprimées, un début de solution est tout de même apporté au problème de stationnement illicite des gens du voyage.

Nous ne sommes pas satisfaits ; il ne s’agit pas d’un compromis. Il faut aller plus loin pour répondre aux préoccupations légitimes des élus, sans doute à l’occasion d’un nouveau vecteur législatif. Pour l’heure, il me semble important de ne pas laisser passer l’opportunité de voir les mesures qui subsistent, toutes dues à l’initiative du Sénat, entrer en vigueur sans délai.

Le président de la commission des lois l’a souligné, le Sénat ne saurait s’enfermer dans une posture du « tout ou rien », qui n’est pas dans sa nature. La commission des lois a donc adopté sans modification la proposition de loi telle qu’elle nous est revenue de l’Assemblée nationale.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, avant de poursuivre la discussion générale, je vous propose de prolonger nos travaux pour achever la discussion de cette proposition de loi. Cela nous évitera d’avoir à suspendre la séance et de la reprendre pour moins d’une heure.

Assentiment.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Puisque vous en êtes d’accord, vous supporterez donc que je sois très ferme sur le respect des temps de parole…

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’heure semble venue de mettre fin au casse-tête et aux difficultés permanentes que constitue, pour les élus locaux, l’accueil des gens du voyage. L’heure semble venue d’harmoniser les quatre textes qui, jusqu’ici, réglaient ces conditions d’accueil : la loi Besson, la loi MAPTAM, la loi NOTRe et la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté.

Au fil de la navette, les règles et les responsabilités de chacun, notamment des communes et des intercommunalités, se sont précisées, sauf, et c’est plus que fâcheux, s’agissant des communes de moins de 5 000 habitants, que la loi Besson excluait de l’obligation d’accueil. D’où l’amendement de mon groupe, par lequel nous ne faisons d’ailleurs que reprendre une disposition adoptée par le Sénat en première lecture avant d’être supprimée, on ne sait pourquoi, par l’Assemblée nationale. Ne pas le voter serait accepter que des EPCI composés de petites communes, qui, jusqu’à ce jour, n’avaient pas d’obligation d’accueil, y soient directement soumis. Je constate que, décidément, l’esprit de la loi NOTRe souffle encore…

Plus encore qu’à l’enchevêtrement réglementaire, les difficultés actuelles tiennent à deux choses. Elles tiennent, premièrement, aux retards dans l’élaboration et la mise en œuvre des schémas départementaux. En 2014, même si nous avions beaucoup avancé, 35 % des aires d’accueil permanentes restaient encore à réaliser. Surtout, 18 % de celles qui existaient alors ne répondaient pas complètement aux obligations prévues. J’espère que, depuis cette date, des progrès substantiels ont été faits. Il faudra en tout cas qu’ils le soient un jour.

Ces difficultés tiennent, deuxièmement, à un autre écueil, celui de faire respecter la loi par un nombre non négligeable de gens du voyage, les préfets ne manifestant pas toujours, d’ailleurs, un grand enthousiasme à la perspective de faire évacuer par la force publique les contrevenants qui s’installent là où bon leur semble, parfois même quand existe une aire d’accueil réglementaire sur le territoire de la commune concernée.

Si le présent texte précise les obligations et pouvoirs de chacun, ceux des maires notamment, il ne peut garantir une meilleure application desdites règles, application qui relève de l’ordre public et, donc, du pouvoir d’appréciation du préfet, en fonction des moyens dont il dispose, lesquels, vous le savez comme moi, ne sont pas toujours suffisants.

En tout cas, ces retards, voire ces absences de réaction de la part des pouvoirs publics, sont source d’incompréhension pour les élus, de rejet par le voisinage, qui en vient à se demander s’il n’y a pas deux catégories de citoyens : ceux que l’on sanctionne quand ils ne respectent pas la loi et ceux qui peuvent tout se permettre en toute impunité. Voilà une particularité qui, d’ailleurs, je le souligne, n’est pas une exclusivité propre aux gens du voyage ; mais passons…

Notre sentiment est que nous ne sortirons de l’impasse qu’en faisant respecter la loi Besson et rien que la loi Besson, par les uns comme par les autres : par les collectivités, en facilitant la réalisation des aires d’accueil ; par les gens du voyage, en facilitant la police des grands rassemblements ainsi que l’évacuation des terrains occupés illégalement dans les EPCI qui, eux, respectent la loi. Le présent texte contribue à cette exigence, mais, encore une fois, tout dépendra de son application.

Parce que ce texte va dans le bon sens, notre groupe le votera, si notre amendement est adopté. Autrement, il s’abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons de nouveau au sein de notre hémicycle de la proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, sensiblement modifiée par l’Assemblée nationale.

Lors de son examen en octobre 2017, j’avais d’emblée regretté, au nom de mon groupe politique, que nous ayons à examiner un ensemble de mesures remettant en cause le dispositif équilibré et concerté voté au sein de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, dite loi LEC.

Rappelons que cette loi a permis d’adapter et d’améliorer la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, en précisant les conditions d’élaboration des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage et en renforçant les dispositifs de mise en demeure et d’évacuation des campements sauvages. Elle a en outre facilité le recours à la procédure du référé, afin de mieux protéger les terrains, notamment les terrains agricoles, lorsque l’activité économique est entravée.

Dans le même temps, la LEC a abrogé des dispositions discriminantes, comme le livret de circulation et l’obligation qui était faite de le faire viser à intervalles réguliers par l’autorité administrative, ce dont je me félicite de nouveau. Elle a également réaffirmé le droit à la scolarisation des enfants du voyage et introduit une procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et EPCI ne remplissant pas les obligations du schéma départemental.

Je veux le souligner de nouveau ici : en matière d’accueil des gens du voyage, l’enjeu aurait d’abord été d’appliquer la LEC et l’ensemble de la législation existante au lieu de proposer, comme c’était le cas initialement dans cette proposition de loi, un nouvel arsenal de mesures répressives, et pour certaines inapplicables, au risque de nous placer dans une simple logique d’affichage.

Fort heureusement, le texte tel que nous l’examinons aujourd’hui se trouve désormais délesté de ses mesures les plus sujettes à caution, à la suite de son examen par l’Assemblée nationale en avril puis au mois de juin dernier.

Je me félicite, tout d’abord, que les mesures dérogatoires en matière d’obligations d’accueil que souhaitait instaurer la majorité sénatoriale aient été supprimées. Il en est ainsi du caractère facultatif de la création d’installations d’accueil pour une commune appartenant à une communauté de communes dont aucune d’entre elles ne dépasse 5 000 habitants. Autres dispositions supprimées : la comptabilisation des aires permanentes d’accueil des gens du voyage au sein des logements sociaux pour l’appréciation du respect de la loi SRU, ainsi que le rétablissement de la procédure de consignation de fonds introduite par la loi Égalité et citoyenneté à l’encontre des communes et EPCI ne remplissant pas les obligations du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

La navette parlementaire a également permis de supprimer un certain nombre de dispositions inutilement répressives à l’encontre des gens du voyage : l’augmentation de la taxe sur les résidences mobiles terrestres, ainsi que la création d’une vignette délivrée lors du paiement de la taxe avec obligation de l’apposer de manière visible sur le véhicule redevable ; l’instauration d’une peine complémentaire d’interdiction de séjour ajoutée à la peine principale qui serait prononcée au titre d’une occupation illégale de terrain ; la possibilité de saisir des véhicules destinés à l’habitation.

Dans le même temps ont été maintenues, au sein du texte, des mesures visant à répondre efficacement aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales.

Pour le stationnement d’un groupe de plus de cent cinquante résidences mobiles, les représentants des gens du voyage devront dorénavant obligatoirement informer au moins trois mois avant le préfet de région, le préfet de département et le président de conseil départemental concernés. Le préfet de département avertira ensuite les élus locaux. Si le maire n’est pas en mesure d’assurer l’ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, il pourra demander au représentant de l’État dans le département de prendre les mesures nécessaires.

En outre, une commune qui respecte ses obligations en matière d’accueil pourra interdire le stationnement en dehors des aires aménagées, même si elle appartient à un EPCI ne respectant pas, sur son territoire, les obligations qui lui sont faites dans le cadre du schéma départemental.

Par ailleurs, les sanctions pénales en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain sont renforcées, avec un doublement de la peine encourue, portée à douze mois d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende. Si cette dernière mesure nous laisse quelque peu dubitatifs, nous saluons en revanche l’instauration d’une amende forfaitaire délictuelle, d’un montant de 500 euros, qui stoppera l’action publique engagée tout en permettant la sanction immédiate de l’infraction commise.

Je me félicite également que les compétences entre les communes et les EPCI aient été clarifiées et l’intercommunalité réaffirmée comme l’échelon pertinent en matière d’accueil des gens du voyage.

La loi indiquera dorénavant que les communes sont tenues d’accueillir une installation, mais ce seront bien les EPCI qui devront assurer la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires et terrains prévus par le schéma départemental.

Au vu de l’ensemble de ces modifications, je considère, au nom de mon groupe, que cette proposition de loi ainsi rédigée correspond davantage à l’approche équilibrée en droits et en devoirs que nous appelions de nos vœux et que nous avions d’emblée cherché à établir en déposant un certain nombre d’amendements en première lecture.

En effet, nous sommes tout autant que vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, conscients des difficultés auxquelles peuvent être confrontés les élus locaux en matière d’accueil des gens du voyage. Je tiens d’ailleurs de nouveau à leur rendre hommage dans cet hémicycle et à saluer leur action essentielle au service de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire.

L’action et l’engagement des élus locaux sont précieux et indispensables au bon fonctionnement de notre République décentralisée. Nous devons donc leur donner les moyens d’agir, en leur fournissant, dans le cas présent, les outils législatifs adéquats pour pouvoir non seulement accueillir toutes les populations dans de bonnes conditions, mais également remédier aux situations d’occupations illicites et réprimer l’ensemble des comportements contraires à la loi.

De même, nous savons qu’il est nécessaire que l’ensemble des collectivités se conforment à leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage.

Faut-il le rappeler, selon la Cour des comptes dans un rapport de janvier 2017, au 1er janvier 2014, 170 aires avaient été réalisées sur les 348 inscrites dans les schémas départementaux et, à ce jour, seuls dix-huit départements respectent leurs obligations d’accueil. Nous devons tout faire pour améliorer ces chiffres et cette réalité statistique, qui ne peut nous satisfaire et doit nous interpeller.

Pour les collectivités satisfaisant à ces obligations, il est essentiel que les terrains mis à disposition respectent les critères d’accueil élémentaire requis, tels que l’accès à l’électricité, à l’eau potable et à des conditions de vie décentes.

Comme je l’ai rappelé lors de l’examen de ce texte en commission des lois, la question de l’accueil des gens du voyage ne se réglera pas par la seule inflation des sanctions. Adoptons une approche plus équilibrée, en nous souciant, par exemple, de l’accueil des enfants des gens du voyage dans les écoles, ou en prenant en considération les effets positifs que de tels rassemblements peuvent apporter en termes de brassage social ou de gain d’activité économique sur le territoire, notamment autour des aires de grand passage.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne sommes ici ni dans l’angélisme ni dans le tout-répressif. Nous souhaitons avant tout défendre un principe simple : le respect des droits et des devoirs de chacun. Il s’agit, en somme, de faire confiance aux élus locaux, en leur donnant les moyens juridiques d’agir si nécessaire tout en défendant un accueil digne des gens du voyage, conforme à nos valeurs.

De manière pragmatique et au vu des améliorations notables apportées au cours de la navette parlementaire, notre groupe politique votera donc en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Catherine Troendlé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, le texte de loi examiné aujourd’hui, issu des propositions de loi déposées par notre ancien collègue sénateur Jean-Claude Carle et par notre collègue Loïc Hervé, entend répondre à une problématique sensible, rencontrée sur le terrain par nombre de nos élus locaux, qui se sentent impuissants, voire abandonnés par les services de l’État.

Réfléchir à la question du rôle des collectivités territoriales dans l’accueil des gens du voyage, dont le Sénat s’est saisi, revient à rechercher de façon constante un juste équilibre : un juste équilibre entre la liberté de mouvement de personnes itinérantes et le droit de propriété ; un juste équilibre entre les besoins spécifiques des gens du voyage et le maintien de l’ordre public ; un juste équilibre, aussi, dans la répartition des compétences entre les différentes collectivités territoriales et l’État.

L’arsenal législatif en vigueur, constitué par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, et par la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, a permis de poser le socle des droits et des devoirs qui incombent à chacun.

Pour ce qui concerne les collectivités locales, ces dernières ont l’obligation de mettre en place des aires d’accueil réservées pour les itinérants, afin de favoriser leur intégration. En retour, les gens du voyage sont tenus de respecter les règles collectives, en vue de prévenir la dégradation de lieux publics et l’occupation illégale de terrains.

Mais certains dispositifs se sont révélés trop complexes, voire inadaptés aux réalités du terrain, face notamment au phénomène de semi-sédentarisation ou de sédentarisation des gens du voyage. Il était donc devenu urgent d’apporter des solutions concrètes, à la hauteur des attentes de nos élus, qui sont fortes.

C’est pourquoi le groupe du RDSE soutient les dispositions contenues dans ce texte, dotant les maires de nouveaux outils juridiques pour faire respecter le droit commun et l’ordre public.

C’est notamment le cas de l’article 3, qui introduit une obligation d’information des autorités trois mois avant tout grand rassemblement ou tout grand passage. Cette mesure très concrète est cruciale pour les élus. Elle leur permet de s’organiser pour faire face à des afflux importants de population et de véhicules, ce qui est le minimum quand on sait que, lors de ces grands rassemblements, ce sont des centaines de personnes, voire des milliers, qui peuvent se réunir sur un même lieu pour une quinzaine de jours.

Je citerai en exemple une situation que je connais bien, ayant lieu tous les ans dans mon département girondin : un grand rassemblement de gens du voyage à caractère religieux y regroupe 3 000 itinérants sur le territoire d’une commune de 2 400 habitants.

Un tel mouvement de personnes implique un certain nombre de bouleversements, qu’il convient, comme vous pouvez l’imaginer, d’anticiper. En termes sanitaires, il s’agit notamment de prévoir l’évacuation des déchets et l’alimentation en eau. Je pense aussi aux milieux sensibles, qu’il faut protéger, à l’instar de la forêt des Landes girondines. Il est indispensable de protéger notre réseau de pistes DFCI – défense des forêts contre l’incendie -, dont les règles de circulation sont respectées au quotidien par la population résidente. Il faut donc nous assurer que le nombre important de véhicules amenés à circuler dans le cadre de ces grands rassemblements respecte effectivement de telles contraintes.

Je prendrai un autre exemple, lui aussi tiré de mon expérience locale en Gironde, celui de la relation avec les chasseurs : quand un grand rassemblement a lieu lors de la période cruciale de l’ouverture de la chasse, des réunions préparatoires sont absolument indispensables entre les services locaux et ceux de l’État, et ce suffisamment en amont.

De plus, le texte prévoit la possibilité pour les maires de demander au préfet de prendre les mesures nécessaires au maintien de l’ordre public, quand ils ne sont pas eux-mêmes en mesure de le faire.

Cette proposition de loi permet aussi aux communes dotées d’une aire d’accueil de prendre des arrêtés d’interdiction de stationnement, afin que les maires ne soient plus pénalisés par les manquements des EPCI, dont leur commune est membre.

À la suite des lois qui se sont succédé en matière de réforme territoriale – MAPTAM en 2014, NOTRe en 2015 et Égalité et citoyenneté en 2017 –, l’article 1er répond à une forte attente de clarification des compétences entre les communes et les EPCI et permet de mieux prendre en compte les nouvelles compétences des intercommunalités.

Si ce texte renforce la responsabilité des collectivités locales en termes d’accueil des gens du voyage, il permet de leur assurer aussi qu’elles ne sont pas seules. L’État doit être garant de cet équilibre et acteur d’une solidarité territoriale. Le chantier est de taille !

Dans un rapport publié en 2017, la Cour de comptes évoque la scolarisation des enfants d’itinérants, que l’État affiche comme une priorité pour une intégration sociale et professionnelle. Ce rapport relève que 33 % des académies ne déploient pas de médiateur scolaire en appui de la scolarité des enfants des gens du voyage et que 25 % d’entre elles n’utilisent pas les outils de suivi de scolarité, dispositifs pourtant clés dans le cas d’une scolarité en itinérance.

Si les obligations des collectivités doivent être évidemment respectées, l’État ne peut se détourner des siennes.

Concernant le renforcement des sanctions contre les occupations illicites, sujet sur lequel a particulièrement travaillé notre collègue Loïc Hervé, certains membres du groupe du RDSE émettent des réserves techniques quant au doublement des sanctions pour l’occupation d’un terrain sans titre ou la création d’une amende forfaitaire délictuelle en cas d’occupation illicite. Ces interrogations techniques reposent sur le fait que la justice et la police, confrontées à des tâches nombreuses et fournies, pourraient dans les faits ne pas se saisir de ces outils. En tout état de cause, cette disposition est maintenant introduite dans le texte, et nous pouvons compter sur la ténacité des élus pour la faire appliquer.

En conclusion, le groupe du RDSE tient à saluer le compromis trouvé entre les deux chambres du Parlement dans l’examen de ce texte, qui soulève des problématiques éminemment complexes et clivantes. Au fil des lectures, le Sénat et l’Assemblée nationale ont travaillé à la poursuite d’un juste équilibre, fortement attendu par les élus locaux. Néanmoins, pour aboutir à ce compromis, il a fallu faire des concessions : il est regrettable que l’article 2 prévoyant l’abrogation de la procédure de consignation de fonds à l’égard des communes et des EPCI défaillants ait été supprimé à l’Assemblée nationale.

Lors de la première lecture, les membres du RDSE avaient conditionné leur vote final à l’adoption des amendements déposés par le groupe. Satisfait du texte que nous étudions aujourd’hui en deuxième lecture, notre groupe le votera conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. Ravier n’étant pas là, je donne la parole à M. Loïc Hervé.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un an après le vote d’un texte au Sénat, nous sommes amenés à débattre à nouveau ce soir, en deuxième lecture, de la question de l’accueil des gens du voyage et de la lutte contre les installations illicites.

Comme auteur de l’une des deux propositions de loi initiales, tout comme l’était notre ancien collègue Jean-Claude Carle – Cyril Pellevat en était le premier signataire –, je me sens une responsabilité particulière dans ce débat. En effet, chacun ici a conscience que la situation reste critique, et l’année qui s’est écoulée n’a pas vu d’amélioration. Les entreprises, les agriculteurs, les élus locaux, les forces de l’ordre, les magistrats sont, pour nombre d’entre eux, épuisés et exaspérés par des situations qui durent et se répètent. Il faut entendre cet appel à l’aide et y répondre autant que possible.

À titre d’exemple, je pourrais vous parler de la Haute-Savoie, où les maires réunis en congrès départemental samedi dernier ont encore manifesté leur ras-le-bol, publiquement et ouvertement. L’association départementale n’a eu de cesse de nous alerter sur l’urgence et d’alimenter les parlementaires d’informations sur les situations rencontrées. Avec mes deux collègues, Cyril Pellevat et Sylviane Noël, qui interviendront également dans la discussion générale et qui, je n’en doute pas, abonderont dans mon sens, je veux me faire le porte-parole de ces élus.

Pour autant, si les auteurs des propositions de loi sont haut-savoyards et les sénateurs de ce département particulièrement vigilants sur ce sujet, la question se pose dans tout le pays. En témoignent les très nombreux collègues cosignataires de nos propositions de loi ou intéressés par le sujet.

J’en viens maintenant au texte que nous devons examiner.

Je voudrais remercier très sincèrement Mme le rapporteur Catherine di Folco pour le travail accompli, à la fois il y a un an, mais aussi depuis lors. C’est grâce à vous, chère collègue, que le Sénat a adopté un texte cohérent et robuste que l’Assemblée nationale, lors de son examen, a malheureusement soulagé de nombreuses propositions importantes.

Si l’on peut émettre des regrets, je voudrais à cet instant souligner, madame la ministre, que votre oreille a toujours été attentive et votre rôle positif, à la fois quand nous vous avons rencontrée place Beauvau, quand vous êtes venue dans notre département, en particulier dans le Genevois, et quand nous avons été amenés à évoquer ensemble ce texte et son destin.

Alors, mes chers collègues, je voudrais vous faire part de mon état d’esprit ce soir. Je voudrais d’abord regretter les mesures que nos collègues députés n’ont pas conservées. Ces mesures, que je ne citerai pas de manière exhaustive, sont de nature assez différente. On pourrait par exemple évoquer le rejet de la prolongation du délai de validité des mises en demeure des préfets de sept à quinze jours. C’est une demande du terrain, notamment de la part des agents de l’État. Il nous faudra y répondre !

Il faut aussi répondre à la question des « sauts de puce », à laquelle le président du Sénat Gérard Larcher est extrêmement sensible, d’autant qu’elle est très souvent évoquée lors des déplacements qu’il effectue dans nos départements.

Enfin, je crois qu’il était nécessaire de revisiter de fond en comble les obligations des communes, notamment dans les départements où les schémas départementaux ont produit l’essentiel de leurs effets et où les collectivités et intercommunalités ont aménagé, pour des coûts élevés, des aires d’accueil.

Toutes ces réflexions et les dispositions correspondantes pourront, à mon sens, trouver leur place dans un nouveau texte, permettant de poursuivre le débat avec l’Assemblée nationale sur nos points de désaccord. J’ai entendu, madame la ministre, que vous compreniez ce besoin, et c’est quelque chose que nous pourrons entreprendre au Sénat avec les collègues qui le souhaiteront.

Il y a aussi les mesures conservées. À elles seules, elles justifient que les membres du groupe Union Centriste s’orientent vers un vote conforme du texte.

Je voudrais d’abord insister sur les amendes forfaitaires délictuelles. C’est un dispositif qui va dans le même sens que la réforme de la justice que nous venons cet après-midi même d’adopter, en déjudiciarisant la procédure et en la rendant beaucoup plus opérationnelle, car nous la confions aux officiers de police judiciaire. Cette nouvelle procédure sera toujours plus efficace qu’une audience au tribunal correctionnel, qui ne peut avoir lieu au mieux que quelques mois après les faits, et seulement si l’affaire n’a pas été entre-temps classée sans suite par le parquet et qu’elle a été audiencée.

Il y a aussi le doublement d’un certain nombre de peines, laissant plus de marges encore aux procureurs pour mieux poursuivre et aux juges pour mieux juger.

Je citerai enfin la possibilité pour le maire d’une commune qui est en conformité avec le schéma départemental, mais qui appartient à un EPCI lui-même non conforme, de faire appel aux pouvoirs de police du préfet. Cette procédure de mise en demeure administrative de quitter les lieux est importante et réclamée par de nombreux élus, notamment en cas de fusion d’EPCI. En effet, je rappelle que, lorsque deux EPCI fusionnent, l’un conforme au schéma, l’autre non, le nouvel établissement est considéré comme non conforme et la commune qui bénéficiait de la possibilité de faire appel au préfet pour la mise en demeure administrative de quitter les lieux ne peut plus le faire. Il convient de corriger ce point de manière urgente.

Notre groupe est donc favorable à un vote conforme de la proposition de loi. Nous comprenons que certains collègues aient souhaité déposer des amendements, mais nous ne pourrons pas les soutenir aujourd’hui, car nous privilégions une adoption rapide de ce texte.

Notre groupe souhaite qu’une mission parlementaire de suivi soit lancée immédiatement pour permettre de s’assurer que la procédure des amendes forfaitaires délictuelles entre en vigueur très rapidement et que le principe non bis in idem ne s’oppose pas à l’efficacité du dispositif.

Notre groupe souhaite enfin, comme je le disais à l’instant, que le débat se poursuive sur les dispositions au sujet desquelles le Sénat et l’Assemblée nationale sont en désaccord.

Mes chers collègues, à quelques jours du congrès des maires, notre vote permettra d’envoyer un signal clair aux élus de tout le pays : le Sénat s’est de nouveau emparé de ce sujet. En adoptant maintenant cette proposition de loi sur l’accueil des gens du voyage et la lutte contre les installations illicites, nous enverrons aussi un message à M. le Président de la République, qui est chargé de promulguer les lois.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte, issu de deux propositions de loi déposées respectivement par notre ancien collègue Jean-Claude Carle et notre collègue Loïc Hervé, a pour objet d’apporter des réponses concrètes aux difficultés récurrentes posées par l’occupation illicite de terrains publics ou privés par des gens du voyage.

Ce texte vise à clarifier les obligations des communes et de leurs groupements relatives à l’accueil des gens du voyage, à simplifier la préparation des grands passages et des grands rassemblements, à renforcer les moyens dont disposent les autorités publiques pour réglementer le stationnement des résidences mobiles, à faciliter l’évacuation des campements irréguliers et à mieux réprimer certains comportements.

Il n’est pas question ici de jeter un quelconque discrédit ou de stigmatiser une catégorie de la population, mais il est de la responsabilité de la puissance publique de garantir l’ordre et les libertés des citoyens sédentaires, en aménageant un juste équilibre entre les droits et devoirs de chacun et en faisant cesser les agissements d’une minorité de fauteurs de troubles.

En effet, nombre de maires subissent chaque année des occupations illicites de terrains par des gens du voyage. À défaut de disposer des moyens pour lutter efficacement contre ces pratiques, qui se caractérisent par des désordres, des intimidations à l’égard des représentants de l’ordre et de la population et par des destructions, des dégradations ou des détériorations de biens publics ou privés, les maires ne peuvent que constater l’impunité de ces fauteurs de troubles.

L’exaspération des élus locaux et le sentiment que les services de l’État les ont abandonnés ne cessent de croître. Ces élus sont profondément désemparés, lorsqu’ils voient que les lois de la République sont bafouées.

C’est pourquoi je déplore qu’à l’Assemblée nationale une majorité de députés n’ait pas été à l’écoute du désarroi des élus locaux. Je regrette ainsi la suppression d’un grand nombre de dispositions, pourtant utiles, proposées par le Sénat, notamment celle qui visait à supprimer la procédure de consignation de fonds à l’égard des communes et des EPCI défaillants, qui est inutilement attentatoire à leur libre administration.

Je désapprouve également la suppression par l’Assemblée nationale des dispositions qui avaient pour objet de mieux circonscrire les obligations susceptibles d’être assignées aux communes et à leurs groupements en matière d’accueil des gens du voyage, en prévoyant que le schéma départemental élaboré à cet effet ne puisse imposer la réalisation d’aires ou de terrains d’accueil sur le territoire de communautés de communes ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants ou en cas de faible occupation des aires existantes.

Je regrette aussi que l’Assemblée nationale ait amputé ce texte de mesures pertinentes. J’en citerai trois : le relèvement du montant de la taxe sur les résidences mobiles occupées à titre d’habitat principal ; la simplification de l’évacuation des campements illicites grâce au renforcement des procédures administratives et juridictionnelles ; enfin, le renforcement de la répression pénale des installations en réunion et sans titre sur un terrain, ainsi que des destructions et dégradations commises aux mêmes occasions, en instituant notamment une nouvelle peine complémentaire de confiscation des véhicules destinés à l’habitation.

Toutefois, plusieurs dispositions importantes et urgentes ont été maintenues, et je m’en réjouis. Je citerai notamment la clarification de la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre et l’obligation d’information préalable des autorités publiques lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage.

Il faut aussi noter l’extension au maire de toute commune dotée d’une aire ou de terrains d’accueil du pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal et, par conséquent, de demander au préfet de mettre en œuvre la procédure d’évacuation d’office des campements illicites, même dans le cas où l’EPCI auquel la commune appartient n’a pas rempli l’ensemble de ses obligations.

Je citerai enfin le doublement des peines encourues en cas d’installation en réunion et sans titre sur le terrain d’autrui et l’application à ce délit de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle, qui en facilitera la répression.

Comme notre collègue rapporteur Catherine Di Folco, dont je tiens à souligner la qualité des travaux, je suis insatisfait sur un certain nombre de points, mais, dans un souci d’efficacité et de pragmatisme, je crois que nous devons adopter sans modification le texte transmis par l’Assemblée nationale, afin que les mesures qu’il contient entrent en vigueur sans plus tarder.

Malgré l’urgence à agir, la navette parlementaire suit son cours depuis plus d’un an. C’est en raison de cette urgence que le groupe Les Indépendants votera ce texte.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud de Belenet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues – cher Loïc Hervé –, une proposition de loi du Sénat nous revient en deuxième lecture. Je n’ai pas une grande expérience de cet hémicycle, mais je crois que c’est suffisamment rare pour le souligner. Il faut aussi souligner la sagesse de Mme la rapporteur, qui nous propose – chose également rare – de voter ce texte conforme afin qu’il entre en vigueur sans délai.

En constatant la grande convergence qui existe entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et les différentes travées de la Haute Assemblée, le groupe La République En Marche adhère pleinement à cette démarche. Les collectivités ont besoin que nous adoptions un texte qui soit opérationnel, même si nous savons qu’il faudra le compléter.

Comme cela a été indiqué, un certain nombre de dispositions adoptées par le Sénat ont été supprimées par l’Assemblée nationale. J’avais émis, pour plusieurs d’entre elles, des réserves, tout en partageant les objectifs du texte initial. Je regrette évidemment certaines de ces suppressions, mais je suis d’accord avec d’autres.

S’agissant de l’article 1er, j’avais exprimé ma circonspection quant à exclure du schéma départemental près de la moitié des intercommunalités, celles qui ne comptent aucune commune de plus de 5 000 habitants.

En revanche, je regrette qu’ait été supprimée la disposition introduite au Sénat sur l’initiative de notre collègue Dominique Estrosi Sassone, permettant de comptabiliser les emplacements d’une aire permanente en logements sociaux. Toutefois, nous pouvons nous réjouir de la clarification, nécessaire, de la répartition des compétences entre communes et EPCI, qui inclut la création des aires et terrains d’accueil dans les obligations des EPCI.

Je partage le regret de ne pas avoir pu maintenir la suppression de la procédure de consignation de fonds à l’encontre des EPCI défaillants, procédure qui, en effet, pose la question de l’application du principe de libre administration des collectivités territoriales.

L’article 3 est une avancée pour les élus locaux, qui pourront, grâce à ce mécanisme d’information préalable, s’organiser pour accueillir les gens du voyage lors des grands passages et des grands rassemblements.

De même, l’article 4 satisfait aux préoccupations des élus, que le Gouvernement a entendues. Désormais, les maires d’une commune dotée d’une aire d’accueil pourront interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal, même si l’intercommunalité n’a pas satisfait à ses obligations.

Je suis également satisfait du positionnement de l’Assemblée nationale, qui me semble assez équilibré, en ce qui concerne, d’une part, le doublement des peines encourues en cas d’occupation illicite d’un terrain et, d’autre part, la création d’une amende forfaitaire délictuelle – cette mesure proposée par Loïc Hervé constitue une innovation importante.

La suppression par nos collègues députés de la confiscation des véhicules d’habitation me paraît conforme au principe d’inviolabilité du domicile. J’avais exprimé mes réserves sur cette disposition en première lecture.

L’arsenal pénal existant pour réprimer les destructions, dégradations ou détériorations d’un bien d’autrui étant suffisant selon plusieurs avis recueillis, il ne nous paraissait pas indispensable de le renforcer. La suppression de l’article 7 par l’Assemblée nationale peut donc nous convenir.

L’article 8, qui prévoit la création d’un délit de fraude d’habitude d’installation, s’il n’est pas dépourvu de fondement, soulève des difficultés d’application, qui ont déjà été évoquées. Nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ce sujet à l’occasion d’un nouveau texte – Loïc Hervé nous a dit qu’il avait l’intention de prendre une initiative allant dans ce sens.

Je vous disais, au début de mon propos, que le groupe La République En Marche approuvait la position de la commission des lois, qui a été adoptée à l’unanimité. Comme plusieurs collègues qui se sont exprimés, j’espère que le Sénat votera ce texte de manière unanime. Notre groupe comprend les préoccupations qui s’expriment dans un certain nombre d’amendements déposés à l’occasion de cette deuxième lecture, mais il sera encore temps d’y répondre dans une prochaine proposition de loi.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Je veux tout d’abord vous adresser toutes mes félicitations, madame la ministre, pour vos nouvelles fonctions à la tête de ce grand ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je vous souhaite de réussir pleinement votre mission pour le bien-être de nos collectivités, vous savez qu’elles attendent beaucoup !

Je suis heureux de voir – enfin – revenir au Sénat cette proposition de loi relative à la lutte contre les installations illicites des gens du voyage, après un an d’attente. Mais je suis aussi très déçu de la réduction de son contenu. L’Assemblée nationale a supprimé les deux tiers des dispositions de notre texte. J’en déduis que l’ampleur de la situation sur le terrain est clairement sous-estimée par certains députés.

Je l’ai maintes fois répété : en Haute-Savoie, comme dans bien d’autres départements, nous sommes assis sur une véritable poudrière, qui peut s’embraser à tout moment. Les exemples d’altercation avec les élus et les agriculteurs sont trop nombreux.

Non, nous ne stigmatisons pas les gens du voyage, comme cela a pu être dit sur les bancs de l’Assemblée nationale ! Nous faisons une différence entre les gens du voyage qui respectent les règles – ils représentent une très large majorité – et ceux qui, au contraire, se comportent comme des délinquants et ne respectent ni les lois de la République ni les arrêtés des communes ou des EPCI. Bref, des vrais-faux gens du voyage, qui restent sur un périmètre d’une trentaine de kilomètres ! Ce sont ces derniers qui posent problème.

Avec mes deux collègues sénateurs, Loïc Hervé et Sylviane Noël, nous nous faisons les porte-parole des nombreux élus qui subissent des installations illicites, sans disposer de réels moyens d’action, et qui nous interpellent régulièrement tout au long de l’année.

Les installations n’ont pas seulement lieu pendant l’été ; elles se font durant des périodes qui sont de plus en plus longues, et la tension monte en puissance, allant parfois jusqu’à des incidents majeurs, comme nous en avons connus en Haute-Savoie où un maire et un gendarme ont été menacés avec une arme à feu.

Madame la ministre, les élus du territoire et les services de l’État sont investis dans leurs missions. La plupart des élus respectent les obligations légales décidées dans le cadre du schéma départemental des gens du voyage, mais certains groupes semblent s’affranchir des droits fondamentaux, tels que le droit de propriété, qui est régulièrement bafoué.

Des groupes se sont imposés dans le département par le nombre et la force, bien qu’un refus de séjour leur ait été notifié en début d’année, puis réitéré lorsqu’ils se sont annoncés la veille pour le lendemain. D’autres arrivent aussi à leur convenance, méconnaissant les dates officielles de réservation.

Les élus locaux sont condamnés à passer nuit et jour à gérer les installations illicites, à subir les invectives, les menaces, les intimidations et à constater des dégradations sur des terrains de foot ou des aménagements municipaux, sans jamais pouvoir se retourner contre ceux qui dégradent volontairement ces espaces. Ils doivent aussi gérer les interrogations de la population, qui fustige une justice à deux vitesses et estime nos lois trop permissives.

Les propriétaires de terrains privés, chefs d’entreprise ou particuliers, ne comprennent pas que l’on puisse s’installer en toute impunité sur leur terrain et qu’il leur revient d’entamer des procédures longues et coûteuses.

Les agriculteurs subissent des dégradations de leur outil de travail avec toutes les nuisances que cela entraîne : pertes de récoltes, dégâts dans les champs dus aux détritus – lames de rasoir, déchets plastiques, etc. – qui peuvent nuire aux appellations d’origine contrôlée…

Nous sentons également sur le terrain l’exaspération des forces de gendarmerie, qui sont mobilisées avec des effectifs limités, face à de grands groupes et pendant des périodes de plus en plus longues.

Devant ce constat, tous les acteurs concernés espéraient un vote rapide et conforme dans chaque chambre. La proposition de loi n’était pas partisane et comportait des mesures utiles. Je souhaite remercier, à cet instant, ma collègue Catherine Di Folco pour la qualité de son rapport.

Malheureusement, l’examen à l’Assemblée nationale fut surprenant : le texte a été entièrement détricoté. La proposition de loi qui nous revient en deuxième lecture est donc bien différente de celle que nous avions votée. Les députés de la majorité ont choisi de la vider en grande partie, je ne peux que le regretter.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Néanmoins, je soutiens pleinement les quelques dispositions qui restent, car elles constituent des avancées. J’insiste sur ce point : la situation est si critique que nous devons adopter ces mesures au plus vite.

J’ai été maire d’une commune rurale de 1 500 habitants de 2008 à 2016 et pas une année ne s’est écoulée sans que je sois concerné par des installations illicites. Combien de dimanches ou de soirées passés sur les terrains de sport communaux plutôt qu’en famille ! En huit ans, je n’ai vu aucune amélioration. Il est donc plus que nécessaire d’adopter ce texte et de veiller à son application.

Les quatre mesures qui constituent cette proposition de loi comblent un vide législatif et apportent des réponses concrètes. Je ne vais pas les détailler, mais soyez certains que leur adoption constituera un premier pas. Nous devrons toutefois veiller à leur suivi ; les élus, les chefs d’entreprise, les citoyens, les agriculteurs le demandent. Comme l’a indiqué Loïc Hervé, nous demanderons chaque année au Gouvernement un suivi de l’application de cette loi et, pour juger de son efficacité, nous analyserons le nombre d’amendes distribuées.

Je regrette bien sûr que n’ait pas été retenue par les députés la possibilité que nous avions donnée aux communes de moins de 5 000 habitants de ne pas installer d’aires d’accueil, hormis si elles étaient membres d’un EPCI comportant au moins une commune dépassant ce seuil.

En raison du temps qui m’est imparti, je ne citerai pas toutes les autres mesures supprimées par l’Assemblée nationale.

Vous l’aurez compris, je voterai bien sûr ce texte, qui aidera déjà un peu les élus locaux. Nous essaierons, dans une prochaine proposition de loi, de faire adopter les mesures rejetées, en tâchant de les améliorer et en proposant aussi, le cas échéant, de nouvelles dispositions, et nous espérons davantage de compréhension. Nous devons avoir le courage de nous retrouver, tous partis confondus, lorsqu’il s’agit de soutenir les élus locaux.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il appartient à l’État de permettre aux gens du voyage de vivre selon la manière qu’ils ont choisie, ce mode de vie doit s’exercer dans le respect des lois de la République.

En séance publique, les députés de la majorité présidentielle ont affirmé que « les manquements persistants concernant la réalisation d’aires d’accueil ont pour conséquence une installation massive sur des emplacements illicites ». S’il y a des occupations illicites, c’est donc la faute des communes, qui n’auraient pas réalisé un nombre d’aires d’accueil suffisant. Le raccourci était facile, la situation est bien plus complexe !

Dans la métropole Tours Val de Loire, où je suis élu, le taux d’occupation des aires d’accueil était d’environ 47 % en 2017. La même année, un minimum de 150 caravanes était identifié sur le territoire de la métropole en stationnement illicite durable.

N’est-il pas totalement ubuesque de continuer à imposer des investissements supplémentaires aux collectivités, alors que les aires existantes sont occupées à moins de la moitié de leurs capacités ? Surtout, il faut ajouter à cet investissement les sommes déboursées pour entretenir les aires existantes, engager les procédures judiciaires d’expulsion des occupations illicites, puis nettoyer et réhabiliter les lieux libérés.

Serait-il totalement incohérent de corréler la réalisation des aires d’accueil au taux d’occupation de celles qui existent ? Rappelons qu’une partie de la subvention versée par l’État est elle-même calculée en fonction de ce même taux d’occupation.

De plus, pourquoi une commune respecterait-elle ses obligations et poursuivrait-elle son effort si, malgré des investissements colossaux, les campements illicites perdurent et sont même en constante augmentation ?

Plus encore, comment expliquer au contribuable qu’il vaut mieux investir dans une aire d’accueil inoccupée plutôt que dans un service public de proximité ? Comment lui expliquer que, s’il est mal garé, il paiera une amende et que sa voiture partira sur-le-champ à la fourrière, mais qu’il faudra plusieurs semaines pour faire cesser une occupation illicite de gens du voyage qui, finalement, s’installeront cent mètres plus loin ?

La population est excédée ; le climat devient délétère.

Dépourvus de moyens d’action, abandonnés par l’État, les maires font l’objet d’attaques verbales, parfois physiques.

Cet été, dans mon département d’Indre-et-Loire, réputé paisible, comme le Loir-et-Cher, madame la ministre

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Ce climat contribue à alimenter l’amalgame que peut faire la population entre les auteurs de ces pratiques illicites, dangereuses, et la grande majorité des gens du voyage, dont l’installation sur les aires d’accueil n’engendre pas de troubles.

Non seulement l’effort de construction de places d’accueil doit être corrélé au taux d’occupation des aires existantes, mais sa contrepartie doit être l’évacuation rapide des campements illicites.

Tel était l’objet des propositions de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Carles et de notre collègue Loïc Hervé, à savoir rétablir un équilibre entre les droits et les devoirs des gens du voyage et des collectivités territoriales, mais aussi permettre aux policiers, aux gendarmes, aux élus locaux de cesser d’être de simples spectateurs de ces occupations illicites, dépourvus de tout moyen d’action, et de redevenir acteurs.

L’État de droit existe lorsque la loi votée par le Parlement est appliquée et que les décisions administratives sont rapidement exécutées. La majorité gouvernementale a cependant voulu que, sur les dix articles que comportait la proposition de loi sénatoriale, il n’en reste que quatre. Selon l’aveu de Mme la rapporteur de la commission des lois, seule une adoption conforme de ces quatre articles, minimalistes, mais essentiels, permettra de donner une réponse rapide aux élus locaux. Cela n’est pas satisfaisant, mais il semble que nous n’ayons d’autre choix que de voter ce texte conforme.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit de la généralisation d’aires d’accueil des gens du voyage dans les communes depuis de nombreuses années, les installations illicites demeurent un problème récurrent, à l’origine de lourds dommages aux propriétés publiques et privées, ainsi que de tensions parfois vives entre riverains et gens du voyage. « Tous ces efforts, tous ces investissements coûteux pour rien », nous disent nos collègues maires et élus. « À quoi bon, si la loi n’est pas respectée ? », ajoutent-ils.

Voilà tout juste un an, la proposition de loi de mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, était adoptée à une très large majorité par le Sénat. Inscrit dans une niche parlementaire du groupe Les Républicains, ce texte répondait en effet aux attentes fortes des élus locaux, régulièrement démunis face à certaines occupations illicites.

Cette proposition de loi a malheureusement été vidée de sa substance en première lecture par le groupe majoritaire, La République En Marche, à l’Assemblée nationale. À l’issue de cette première lecture, il ne subsiste que quatre mesures, la principale étant le doublement des peines en cas d’occupation illicite d’un terrain et la création d’une amende forfaitaire délictuelle de 500 euros. La création de cette amende forfaitaire est, certes, une avancée positive que j’approuve, mais celle-ci me semble insuffisante à plusieurs titres.

Tout d’abord, l’amende forfaitaire ne s’appliquera que si la commune ou l’EPCI respecte les obligations lui incombant en vertu du schéma départemental. Or, comme vous le savez, les schémas départementaux seront en révision à partir de 2019, ce qui rendra de fait la mesure inopérante dès l’an prochain. Nous ne sommes pas là pour défendre les territoires qui n’ont rien fait, mais, dans de nombreux cas, les collectivités sont déclarées en non-conformité avec le schéma, parce qu’il ne leur manque que deux ou trois places. Pourtant, l’amende forfaitaire ne sera pas applicable dans ces cas.

Ensuite, il faut noter que cette amende ne s’appliquera pas aux caravanes.

Enfin, élément très important, l’amende ne sera pas répétitive, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, dont la dernière décision date du 30 janvier 2018. Il en résultera que les campements illégaux ne pourront se voir infliger qu’une seule amende, ce qui entraînera un risque fort de sédentarisation et une multiplication des campements illégaux, sans oublier l’insolvabilité très couramment évoquée par ces communautés pour échapper à tout type de sanction financière.

Par ailleurs, l’amende forfaitaire ne résoudra pas tous les problèmes, notamment celui des « sauts de puce ».

Aussi, mes chers collègues, face à un problème aussi crucial, nous ne pouvons pas nous contenter de ces maigres avancées. Les élus que nous représentons attendent mieux que cela.

Cette deuxième lecture doit être l’occasion d’enrichir ce texte et de tenter d’obtenir des avancées supplémentaires pour doter les élus locaux d’outils efficaces. Nous avons la chance d’avoir entre les mains un texte spécifique, et nous savons tous que cette occasion ne se représentera probablement pas.

Nous avons obtenu des garanties très fortes de la part du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale pour que le texte soit inscrit rapidement en deuxième lecture, nous permettant ainsi d’organiser cette navette parlementaire et d’avoir un texte abouti pour la saison prochaine. Aussi ai-je décidé de déposer plusieurs amendements, cosignés par une cinquantaine de mes collègues, visant à rétablir les principales dispositions du texte initial. L’adoption de ces amendements permettra notamment de rétablir un dispositif pour éviter les « sauts de puce », d’autoriser la saisine des véhicules non affectés à l’usage d’habitation pour les transférer vers des aires d’accueil existantes du département, de comptabiliser les aires permanentes d’accueil des gens du voyage sédentaires dans l’évaluation de la proportion de logements sociaux comptabilisés en application de la loi SRU et, enfin, d’instaurer une période transitoire pendant laquelle ces dispositifs pourraient s’appliquer pour une commune ou un EPCI qui aurait cessé d’être en conformité avec le schéma départemental à la suite de la révision de celui-ci.

Ces agissements délictueux sont fort heureusement le fait d’une minorité, mais parce que ces agissements peuvent entraver l’activité économique, contraindre l’exploitation agricole, empêcher le bon fonctionnement des services publics, porter une atteinte grave au droit de propriété ou à la liberté de circulation, ils deviennent absolument intolérables pour tous : élus, citoyens, professionnels, agriculteurs, force de l’ordre. Comme le disait l’écrivain et conseiller d’État Eugène Marbeau : « La liberté, c’est le respect des droits de chacun ; l’ordre, c’est le respect des droits de tous. » Plus que le droit, nous avons aujourd’hui le devoir d’agir !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je vous ai laissé vingt secondes de plus…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Chapitre Ier

Clarifier le rôle de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements

(Non modifié)

I. – La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi modifié :

a)

Supprimé

b) Le second alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est tenu compte, lors de sa révision, des évolutions du schéma départemental de coopération intercommunale mentionné à l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. » ;

c) À la première phrase du premier alinéa du IV, le mot : « public » est remplacé par le mot : « publics » ;

2° Les I et II de l’article 2 sont ainsi rédigés :

« I. – A. – Les communes figurant au schéma départemental et les établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er sont tenus, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre.

« B. – Les communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent remplissent leurs obligations en accueillant sur leur territoire les aires et terrains mentionnés au A du présent I.

« L’établissement public de coopération intercommunale compétent remplit ses obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur son territoire. Il peut retenir un terrain d’implantation pour une aire ou un terrain situé sur le territoire d’une commune membre autre que celle figurant au schéma départemental, à la condition qu’elle soit incluse dans le même secteur géographique d’implantation.

« L’établissement public de coopération intercommunale compétent peut également remplir ses obligations en contribuant au financement de la création, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’aires ou de terrains situés hors de son territoire. Il peut, à cette fin, conclure une convention avec un ou plusieurs autres établissements publics de coopération intercommunale.

« C. – Les communes qui ne sont pas membres d’un établissement public de coopération intercommunale compétent remplissent leurs obligations en créant, en aménageant, en entretenant et en assurant la gestion des aires et terrains dont le schéma départemental a prévu la réalisation sur leur territoire. Elles peuvent également contribuer au financement de la création, de l’aménagement, de l’entretien et de la gestion d’aires ou de terrains situés hors de leur territoire. Elles peuvent, à cette fin, conclure une convention avec d’autres communes ou établissements publics de coopération intercommunale compétents.

« II. – Les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale compétents assurent la gestion de ces aires et terrains ou la confient par convention à une personne publique ou privée. »

II. –

Non modifié

III. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Nous sommes face à un dilemme, après que l’Assemblée nationale a vidé cette proposition de loi d’une grande partie de sa substance : nous sommes partagés entre l’idée de rétablir le texte tel qu’il était, pour donner une véritable efficience aux principes de droit, qui n’ont pas été modifiés, mais dont nous nous rendons compte sur le terrain qu’ils restent purement virtuels, ou d’accepter le texte de l’Assemblée nationale. Or, nous le savons, sans vote conforme, la proposition de loi n’aboutira pas et les quelques avancées qui subsistent resteront lettre morte.

À l’article 1er, je regrette que nous n’ayons pas pu définitivement dispenser les communes de moins de 5 000 habitants de l’obligation d’accueil. Dois-je rappeler que la loi Besson ne visait que les communes de plus 5 000 habitants ? Si toutes ces communes respectaient leur obligation d’accueil, les besoins seraient satisfaits à l’échelle nationale. Si elles ne le font pas, c’est parce qu’elles savent très bien que, même lorsqu’elles le font, ça ne sert souvent à rien. Ça n’empêche pas les installations sauvages ! J’ai vu dans mon département des communes rendre les clés de leur aire intercommunale au préfet, car le coût de fonctionnement d’une telle installation, proche du million d’euros, était une dépense en pure perte.

Je le répète, je regrette que l’obligation d’accueil ne soit pas supprimée pour les communes de moins de 5 000 habitants. Même si les investissements et les coûts de fonctionnement sont supportés, depuis la loi NOTRe, par la solidarité intercommunale, une aire de stationnement, ce sont des dépenses pour la commune, en matière scolaire, sociale, voire de police municipale, dépenses qui sont souvent hors de portée des petites communes.

Il faudrait exclure complètement ces collectivités du dispositif, mais la loi ne le fera pas. J’espère au moins que la pratique administrative le fera. Il faut savoir que nous sommes tous très attentifs dans nos départements, lorsque nous élaborons les schémas départementaux, à ce que cette obligation ne pèse pas sur les petites communes.

Ces regrets, que je voulais exprimer, ne doivent pas nous empêcher d’avancer lorsque nous le pouvons.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Raison

Je voudrais souligner un problème récurrent, celui de l’occupation des aires d’accueil par des gens du voyage quasi sédentaires ou en voie de sédentarisation. La conséquence en est que les itinérants ne peuvent plus y stationner, ce qui crée des conflits, parfois graves. Ils se retrouvent alors à occuper des stationnements complètement illégaux. Or l’État, qui a pour habitude de beaucoup centraliser dans notre pays, laisse complètement tomber les présidents de communautés de communes. Dans la loi ÉLAN, grâce à l’excellente rapporteur, nous avons pu introduire une disposition aux termes de laquelle les bailleurs sociaux ont pour mission de faire stationner ces gens du voyage sédentaires sur des terrains familiaux.

Madame la ministre, je souhaiterais que l’État donne des consignes à ses préfets pour aider tous ces présidents de communautés de communes, en particulier dans les territoires ruraux, à mieux s’organiser, à mutualiser. C’est en effet ingérable pour les petites intercommunalités, qui n’arrivent pas à privatiser la gestion de ces aires de gens du voyage. Ils ont besoin d’aide.

Nous le savons tous, lorsqu’il faut évacuer des occupants illégaux, les préfets ont plus ou moins pour consigne de s’abstenir afin d’éviter des incidents. Plutôt que de critiquer les maires, il faut absolument que le Gouvernement donne des consignes plus précises aux préfets pour aider tous ces élus à mieux gérer ces situations très compliquées, car ils n’en peuvent plus.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Le sujet dont nous débattons aujourd’hui est plus que sensible également dans mon département, le Bas-Rhin, dont de nombreuses communes sont régulièrement confrontées à des campements illicites de gens du voyage. Ils investissent en toute illégalité et dégradent des terrains de foot, des espaces agricoles et, parfois, des sites urbains à proximité immédiate d’habitations, créant ainsi des tensions et des troubles à l’ordre public.

La création des aires de grand passage, dont le déficit de fonctionnement est à la charge du contribuable local, n’a pas empêché ces comportements. Bien au contraire, car les sanctions ne sont pas suffisamment dissuasives.

Face à cette problématique de plus en plus prégnante, la majorité sénatoriale, à travers le texte de notre collègue Loïc Hervé, a pris une heureuse initiative pour, d’une part, soutenir les communes et leurs groupements dans leur mission d’accueil des gens du voyage et, d’autre part, renforcer et rendre plus effectives les sanctions en cas d’installation illégale en réunion sur un terrain public ou privé.

Las, comme beaucoup d’entre nous l’ont dit, le texte qui nous est soumis en deuxième lecture est très en retrait par rapport au texte initial. On ne peut que regretter la position de la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale, qui a remis en cause des avancées fondamentales. Je pense, en particulier, aux dispositions qui auraient permis à la fois de faciliter l’évacuation des campements illicites, de renforcer les sanctions en cas d’installation en réunion et sans titre sur un terrain et de condamner les auteurs de dégradations commises à cette occasion.

La proposition de nos collègues visant, notamment, à rétablir l’article 5 pour empêcher les « sauts de puce » – évacuations suivies d’occupations d’autres terrains à proximité – aurait toute sa place dans cette réforme, mais, comme le dit le proverbe, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Aussi, je me rallie à la recommandation de voter la proposition de loi dans sa version transmise par l’Assemblée nationale.

Nous n’aurons pas pour autant dit notre dernier mot. Nous ferons de nouvelles propositions pour contrer les occupations de terrains non prévus à cet effet. Pour l’heure, il est nécessaire de donner des outils aux maires, qui sont dans une position d’attente très forte.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 3, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rétablir le a dans la rédaction suivante :

a) Le sixième alinéa du II est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Celui-ci ne peut prévoir, à titre obligatoire, la réalisation d’aires ou de terrains mentionnés aux 1° à 3° du présent II sur le territoire d’une commune dont la population n’atteint pas ce seuil, à moins qu’elle n’appartienne à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comportant, parmi ses membres, au moins une commune de plus de 5 000 habitants.

« Le schéma départemental ne peut prévoir la réalisation d’aires ou de terrains mentionnés aux mêmes 1° à 3° sur le territoire d’une commune que si le taux d’occupation moyen des aires et terrains existants dans le même secteur géographique d’implantation, constaté au cours des trois dernières années, est supérieur à un seuil défini par décret.

« Le schéma départemental définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage. » ;

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Même si j’approuve l’idée d’avancer, je pense que mon amendement, reprenant des dispositions votées par le Sénat en première lecture, est absolument indispensable.

Le premier objet, c’est de supprimer une disposition qui revient subrepticement, clandestinement, à introduire une obligation nouvelle pour les communes de moins de 5 000 habitants, à savoir l’accueil des gens du voyage. Si un établissement public où il n’y a que des communes de moins de 5 000 habitants est assujetti à cette obligation, les communes le sont aussi indirectement, ce que la loi Besson ne prévoyait pas.

Le second objet, qui est partagé par un certain nombre de collègues, est absolument révolutionnaire : il s’agit de dire que, lorsqu’il y a suffisamment de places, il ne faut pas en créer de nouvelles.

On va m’expliquer que le vote conforme sera un moindre mal, car, à défaut, l’Assemblée nationale ne poursuivra pas la navette, et nous serons tous perdants. C’est la chanson qu’on nous chante depuis 2010 pour nous faire avaler tout et n’importe quoi. Excusez-moi cette cuistrerie, mais, comme le dit Hannah Arendt, adopter la politique du moindre mal, c’est oublier que le moindre mal, c’est quand même le mal.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je ne vois pas ce qu’il y a de mal dans la proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Mon cher collègue, je ne vais pas reprendre la chanson, parce que je chante faux…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Votre amendement vise à réintroduire deux dispositions adoptées par le Sénat en première lecture.

En premier lieu, il a pour objet de prévoir que le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage ne puisse imposer la création d’aires ou de terrains d’accueil sur le territoire de communautés de communes rurales ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants. Cette disposition est à la fois conforme à l’esprit initial de la loi Besson et à la pratique courante.

Selon le droit en vigueur, je le rappelle, les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. La compétence en matière d’accueil des gens du voyage étant transférée au niveau intercommunal, tous les EPCI à fiscalité propre comportant une ou plusieurs communes de plus de 5 000 habitants sont donc soumis à certaines obligations en vertu du schéma départemental.

La loi Besson n’interdit pas de faire figurer au schéma des communes de moins de 5 000 habitants. Cependant, au moment de l’adoption de la loi, la construction d’aires d’accueil dans des communes de moins de 5 000 habitants n’était envisagée que dans le cadre de la coopération intercommunale, et si ces communes de moins de 5 000 habitants étaient comprises dans une agglomération. Il n’a jamais été question d’imposer la construction d’aires d’accueil dans de petites communes rurales.

En pratique, il arrive que les schémas départementaux prévoient la réalisation d’aires d’accueil en milieu rural, dans des communes de moins de 5 000 habitants, appartenant à des communautés de communes ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants, mais il est alors précisé dans le schéma que ces dispositions n’ont qu’une valeur indicative et non prescriptive.

Dans le texte initial, nous avions voulu mettre le droit en accord avec la pratique, en inscrivant dans la loi que le schéma départemental ne peut imposer aucune obligation à ces communautés de communes. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis.

Je vous prie quand même de noter que la proposition de loi, telle qu’elle nous revient de l’Assemblée nationale, ne change rien au droit en vigueur en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Effectivement, nous avions voulu inscrire une précaution, mais nous en sommes empêchés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Il n’y a pas d’interdiction, c’est vrai, mais, en creux, il n’y a pas d’obligation non plus.

En second lieu, votre amendement a pour objet de prévoir que le schéma ne puisse imposer la création de nouvelles aires que si le taux d’occupation des aires existantes est au moins égal au seuil fixé par décret.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame le rapporteur, vous avez dépassé votre temps de parole de seize secondes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Peut-être, mais vous me faites perdre encore plus de temps, car je vais continuer.

Rires sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Votre temps de parole est de deux minutes trente, et nous nous sommes mis d’accord pour achever l’examen de ce texte sans suspendre la séance pour le dîner. Il ne s’agit pas de commencer dès le premier amendement à dépasser largement le temps qui vous est imparti en répondant :« C’est comme ça ». Je vous rappelle qu’il y a une présidence de séance !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Monsieur le président, je demande donc le retrait de l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je demande également le retrait.

Je ne vais pas recommencer l’explication, parce que celle de la rapporteur était absolument limpide.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Bories et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Rétablir le III dans la rédaction suivante :

III. - Après le 5° du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :

« 5° bis Les emplacements des aires permanentes d’accueil mentionnées au 1° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ; ».

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Cet amendement reprend une disposition du texte initial, qui avait été adoptée en première lecture. Il s’agit de permettre de soutenir les collectivités locales qui s’engagent pour la création d’aires d’accueil en prenant en compte les aires destinées aux gens du voyage sédentaires, qui sont susceptibles d’accueillir durablement des populations fragiles ou en difficulté, dans le quota des logements comptabilisés au titre de la loi SRU.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Ma chère collègue, je partage évidemment votre souci, puisque nous avions essayé d’introduire cette disposition dans le texte initial. J’aimerais bien que, à la faveur d’un autre texte, nous puissions la réintroduire dans le droit. J’ai entendu qu’un nouveau texte serait proposé, et cette disposition pourra sans doute y figurer. Si d’aventure je suis la rapporteur de ce futur texte, comptez sur moi pour la défendre.

Néanmoins, en cohérence avec ce que j’ai dit précédemment sur la nécessité d’un vote conforme, je suis au regret de vous demander de retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Comme cela a été dit à l’occasion de débats sur plusieurs projets de loi, les aires d’accueil des gens du voyage ne sauraient être assimilées à des logements pérennes, accessibles dans la durée dans des conditions protectrices pour les occupants, qui sont des ménages modestes. La Haute Assemblée l’a d’ailleurs bien considéré ainsi lors des débats tenus récemment à l’occasion de la loi ÉLAN, rejetant tous les amendements visant à inclure dans le décompte SRU des dispositifs qui ne répondent pas à ces critères pour ne retenir que les logements faisant l’objet d’un bail réel et solidaire et ceux acquis en prêt social location-accession, les PSLA, pendant une durée limitée.

Dans ces deux cas de sédentarisation, les conditions d’éligibilité applicables aux ménages bénéficiaires et le plafonnement des loyers les rendent comparables aux logements sociaux et permettent leur prise en compte au titre de la loi SRU.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

L’article 55 de la loi SRU est en quelque sorte un marronnier qui revient à chaque débat sur ce type de sujet.

Si cette disposition avait été introduite dans la ou les propositions de loi initiales, c’était pour reconnaître l’effort que représente la création d’une aire d’accueil des gens du voyage pour une commune ou un EPCI. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, j’y souscris pleinement.

Comme Mme la ministre l’a rappelé, chaque fois que l’on essaie de faire passer cette mesure – on pourrait essayer aussi pour les prisons ou d’autres cas –, l’article 55 de la loi SRU reste extrêmement robuste. On n’arrive pas à y intégrer de nouveaux critères. Pour ma part, je le regrette.

Cela étant, comme nous souhaitons un vote conforme sur ce texte, mon groupe votera contre cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

(Suppression maintenue)

(Suppression maintenue)

Chapitre II

Moderniser les procédures d’évacuation des stationnements illicites

Section 1

(Division et intitulé supprimés)

(Non modifié)

L’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Le maire d’une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

« 1° L’établissement public de coopération intercommunale a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l’article 2 ;

« 2° L’établissement public de coopération intercommunale bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ;

« 3° L’établissement public de coopération intercommunale dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet ;

« 4° L’établissement public de coopération intercommunale est doté d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage, sans qu’aucune des communes qui en sont membres soit inscrite au schéma départemental prévu à l’article 1er ;

« 5° L’établissement public de coopération intercommunale a décidé, sans y être tenu, de contribuer au financement d’une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d’un autre établissement public de coopération intercommunale ;

« 6° La commune est dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage conformes aux prescriptions du schéma départemental, bien que l’établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient n’ait pas satisfait à l’ensemble de ses obligations.

« L’agrément prévu au 3° du présent article est délivré pour une durée ne pouvant excéder six mois, en fonction de la localisation, de la capacité et de l’équipement de l’emplacement concerné, dans des conditions définies par décret.

« L’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas l’établissement public de coopération intercommunale des obligations qui lui incombent dans les délais prévus à l’article 2. » ;

2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. – Le maire d’une commune qui n’est pas membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de création, d’aménagement, d’entretien et de gestion des aires d’accueil des gens du voyage et des terrains familiaux locatifs définis aux 1° à 3° du II de l’article 1er peut, par arrêté, interdire en dehors de ces aires et terrains le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées au même article 1er, dès lors que l’une des conditions suivantes est remplie :

« 1° La commune a satisfait aux obligations qui lui incombent en application de l’article 2 ;

« 2° La commune bénéficie du délai supplémentaire prévu au III du même article 2 ;

« 3° La commune dispose d’un emplacement provisoire agréé par le préfet, dans les conditions prévues aux deux derniers alinéas du I du présent article ;

« 4° La commune, sans être inscrite au schéma départemental prévu à l’article 1er, est dotée d’une aire permanente d’accueil, de terrains familiaux locatifs ou d’une aire de grand passage ;

« 5° La commune a décidé, sans y être tenue, de contribuer au financement d’une telle aire ou de tels terrains sur le territoire d’une autre commune. » ;

3° Au premier alinéa du II et à la première phrase du IV, après la référence : « I », est insérée la référence : « ou au I bis ».

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Nous débattions précédemment de la notion de responsabilité lors de violences commises dans les manifestations. Nous avons été unanimes à considérer qu’il fallait exclure toute idée de responsabilité collective.

Or les communes sont souvent victimes de cette responsabilité collective. Même quand elles sont parfaitement en règle, elles ne peuvent pas faire valoir leurs droits lorsque leur EPCI, voire l’arrondissement, n’a pas respecté ses obligations, alors même que le schéma départemental définissant les aires de grand passage ne détermine pas qui a la responsabilité de réaliser cet équipement. J’y insiste, il faut que la commune qui a rempli ses obligations puisse faire valoir ses droits. C’est justement l’une des avancées de l’article 4 que de rendre ces droits effectifs. Il s’agit d’une question de justice.

Par ailleurs, il faut inciter les communes non encore en conformité à s’y mettre, l’expérience, aujourd’hui, ne les y encourageant pas. Pour ce faire, il importe que les sanctions soient réelles – on en reparlera à l’article 6 – et que les évacuations soient effectives, c’est-à-dire que les préfets prennent des arrêtés administratifs, ce qui n’est souvent pas le cas. Cela oblige à aller devant le tribunal administratif, ce qui est toujours hasardeux. Lorsqu’on a enfin la décision administrative ou la décision judiciaire, les préfets doivent mettre en œuvre la force publique, ce qui n’est pas souvent le cas non plus, les représentants de l’État tirant prétexte, en général, d’une insuffisance – réelle, peut-être – d’effectifs disponibles.

L ’ article 4 est adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Bories, Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le II de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « le maire », sont insérés les mots : «, le président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » et les mots : « les lieux » sont remplacés par les mots : « le territoire de la commune ou, le cas échéant, de l’établissement public de coopération intercommunale, à l’exception des aires et terrains mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : «, ou s’il est de nature à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité à un droit de propriété ou à la liberté d’entreprise ».

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Le présent amendement vise à rétablir partiellement l’article 5, adopté en première lecture, pour éviter les « sauts de puce ».

D’une part, cet amendement a pour objet de rétablir la possibilité pour le maire ou le président de l’EPCI de demander au préfet de mettre en demeure les occupants illicites de quitter non pas seulement les lieux mêmes de cette occupation, mais aussi le territoire de toute la commune, voire de l’EPCI. Ce dispositif est conçu pour lutter contre les « sauts de puce », ces situations où l’évacuation d’un terrain conduit à l’occupation d’un terrain proche.

D’autre part, l’article 5 rétabli étendrait les cas où cette mise en demeure peut être prononcée. Jusqu’ici, seuls les troubles à l’ordre public, c’est-à-dire les atteintes à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, étaient concernés. Le vote de cet amendement permettrait d’étendre cette possibilité de mise en demeure aux atteintes significatives au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, afin d’offrir une meilleure protection aux propriétaires et usagers de terrains privés, notamment agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Ma chère collègue, je partage complètement votre position, puisque vous reprenez une bonne partie de l’article 5. J’ai d’ailleurs déploré dans mon intervention liminaire qu’il ait été balayé intégralement.

Cependant, pour la même raison que précédemment, à savoir éviter de poursuivre une navette qui n’ira pas jusqu’au bout, je préfère vous demander une fois de plus de retirer votre amendement. J’en suis désolée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Cet amendement, comme vous l’avez rappelé, madame la sénatrice, permettrait en effet au préfet de mettre en demeure les gens du voyage de quitter non pas seulement les lieux, c’est-à-dire le terrain occupé illicitement, mais aussi le territoire de la commune, voire de l’EPCI, sauf les aires permanentes d’accueil, les aires de grand passage et les terrains familiaux situés sur le territoire de la collectivité.

Cette disposition est manifestement disproportionnée au regard de la liberté d’aller et venir. Le trouble à l’ordre public justifiant l’évacuation s’apprécie non à l’échelle du territoire, de la commune ou de l’EPCI, mais au niveau du terrain.

Cette disposition ne peut pas être acceptée non plus en matière de troubles à l’ordre public. En effet, c’est seulement pour garantir l’ordre public que le préfet peut faire usage de ses pouvoirs de police en la matière. Je vous renvoie d’ailleurs, sur ce sujet, à une décision du Conseil constitutionnel.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En conséquence, l’article 5 demeure supprimé.

Section 2

(Division et intitulé supprimés)

Chapitre III

Renforcer les sanctions pénales

(Non modifié)

L’article 322-4-1 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d’un an » et le montant : « 3 750 euros » est remplacé par le montant : « 7 500 € » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les conditions prévues à l’article 495-17 du code de procédure pénale, l’action publique peut être éteinte par le versement d’une amende forfaitaire d’un montant de 500 €. Le montant de l’amende forfaitaire minorée est de 400 € et le montant de l’amende forfaitaire majorée de 1 000 €. » ;

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Cet article, qui renforce les sanctions pénales en cas d’occupation illicite en réunion d’un terrain, est nécessaire. Les sanctions actuelles n’ont jamais dissuadé les occupants illicites. Si tel était le cas, nous vivrions une autre réalité dans nos communes. Je regrette cependant que l’Assemblée nationale n’ait pas retenu la saisie des véhicules, qui aurait été l’arme la plus dissuasive pour obtenir le respect du droit.

Je me félicite de constater le très fort progrès réalisé avec la forfaitisation de l’amende, qui pourra peut-être la rendre enfin effective. On le sait, sur le sujet des gens du voyage plus que sur n’importe quel autre, la difficulté est non de poser le droit, mais de le faire respecter. Dans toutes les matières où elle a été mise en œuvre, la forfaitisation de la sanction, qui garantit son automaticité mécanique, a assuré son effectivité. Espérons qu’elle produise là le même effet !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mmes Lamure, Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Segouin, Charon, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les véhicules peuvent être transférés sur une aire ou un terrain mentionnés aux 1° à 3° du II de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et situés sur le territoire du département. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Cet amendement vise à rétablir partiellement les dispositions de l’article 6 supprimées par l’Assemblée nationale.

Dans le cas d’une occupation illicite en réunion d’un terrain dans une commune en règle avec ses obligations en matière d’installation d’aires d’accueil des gens du voyage, cette mesure permettrait aux forces de l’ordre de transférer le véhicule non affecté à un usage d’habitation vers les aires d’accueil existantes dans le département. Il s’agit là d’une simple éventualité, qui resterait sans doute rare, mais qui donnerait encore davantage de possibilités aux forces de l’ordre pour faire respecter la réglementation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Une fois encore, ma chère collègue, je ne peux que partager votre préoccupation et être d’accord avec vous sur le fond, mais je maintiens mon souhait d’un vote conforme. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Franchement, j’ai un doute sur le caractère opérationnel de cet amendement. Il ne me semble pas très évident d’envoyer la police sur un territoire pour y faire enlever un véhicule.

En outre, la saisie de véhicules automobiles est déjà prévue par le dernier alinéa de l’article 322-4-1 du code pénal, à l’exception, vous l’avez précisé vous-même, des véhicules destinés à l’habitation, qui bénéficient de la protection constitutionnelle du domicile. Si tel est l’objectif de la disposition proposée, cette dernière est donc inutile, car elle est satisfaite par le droit existant.

L’avis est donc défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mme Raimond-Pavero et MM. Priou, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

… Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s’appliquer pour une durée de trois ans lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d’être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Cet amendement et les deux suivants visent à prévoir une période transitoire pour les communes et les EPCI qui se trouveraient en situation de non-conformité à la suite d’une révision du schéma départemental d’accueil des gens du voyage. Durant cette période, les dispositions de la loi, notamment l’amende forfaitaire, continueraient de s’appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mme Raimond-Pavero et MM. Segouin, Priou, Mandelli, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

… Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s’appliquer pour une durée de deux ans lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d’être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Grosdidier et Babary, Mme Micouleau, MM. Chaize, D. Laurent et Chatillon, Mme Puissat, MM. de Legge, Morisset, Vial et Calvet, Mme Lherbier, MM. Vogel, Paccaud, Revet et Houpert, Mmes Deromedi, Gruny, Chauvin et Morhet-Richaud, MM. Gremillet, Pierre, Savin, Mayet, Kennel, Longuet et B. Fournier, Mme Renaud-Garabedian, M. Genest, Mme Berthet, M. Sido, Mme Delmont-Koropoulis, M. Lefèvre, Mme Duranton, M. Poniatowski, Mme Lamure, M. Charon, Mmes Raimond-Pavero et Garriaud-Maylam et MM. Priou, Mandelli, Darnaud et Husson, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

… Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article continue de s’appliquer pour une durée d’un an lorsque, suite à une révision du schéma départemental mentionné au premier alinéa, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale ont cessé d’être en conformité avec les obligations leur incombant au titre de ce dernier. »

La parole est à Mme Sylviane Noël.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Cette fois, chère collègue, je suis assez contente de pouvoir vous annoncer que vous allez être satisfaite : l’article 2 de la loi Besson prévoit d’ores et déjà un délai de deux ans pour laisser aux communes le temps de se mettre en conformité en cas de révision. Pendant ce délai, elles ne sont pas considérées comme étant dans une situation de non-conformité. De plus, le paragraphe 3 du même article prévoit un délai de prorogation de deux ans sur demande, si la commune a manifesté la volonté de se conformer à ses obligations. Cela signifie que le délai peut, en réalité, aller jusqu’à quatre ans.

Vos amendements sont donc largement satisfaits. Je vous demanderai encore une fois de bien vouloir les retirer, mais, là, avec un petit peu plus de gaieté de cœur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Je veux bien les retirer, mais non sans exprimer un léger doute. En effet, la loi Besson fait référence aux seules communes et non aux EPCI. Par conséquent, j’aimerais m’assurer que les dispositions de la loi Besson s’appliquent bien aux EPCI qui se trouveraient en non-conformité.

En outre, la plupart des schémas départementaux seront révisés dans le courant de l’année prochaine. On peut imaginer qu’ils aboutiront à la fin de 2019. Or il ne vous aura pas échappé que des élections municipales se dérouleront en 2020, une année durant laquelle je doute que beaucoup d’élus se précipitent pour réaliser des aires d’accueil. On peut donc être à peu près sûr que, malgré cette période transitoire de deux ans, les trois quarts des territoires seront en non-conformité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Soyez rassurée, chère collègue, compte tenu du transfert de compétences, les obligations des communes s’imposent aux EPCI.

Quant aux dispositions de l’article 2, elles s’appliquent bien en cas de révision. À partir du moment où le schéma est révisé, le délai de deux ans s’applique. Ensuite vient la prorogation de deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Je retire les amendements, monsieur le président.

L ’ article 6 est adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-François Longeot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je veux me féliciter de ce débat et remercier celles et ceux qui ont permis qu’il ait lieu et qui vont voter ce texte conforme.

Je rejoins notre collègue Grosdidier pour dire que, certes, ce n’est pas satisfaisant. Cependant, faute de vote conforme, nous nous retrouverons sans aucun texte. Après le vote de ce soir, nous allons en avoir un, dont la rédaction, j’en conviens, ne correspond pas à ce que nous avions voté en première lecture, ici, au Sénat.

Je tiens, en mon nom personnel et au nom du groupe Union Centriste, à remercier Loïc Hervé pour le travail réalisé tant en première lecture que ce soir, en deuxième lecture. Je veux également saluer l’engagement de Cyril Pellevat.

Notre groupe votera ce texte conforme.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

M. Jean-Marie Mizzon. Je voterai ce texte, parce qu’il va dans le sens que nous attendions. Ce faisant, je ressens une sorte de frustration, car je n’ai pas le sentiment de répondre aux attentes des maires de mon département. Le système est ainsi fait qu’il nous condamne à choisir le moindre, parce que, en choisissant le meilleur, on risque d’avoir, à coup sûr, le pire !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Cyril Pellevat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Je remercie nos collègues et partage ce sentiment de frustration. Nous allons voter ce texte conforme, mais nous aurons ultérieurement un travail à faire sur le sujet en déposant un autre texte.

Je profite de cette occasion pour remercier mon prédécesseur, Pierre Hérisson. Lors des dix-neuf années qu’il a passées au Sénat, il a beaucoup travaillé sur la problématique des gens du voyage, notamment en tant que président de la Commission nationale consultative des gens du voyage. Aboutir enfin au vote d’un texte, c’est lui rendre un bel hommage, à lui qui assiste à nos débats depuis les tribunes.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste se tournent vers les tribunes et applaudissent. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Nous voterons bien évidemment ce texte, qui nous correspond mieux, après les aménagements apportés par l’Assemblée nationale. Du coup, cela permet à la loi Égalité et citoyenneté, qui n’avait pas pu s’exprimer jusqu’à maintenant, de prendre toute sa dimension.

Ce qui est dit dans ce texte, c’est que les gens du voyage ont bien évidemment des obligations. Nous ne pouvons pas accepter qu’ils n’appliquent pas la loi. Pour autant, les collectivités ont, elles aussi, des obligations, et nous devons faire en sorte, nous, élus locaux, d’être irréprochables dans ce domaine.

Nous avons là un nouveau texte – un bon texte – qui devrait permettre d’apaiser les relations entre les gens du voyage et les collectivités. Cet objectif est tout à fait à notre portée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ne pouvant nous résigner à voir imposer aux collectivités de moins de 5 000 habitants une nouvelle obligation, nous nous abstiendrons sur ce texte, comme je l’avais annoncé lors de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Je tiens à souligner le travail collectif réalisé par la Haute Assemblée et l’ouverture d’esprit des uns et des autres. Nous avons des approches parfois différentes, nous avons, pour un certain nombre d’entre nous, des regrets, mais nous aurons la satisfaction de voir ces mesures entrer en vigueur rapidement. La loi pourra en effet être promulguée par le Président de la République le mois prochain.

Je reviens sur ce que j’ai dit lors de la discussion générale à Mme la ministre : il faut que nous soyons extrêmement vigilants sur le suivi de l’application de la loi. C’est aussi notre rôle constitutionnel ici, au Sénat, de veiller à ce que la loi entre en vigueur sans tarder et produise bien ses effets rapidement – j’ose dire avant la saison prochaine de 2019. L’enjeu est pour nous d’apprécier la manière dont elle sera appliquée. Je pense notamment au nouveau dispositif des amendes forfaitaires délictuelles. Nous sommes curieux de savoir sa déclinaison pratique dans les communes par les gendarmes et policiers. Nous voulons voir si cette disposition est, comme je le pressens, efficiente sur le terrain.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Sylviane Noël, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Vous vous en doutez, je suis forcément déçue. Je voterai néanmoins ce texte conforme pour préserver les quelques avancées qu’il contient. Je souhaite vraiment que l’amende forfaitaire nous permette d’obtenir des résultats.

J’espère que nous aurons très rapidement l’occasion de nous remettre autour de la table pour tenter d’arracher de nouvelles mesures en faveur des élus locaux et de résoudre ce grave problème. Toutefois, je doute très sincèrement qu’on nous donne à nouveau l’occasion de nous prononcer sur un sujet aussi spécifique. J’espère me tromper… En tout cas, prenons date !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Di Folco

Je tiens à remercier l’ensemble de nos collègues pour la compréhension dont ils ont fait preuve vis-à-vis de la position de la commission. Je pense notamment à Mme Noël. Vous l’avez bien compris, chère collègue, j’étais tout à fait favorable à l’ensemble des amendements que vous avez défendus, mais la raison l’emporte sur le cœur.

Je veux tous vous remercier, mes chers collègues, pour le travail constructif que nous avons pu faire en commission. Je ne doute pas que nous aurons de nouveau du pain sur la planche.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 5 :

Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés317Pour l’adoption309Contre 8Le Sénat a adopté définitivement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je voudrais remercier le président, la rapporteur et l’ensemble des membres de la commission des lois pour le travail qu’ils ont accompli et pour leur volonté d’aboutir à un vote conforme. Je remercie également l’ensemble des groupes du Sénat d’avoir adopté ce texte conforme, ce qui va permettre son entrée en vigueur rapide.

Je veux saluer les auteurs des différents textes, particulièrement les élus de la Haute-Savoie. Je souhaitais également saluer Pierre Hérisson, mais je ne le vois plus dans les tribunes. Vous lui transmettrez mes amitiés !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Lors du scrutin public n° 3, M. Hugues Saury et moi-même avons été comptés comme votant contre, alors que nous souhaitions voter pour, comme l’ensemble de notre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 24 octobre 2018, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

Ordre du jour réservé au groupe CRCE

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l’allocation aux adultes handicapés (434, 2017-2018) ;

Rapport de Mme Cathy Apourceau-Poly, fait au nom de la commission des affaires sociales (44, 2018-2019) ;

Résultat des travaux de la commission (n° 45, 2018-2019).

Débat sur le thème « Dette publique, dette privée : héritage et nécessité ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt et une heures vingt.