Intervention de Loïc Hervé

Réunion du 23 octobre 2018 à 14h30
Prévention des violences lors des manifestations et sanction de leurs auteurs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Loïc HervéLoïc Hervé :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun d’entre nous garde en mémoire les violences et les dégradations qui ont émaillé toutes les grandes manifestations récentes, notamment celle du 1er mai à Paris.

Les atteintes aux biens sont naturellement inacceptables, mais les atteintes aux personnes le sont encore plus, a fortiori lorsqu’il s’agit de policiers ou de gendarmes.

De tels saccages et agressions ne sont pas nouveaux. Certes, mais comment s’en satisfaire ? Sommes-nous condamnés au fil des ans à être les spectateurs de ces scènes de guérilla, de ces commerces incendiés, de ces CRS blessés ? Certainement pas !

Il faut utiliser tous les moyens pour que chacun puisse continuer à exercer son droit de manifester dans notre pays. Une manifestation ne saurait créer une zone de non-droit dans laquelle on peut se livrer à toutes les exactions, à toutes les violences, en se sentant protégé par une foule anonyme.

Pour mettre un terme à ces dérives, les moyens que l’on peut utiliser sont d’abord matériels : s’assurer que nos forces de sécurité soient parfaitement équipées, aussi bien pour se protéger que pour détecter et faire cesser efficacement un rassemblement qui bascule dans la violence.

Ensuite, il faut des moyens juridiques pour poursuivre efficacement les individus violents qui se croient intouchables, parce que masqués et noyés dans la foule.

Les auteurs de la présente proposition de loi visent ici un objectif bien précis, qui appelle une évolution de notre droit. Le phénomène dit des Black Blocs s’est développé récemment. Le 1er mai dernier, à Paris, ils étaient près de 1 200. À titre de comparaison, en 2016, ils étaient 200 ; en 2017, environ 800. La tendance est donc assez nette.

Policiers et magistrats se trouvent démunis pour poursuivre ces délinquants utilisant des techniques de dissimulation élaborées et concertées.

Dans les manifestations, les Black Blocs forment des groupes éphémères, dont l’objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable. Ces individus portent des vêtements noirs ou très sombres, et dissimulent leur visage, ce qui rend difficile le travail d’identification et d’interpellation. Ils s’habillent ainsi au dernier moment et changent immédiatement de tenue une fois les exactions terminées. Voilà pour le constat.

Comme l’a rappelé notre rapporteur, le dispositif figurant dans la proposition de loi a deux volets : l’un préventif, l’autre répressif.

Nous partageons cette démarche globale consistant à donner de nouveaux instruments à l’autorité administrative avec, par exemple, les fouilles préventives, et à créer des dispositions pénales qui tendent à sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de dégradations dans les manifestations.

L’un des outils retenus dans le texte existait déjà dans notre droit : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne crée pas un délit consistant dans le fait, pour une personne, de dissimuler volontairement son visage au sein d’une manifestation, afin de ne pas être identifiée. Cette infraction existe depuis 2009, mais il s’agit de lui donner une tout autre portée, puisque le texte fait de cette simple contravention un délit passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

D’un point de vue opérationnel, quelle différence concrète cela fait-il de passer de la contravention au délit ? La modification a une conséquence immédiate, puisqu’elle rend possibles l’interpellation et le placement en garde à vue des auteurs de l’infraction, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. L’intérêt est donc évident.

Particulièrement attentif à toutes les modifications législatives relatives aux fichiers – je siège à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL –, j’ai analysé avec attention les dispositions de l’article 3 de la proposition de loi, qui a pour objet d’autoriser la création d’un traitement de données à caractère personnel destiné à répertorier les mesures d’interdiction individuelle de manifester. Il s’agit, autrement dit, d’un nouveau fichier de police.

Dans sa version initiale, cette disposition pouvait susciter quelques craintes, car elle retenait une définition très large, voire trop large, des finalités de ce fichier, et semblait disproportionnée au regard de l’objectif à atteindre.

Grâce au travail de notre rapporteur, dont je veux ici saluer la qualité, le texte issu des travaux de la commission des lois corrige ce défaut en limitant les finalités du fichier et en prévoyant que le décret en Conseil d’État, prévu en l’application de l’article, sera pris après publication d’un avis motivé de la CNIL. Je vous remercie, madame le rapporteur, pour cette évolution du texte de notre collègue Bruno Retailleau.

Le groupe Union centriste partage d’ailleurs la volonté exprimée par le rapporteur d’assurer, pour l’ensemble du texte, une conciliation équilibrée entre la prévention des atteintes à l’ordre public et la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis. Nous saluons ainsi les modifications introduites en commission, qui apportent un certain nombre de garanties supplémentaires.

Ne soyons pas naïfs, cette proposition de loi ne permettra pas d’éradiquer toutes les formes de violence lors de manifestations. Néanmoins, elle permet de mettre hors d’état de nuire les individus les plus violents et dangereux. Si elle permet de limiter les dégradations ou les agressions dont sont victimes policiers et gendarmes chargés d’assurer le maintien de l’ordre, alors, oui, elle est utile !

Convaincus que cette proposition de loi n’est ni une atteinte insupportable à la liberté de manifester ni une loi inapplicable, comme certains collègues l’ont affirmé en commission, les membres du groupe Union centriste la voteront !

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