Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un constat s'impose : le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer pour 2008 est en stagnation, dans la mesure où il n'augmente, à périmètre constant, que de 1, 85 %, alors même qu'il fait suite à une série de baisses relativement importantes, de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007, si l'on raisonne toujours à périmètre constant.
C'est donc un budget qui, loin de s'inscrire dans une dynamique de changement - je ne parle même pas de rupture ! - s'installe dans une très réelle et décevante continuité, laquelle tranche d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, avec l'intérêt réel que vous portez à l'outre-mer et que je salue.
Ce budget affiche, bien sûr, les priorités habituelles, mais, il faut bien le reconnaître, une fois de plus, elles sont réduites à de simples mesures d'affichage !
La première est, comme il se doit, l'emploi.
Comment ne pas s'en féliciter quand on est l'élu d'un département d'outre-mer dont le taux de chômage dépasse 25 %, avec une proportion de 45, 8 % de chômeurs de longue durée ? Mais, après examen des crédits, comment ne pas être déçu ?
Le seul réel changement réside dans le transfert au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de la gestion de 158 millions d'euros de crédits d'aides à l'emploi.
Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire. Le dispositif d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer et par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, est manifestement sous-doté : seuls 867 millions d'euros de crédits de paiements sont inscrits, quand le montant prévu des compensations à verser aux organismes de sécurité sociale s'élève à 1, 1 milliard d'euros.
Surtout, le financement des contrats aidés connaît une nouvelle et très sensible diminution.
Cela traduit la persistance d'une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux qui sont destinés au secteur non marchand. C'est une politique contre laquelle je n'ai cessé de mettre en garde les acteurs concernés, compte tenu des risques qu'elle comporte pour la cohésion sociale dans un département comme le mien ; un département qui, en dehors d'un chômage trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, compte 8 % de RMIstes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % de travailleurs percevant un revenu qui les place au-dessous du seuil de pauvreté.
Il importe, bien sûr, de promouvoir le plus possible la création d'emplois engendrés par l'activité des entreprises. À cet égard, le dynamisme dont on fait preuve aux Antilles est bien connu : on y obtient des taux de création d'entreprises et d'emplois supérieurs à ceux de bien des départements de l'Hexagone. Néanmoins, il serait irréaliste d'imaginer pouvoir se passer, à court et même à moyen terme, d'un important volet d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand.
Bien entendu, je n'ignore pas les espoirs que vous fondez, monsieur le secrétaire d'État, sur la future loi de programme pour l'outre-mer. Mais celle-ci ne peut, surtout dans le domaine de l'emploi, avoir des effets à court terme.
Par ailleurs, la question se pose de savoir si, précisément dans ce domaine, nous avons l'assurance d'en attendre des résultats remarquables.
Pour ma part, je constate que cette loi de programme demeure essentiellement axée sur l'utilisation de l'outil fiscal. On en connaît les avantages, mais il a déjà aussi largement montré ses limites, sans compter ses effets pervers.
De ce point de vue, l'élément nouveau prévu dans ce cadre est le dispositif de zones franches globales d'activités.
Il suscite chez beaucoup d'élus, mais aussi chez nombre d'acteurs économiques, un certain nombre d'interrogations, à la fois sur sa compatibilité avec les règlements européens, sur le risque de suppression d'autres mesures à titre de compensation, sur les pertes qui seront supportées par les collectivités territoriales, mais, surtout, sur le découpage sectoriel qui sera retenu.
Sur ce point, si l'on veut réellement promouvoir l'emploi, il faudra marquer un intérêt particulier pour le secteur des services. J'ai noté avec plaisir, monsieur le secrétaire d'État, que vous insistiez sur les services à la personne. Nous sommes parfaitement en accord sur cet objectif. En outre, il importe de réserver une attention particulière aux TPE, qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.
Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le dispositif de zones franches globales ait été promu, d'emblée, depuis la campagne présidentielle, au rang de véritable panacée.
Cela a certainement faussé tout le processus d'élaboration de la future loi de programme. Je ne dis pas, et je n'ai pas dit, qu'il n'y a pas eu concertation, mais cette dernière, jusqu'ici en tout cas, n'a pas su réserver le temps nécessaire pour faire remonter les attentes des forces vives locales et pour prendre en compte les projets de développement élaborés localement. Je pense notamment, s'agissant de la Martinique, au Schéma martiniquais de développement économique et à l'Agenda 21, élaborés respectivement par le conseil régional et le conseil général. À cet égard, l'Agenda 21 est une parfaite illustration de ce qu'est trop souvent la concertation outre-mer : alors qu'il est lancé depuis deux ans et demi, on n'en a même pas tenu compte dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » ! C'est ce genre de pratiques que je dénonce régulièrement et que j'aurais pu développer si j'avais disposé de plus de temps.
Par conséquent, la portée de la prochaine loi de programme, qui sera votée dans quelques mois, ne peut, selon moi, qu'en être affectée.
La deuxième priorité affichée par ce projet de budget, c'est le logement.
Là encore, l'effort budgétaire ne suit pas. Les 25 millions d'euros de crédits supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l'État envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat ou de la construction très sociale.
À la Martinique, la situation est catastrophique. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.
D'une part, le nombre de logements locatifs sociaux financés est passé de 1 306 en 2001 à 325 en 2006, pour tomber à 32 cette année !
D'autre part, le nombre des logements bénéficiant de l'aide à l'amélioration de l'habitat est passé de 882 l'année dernière à 444, cette année.
Voilà la réalité, monsieur le secrétaire d'État !