Séance en hémicycle du 3 décembre 2007 à 15h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • logement
  • mayotte
  • militaire
  • outre-mer

La séance

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La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures quinze.

Photo de Philippe Richert

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer », je vais maintenant donner la parole aux différents orateurs inscrits.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des discussions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

La parole est à M. Claude Lise.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Lise

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, un constat s'impose : le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer pour 2008 est en stagnation, dans la mesure où il n'augmente, à périmètre constant, que de 1, 85 %, alors même qu'il fait suite à une série de baisses relativement importantes, de 7 % en 2005 et 2006 et de 12 % en 2007, si l'on raisonne toujours à périmètre constant.

C'est donc un budget qui, loin de s'inscrire dans une dynamique de changement - je ne parle même pas de rupture ! - s'installe dans une très réelle et décevante continuité, laquelle tranche d'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, avec l'intérêt réel que vous portez à l'outre-mer et que je salue.

Ce budget affiche, bien sûr, les priorités habituelles, mais, il faut bien le reconnaître, une fois de plus, elles sont réduites à de simples mesures d'affichage !

La première est, comme il se doit, l'emploi.

Comment ne pas s'en féliciter quand on est l'élu d'un département d'outre-mer dont le taux de chômage dépasse 25 %, avec une proportion de 45, 8 % de chômeurs de longue durée ? Mais, après examen des crédits, comment ne pas être déçu ?

Le seul réel changement réside dans le transfert au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi de la gestion de 158 millions d'euros de crédits d'aides à l'emploi.

Pour le reste, on ne note aucun effort budgétaire supplémentaire. Le dispositif d'exonérations de charges patronales de sécurité sociale, mis en place par la loi du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer et par la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, est manifestement sous-doté : seuls 867 millions d'euros de crédits de paiements sont inscrits, quand le montant prévu des compensations à verser aux organismes de sécurité sociale s'élève à 1, 1 milliard d'euros.

Surtout, le financement des contrats aidés connaît une nouvelle et très sensible diminution.

Cela traduit la persistance d'une vision péjorative des contrats aidés, notamment ceux qui sont destinés au secteur non marchand. C'est une politique contre laquelle je n'ai cessé de mettre en garde les acteurs concernés, compte tenu des risques qu'elle comporte pour la cohésion sociale dans un département comme le mien ; un département qui, en dehors d'un chômage trois fois plus élevé que dans l'Hexagone, compte 8 % de RMIstes, près de 13 % de personnes vivant de minima sociaux et près de 16 % de travailleurs percevant un revenu qui les place au-dessous du seuil de pauvreté.

Il importe, bien sûr, de promouvoir le plus possible la création d'emplois engendrés par l'activité des entreprises. À cet égard, le dynamisme dont on fait preuve aux Antilles est bien connu : on y obtient des taux de création d'entreprises et d'emplois supérieurs à ceux de bien des départements de l'Hexagone. Néanmoins, il serait irréaliste d'imaginer pouvoir se passer, à court et même à moyen terme, d'un important volet d'emplois aidés, tout particulièrement dans le secteur non marchand.

Bien entendu, je n'ignore pas les espoirs que vous fondez, monsieur le secrétaire d'État, sur la future loi de programme pour l'outre-mer. Mais celle-ci ne peut, surtout dans le domaine de l'emploi, avoir des effets à court terme.

Par ailleurs, la question se pose de savoir si, précisément dans ce domaine, nous avons l'assurance d'en attendre des résultats remarquables.

Pour ma part, je constate que cette loi de programme demeure essentiellement axée sur l'utilisation de l'outil fiscal. On en connaît les avantages, mais il a déjà aussi largement montré ses limites, sans compter ses effets pervers.

De ce point de vue, l'élément nouveau prévu dans ce cadre est le dispositif de zones franches globales d'activités.

Il suscite chez beaucoup d'élus, mais aussi chez nombre d'acteurs économiques, un certain nombre d'interrogations, à la fois sur sa compatibilité avec les règlements européens, sur le risque de suppression d'autres mesures à titre de compensation, sur les pertes qui seront supportées par les collectivités territoriales, mais, surtout, sur le découpage sectoriel qui sera retenu.

Sur ce point, si l'on veut réellement promouvoir l'emploi, il faudra marquer un intérêt particulier pour le secteur des services. J'ai noté avec plaisir, monsieur le secrétaire d'État, que vous insistiez sur les services à la personne. Nous sommes parfaitement en accord sur cet objectif. En outre, il importe de réserver une attention particulière aux TPE, qui représentent 95 % des entreprises du secteur marchand dans les DOM.

Pour tout vous dire, monsieur le secrétaire d'État, je regrette que le dispositif de zones franches globales ait été promu, d'emblée, depuis la campagne présidentielle, au rang de véritable panacée.

Cela a certainement faussé tout le processus d'élaboration de la future loi de programme. Je ne dis pas, et je n'ai pas dit, qu'il n'y a pas eu concertation, mais cette dernière, jusqu'ici en tout cas, n'a pas su réserver le temps nécessaire pour faire remonter les attentes des forces vives locales et pour prendre en compte les projets de développement élaborés localement. Je pense notamment, s'agissant de la Martinique, au Schéma martiniquais de développement économique et à l'Agenda 21, élaborés respectivement par le conseil régional et le conseil général. À cet égard, l'Agenda 21 est une parfaite illustration de ce qu'est trop souvent la concertation outre-mer : alors qu'il est lancé depuis deux ans et demi, on n'en a même pas tenu compte dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » ! C'est ce genre de pratiques que je dénonce régulièrement et que j'aurais pu développer si j'avais disposé de plus de temps.

Par conséquent, la portée de la prochaine loi de programme, qui sera votée dans quelques mois, ne peut, selon moi, qu'en être affectée.

La deuxième priorité affichée par ce projet de budget, c'est le logement.

Là encore, l'effort budgétaire ne suit pas. Les 25 millions d'euros de crédits supplémentaires ne suffiront même pas à résorber la dette de l'État envers les entreprises du BTP oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat ou de la construction très sociale.

À la Martinique, la situation est catastrophique. Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.

D'une part, le nombre de logements locatifs sociaux financés est passé de 1 306 en 2001 à 325 en 2006, pour tomber à 32 cette année !

D'autre part, le nombre des logements bénéficiant de l'aide à l'amélioration de l'habitat est passé de 882 l'année dernière à 444, cette année.

Voilà la réalité, monsieur le secrétaire d'État !

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Certes, mais vous ne construisez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Lise

Le passage de l'ouragan Dean, au mois d'août dernier, n'a fait qu'aggraver les choses : des centaines de sinistrés vivent toujours dans des conditions particulièrement difficiles ; certains d'entre eux ont d'ailleurs été touchés encore davantage par le récent séisme.

Pour leur venir en aide, le conseil général et le conseil régional ont voté des sommes importantes, s'élevant respectivement à 10 millions d'euros et à 13 millions d'euros. Monsieur le secrétaire d'État, il importe véritablement, me semble-t-il, que l'État envisage une intervention d'envergure dans ce domaine.

Je veux, par ailleurs, attirer votre attention sur les conséquences de la décision d'orienter la défiscalisation vers le logement social, qui provoque de nombreuses réactions. Les montages financiers à prévoir tendront certainement à impliquer les collectivités territoriales - déjà très sollicitées et confrontées à énormément de difficultés -, et ce pour garantir aux investisseurs une bonne sortie du dispositif. À mon sens, en effet, ces derniers n'interviendront pas dans le domaine du logement social s'ils n'obtiennent pas de sérieuses garanties soit de l'État, soit des collectivités.

Je veux maintenant relever brièvement quelques autres domaines pour lesquels le budget me paraît insuffisamment doté.

Il s'agit, d'abord, des actions sanitaires. Pour une raison d'ailleurs assez peu compréhensible, celles-ci ne comprennent pas les crédits permettant de financer certaines études spécifiques, notamment celle qui vise à évaluer l'impact sanitaire des pesticides.

Il s'agit, ensuite, de la continuité territoriale. L'insuffisance des crédits y est criante, en comparaison de ceux qui sont accordés à la Corse. Je préfère d'ailleurs taire les chiffres !

Il s'agit, de même, des dotations aux collectivités territoriales, dont on ne semble décidément pas prendre la mesure des difficultés spécifiques.

Il s'agit, encore, de la coopération régionale, alors que s'ouvrent des perspectives de plus en plus intéressantes en la matière.

Il s'agit, enfin, de la ligne budgétaire regroupant les crédits consacrés à un fonds de secours aux victimes de sinistres : la faible dotation prévue - 1, 6 million d'euros seulement -, n'aura pour effet que de retarder la réponse à apporter en cas d'événement important, tel que l'ouragan Dean.

Bref, nous sommes en présence d'un budget réellement sous-doté, même dans les domaines ou il affiche, très justement, une priorité.

Cela tombe mal dans une période où, aux difficultés économiques et sociales habituelles, viennent s'ajouter, pour ne s'en tenir qu'aux Antilles, les conséquences de plusieurs séries d'événements : celles d'un cyclone, qui, en plus d'un grand nombre de sinistrés et d'importants dégâts en termes d'infrastructures, a gravement touché des secteurs comme l'agriculture, la pêche ou le tourisme ; celles d'une grave crise sanitaire et environnementale ; enfin, celles d'un séisme de grande amplitude, dont on n'a pas encore fini d'évaluer les dégâts.

Cela étant, au-delà des problèmes de manque de crédits, se pose la question récurrente, mais à mon sens plus fondamentale, du positionnement de l'instance gouvernementale chargée de l'outre-mer - ministère, secrétariat d'État, mission interministérielle ? - et, partant, celle de son champ de compétences.

Répondre à cette question, c'est, en réalité, exprimer la vision que l'on a de l'outre-mer. Pour l'heure, cette vision me paraît encore incertaine. Il reste à convaincre ceux qui nous gouvernent de la nécessité d'appréhender les « outre-mers » dans toutes leurs diversités, en tenant réellement compte de leurs spécificités et de leurs atouts. Il importe également de les convaincre qu'ils pourront tirer des engagements financiers outre-mer de réels retours sur investissement.

À cet égard, trois conditions s'imposent : les projets de développement doivent essentiellement être pensés par les acteurs locaux ; la logique d'adaptation aux réalités locales doit l'emporter définitivement sur la logique jacobine, encore beaucoup trop prégnante ; surtout, une écoute suffisante doit être accordée aux aspirations des différents peuples d'outre-mer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. le rapporteur spécial et Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucette Michaux-Chevry

Monsieur le secrétaire d'État, j'avais l'intention de présenter mes observations sur ce projet de budget de façon traditionnelle. Mais les explications qui ont été fournies ce matin, notamment les vôtres, ainsi que celles du rapporteur spécial et des rapporteurs pour avis, me donnent l'occasion inespérée de dire ce que je pense en toute vérité.

Certes, ce projet est élaboré dans un contexte budgétaire globalement difficile. Malgré tout, il traduit incontestablement le manque de volonté du Gouvernement pour faire avancer l'outre-mer dans une nouvelle direction. En politique, il faut faire preuve de courage. C'est toujours payant.

Ce projet de budget, dont l'architecture est tout à fait nouvelle, suit des axes bien définis, élaborés à partir de deux programmes de fond.

Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres. Vous avez magistralement démontré, monsieur le secrétaire d'État, qu'on fait dire aux chiffres ce que l'on veut.

Comme M. le rapporteur spécial l'a dit, les Français considèrent à juste titre que l'outre-mer coûte très cher à la France. Il faut avoir le courage de le dire !

Je souhaite, par ailleurs, rendre hommage à M. le président de la commission des finances, qui a fait remarquer avec raison qu'on ne fait pas évoluer un peuple avec des subventions. Il faut mener une autre politique en outre-mer, monsieur le secrétaire d'État, et vous avez aujourd'hui l'occasion de faire.

Lorsque le candidat Nicolas Sarkozy est venu en outre-mer pendant la campagne présidentielle et qu'il a prononcé des mots forts, prônant la fin de l'assistanat, des conflits sociaux et plaidant pour l'instauration du dialogue, la jeunesse qui était présente s'est levée et l'a applaudi. Sans doute cela ne vous a-t-il pas marqué, mais moi si ! Même les syndicats l'ont approuvé !

Mais il faut aussi préserver les valeurs liées au travail, au mérite et renforcer la place de la famille, qui est le ciment de la société antillaise.

De ce projet de budget, je dégage plusieurs éléments positifs. J'en évoquerai deux.

Le premier élément concerne l'idée de zone franche.

Vous avez affirmé ce matin, monsieur le secrétaire d'État, qu'il fallait soutenir le développement économique et l'emploi. La loi de programme pour l'outre-mer que vous allez présenter a pour corollaire fort la zone franche, qui est une idée géniale du Président de la République. Cela fait longtemps - j'ai retrouvé des écrits qui remontent à 1972 ! - que nous parlons de la nécessité de mettre en place, non pas une intégration, mais une complémentarité économique entre la Caraïbe française et le reste de l'archipel.

L'idée de zone franche est, certes, géniale, mais je suis tout de même triste de constater que certains Français ont la conviction profonde qu'ils peuvent penser pour nous.

J'évoquerai, à ce propos, un événement qui m'a beaucoup peinée.

Voilà près de trente années que je suis parlementaire. Cela fait un bail ! Depuis tout ce temps, personne, ici, n'a pu me reprocher d'avoir trahi mon parti. Or, après avoir transmis des rapports sur la coopération à tous les ministres de la République, après avoir écrit au Président de la République pour le mettre en garde contre l'accord de Cotonou et les accords APE, j'ai eu la tristesse de devoir m'opposer à mon groupe, après l'avoir supplié, en précisant mes motivations, de ne pas ratifier les accords APE.

Le 29 novembre dernier, les pays ACP, eux, ont refusé de signer les accords APE. J'en suis satisfaite, mais également un peu triste, car l'image de la France en a été quelque peu ternie dans les Caraïbes. Le Premier ministre de l'île de la Dominique et les responsables politiques des autres territoires de la région se sont demandé comment le Parlement français, c'est-à-dire le Sénat et l'Assemblée nationale, avait pu ratifier les accords APE alors que, dans le même temps, les pays ACP, directement concernés, avaient refusé de les signer, à cause des zones d'ombre que ces accords contiennent.

Ces zones d'ombre sont tellement nombreuses que vous êtes monté au créneau, monsieur le secrétaire d'État, pour défendre, in limine litis, l'octroi de mer. Vous y êtes d'ailleurs parvenu, mais ce n'est pas satisfaisant. En effet, les pays ACP conservent leur negative list pour douze années encore.

Quel type d'échanges la Caraïbe française peut-elle entretenir avec les pays ACP lorsque ces derniers ont la possibilité de nous matraquer commercialement grâce à leur négative list ? Or si nous n'avions pas ratifié ces accords, nous serions actuellement en position de force !

Certes, vous avez également eu satisfaction dans le dossier du sucre, monsieur le secrétaire d'État, en obtenant une clause régionale de protection pour deux fois dix ans. C'est bien. Mais nous aurions pu aller plus loin et faire profiter de notre barrière commerciale la Caraïbe, qui le demande, notamment l'île de la Dominique et Sainte-Lucie.

De la même manière que les Américains ont su mettre en place une politique d'aide à la banane dans la zone dollar, nous aurions pu impulser une politique de soutien à la Caraïbe qui entre dans le cadre des échanges avec les pays ACP.

Je suis très satisfaite que les Réunionnais siègent au sein de la commission de l'océan Indien. Ils ont ainsi obtenu que le conseil des ministres de la zone fasse admettre à Bruxelles la nécessité de prendre en compte les spécificités réunionnaises.

Mais moi, à quel moment puis-je défendre, avec mes collègues de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane, les spécificités des Antilles-Guyane, alors que la France ne siège pas au Cariforum, instance qui regroupe tous les pays de la Caraïbe, et dont nous sommes par conséquent exclus ? Nous sommes donc obligés de donner un mandat naturel obligatoire à l'Union européenne pour négocier dans la zone Caraïbe.

Nous sommes présents dans cette zone, mais nous n'y avons pas le droit à la parole ! Je réclame depuis des années que la France réintègre le groupe de la Caraïbe, où son influence était considérable. Depuis qu'elle en est sortie, en 2000, nous ne pouvons plus nous exprimer.

Cette idée de zone franche, qui est bonne, que j'approuve, va nous placer également en position de faiblesse. En effet, quel type de zone franche appliquer dans la Caraïbe, alors que tous les pays de l'archipel sont déjà en zone franche ?

Comment pouvez-vous admettre, monsieur le secrétaire d'État, qu'à Trinidad ou à La Barbade, les produits qui représentent l'excellence de la production française soient vendus meilleur marché qu'en Guadeloupe et en Martinique ?

Lorsque nous aurons réglé ce problème et fait de la Guadeloupe un port franc et lorsque l'ensemble de la production française sera disponible à la vente chez nous, ce qui permettra d'attirer les touristes, alors nous serons forts !

Ne mésestimons pas la puissance de la France dans la zone ! De Porto Rico à la Guyane, la présence française est un facteur très important d'équilibre et de respect des institutions.

C'est la raison pour laquelle je n'ai pas approuvé entièrement le projet de zone franche et de loi de programme pour l'outre-mer, projet issu d'une plate-forme de l'excellence réunissant socioprofessionnels et parlementaires.

Nous aurions là une belle occasion de redonner de l'espoir. Comme M. Arthuis l'a très bien dit, dans une zone franche, on doit mettre en valeur le capital humain. Mais peut-on parler de zone franche tout en continuant à mener une politique qui favorise les socioprofessionnels, qui leur accorde toujours plus d'avantages par le biais de leurs organisations professionnelles ?

Lorsqu'un client achète des produits dans un supermarché, il paie tout de suite, ce qui représente du cash pour les socioprofessionnels. Ces derniers, quant à eux, remboursent à trois mois ou quatre-vingt-dix jours. Et ils réclament toujours une amélioration des fonds de roulement, des exonérations par-ci, des exonérations par-là...

J'ai vécu la loi Pons, j'ai vécu les lois Perben et Girardin, j'ai vécu la loi d'orientation pour l'outre-mer, la LOOM. J'ai vu des socioprofessionnels guadeloupéens oser envoyer des mémoires pour demander à bénéficier de tous les avantages possibles en contrepartie de l'engagement qu'ils prenaient de réduire le chômage de 27 % à 20 % dans un délai de dix ans...

Est-ce là la réponse que nous voulons donner à la jeunesse que nous avons formée ? Ce n'est pas possible ! Ce serait méconnaître la réalité locale. Je considère pour ma part, comme notre collègue de la Martinique, Claude Lise, qu'il faut travailler encore le dossier de la zone franche, car la jeunesse attend une autre réponse.

Le deuxième élément sur lequel je souhaite insister est le problème du logement social.

Debut de section - PermalienPhoto de Lucette Michaux-Chevry

Je termine, monsieur le président.

Le logement social, c'est très bien. Mais il n'y aura jamais assez d'argent pour le financer. De plus, il est traité sans qu'il soit tenu le moindre compte ni de la ressource en eau ni de l'assainissement.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai adressé deux questions écrites pour vous demander que l'administration ne change pas de casquette à chaque déplacement de préfet.

J'ai entendu, en effet, la presse reprocher à la classe politique de la Guadeloupe de ne pas avoir traité le problème des déchets. C'est faux : ce problème avait été réglé ! Mais j'ai le regret de vous apprendre qu'un préfet a annulé, en violation de toutes les règles du code des marchés, une décision prise en la matière par le conseil général de la Guadeloupe. En conséquence, à la suite d'un arrêt de la cour administrative de Bordeaux, les contribuables guadeloupéens sont obligés de rembourser à une société de travaux publics le coût d'un ouvrage qui n'a pas été construit.

Monsieur le secrétaire d'État, je voterai ce projet de budget, car vous avez lancé une idée nouvelle pour la Caraïbe. Vous avez entrebâillé les portes, ce qui permettra à l'outre-mer de sortir de l'exotisme traditionnel dans lequel il est cantonné.

Vous avez entrebâillé les portes de la responsabilité. Vous devez désormais aller plus loin et vous pouvez le faire. C'est la volonté du Président de la République : essayons de la respecter !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du premier budget pour l'outre-mer de la nouvelle législature reste un exercice paradoxal. De toute la République, les régions et collectivités d'outre-mer sont les seules pour lesquelles le Parlement discute des dépenses engagées, pour elles, par l'État. Mais il le fait à travers le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer, qui ne représente qu'une partie de ces dépenses.

Par ailleurs, d'année en année, les périmètres de ce budget sont modifiés et des crédits sont transférés à d'autres ministères. Il est donc difficile de vérifier si les évolutions constatées répondent à la progression démographique, aux exigences sociales ou à l'évolution du coût de la vie.

Ce budget comporte deux principaux programmes : l'emploi et les conditions de vie.

Dans le premier programme, les dépenses liées aux exonérations de charges sociales, soit 867 millions d'euros, restent les plus importantes. Pourtant, les résultats de ce dispositif ne sont pas entièrement prouvés. Des réserves ont été émises dans le rapport d'étape de la commission d'évaluation de la loi programme pour l'outre-mer, dans l'avis du Conseil économique et social, ainsi que dans le rapport d'audit sur les exonérations de charges. Il est indiqué, dans l'un de ces documents, qu'il s'agit d'un « dispositif indifférencié de transfert de la métropole vers les DOM » plutôt qu'un « dispositif ciblé sur la création d'emplois ». Son amélioration appelle donc débat.

Je suis inquiète quant à la baisse des crédits destinés aux contrats aidés. Nous avons, certes, de bonnes performances économiques, mais notre progression démographique gomme en partie ces résultats en termes de création d'emplois. Notre taux de chômage reste le plus élevé de la République. La zone franche globale que vous proposez ne permettra pas de donner une activité ou du travail à tous. Elle ne répond pas à tous les besoins d'une société en mutation. Nous devons donc bâtir, en plus, une véritable économie de la solidarité.

La Réunion va expérimenter le contrat unique d'insertion. D'autres initiatives sont possibles, car des textes nous permettent, à titre expérimental, de déroger aux lois et aux règlements en vigueur. Innovons donc : cherchons les moyens les plus efficaces pour conduire le contrat aidé vers un emploi pérenne ; allons vers une professionnalisation des employés ; passons d'une logique de guichet à celle d'un choix partagé ; trouvons de nouveaux partenaires et d'autres sources de financement, comme l'épargne populaire.

Cela suppose que, de son côté, l'État fasse jouer davantage la solidarité nationale, en augmentant les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.

Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables dans deux secteurs, gros utilisateurs de main-d'oeuvre : les services de l'environnement et les services à la personne.

Selon vous, dans le programme « Conditions de vie outre-mer », les crédits du logement social augmentent. Cette évolution est contestée. Vous envisagez, dans le projet de loi de programme, la mise en place d'un dispositif de défiscalisation plus profitable au logement social. Mais le problème est si complexe que des moyens fiscaux supplémentaires et une ligne budgétaire plus ou moins bien dotée ne peuvent, à eux seuls, les résoudre.

Sur ce sujet, nous cultivons une particularité : à la Réunion, l'ensemble des partenaires partagent la même analyse et font les mêmes préconisations. Ils ont signé, en 2004, le Livre blanc sur le logement social. Au rang des signataires partenaires, il y a les collectivités territoriales, l'association des maires, les bailleurs sociaux et le représentant de l'État.

Une telle unanimité impose que l'on étudie les propositions faites et que l'on examine les voies et moyens pour les mettre en oeuvre. Depuis 2004, les gouvernements successifs ont refusé de le faire. Au nom de la rupture dont vous vous réclamez, allez-vous prendre en compte, monsieur le secrétaire d'État, cette contribution en élaborant, par exemple, une loi sur le logement spécifique aux DOM ?

Le Gouvernement veut une mise à plat des dispositifs de la continuité territoriale : passeport mobilité, dotation de continuité territoriale, congé bonifié, etc. Cette réforme va-t-elle marquer un retrait de l'État ? Nous le craignons. L'avion est le moyen qui nous permet d'exercer la liberté de circulation des hommes. La solidarité nationale doit nous aider.

Nous souhaitons être desservis par des Airbus A 380, car ils auraient l'avantage de faire baisser substantiellement les prix des billets d'avion. Allez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous soutenir dans cette démarche ?

Par ailleurs, je vous rappelle ici une question que j'ai posée en commission des affaires sociales : quand les chantiers que le chef de l'État propose pour l'outre-mer, chantiers qui vont de l'école au codéveloppement en passant par le dialogue social et l'amélioration des conditions carcérales, seront-ils donc ouverts ?

Je vous ai aussi interpellé par courrier sur le phénomène de la hausse des prix à la Réunion. Nous cumulons plusieurs handicaps. Nos prix sont plus élevés que ceux de la métropole, et ils le sont dans d'inquiétantes proportions. S'ajoutent à cela la hausse généralisée des prix des matières premières industrielles ou agricoles et leur raréfaction. Très dépendants de l'extérieur pour nos besoins essentiels, nous subissons en plus une hausse du coût du fret maritime, avec une augmentation de 40 % en un an, qui résulte de la hausse du prix des carburants mais surtout d'un manque de cargos, lesquels desservent de moins en moins notre zone.

Ce phénomène de hausse a et aura de nombreuses conséquences, notamment sur la politique que vous comptez mener. Il faut des solutions pour répondre à trois problèmes : la baisse du pouvoir d'achat, la pénurie de matières premières et la desserte maritime de l'île. Je compte sur une action forte du Gouvernement pour nous aider à y faire face.

Monsieur le secrétaire d'État, au-delà de votre budget, d'autres sujets nous préoccupent.

Dans le cadre des négociations sur les APE, la Commission de Bruxelles a signé un accord intermédiaire avec les pays du groupe ESA, ou Eastern and Southern Africa. Un accord définitif interviendrait fin 2008. Nous espérons que nos intérêts seront défendus.

La future départementalisation de Mayotte est désormais inscrite dans les faits. Cette évolution aura de nombreuses conséquences. Dans le seul domaine institutionnel par exemple, ira-t-on vers une région française de l'océan Indien comprenant les deux entités, c'est-à-dire la Réunion et Mayotte ?

La réforme de l'OCM sucre arrivera à échéance en 2014. Notre régime spécifique de l'octroi de mer sous sa forme actuelle prendra fin à la même époque.

Ce sont autant de rendez-vous à court et moyen termes qu'il faut préparer, et nous espérons que la discussion sur votre projet de loi de programme nous donnera l'occasion et le temps de le faire, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.

Dans un de ses discours lors de la campagne présidentielle, M. Nicolas Sarkozy saluait les apports significatifs de l'outre-mer à la France et à l'Union européenne.

En effet, nous rejoignant dans l'analyse, le futur chef de l'État notait que l'outre-mer permettait à la France d'être de « plein pied » dans le monde, d'être la quatrième puissance maritime avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés et de bénéficier d'une vaste diversité culturelle. L'outre-mer, c'est aussi, reconnaissait M. Sarkozy, ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la France. C'est aujourd'hui Kourou. C'est une importante biodiversité. C'est une modernité sociale et c'est aussi la coexistence de grandes religions du monde.

« Il est temps de porter une autre image de l'outre-mer », déclarait M Sarkozy. Cela signifie sans doute que, pour mieux reconnaître notre rôle de « frontières actives » de la France et de l'Europe aux confins des continents, nous soyons considérés comme des partenaires. Cela signifie que la nation apprécie ce que nous lui apportons et qu'elle ne lésinera pas sur sa solidarité.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, chacun d'entre nous sait que l'outre-mer souffre de ses différences et de son éloignement. Mais l'outre-mer souhaite transformer ses spécificités ainsi que ses ressources naturelles, culturelles et humaines en une force pour son développement et en un atout pour la France, à travers son rayonnement sur les cinq continents.

Dès votre prise de fonction, monsieur le secrétaire d'État, vous avez compris, me semble-t-il, l'ampleur de la tâche que vous avait confiée le Président de la République, à savoir promouvoir un vrai développement économique et créer les conditions d'une réelle égalité des chances en outre-mer.

Pour appréhender au mieux et au plus vite les spécificités de chacun de ces territoires ultramarins, vous faites preuve, il faut vous l'accorder, d'une forte présence sur le terrain.

Ce volontarisme, monsieur le secrétaire d'État, est de nature à rassurer a priori nos compatriotes, qui, malgré la permanence des problèmes et la dureté de la vie, continuent à croire que les choses peuvent changer favorablement. Encore faut-il effacer rapidement les effets des trois dernières catastrophes qui viennent de frapper nos deux départements antillais.

D'abord, le cyclone Dean a ravagé nos îles en août dernier. L'état de catastrophe naturelle vient d'être déclaré : 1, 965 million d'euros ont déjà été débloqués sur les 73, 125 millions d'euros prévus, mais cela reste très maigre vu l'ampleur des dégâts, évalués à près de 500 millions d'euros, et l'urgence des besoins de la population défavorisée comme des acteurs économiques les plus fragiles. Que comptez-vous faire, monsieur le secrétaire d'État, pour que d'ici à la fin de l'année l'aide soit plus substantielle ?

Dans le même registre, pouvez-vous nous assurer que la solidarité nationale joue à plein et que, contrairement à ce que suspecte un de nos collègues de l'Assemblée nationale, les fonds mobilisés pour la circonstance ne sont pas prélevés sur des lignes budgétaires dédiées à d'autres actions autrement importantes pour nos sociétés ultramarines ?

Il y a eu ensuite la pollution de nos sols par les pesticides, le chlordécone en particulier. Même si le rapport du Pr. Belpomme fait l'objet d'une réception controversée et qu'il a pu donner lieu à des interprétations sans doute excessives, il a eu au moins le mérite de pointer un dossier majeur, depuis longtemps connu de tous, et de mettre l'accent sur la nécessité d'accélérer les investigations scientifiques et techniques pour conjurer les effets de la pollution sur le plan économique et sanitaire. Pouvez-vous nous dire, après l'audition à laquelle nous avons procédée dans le cadre de la commission des affaires sociales mais aussi de la commission des affaires économiques, où nous en sommes aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État ?

Enfin, pour couronner le tout, un séisme d'une rare intensité - il a atteint une magnitude de 6, 8 à 7, 3 sur l'échelle de Richter - a frappé les Antilles jeudi dernier.

Nous l'avons échappé belle, monsieur le secrétaire d'État, puisque, grâce à la profondeur de l'épicentre, les dégâts ont été limités, mais j'ai eu très peur, car je connais l'extrême fragilité de ces grandes barres d'habitat collectif hors normes qui jonchent le sud de ma bonne vieille ville des Abymes. Et j'ai encore très peur, car un prochain séisme pourrait être beaucoup moins profond et donc beaucoup plus dangereux !

Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi je désespère... Allons, je continue à espérer : vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'État, pourquoi j'espère voir valider l'important programme de renouvellement urbain pour les quartiers dégradés de ma ville, dont l'aboutissement à l'ANRU, l'agence nationale de la rénovation urbaine, dépend des engagements que vous voudrez bien prendre quant à la participation de l'État à son financement.

Cela étant dit, monsieur le secrétaire d'État, il s'agit de votre premier budget et, comme tout premier budget, il connaît des faiblesses.

À première vue, les crédits de la mission pour 2008 dénotent une sensible baisse par rapport à 2007 : 1, 73 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2008 contre 1, 86 milliard d'euros pour 2007 et 1, 76 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour 2008 contre 1, 91 milliard d'euros pour 2007.

Mais, bien sûr, il convient d'aller plus en profondeur et de relever deux éléments sur le « bleu budgétaire ».

Il faut ainsi d'abord constater un changement de périmètre : la disparition du programme 160 « Intégration et valorisation de l'outre-mer » entraîne des transferts nécessaires pour améliorer la gestion comptable et administrative des crédits, mais j'aurais aimé que ces transferts soient davantage lisibles.

Ensuite, il y a un retraitement des données 2007, afin, semble-il, de permettre une comparaison plus efficace des crédits avec ceux qui sont prévus pour 2008.

À cet égard, on ne peut que regretter que la différence de périmètre utilisé entre les données 2007 et les données 2008 fasse apparaître un budget en recul alors qu'en réalité, selon les observations de trois de nos commissions, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, le budget serait en augmentation de plus de 3 % en crédits de paiement et de 2 % en autorisations d'engagement.

Sur ce point, le document reste très obscur et cela ne nous aide ni vous ni nous, monsieur le secrétaire d'État. Aussi, une fois de plus, j'exprime le souhait que nous ne soyons plus confrontés à ces difficultés récurrentes d'analyse pour les budgets à venir.

En détaillant les programmes de la mission, il apparaît tout d'abord que le programme°123 « Conditions de vie outre-mer » connaît une hausse de 2, 21 % par rapport à 2007 pour les crédits de paiement.

L'action relative au logement enregistre en apparence une forte augmentation, tant en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement, mais les crédits alloués au logement vont-ils servir à payer des dettes ou à financer de nouveaux logements ?

Je souhaite d'autant plus vous entendre à ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, que, lors de la conférence nationale du logement outre-mer, tant M. Jean-Louis Borloo que votre prédécesseur M. François Baroin avaient reconnu que, pour assurer la relance du logement social outre-mer, il était nécessaire non seulement d'éponger les dettes, mais aussi d'augmenter les dotations. À supposer que la dette de 2006 ait été soldée, qu'en est-il pour 2007, monsieur le secrétaire d'État ?

Il est indispensable que les crédits servent véritablement à financer de nouveaux programmes nouveaux, car, comme l'a confirmé le Président de la République au secrétariat d'État de l'outre-mer le 13 juillet 2007, le logement est « l'élément de base du cadre de vie, il fait partie de la dignité de la personne ».

Aujourd'hui, il est plus que temps, comme le prévoit le volet « logement » du plan de cohésion sociale de M. Borloo, complété par la loi portant engagement national pour le logement, de fixer les objectifs et de nous doter, dans un cadre pluriannuel, des moyens adaptés, et je ne vois pas, monsieur le secrétaire d'État, comment nous pourrions atteindre ces objectifs sans un doublement des crédits !

L'action 3 relative à la continuité territoriale voit pour sa part l'ensemble de ses crédits stagner.

Je regrette, monsieur le secrétaire d'État, que les fonds alloués au passeport mobilité régressent, alors que ce dispositif connaît un vrai succès parmi les jeunes.

Sur un plan plus général, Nicolas Sarkozy a affirmé en tant que candidat, puis en tant que Président de la République que la continuité territoriale était un « gage de cohésion nationale ». Dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'État, comment les dossiers ont-ils avancé ?

Comme les acteurs socioprofessionnels, je m'inquiète que, pour pallier les difficultés rencontrées par l'État pour assurer ses missions régaliennes en matière de sûreté et de sécurité aéroportuaires, il ait fallu instaurer une taxe supplémentaire de 0, 88 euro par passager sur le prix des billets d'avion.

J'en viens au programme°138 « Emploi outre-mer ».

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

Bien sûr, monsieur le président.

Un transfert de crédits vers la mission « Travail et emploi » a été opéré. Or, monsieur le secrétaire d'État, la question est importante : nous devons pouvoir cerner la réalité de l'effort de l'État dans ce domaine et mesurer qu'il n'y a pas concurrence entre les fonds utilisés outre-mer et ceux qui sont utilisés pour les besoins qui s'expriment en métropole.

Au total, monsieur le secrétaire d'État, nous savons que les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une petite partie des crédits alloués à l'outre-mer, mais nous aurions souhaité disposer d'un document clair, limpide, lisible, compréhensible par tous, qui nous permette de savoir exactement quel est l'effort réalisé en faveur de l'outre-mer, qui a besoin d'un engagement politique fort de l'État.

En tout état de cause, faire de l'outre-mer un pôle d'excellence et de croissance économique, comme le veut le Président de la République et comme vous le voulez vous-même, est un projet ambitieux qui demande des moyens tout aussi ambitieux. C'est pourquoi j'espère que vous nous apporterez dans la nouvelle loi de programme pour l'outre-mer des réponses à la hauteur des ambitions ainsi affichées et que, faisant écho au Président de la République, vous donnerez un vrai coup de fouet à l'économie, à l'emploi, au logement et au pouvoir d'achat outre-mer.

Votre budget, monsieur le secrétaire d'État, est donc à mes yeux un budget de transition. Je ne suis pas totalement satisfait, mais je veux vous encourager à aller plus loin et plus fort.

C'est la raison pour laquelle, prenant mon courage à deux mains, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer ».

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Giraud

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Mahorais considèrent, à juste titre, que l'année 2008 représente une échéance essentielle pour leur avenir.

Elle devrait tout d'abord marquer le terme d'une attente longue d'un demi-siècle dans notre difficile cheminement vers la départementalisation de Mayotte, dont l'objectif avait été fixé et proclamé, dès 1958, au Congrès de Tsoundzou, par l'écrasante majorité de la population mahoraise.

Par ailleurs, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a prévu et décrit dans son article LO 6111-2, le dispositif qui permettra l'accession de Mayotte, « au régime de département et région d'outre-mer, défini à l'article 73 de la Constitution ».

C'est le conseil général de Mayotte qui est habilité à mettre en oeuvre ce dispositif en saisissant le Premier ministre, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat par voie de résolution votée à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public.

Les Mahorais se souviennent aussi que le Président de la République leur a adressé, pendant la campagne présidentielle, une lettre datée du 14 mars 2007 dans laquelle il s'est engagé, si le conseil général le lui demande « comme la loi l'y autorise, à partir de 2008 », à les consulter sur la départementalisation.

Le Président de la République a promis d'être fidèle à ses engagements ; nous sommes sûrs qu'il en sera ainsi pour Mayotte.

Enfin, dans la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été enregistrée au Sénat sous le numéro 43, je propose de compléter le dispositif précité de l'article 6111-2, en prévoyant expressément la consultation de la population mahoraise sur l'accession au régime départemental. Il est important à nos yeux d'accentuer le caractère profondément démocratique du dispositif.

Une telle convergence des orientations et des dispositions vient opportunément renforcer notre espoir de voir cette collectivité départementale accéder enfin à un statut définitif au sein de la République française.

Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.

C'est à la lumière de ces différentes considérations, qu'apparaît toute l'importance de ce projet de loi de finances pour 2008, aujourd'hui soumis à l'examen et au vote de la Haute Assemblée.

Certes, le budget du secrétariat d'État chargé de l'outre-mer ne représente qu'une fraction, de l'ordre de 10 % à 11 %, du total des crédits publics destinés à l'outre-mer français.

Mais ce débat budgétaire au Parlement demeure l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation de nos collectivités et sur leurs projets.

C'est dans cet esprit que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur nos priorités comme sur leur pertinence.

Ainsi, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraise. Cela est vrai du marché de l'emploi, de la modernisation de l'habitat, de l'aménagement du territoire ; mais les effets négatifs sont également sensibles dans les domaines de la sécurité et de la tranquillité des Mahorais. En effet, de plus en plus, les établissements d'enseignement ou de soins, ainsi que le système pénitentiaire sont soumis à d'intolérables pressions.

Les forces de la gendarmerie et de la police nationales sont actives, comme en témoignent les reconduites aux frontières, mais devant l'afflux des migrations irrégulières, il faut encore adapter les moyens humains et matériels aux responsabilités exercées. Il n'est pas douteux, à cet égard, que l'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient les tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations.

La multiplication des contrôles d'identité dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 2006 commence à démontrer sur le terrain l'efficacité de ces nouvelles dispositions.

Plus fondamentalement, je demeure convaincu que c'est la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays de l'environnement qui permettra d'endiguer l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec le voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous. Cependant, nous ne sacrifierons pas cette intention notre volonté affirmée de rattraper nos retards de développement : c'est notre devoir vis-à-vis de la jeunesse mahoraise.

Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc avec raison que le projet de loi de finances retient parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer, car tel est l'objectif majeur de toute politique de développement.

Nous partageons également votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée mis à part, bien entendu, l'organisation de solidarités actives au bénéfice des personnes âgées, des familles en difficulté et des enfants.

Cela dit, je souhaite, une fois encore, souligner l'ampleur des handicaps qui entravent nos progrès et qui appellent par conséquent de vigoureuses actions de rattrapage.

Or je constate avec regret que d'inquiétantes restrictions affectent, toutes missions confondues, le montant global des crédits de paiement qui sont destinés à Mayotte. Ils atteignaient effectivement 402 millions d'euros en 2007 alors qu'ils ne seront que de 397 millions en 2008.

Dans le même sens, les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte. Ainsi, la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions d'euros de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions d'euros, soit 25 fois moins, entre 2004 et 2008.

Il est vrai que Mayotte est classée parmi les pays ACP, pays indépendants qui relèvent du Fonds européen de développement, et ne sont pas éligibles, comme le département d'outre-mer de Guyane, aux fonds structurels européens.

L'explication de cette sensible différence de traitement est simple, mais elle ne nous semble pas équitable pour autant. Ainsi, les deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des départements d'outre-mer, ont néanmoins conservé leur statut de régions ultrapériphériques qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne.

Comme nous, monsieur le secrétaire d'État, vous constaterez que le critère juridique n'est plus déterminant mais Mayotte persiste, néanmoins, dans sa demande d'accession au statut de département français d'outre-mer.

Nous continuerons d'invoquer la nécessité de résorber nos handicaps structurels pour obtenir l'inscription de Mayotte sur la liste des régions ultrapériphériques d'Europe.

Il est urgent de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui conduit l'Europe communautaire à aider moins ceux qui en ont le plus besoin. Mayotte illustre cette situation paradoxale.

Permettez-moi enfin, monsieur le secrétaire d'État, de signaler une dernière anomalie qui pèse lourdement sur les finances de notre collectivité. L'application des dernières conventions liant Mayotte à l'État, notamment le contrat de plan et la convention de développement, a fait apparaître de lourdes dettes de l'État vis-à-vis de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions d'euros au 30 juin et 70 millions d'euros au 31 octobre 2007.

Le conseil général de Mayotte est ainsi contraint à des avances de trésorerie, afin de couvrir les défaillances de l'État débiteur. Cette situation doit être rapidement redressée.

J'en viens, pour terminer, à une considération plus positive. Votre quatrième priorité, monsieur le secrétaire d'État, concerne l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer.

Les Mahorais ont depuis longtemps compris les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes.

Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement.

Il semble que, dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et que les jeunes Mahorais démontrent, par leur application dans l'effort et par leurs résultats très encourageants, une volonté de progresser qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.

Enfin, je veux émettre deux souhaits.

Le premier concerne le budget de l'outre-mer, qui doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses inscrites dans les budgets des autres ministères et affectées aux collectivités d'outre-mer.

Je crains que ces fonctions ne soient rendues difficiles par la pratique fréquente des transferts de crédits du budget du ministère de l'outre-mer vers d'autres ministères, notamment ceux de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la santé. On affaiblit ainsi les moyens et l'autorité de l'outre-mer, alors que ce ministère doit être renforcé dans son rôle de coordination et - disons-le - de rappel au service de l'outre-mer français.

Mon second souhait porte sur la loi de programme sur l'outre-mer, qui devrait être présentée l'an prochain au Parlement.

J'approuve tout à fait le principe qui consiste à multiplier ou à étendre les engagements contractuels de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales, afin de soutenir le développement local, notamment dans le domaine des investissements lourds ou des équipements dits « structurants ». Encore faudrait-il que ces engagements soient tenus et que la parole donnée soit respectée.

Sur ce chapitre, Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances. Monsieur le secrétaire d'État, je demande instamment au Gouvernement de les dissiper.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Giraud

J'ai terminé, monsieur le président.

En dépit de ces réserves et en signe de confiance, je voterai les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui, comme chaque année à cette époque, pour débattre de la mission « Outre Mer » dans le projet de loi de Finances pour 2008.

Ce temps fort de la vie parlementaire est aussi un moment de vérité pour un gouvernement qui se dit attentif aux difficultés rencontrées par les populations d'outre-mer. Nous allons voir, monsieur le secrétaire d'État, si le discours volontariste que vous tenez depuis votre arrivée rue Oudinot trouve une traduction concrète dans le projet de budget que vous nous soumettez.

En d'autres termes, il s'agit de vérifier si la rupture hautement proclamée là-bas, en Martinique, s'exprime ici, dans l'hexagone, en chiffres clairs - du moins s'il est vrai qu'un budget est, avant tout, l'expression d'une volonté politique.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une très faible part - 13, 5 % exactement - de l'action de l'État en faveur de l'outre-mer, qui s'élève cette année à près de 16 milliards d'euros, soit 5, 4 % du budget de l'État. Pour certains, c'est encore trop ! Toutefois, compte tenu des retards que l'histoire nous a légués, j'estime, pour ma part, qu'il reste de la marge.

Par ailleurs, on nous a longuement expliqué que l'apparente diminution de 11, 3 % des crédits de la mission « Outre-mer » résultait de transferts vers le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie des finances et de l'emploi.

Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, de considérer que ces variations de périmètre, qui s'accompagnent de surcroît de redéploiements de crédits entre les actions, rendent opaques et difficilement lisibles les chiffres qui nous sont présentés. De plus, je crains qu'à cause de la fongibilité de ces crédits l'outre-mer ne soit traité comme une variable d'ajustement budgétaire, que l'on peut utiliser en toute discrétion.

Enfin, l'absence de source d'informations synthétiques ne nous permet pas de disposer d'une vision claire des transferts intervenus.

Certes, quelques éléments vont dans la bonne direction. Ainsi de l'effort qui a été accompli dans le cadre de l'enveloppe prévue pour les contrats de projet État-régions et les conventions de développement : en hausse de 10 %, elle s'élève à 110 millions d'euros. Par ailleurs, l'emploi demeure la première priorité de votre budget, puisque 60 % des crédits sont consacrés à ce programme.

Toutefois, un long chemin reste à parcourir, car il existe toujours un décalage inacceptable entre nos régions et celles de l'hexagone. Même si l'on assiste, ces derniers temps, à une légère décrue du taux de chômage outre-mer, celui-ci représente encore plus du double de la moyenne nationale - 21, 1 % contre 8, 6 %, en janvier 2007 - et nos RMIstes sont quatre fois plus nombreux, en proportion, que dans l'hexagone.

Si la finalité de ce programme est de faciliter la création d'emplois et l'accès au marché du travail des Ultramarins, il me semble difficile, voire impossible, de juger de la pertinence des mesures mises en oeuvre. En effet, monsieur le secrétaire d'État, sur les cinq objectifs définis par vos services pour apprécier l'efficacité de ces politiques, un seul se trouve instruit, celui du RMA, le revenu minimal d'activité. Ses chiffres sont bons, d'ailleurs, puisque le taux d'insertion des volontaires en fin de contrat s'élève à 76, 5 % en 2006 et devrait s'établir à 75 % en 2007.

En ce qui concerne les exonérations de cotisations sociales outre-mer, leur montant prévisionnel s'élève à 1 130 millions d'euros, alors que 867 millions d'euros seulement sont prévus dans le projet de loi de finances. Ainsi, la dette envers les organismes de sécurité sociale augmenterait de 263 millions d'euros cette année, auxquels il faudrait ajouter les 993 millions d'euros accumulés en 2007, ce qui fragilise à court terme le dispositif d'exonération et fait peser un risque réel sur l'équilibre des régimes de sécurité sociale.

Monsieur le secrétaire d'État, j'espère qu'en cours d'année des ajustements seront réalisés afin de mettre un terme à ces dérives.

Dans ce contexte économique particulièrement difficile pour l'outre-mer, il me semble nécessaire, sinon indispensable, d'instituer des politiques d'accompagnement ambitieuses.

Or la réduction de 25 millions d'euros des crédits destinés aux contrats aidés et la disparition pure et simple du congé-solidarité priveront de toute perspective des milliers de nos jeunes concitoyens. Je souhaite que la loi de programme qui devrait être votée au premier semestre de l'an prochain leur ouvre de nouveaux horizons.

Le logement social constitue la deuxième priorité annoncée du Gouvernement, ce qui est une bonne nouvelle. Ses crédits passent à 200 millions d'euros, en hausse par conséquent de près de 14 %. Toutefois, l'effort demeure insuffisant eu égard aux besoins, comme Mme la ministre de l'intérieur le reconnaissait ce matin. Vraisemblablement, les 25 millions d'euros d'augmentation qui ont été consentis ne serviront qu'à éponger la dette qui, malgré tout, devrait subsister.

Les prévisions pour 2008 ne me semblent pas non plus traduire un engagement fort de l'État en faveur de la relance du logement social outre-mer. En effet, avec 236 millions d'euros en autorisations d'engagement, il sera extrêmement difficile de répondre à la fois aux exigences de la mise en application du droit au logement opposable et à l'accroissement de la demande exprimée, notamment à la Martinique, après le passage du cyclone Dean.

Monsieur le secrétaire d'État, les arbitrages budgétaires ne vous ont pas permis d'augmenter significativement la LBU, la ligne budgétaire unique. Pour contribuer à la relance du logement social, vous proposez donc de redéployer la défiscalisation dont bénéficie ce dernier. Permettez-moi de vous dire que cette solution est inopérante et qu'elle aboutirait, de l'avis de l'ensemble des spécialistes consultés, à multiplier par deux, voire par quatre, le prix de sortie des logements sociaux !

Le financement de la politique du logement social outre-mer a besoin de sécurité et de visibilité. C'est pourquoi, à mon humble avis, il convient d'oeuvrer dans deux directions.

Tout d'abord, il est nécessaire d'assurer la sanctuarisation de la LBU, afin d'éviter les gels et annulations de crédits en cours d'année. M. Borloo, alors ministre du logement, s'y était engagé. Nous attendons toujours la mise en place de cette mesure.

Ensuite, pour assurer plus de visibilité au dispositif, il faudrait ouvrir une autorisation d'engagement d'une durée de cinq ans, par exemple, et la ventiler en crédits de paiement pendant toute cette période. Il s'agirait d'un moyen efficient pour constituer une programmation pluriannuelle minimale de la LBU ; cela prouverait votre volonté de garantir une politique cohérente du logement dans les départements d'outre-mer, monsieur le secrétaire d'État.

II existe plusieurs autres freins au développement de ce secteur, il faut le reconnaître. Les trois principaux d'entre eux peuvent être identifiés.

Premièrement, le foncier est rare et coûteux ; c'est l'un des effets pervers de la défiscalisation. La solution réside avant tout dans la création, comme à la Réunion, d'un établissement public foncier bénéficiant du droit de préemption sur les terrains à construire. Cela aurait pour conséquence évidente de réduire la spéculation, donc le coût du foncier, et d'assurer le portage de terrains aux bailleurs sociaux et aux collectivités locales.

Deuxièmement, l'indivision des terrains pose problème. On pourrait prévoir la création, comme en Corse, d'un GIP regroupant, pour une période de dix ans, l'État, les professionnels et les élus, avec pour mission de réduire le nombre des terrains en indivision. Cette mesure libérerait du foncier pour la construction.

Troisièmement, le financement de la viabilisation des terrains pour la construction est insuffisant. Les communes sont rarement capables d'assumer le coût de l'assainissement des terrains et de leur équipement en VRD, ou voierie réseaux divers. II est donc nécessaire d'abonder le FRAFU, le fonds régional d'aménagement foncier urbain, et de relancer la réforme de cet organisme, afin d'en concentrer les missions sur l'aménagement du foncier.

En ce qui concerne la continuité territoriale, à laquelle nos populations sont très attachées, les crédits sont nettement insuffisants au regard des besoins.

Dans notre république égalitaire, je comprends mal, monsieur le secrétaire d'État, le traitement différencié appliqué aux DOM et à la Corse. Par exemple, 172 millions d'euros de crédit sont consacrés à la Corse au titre de la continuité territoriale et seulement 5 millions d'euros à la Martinique, soit trente-cinq fois moins. Monsieur le secrétaire d'État, il existe certainement une explication à cet état de fait, que vous vous ferez un plaisir de me donner et que j'attends avec impatience !

J'en viens à la situation des communes de l'outre-mer, notamment en Martinique, car je n'oublie pas que je suis président de l'assemblée des maires de cette région. Ces communes connaissent une situation financière très tendue, et c'est un euphémisme ! Pour les raisons que vous connaissez, monsieur le secrétaire d'État, les charges de personnels ont fortement affecté leurs capacités d'autofinancement, qui se sont littéralement effondrées.

Ces communes éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à financer leurs dépenses d'équipement sur la base de leurs propres ressources. C'est pourquoi des financements externes doivent être mobilisés afin de leur permettre d'investir, notamment dans les écoles primaires et maternelles, qui relèvent de leur compétence.

Aujourd'hui, le parc immobilier des établissements scolaires, souvent très vétuste, ne répond pas aux normes parasismiques qu'exige la réglementation en vigueur dans une île soumise aux aléas sismiques. Il s'agit d'un sujet d'une brûlante actualité : d'après les expertises réalisées immédiatement à la suite du tremblement de terre qui a frappé récemment la Martinique, les écoles ont particulièrement souffert, et certaines d'entre elles se trouvent aujourd'hui fermées.

Si les régions et les départements reçoivent des fonds de concours européens pour bâtir leurs complexes scolaires, les communes, elles, ne peuvent compter sur aucune aide spécifique, que celle-ci vienne de l'Europe, de l'État ou des grandes collectivités, pour réhabiliter et reconstruire leurs écoles.

Il était déjà urgent d'agir en ce domaine. Après les derniers événements, il devient impératif de mettre en place un plan pluriannuel de reconstruction et de mise aux normes de ces établissements scolaires. J'en appelle à la responsabilité du Gouvernement.

Monsieur le secrétaire d'État, j'entends répéter partout, à tout moment, le leitmotiv de la rupture - avec les pratiques antérieures, je suppose. Je m'attendais donc à un budget portant un changement radical. Or, et j'ai été très déçu de le constater, quels que soient le programme étudié et les actions analysées, il y a continuité et parfois même aggravation.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne peux que vous enjoindre de mettre cette rupture en oeuvre. Surprenez-nous donc, sinon je crains de ne pouvoir voter ce budget !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » constitue, en quelque sorte, la levée de rideau de la grande loi de programme que le Président de la République et le Gouvernement nous proposeront au printemps prochain. C'est pour moi l'occasion de pointer les carences de l'économie des départements d'outre-mer et de présenter notre vision de l'avenir.

Ce budget est bon, parce qu'il marque une volonté politique, celle du Gouvernement et du Président de la République, qui ont souhaité maintenir le cap de la solidarité à l'égard de l'outre-mer, ce qui, par ces temps difficiles, n'allait pas de soi.

Si cette exigence de solidarité doit être maintenue, il faut, en revanche, définir une nouvelle orientation en matière économique.

Mes chers collègues, les départements français d'outre-mer jouissent de ce statut depuis 1946. Soixante et un ans plus tard, nous disposons d'une belle carrosserie départementale, mais nous fonctionnons avec un vieux moteur colonial, dont l'entretien coûte très cher à l'État et qui produit de nombreuses rentes de situation, pour une efficacité économique réduite et une performance sociale limitée.

Le Président de la République a été élu par 53 % des Français, soit plus de vingt millions de voix, dans une perspective de changement.

Je ne veux pas qu'on pense que j'interviens aujourd'hui pour faire le procès des entreprises ! Comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Lucette Michaux-Chevry, pas une voix de l'outre-mer n'a manqué pour adopter la loi sur la défiscalisation des heures supplémentaires, la loi Perben sur la sauvegarde des entreprises, la loi de programme pour l'outre-mer ou la LOOM, la loi d'orientation pour l'outre-mer. Nous avons toujours été aux côtés du monde du travail.

Toutefois, lorsque nous constatons que le moteur colonial se caractérise par des situations de monopole de plus en plus abusives, par des ententes illicites sur les tarifs de plus en plus flagrantes et par une opacité de la formation et du niveau des prix de plus en plus insupportable, nous ne pouvons pas être complices de cette situation.

Monsieur le secrétaire d'État, je développerai un exemple qui vous éclairera. Savez-vous à combien s'élève le prix de l'air liquide à la Réunion ou en Martinique par rapport à la métropole ?

À ce propos, je tiens à remercier M. le rapporteur général du budget de m'avoir aidé à faire baisser le prix des médicaments outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

D'ailleurs, avec le courage qui le caractérise, le Gouvernement est en train, sous l'impulsion du Président de la République, de prendre les mesures qui s'imposent.

Toutefois, en ce qui concerne l'air liquide, certaines usines en Martinique et à la Réunion bénéficient de la défiscalisation de leurs investissements et de la TVA dite « NPR », c'est-à-dire « non perçue récupérable », en fonctionnement comme en investissement, ce qui signifie qu'elles perçoivent une TVA qu'elles n'ont pas payée.

Savez-vous quelle est la différence entre le prix de l'air liquide à la Réunion et celui qui est pratiqué en métropole ? Elle n'est pas de 200 %, 300 % ou 400 %. Non, elle est de 600 % ! Et, comme l'air de la Martinique est plus pur que celui de la Réunion - tout le monde le sait -

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Il ne s'agit là que d'un exemple des conséquences des situations de monopole. Et le monopole ne frappe pas qu'une seule fois. Il frappe une seconde fois, puisque l'État paie une autre fois.

L'hôpital de Bellepierre, dont je suis le président, achète entre 1 million et 5 millions de produits liquides par an. S'il payait au prix métropolitain, il économiserait 4 millions d'euros et serait excédentaire au bout de deux ans. Le paiement de tels surcoûts coloniaux conduit les hôpitaux au déficit.

Monsieur le secrétaire d'État, au moment où nous travaillons main dans la main à l'élaboration d'une grande loi de programme, je réclame du haut de cette tribune la décolonisation économique et la justice sociale outre-mer. L'argent doit être bien utilisé, au profit du plus grand nombre et au service de l'efficacité économique. Voilà ce que demande l'outre-mer !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

J'aborderai maintenant un autre problème. Un observatoire des prix et des revenus a été mis en place à la Réunion. Aujourd'hui, nous sommes face à une hausse des prix des carburants. Or, nous avons constaté que le carburant est 40 % plus cher FOB Singapour. Quand nous demandons à la Société réunionnaise de produits pétroliers, la SRPP, pour quelles raisons le prix est 40 % plus élevé à Singapour qu'à Rotterdam, elle nous répond qu'elle ne peut pas nous le dire !

Je ne donnerai pas d'autres exemples. Je ferai simplement une proposition au Gouvernement pour améliorer le pouvoir d'achat et baisser le coût de la vie.

Les services de l'État - il en a d'excellents - chargés de la concurrence et des prix pourraient très bien, monsieur le secrétaire d'État, faire un rapport sur la formation des prix des produits de première nécessité dans les quatre départements d'outre-mer.

Ensuite, la future loi de programme pourrait prévoir la définition, par voie réglementaire, d'un mécanisme de nature à tempérer, comme le permet le code de commerce, les abus pratiqués outre-mer, lorsque les surcoûts dépassent un niveau jugé intolérable.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut baisser le coût de la vie, améliorer le pouvoir d'achat et mettre un terme aux situations de rente et de monopole.

Par ailleurs - ce sera ma deuxième proposition -, je suggère au Gouvernement de supprimer la TVA NPR, qui n'a aucun effet, et de financer le doublement de la ligne budgétaire unique sur cinq ans, soit la durée de la loi de programme, ce qui permettra de construire des logements.

Que nous siégions à droite ou à gauche de cet hémicycle, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes tous d'accord pour dire que l'accès au logement participe du droit à la dignité, qu'il n'est pas possible de refuser à nos populations.

Nous construisons des logements nombreux et de qualité à la Réunion. Nous sommes donc en droit de réclamer ce doublement de la LBU !

Je demande également pour réparer une injustice envers les travailleurs pauvres, c'est-à-dire ceux qui gagnent entre une fois et une fois et demie le SMIC et ne peuvent accéder à la propriété, que soit majorée la dotation de la LBU à leur intention.

Toujours dans le même domaine, je souhaite que soit favorisée la vente des logements sociaux à leurs locataires et que soit mise en oeuvre une politique d'aide aux collectivités et aux sociétés d'économie mixte afin qu'elles puissent viabiliser les terrains destinés à accueillir des logements.

Il me reste deux minutes et demie pour vous parler, mes chers collègues, des zones franches globales d'activité. En demandant aux élus de tous les départements d'outre-mer de vous indiquer quels secteurs d'activité ils veulent cibler, vous avez choisi la bonne méthode, monsieur le secrétaire d'État, mais cela ne suffit pas. Il faut également que nous puissions déterminer quelles seront les zones d'activité prioritaires et que nous puissions mettre en oeuvre les facteurs humains et législatifs qui permettront d'atteindre les objectifs économiques recherchés.

Je prends un exemple : si les universités de la Réunion, de la Martinique et de la Guyane ne forment pas, au moins pour partie, des cadres et des agents de maîtrise pour aller travailler dans ces zones franches globales d'activité, nous finirons par importer de la main-d'oeuvre faute de personnels qualifiés sur place. Les universités, quant à elles, continueront de former des gens dans des filières sans issue.

Nous soutenons l'innovation que constituent les zones franches globales d'activité, mais nous demandons que cette démarche économique soit accompagnée de mesures éducatives et que soient levés, dans le même temps, tous les obstacles des modèles économiques du passé.

Enfin, je terminerai en évoquant la justice sociale. Le développement économique n'est pas, monsieur le secrétaire d'État, et vous nous l'avez dit lorsque vous nous avez reçus rue Oudinot, exclusif de la justice sociale. Nous sommes des élus pour qui l'humain compte. Or nous sommes conscients qu'avec un taux de chômage de 27 % ou 30 % outre-mer il n'est pas possible, même si le développement économique est en bonne voie, de trouver du travail pour tout le monde. C'est la raison pour laquelle il faut mettre en place une économie solidaire fondée sur des emplois aidés de nouvelle génération.

Un emploi aidé de nouvelle génération, c'est un emploi adapté à l'âge de la personne, à son niveau scolaire, à son niveau de qualification et à son état de santé. C'est un emploi qui est accompagné d'un volet formation en entreprise obligatoire, dont la durée est modulable en fonction du cursus de la personne et de son projet de vie, et qui lui permette, in fine, d'accéder à un emploi durable dans une économie plus prospère.

Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire dans le temps qui m'était imparti. Bien sûr, la loi de programme ne se limitera pas aux zones franches globales, au logement, à l'université et aux emplois aidés. Elle comportera également un volet éducatif, un volet sur l'aménagement du territoire, un autre sur le développement durable et sur les énergies renouvelables. Les propositions bouillonnent actuellement dans nos cerveaux !

Ce qui compte, c'est que, en ces temps difficiles, le Gouvernement considère que l'outre-mer français est une priorité et qu'il y consacre ses efforts et sa solidarité.

En votant ce budget, j'apporterai ma pierre à l'édifice de volonté politique du chef de l'État et du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » constitue chaque année un moment important de la vie de près de 2 millions de nos compatriotes qui vivent dans les neuf départements et collectivités d'outre-mer.

De façon classique, la mission « Outre-mer » ne regroupe que les crédits gérés en propre par le secrétariat d'État chargé de l'outre-mer. Elle est dotée pour 2008 de 1, 73 milliard d'euros en crédits de paiement et de 1, 764 milliard d'euros en autorisations d'engagement.

À périmètre constant, les crédits de la mission augmentent de 3 % par rapport à 2007, soit un taux supérieur à la norme de dépenses de l'État. Ces crédits ne représentent que 13, 5 % de l'effort budgétaire de l'État en direction des collectivités ultramarines. L'ensemble de la politique transversale « outre-mer » est abondé à hauteur de 12, 84 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter 2, 814 milliards d'euros de dépenses fiscales, soit un total de près de 15 milliards d'euros. C'est bien, et je me félicite que, avec 5 629 euros par habitant, la Guyane soit l'une des collectivités les mieux dotées.

Mais des problèmes subsistent. L'outre-mer doit faire face à de graves difficultés, en particulier dans le domaine du logement social, qui connaît actuellement une crise aiguë. Cette crise entraîne une triple conséquence : une forte baisse de l'offre, une dégradation du taux d'effort et des conditions d'accès des familles modestes à un logement décent, enfin, un regain de l'habitat indigne. La situation a tellement dégénéré que, en Guyane, la production d'habitat spontané et insalubre dépasse désormais l'offre de logements décents. L'ensemble des acteurs du logement social outre-mer estiment à bon droit qu'il est urgent de relancer aujourd'hui la construction de logements sociaux et de mener une véritable bataille contre l'insalubrité, dans la perspective de la mise en oeuvre du droit au logement opposable.

Au vu de ce contexte très préoccupant, l'examen des crédits alloués à la ligne budgétaire unique me laisse perplexe : 175 millions d'euros avaient été inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2007, auxquels il convient d'ajouter 30 millions d'euros au titre de redéploiements de crédits et de règlement de la dette de l'État envers des opérateurs sociaux. Or les 200 millions d'euros inscrits en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2008 s'apparentent à une diminution budgétaire maquillée, à laquelle il faut ajouter la baisse de 24 millions d'euros des autorisations d'engagement.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles précisions pouvez-nous nous apporter concernant ces chiffres ? Comment démêler le vrai du faux ?

La relance de la construction de logements sociaux passe nécessairement par le maintien de l'effort de l'État, mais aussi par des mesures significatives. L'urgence est patente en termes d'actualisation des aides personnelles, de mise à niveau du « forfait charges » spécifique des DOM, de libération de foncier pour la construction. Dans tous les cas, le futur projet de loi de programme pour l'outre-mer devra impulser une nouvelle dynamique.

J'évoquerai également l'incertitude quant au sort du FEDOM, après la promulgation de l'ordonnance du 12 mars 2007 relative au code du travail. Ce fonds, qui permet aux parlementaires de l'outre-mer de s'associer à l'État dans la définition de la politique de l'emploi outre-mer, a fait ses preuves. Les populations ultramarines connaissent son apport. Or il semblerait que, de façon assez complexe, les crédits de ce fonds aient été transférés vers le ministère de l'emploi.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'État, que vous éclairiez de vos lumières la Haute Assemblée et que vous nous précisiez quel sort le Gouvernement a réservé aux 150 millions d'euros qui abondaient le FEDOM et aux aides indispensables qu'il soutenait.

La Guyane a aujourd'hui besoin d'un développement par l'excellence. L'ère du rattrapage est révolue. Le schéma régional de développement économique a parfaitement synthétisé les maux dont souffre aujourd'hui notre région : isolement géographique naturel de la plus grande partie du territoire, stagnation du revenu moyen par habitant, persistance d'un taux de chômage élevé, fragilité financière des PME, insuffisances des infrastructures et des services publics. J'y ajouterai la rapidité de la croissance démographique, alimentée par des flux migratoires hors de contrôle.

La Guyane n'a pas d'autre choix que celui d'une croissance économique rapide et riche en créations d'emplois. Si nous ne relevons pas ce défi dans les meilleurs délais, ne soyez pas étonné, monsieur le secrétaire d'État, qu'une grave crise sociale éclate en Guyane. Tous les élus sont conscients des contraintes budgétaires, a fortiori dans une Europe élargie. Nous n'en aspirons pas moins à pouvoir bénéficier du principe d'égalité des chances entre régions des États membres que les traités européens promeuvent.

En cela, le projet gouvernemental de zone franche globale d'activité peut constituer le levier qui nous manque tant et sur lequel prendrait appui un développement économique et social harmonieux.

Mais ce dispositif ne doit pas être mis en place à n'importe quel prix. Il doit s'inscrire sur le long terme - dix ans au minimum - afin d'assurer une réelle continuité dans la mise en place de ses mécanismes et d'avoir un effet favorable sur le développement économique.

Cette stabilité garantirait pour les investisseurs une lisibilité des dispositions fiscales ainsi créées. Cette durée doit conduire à rendre la mise en oeuvre de ce dispositif cohérente avec la LOOM et la LOPOM, mais aussi avec les zones franches urbaines, sous peine d'écraser toute initiative sous le poids des réglementations.

Il serait tout autant contreproductif que la zone franche globale d'activité fasse table rase des acquis précédents, alors que leur jeunesse rend leur évaluation encore incertaine. Les spécificités des marchés actuels des entreprises guyanaises - Antilles et marchés intracommunautaires - requièrent d'agir avec réalisme et de leur laisser le temps de se positionner sur les marchés extérieurs.

Enfin, l'impératif de sécurité exige la définition préalable et l'application d'une stratégie d'appui sur le terrain, par le biais d'indicateurs de performance et d'un accompagnement des entreprises.

Si vous voulez développer l'outre-mer avec nous, monsieur le secrétaire d'État, il faut créer un commissariat à l'industrialisation pour l'outre-mer, dont la mission serait de rechercher les investisseurs potentiels pour créer les industries dont ses collectivités ont besoin.

La Guyane ne manque pas d'atouts, grâce à ses richesses naturelles, qui constituent autant d'outils de développement économique. En effet, notre territoire recèle un biotope encore largement méconnu et dont l'intérêt pour la médecine et la pharmacie semble prometteur.

De nouveaux métiers et de nouvelles filières de formation pourraient ainsi être financés pour encourager et valoriser la recherche en la matière. Vous en conviendrez, un tel dispositif aurait d'immenses retombées sur le développement économique et social de notre territoire et, au-delà, de la France.

Monsieur le secrétaire d'État, dans le cadre du pôle de compétitivité « santé tropicale », pouvez-vous nous indiquer quels crédits seront mobilisés pour financer la recherche fondamentale et le développement des potentialités à très forte valeur ajoutée, à partir des principes actifs que nous pourrions trouver dans nos plantes médicinales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Je conclus, monsieur le président.

Nous parviendrions ainsi à endiguer différentes pathologies épidémiologiques, comme la dengue, le paludisme, le sida ou la maladie de Chagas.

De tels fonds permettraient également le développement de la spécialité santé tropicale dans le cadre de la médecine d'urgence, et le pôle de compétitivité Lyonbiopôle pourrait s'appuyer sur les résultats de toutes ces recherches.

Certes, monsieur le secrétaire d'État, les crédits affectés à la mission « Outre-mer » ne répondent pas à toutes les attentes de nos compatriotes ultramarins, car elles sont nombreuses. Mais la conjoncture économique ne permet sans doute pas au Gouvernement d'accentuer son effort.

Au demeurant, le projet de budget va dans le bon sens, ce qui ne doit pas vous empêcher, me semble-t-il, de faire preuve de plus d'ambition l'an prochain.

C'est donc avec responsabilité que je voterai ce budget.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Outre-mer » appelle de ma part trois observations liminaires.

D'abord, d'un point de vue formel, les crédits consacrés à l'outre-mer mériteraient une présentation plus lisible. Le secrétariat d'État à l'outre-mer étant le seul à avoir un périmètre géographique, nous aurions souhaité une présentation des crédits non pas par actions, mais par territoires, ce qui aurait démontré la capacité du Gouvernement à conjuguer unité et diversité. À cet égard, le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés de la mission « Outre-mer » vers la mission « Travail et emploi » accentue encore, me semble-t-il, le manque de lisibilité qui caractérise l'intervention budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins.

Ensuite, et je le souligne sans intention polémique ou volonté de susciter une querelle de chiffres, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 1, 73 milliard d'euro pour l'année 2008, contre 1, 95 milliard d'euros en 2007, sont en baisse significative.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir et vers un développement économique pérenne comme vous vous y êtes engagé. En Guadeloupe, un tel objectif nécessiterait une politique volontariste de rattrapage des retards structurels qui minent le département.

J'en viens plus précisément aux différentes actions de la mission « Outre-mer ».

En matière de logement social, des efforts sont peut-être réalisés, mais nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la ligne budgétaire unique.

Alors qu'il faudrait créer entre 4 000 et 5 000 logements par an sur cinq ans pour satisfaire les 26 000 demandeurs de la Guadeloupe, l'augmentation des crédits de l'action « Logement », qui n'est que de 25 millions d'euros, permettra à peine de dépasser les 1 300 à 1 400 logements livrés dans notre île.

Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, au-delà des crédits, c'est également la réforme du mode de financement du logement social qu'il faut envisager.

En Guadeloupe, les bailleurs sociaux ne peuvent plus équilibrer leurs opérations de logement social. Ils ont donc cessé toute production nouvelle. En effet, de l'avis unanime, la défiscalisation ne permettra pas, à elle seule, de susciter une production capable de répondre à la demande sans une intervention particulière de l'État.

En dépit du changement de structure budgétaire que j'ai évoqué plus haut, la mission « Outre-mer » conserve un programme « Emploi outre-mer ».

Nous le savons, la situation du marché de l'emploi demeure particulièrement préoccupante.

En Guadeloupe, le taux de chômage est encore de 27 %, contre 8 % en métropole. Pour y faire face, l'action de l'État et des collectivités territoriales doit permettre de créer les conditions du développement des secteurs porteurs d'emplois, en particulier le tourisme, et de favoriser le dynamisme des très petites entreprises, qui constituent 95 % du tissu économique de l'île. Ce secteur devrait, je le crois, bénéficier des exonérations de la zone franche globale d'activité.

Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés demeureront nécessaires pour notre économie, car le taux de chômage révèle l'impossibilité pour le secteur marchand d'absorber une population active à un niveau proche du plein-emploi.

La conséquence de cette situation est l'augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, laissant en 2007 à la charge du département un solde non compensé de 26, 3 millions d'euros, contre 7, 5 millions d'euros en 2004. Cela crée d'importantes difficultés, en particulier pour le conseil général - je pense qu'il en est de même en Martinique -, et appelle une refonte de la base de calcul de cette compensation.

J'aborderai maintenant la politique conduite en faveur de la continuité territoriale et du passeport mobilité, dispositifs qui constituent également, selon nous, des solutions pour combattre le chômage.

Je le crains, la coupe claire opérée dans les autorisations d'engagement du volet mobilité du projet initiative jeunes, le PIJ, annonce la disparition pure et simple d'une mesure qui permet pourtant d'encourager la formation des jeunes et dont nous sommes nombreux à souhaiter le maintien, voire le renforcement. Combinée à la stagnation des crédits, déjà insuffisants, de l'action « Continuité territoriale », cette diminution a de quoi inquiéter.

Pourtant, la nomination de M. Patrick Karam au poste de délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer semblait annoncer une prise de conscience de l'importance de la continuité territoriale. Cet enjeu capital concerne aussi bien les personnes que les marchandises, donc le pouvoir d'achat, car les coûts d'acheminement expliquent largement la cherté de la vie en Guadeloupe.

Monsieur le secrétaire d'État, plusieurs défis fondamentaux pour l'avenir de la Guadeloupe commandent un véritable plan interministériel s'apparentant à un FIDOM réactivé.

D'abord, nous pensons à la mise en oeuvre des préconisations du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui constitue un enjeu économique et écologique majeur nécessitant le concours de l'État aux côtés des cofinancements de l'Europe et des collectivités locales, et ce pour un montant global estimé sur la période à 300 millions d'euros en investissements et à 70 millions d'euros en fonctionnement. Nous voulons savoir quelle sera votre participation pour accompagner ce plan nécessaire au développement de notre pays.

Dans le même ordre d'idée, une place particulière doit être réservée à la mise aux normes des équipements collectifs structurants. Le conseil général de la Guadeloupe n'a eu de cesse de solliciter l'accompagnement financier de l'État, plus particulièrement pour les transports routiers collectifs, les barrages pour l'eau agricole et l'eau potable, les hôpitaux, les établissements d'accueil des personnes âgées.

Sur ce dernier point, le séisme qui a secoué la Guadeloupe le 29 novembre dernier confirme, s'il en était besoin, l'urgence de la mise aux normes antisismiques des établissements publics, notamment des établissements scolaires, en particulier des écoles primaires.

Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous relevez du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, permettez-moi de saisir l'occasion de ce débat pour attirer votre attention sur la question de la sécurité des personnes en Guadeloupe.

Le Président de la République a présenté ses objectifs en termes de baisse de la délinquance. Je souhaite que les moyens déjà déployés en Guadeloupe soient renforcés, en particulier pour lutter contre la délinquance chez les jeunes, qui est en augmentation de 8 %.

J'évoquerai également les conséquences néfastes de la médiatisation dont la Guadeloupe a fait l'objet après la publication du rapport rédigé par le professeur Belpomme sur la pollution des sols aux organochlorés.

De l'avis des spécialistes, et au-delà du caractère controversé des conclusions du rapport, les conséquences de cette pollution requièrent un plan d'urgence en trois points. En effet, il faudra établir un diagnostic de l'étendue des zones polluées, décontaminer les sols concernés et indemniser les agriculteurs tout en songeant à leur reconversion.

Par ailleurs, et comme nombre de mes collègues, j'estime que la loi de programme pour l'outre-mer actuellement en préparation devrait s'inscrire non seulement dans la durée, mais également dans une perspective de clarification.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que les orientations proposées par les élus et les acteurs socioprofessionnels de la Guadeloupe soient, dans leur grande majorité, prises en compte. Nous avons travaillé sur ce sujet, dans le cadre qui nous était fixé, en abordant les grands enjeux de la Guadeloupe.

Surtout, la mise en place d'une zone franche globale d'activité doit être l'occasion de recenser les atouts et les besoins de la Guadeloupe, afin d'aboutir à un dispositif efficace.

Monsieur le secrétaire d'État, une autre politique, même limitée au seul logement, aurait été le signe fort d'une volonté de changement.

En l'état, mon vote sur le budget de la mission « Outre-mer » ne peut qu'être défavorable. Peut-être évoluera-t-il en fonction des réponses que vous voudrez bien m'apporter dans ce débat, monsieur le secrétaire d'État.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Detcheverry

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n'entrerai pas aujourd'hui dans le détail des différentes lignes de la mission qui nous est présentée, d'autant qu'il est facile de faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Les discussions de marchands de tapis ne m'intéressent pas. Je me limiterai donc à une analyse globale des financements prévus pour l'outre-mer dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008.

Une telle analyse est un peu difficile à effectuer, car il faut retrouver plusieurs éléments, notamment les aides directes à l'embauche des publics les plus éloignés de l'emploi, qui seront prises en charge par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi à compter du 1er janvier 2008.

Malgré cette petite gymnastique, on peut conclure que les aides en direction de l'outre-mer sont en légère augmentation, ce dont je ne puis que me réjouir dans le contexte actuel. Mon vote sur ce budget sera donc favorable.

Monsieur le secrétaire d'État, malgré la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer », dont l'intitulé était un message fort pour toutes les personnes concernées, et ce en outre-mer comme à Paris, j'ai bien noté votre volonté de développer les économies ultramarines en favorisant leur intégration dans leur environnement régional.

Quand on mesure les disparités entre les régions environnant ces territoires lointains, c'est vers la mondialisation que nous nous tournons. Mais, même si ce terme « mondialisation » peut faire peur à certains, pouvons-nous rester la tête dans le sable et subir plus tard le contrecoup de l'immobilisme ?

Monsieur le secrétaire d'État, comme vous l'avez affirmé à maintes reprises, l'outre-mer peut et doit prendre sa place partout dans le monde.

À la demande du Gouvernement, j'ai effectué au début de l'année une mission de coopération régionale destinée à évaluer les possibilités offertes à Saint-Pierre-et-Miquelon pour s'intégrer au développement économique de la région qui l'entoure et qui est en plein essor. Les résultats sont positifs et notre grand voisin canadien est ouvert à toute évolution en ce sens.

Depuis, plusieurs manifestations et rencontres ont eu lieu à Saint-Pierre-et-Miquelon ou au Canada et des projets économiques communs sont envisagés.

Malheureusement, ces projets, qui sont potentiellement très porteurs, rencontrent un certain nombre de difficultés, notamment dans leur phase d'élaboration. Nous sommes souvent confrontés à des réglementations internationales disparates et très complexes. La difficulté réside dans la situation géographique de Saint-Pierre-et-Miquelon. Notre territoire, qui peut et qui doit servir de plaque tournante vers l'Europe, se retrouve confronté à trois réglementations : française, canadienne et européenne.

Aucun organisme n'étant suffisamment étoffé et compétent sur l'archipel pour traiter ce genre de dossier, les projets restent en suspens. Nous constatons que nous manquons cruellement d'outils de travail performants et de moyens humains ou matériels. Or il est impossible de s'intégrer dans une économie internationale sans les moyens techniques adéquats.

Ironie de l'histoire, d'après les informations dont je dispose, l'accès à l'Europe semble plus facile pour des projets canadiens que pour ceux provenant de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La loi de programme que vous proposez pour le premier trimestre 2008 est en cours de finalisation. Nous aurons là la possibilité de répondre aux demandes qui sont clairement formulées par les acteurs économiques de l'archipel. La coopération économique avec le Canada étant un élément indispensable à la réussite de nos projets, il serait opportun de mettre en place des outils tels que le bureau de la coopération régionale, ainsi que l'euro info centre. Cela permettra à Saint-Pierre-et-Miquelon de jouer pleinement son rôle de plateforme relais entre l'Amérique du Nord et l'Europe.

Nous avons donc besoin de financements en ce sens. Heureusement, pour la première fois, vous avez décidé d'octroyer 150 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon à travers le fonds de coopération régionale. C'est un très bon début, et je vous en remercie.

À un niveau plus local, la mise en oeuvre du contrat État-région, qui débutera en 2008 pour se terminer en 2013, est une bouffée d'oxygène pour l'économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Malheureusement, ce n'est pas suffisant, car il s'agit d'un contrat non pas de développement, mais plutôt de ce que j'appellerai de dépenses, dont les retombées ne s'inscrivent pas sur le long terme et ne correspondent pas au changement de politique économique dont nous avons besoin.

Ce contrat a peut-être été préparé localement à la hâte, mais il a tout de même le mérite d'exister. Cela dit, il devra être complété, afin de tenir compte de certaines opérations indispensables qui sont délaissées. En attendant, il continuera de fournir du travail à court terme, ce qui, dans la situation actuelle, n'est pas un luxe, même si je considère qu'il faut cesser de travailler dans l'urgence, sans vision à long terme.

Mais il est des seuils de financement au-dessous desquels il ne faut pas descendre, sous peine de compromettre l'avenir et de devoir ensuite financer du chômage à long terme.

Je suis, malheureusement, bien placé pour parler de financement du chômage. Je suis en effet le maire d'une petite commune qui est passée du jour au lendemain, en 1993, du plein-emploi à un chômage saisonnier de longue durée touchant à peu près 25 % de la population, ce qui a fortement contribué à l'exil de 15 % des habitants de Miquelon ces dernières années. À ce rythme, je crains que nous n'atteignions le seuil de non-retour assez rapidement.

En outre, quand les gens travaillent, ils sont en partie sur des chantiers d'utilité publique. Inutile de vous dire que cette situation n'est pas confortable pour ces travailleurs saisonniers, non plus que pour la mairie ou pour l'État, qui doivent dépenser du temps et de l'argent pour trouver des solutions d'urgence, parfois en décalage avec les objectifs réels de développement.

Les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon sont dans une situation financière très difficile. Le manque de moyens humains se fait sentir cruellement au niveau des deux mairies et du conseil territorial. Nous sommes en réalité dans une spirale infernale, car, du fait des déficits, nous n'avons pas les moyens de nous payer les compétences nécessaires pour trouver des solutions pour nous en sortir, et la situation continue de se dégrader.

C'est pourquoi je ne peux qu'approuver le travail du député de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a su vous faire prendre conscience de la nécessité de réévaluer les critères d'attribution de la DGF pour l'archipel. Étant donné l'urgence, monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais que le délai de l'étude soit ramené de six mois à trois mois.

Le Gouvernement a fait preuve de prudence face à son deuxième amendement concernant l'inflation. Je peux le comprendre, mais la gravité de la situation exige que nous sortions du cadre habituel de la réflexion pour regarder la vérité en face.

C'est un fait, les chiffres de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer, l'IEDOM, organisme maîtrisant parfaitement les réalités outre-mer, le prouvent : l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon est en moyenne quatre fois supérieure à celle de la métropole. Je le déplore, mais telle est la réalité économique de la plus petite collectivité d'outre-mer, l'une des plus isolées au niveau du transport de passagers et de fret, soumise très directement aux fluctuations du dollar et confrontée à des difficultés spécifiques comme celles qu'engendre un climat rude en hiver.

Pour illustrer mon propos, je citerai la prime à la cuve de fioul domestique, créée récemment en métropole et dont le montant est fixé à 150 euros pour tout l'hiver. Sachez qu'avec cette somme, à Saint-Pierre-et-Miquelon, la majeure partie des maisons ne peuvent être chauffées que pendant huit à dix jours !

C'est pourquoi je n'aurai pas de complexe à demander au Gouvernement, mercredi prochain, d'accepter un amendement sur la DGF des collectivités visant à prendre en compte l'inflation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Au reste, si nous mettons tout en oeuvre pour faire preuve de responsabilité économique, nous réussirons à trouver des solutions pour réduire cette inflation excessive, et cet amendement n'aura finalement pas de conséquence à moyen terme.

Autre élément important, vous avez accepté, à ma demande, d'étudier la possibilité d'une liaison entre Paris et Saint-Jean de Terre-Neuve, qui se trouve à seulement quarante minutes de vol de Saint-Pierre ; je vous en remercie. Si un tel projet pouvait voir le jour dans un avenir raisonnablement proche, les passagers, les commerçants, les consommateurs et les producteurs bénéficieraient d'un service de bien meilleure qualité : je pense notamment aux produits frais, à l'entrée, comme à la sortie. Si, parallèlement, un effort était entrepris pour réduire le coût des transports, les prix des produits diminueraient, que ce soit à l'importation ou à l'exportation. Ainsi, l'inflation se résorberait de manière sensible, ce qui entraînerait à la baisse certaines aides financières de l'État.

Je pense qu'il faut maintenant « mettre le paquet » pour permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de sortir totalement la tête de l'eau, une bonne fois pour toutes. Il faut oser mettre à la disposition de l'archipel des moyens humains, techniques et financiers dans les domaines clefs, pour qu'il s'engage enfin sur la voie du développement durable, ce qui lui permettra de se responsabiliser et de devenir plus autonome.

Avec des collectivités locales à la situation assainie et des transports plus adaptés, nous serons mieux armés pour soutenir les acteurs économiques dans tous leurs projets. Nous parlons régulièrement du potentiel de notre archipel. Pour ma part, je suis convaincu, et je ne suis pas le seul, que ce potentiel dépasse les besoins de notre population.

Plusieurs pistes de développement existent et sont connues de tous.

La première concerne les hydrocarbures. Nous savons aujourd'hui que toute la région qui nous entoure, en l'occurrence le bassin Laurentien, regorge d'hydrocarbures. Loin de moi la pensée d'une exploitation propre à Saint-Pierre-et-Miquelon dans ce domaine : nous n'avons pas la prétention de posséder notre propre plateforme pétrolière en mer, mais nous pourrions être un très bon prestataire de services auprès des compagnies exploitant dans la région. Ce serait un juste retour de l'histoire, l'archipel ayant longtemps été une station de service sur les bancs de Terre-Neuve.

La deuxième piste possible, c'est l'installation d'une zone de moindre pression fiscale. Le statut de collectivité d'outre-mer nous confère une autonomie fiscale. Sans parler de paradis fiscal, ce statut nous offre la possibilité de proposer certains avantages fiscaux à une clientèle que nous pourrions trouver chez nos voisins canadiens et américains. Les retombées, modestes à l'échelle nationale, mais conséquentes pour une population de 6 200 personnes, réduiraient d'autant nos demandes financières à l'État.

La troisième piste est celle du plateau continental. De par notre statut nous pouvons obtenir la reconnaissance d'État côtier et la possibilité de revendiquer une zone maritime jusqu'aux limites du plateau continental. Il nous reste aujourd'hui peu de temps pour faire avancer ce dossier, ce qui, à mon sens, ne peut se faire qu'en étroite concertation avec le Canada.

La quatrième piste concerne les produits de la mer. Nous ne pêchons plus comme par le passé, mais la pêche est encore présente et permet la capture de quelques milliers de tonnes de produits divers et variés.

Heureusement, il existe des projets d'aquaculture, comme celui de la société EDC que vous connaissez bien. Maintenant que les doutes quant à la viabilité de cette opération ont été levés, grâce notamment à l'assistance technique de l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, intervenue cette année, j'ai confiance en votre capacité de convaincre le Gouvernement de transformer l'essai, monsieur le secrétaire d'État.

En aidant jusqu'au bout ce type de projet innovant, vous permettrez à de nouvelles activités d'engendrer des retombées profitables à tous, à Saint-Pierre comme à Miquelon.

Des efforts restent à faire en matière de transformation : nos produits sont très peu valorisés et vendus à des prix trop bas. En outre, le coût et le manque de régularité des transports empêchent nos producteurs d'être compétitifs sur le marché mondial. Ne pourrions-nous pas bénéficier d'un système inspiré du programme POSEIDOM, le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité des départements d'outre-mer ?

La cinquième piste a trait à la biodiversité de Saint-Pierre-et-Miquelon, citée à plusieurs reprises au cours du Grenelle de l'environnement.

J'évoquerai pour conclure notre développement touristique, qui intéresse beaucoup le Canada. Nous sommes un atout dans le développement touristique de la région.

Au risque de me répéter, j'affirme que ces projets ne verront le jour que si leur sont attribués, en plus des soutiens financiers, les supports techniques dont ils ont besoin. La réussite économique d'un projet débute non pas dans l'usine de production, mais bel et bien sur la planche à dessin de l'architecte. Outre les financements, ces architectes nous sont véritablement nécessaires pour concrétiser tous nos projets.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget pour l'outre-mer qui nous est présenté aujourd'hui est de nature à nous rassurer quant au maintien de l'effort financier de l'État à l'égard de nos collectivités ultramarines, bien qu'il ne soit pas révélateur de l'ensemble des crédits inscrits en leur faveur, puisqu'il en représente moins de 15 %.

Nous l'abordons dans le contexte des grandes réformes annoncées par le Président de la République, et je saisis cette occasion pour saluer sa détermination et son courage politique, car il nous faut bien admettre le caractère inéluctable des changements qui doivent intervenir dans notre pays. Je fais partie de ceux qui sont convaincus de sa capacité à améliorer la situation de la France et des Français de métropole et d'outre-mer.

S'agissant de la situation outre-mer, vous savez qu'il reste encore beaucoup à faire, et je crois fermement qu'il est indispensable de conduire une réflexion en commun, de privilégier le dialogue et l'écoute des responsables politiques locaux. Je tiens d'ailleurs à saluer la sagesse avec laquelle le président de la commission des finances, samedi dernier, à la demande du Gouvernement et de nombre de nos collègues, a retiré son amendement sur l'indemnité temporaire de retraite.

En revanche, monsieur le secrétaire d'État, nous proposons que soit rapidement créé un groupe de travail parlementaire pour traiter spécifiquement de la réforme du système de majoration des retraites outre-mer, de façon à ce que la réflexion sur ce sujet soit menée conjointement par le Gouvernement et par les parlementaires de métropole et d'outre-mer.

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Ce groupe de travail pourrait rendre ses conclusions à l'issue du premier semestre de 2008, ce qui permettrait d'adopter un texte avant la fin de l'année, dans la continuité des réformes entreprises sur le plan national.

Comprenez bien, mes chers collègues, qu'il ne s'agit pas pour nous de mettre en oeuvre une stratégie d'évitement. Il s'agit de prendre les mesures nécessaires en pleine connaissance de l'ensemble des données qui y sont liées et, en particulier, de leur impact économique. Il me semble que c'est là une initiative responsable des parlementaires de l'outre-mer et j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que vous la soutiendrez.

Vous avez annoncé la création, au cours du premier semestre de l'année prochaine, d'un conseil interministériel qui pourrait être présidé par le Président de la République lui-même. Cette réflexion sur les retraites pourrait également s'inscrire dans le cadre de ce conseil interministériel.

Nous percevons, en effet, cette décision de création de conseil interministériel pour l'outre-mer comme une marque d'attention très significative à l'égard de l'ensemble de nos compatriotes ultramarins, qui seront, à n'en pas douter, très sensibles à un tel geste. Nous comprenons également que cette initiative intervienne dans la dynamique du changement qui doit s'appliquer à nos collectivités ultramarines.

Nous sommes tous conscients que de nombreuses contraintes pèsent sur l'activité économique et la création de richesses outre-mer. Les collectivités ultramarines sont tenues de soutenir en permanence, par l'action publique, un développement économique et social fragilisé par des handicaps structurels, et elles sont limitées dans la mise en oeuvre de leur politique publique par des ressources propres insuffisantes.

Vous avez d'ailleurs souligné à juste titre, monsieur le secrétaire d'État, que l'enjeu fondamental était de donner à nos collectivités ultramarines la capacité de se développer et de passer d'une logique de rattrapage à une logique de développement.

Je souhaite, tout comme vous, que la mise en place des pôles de compétitivité et la création de zones franches d'activité permettent de donner un nouvel élan à nos économies.

La gestion de nos collectivités ultramarines se fait dans le contexte de la décentralisation, qui, selon nos statuts respectifs, se traduit par un transfert de compétences plus ou moins étendu à nos assemblées locales ainsi que des moyens permettant de les assumer.

La gestion de proximité ne permet ni de pallier tous nos handicaps ni de résoudre tous nos problèmes, et la Haute Assemblée, qui est la représentante des collectivités locales, est bien placée pour connaître des difficultés induites par le processus de décentralisation.

Le président du Sénat a d'ailleurs souhaité la création d'un observatoire de la décentralisation, auquel seraient confiées une mission d'évaluation ainsi que la faculté de faire des propositions visant, si nécessaire, à « corriger le tir ».

Nos collectivités d'outre-mer, qui sont souvent présentées comme un laboratoire de la décentralisation, ne peuvent trouver une entière satisfaction dans un processus administratif. Elles se caractérisent, en effet, par une très grande diversité et par une identité particulière qui nécessitent des réponses adaptées à chaque situation. La réponse qui a été apportée jusque-là est une très grande variété de statuts, d'où la complexité de l'organisation outre-mer. Nos collectivités sont, de ce fait, continuellement confrontées à l'évolution de leur statut et de leurs liens avec l'État.

L'outre-mer exprime sans cesse son besoin de voir son identité et sa différence reconnues, et cela se traduit par une demande de plus grande autonomie. Je reprendrai, à cet égard, la définition de la Charte européenne de l'autonomie locale, qui précise, en son article 3, que « par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques ».

L'exercice de l'autonomie est très variable d'une collectivité à l'autre. Je citerai, à titre d'illustration, la question de la responsabilité des exécutifs locaux, qui n'est actuellement présente dans notre organisation territoriale que dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et de l'assemblée territoriale de Corse.

Personne ne songe à contester la légitimité de la revendication d'une gestion de proximité. Pour autant, il me semble que la France de l'outre-mer a besoin aujourd'hui de concevoir son évolution statutaire dans un cadre plus global, qui concerne d'abord la redistribution des pouvoirs entre l'État et ses collectivités d'outre-mer, en fonction des différentes étapes de décentralisation et d'autonomie que chaque collectivité doit pouvoir franchir à son rythme, et ce, bien entendu, selon la volonté de sa population.

M. Georges Othily applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Loueckhote

Cela suppose qu'une réflexion soit menée au sein de chaque collectivité d'outre-mer quant à l'évolution de ses relations avec l'État et que des initiatives soient prises pour proposer les réformes institutionnelles nécessaires ou des adaptations dans le domaine de la loi et du règlement.

Il apparaît que le Gouvernement a clairement manifesté, à de nombreuses reprises, sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Dans cet esprit, nous avons franchi un pas supplémentaire, et très symbolique, en adoptant la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Nous avions conscience que nos départements et nos régions d'outre-mer avaient gardé des liens très forts avec la métropole qui les empêchaient, à certains égards, d'aller de l'avant.

Comme vous le savez, cette loi permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire et, dans un certain nombre de matières, de fixer eux-mêmes les règles.

Ils disposent là d'une possibilité nouvelle qui traduit bien la volonté de l'État d'apporter des réponses adaptées aux situations de ses collectivités ultramarines.

Cependant, une action publique plus décentralisée et mieux adaptée à nos réalités locales ainsi que plus d'autonomie pour nos collectivités ultramarines sont-elles la panacée ? Est-ce la solution pour l'outre-mer ?

La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre afin d'accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.

La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans le cadre de l'Union européenne. Il me paraît essentiel qu'une réflexion soit conduite en commun par le Gouvernement et les responsables des collectivités locales ultramarines afin que cette question soit enfin abordée. Nous savons en effet que la différenciation que l'Union européenne fait entre les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, se traduit par un niveau d'intervention de l'aide européenne très variable. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement sur le plan européen.

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, pour proposer une réforme du statut des collectivités d'outre-mer de façon à parvenir à une uniformisation et à une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM ? Cela favoriserait également une meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe, ce dont pourraient bénéficier nos populations.

Parallèlement, il est tout aussi essentiel de pouvoir davantage prendre en considération l'insertion de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional respectif. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins sont un véritable handicap. Nous manquons là, sans aucun doute, des opportunités de développement !

Ce cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé dans le contexte de la mondialisation.

Nous nous félicitons d'afficher des produits intérieurs bruts élevés. Cependant, ils cachent de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités. En outre, nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, ce qui constitue une entrave à notre compétitivité par rapport à nos voisins immédiats comme vis-à-vis du reste du monde. Il est donc urgent de repenser la politique d'intégration de l'outre-mer français.

La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action, mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques en faveur de nos populations.

On peut concevoir que nos collectivités ultramarines se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État, eu égard aux contraintes qui pèsent sur le budget de la France.

À cet égard, je voudrais évoquer le cas de la Nouvelle-Calédonie. Comme vous le savez, elle est engagée dans un processus d'autodétermination, qui se traduira par l'organisation d'une consultation possible à partir de 2014.

Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa. Mais l'État, il faut s'en féliciter, continue d'accompagner et de financer les politiques publiques des collectivités de Nouvelle-Calédonie, notamment par le biais des contrats de développement.

La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de l'accord de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur la question du développement économique de notre archipel. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le sud et d'une seconde en province nord nous font espérer un rythme de croissance soutenu pendant quelques années.

Ainsi, les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. Actuellement, l'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers sur la tonne de minerai de nickel extraite, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, et ce, nous dit-on, dans un contexte de désengagement de l'État.

La forte autonomie dont bénéficient les Calédoniens ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels. Nous devons les corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes.

Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur l'essor de l'activité nickel et nous avons de réelles difficultés à diversifier notre économie. Bien entendu, la construction de deux nouvelles usines est une formidable opportunité pour l'essor de la Nouvelle-Calédonie. Mais les opérateurs miniers ne sont pas des bienfaiteurs. Ils sont là pour réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel.

Parallèlement, nous mesurons bien la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière qui est injectée, maintenant depuis plus de vingt ans, par les provinces en Nouvelle-Calédonie.

En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon. Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de l'introduction de la décentralisation en Nouvelle-Calédonie.

Je ne veux pas tomber dans la caricature des élus locaux les présentant comme de mauvais gestionnaires, mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus de façon à les corriger et à tenir le langage de la vérité. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome, mais il ne faut pas confondre cette logique qui s'applique à l'ensemble de l'outre-mer avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie. Je pense que M. le secrétaire d'État nous le confirmera.

Les véritables questions sont en effet l'équilibrage et la pérennité de nos activités économiques. Je crois que c'est une préoccupation de l'ensemble des collectivités ultramarines.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'outre-mer doit s'inscrire dans le contexte des grandes réformes qui sont conduites par le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous permettrons à l'outre-mer de définir et d'occuper toute la place qui est la sienne. C'est pourquoi nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer et nous souhaitons qu'il soit défini en pleine concertation avec les responsables des collectivités ultramarines.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie M. le rapporteur spécial, Mme et MM. les rapporteurs pour avis de l'excellent travail qu'ils ont réalisé afin de nous éclairer sur l'ensemble de la mission « Outre-mer ». Je pense que, parmi eux, se trouvent les meilleurs connaisseurs de ma collectivité, notamment ceux qui ont pu la visiter et l'approcher de l'intérieur. M. le secrétaire d'État, quant à lui, apporte la fraîcheur de ses observations et de ses analyses du terrain toutes récentes. Dès lors, comment pourrais-je ne pas me sentir en confiance pour évoquer quelques situations difficiles de mon territoire ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous êtes venu nous voir il y a un mois et demi et, avant même que vous ne posiez le pied sur le sol de nos îles, vous avez vous-même vécu par force certaines des difficultés quotidiennes de nos concitoyens du bout du monde.

L'enclavement du territoire vous a obligé à prendre, depuis la Nouvelle-Calédonie, un avion de l'armée pour nous rejoindre au bout de cinq heures de vol. Il vous a fallu, presque en cours de route, modifier le plan de vol en décidant d'aller jusqu'à Wallis afin d'y récupérer les élus qui devaient vous accueillir à Futuna, première étape de votre visite, le Twin Otter qui assure les liaisons interîles ayant, une fois de plus, manqué à l'appel.

Je passe sur les péripéties de notre atterrissage à Futuna. Mais vous vous souvenez certainement des regards inquiets de certains des passagers qui vous accompagnaient.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Ainsi, vous avez compris sans beaucoup d'explication que la desserte entre nos deux îles pose d'énormes problèmes. Les retards ou les reports de vol peuvent être compris, voire acceptés, mais quand il est question de la santé et de la vie, on ne peut attendre. Les évacuations sanitaires pour maladie, accident ou accouchement ne peuvent se faire de nuit ou par simple mauvais temps, encore moins quand l'avion est en panne.

Vous avez évoqué cette situation inacceptable et pris des engagements afin que le chantier de la piste de Vele, dont le financement est déjà programmé, se déroule dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables. Vous avez aussi évoqué la possibilité d'acquérir un deuxième avion affecté à cette desserte. Puis-je vous demander ce qu'il en est à ce jour et à quelle échéance nous pouvons espérer la concrétisation de ce projet, qui changera la vie de nos compatriotes, surtout ceux de Futuna ?

Vous avez aussi visité le dispensaire de Futuna. Ce que vous avez vu vous a visiblement choqué et chacun a pu sentir que votre émotion n'était pas feinte. Après y avoir passé plus d'une heure, ce qui n'avait pas été prévu dans votre programme de visite, vous avez dit qu'il n'était pas digne de la France et que ce n'était pas parce qu'on était à 20 000 kilomètres de Paris que l'on en était moins Français !

Je tiens sincèrement à vous remercier de votre écoute, de votre sens si juste de la proximité. Je compte sur votre soutien afin que les travaux de réfection et de construction en faveur de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna se réalisent conformément aux plans et au calendrier fixés.

À cet égard, je souhaiterais évoquer très rapidement le problème du budget de cette agence. Il faudrait l'établir en fonction des besoins réels afin d'éviter que la dette qui s'accumule au rythme d'environ 2 millions d'euros par année ne continue à parasiter nos relations avec nos fournisseurs de produits et de services, qui sont essentiellement néo-calédoniens.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai regretté que vous n'ayez pas eu le temps de visiter le lycée du territoire. Cet établissement, construit en dépit du bon sens, ne correspond absolument pas aux conditions climatiques locales.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Sa présence physique - un complexe qui a coûté 15, 5 millions d'euros - témoigne de la réalité de la solidarité nationale. Malheureusement, elle rappelle aussi la minable gestion de cette générosité, qui fait dire à certains que la France reprend de la main gauche ce qu'elle donne de la main droite.

Certains locaux et couloirs ne voient jamais la lumière du jour et doivent être éclairés en permanence, et je ne parle pas de la climatisation... Quand on sait que le prix de l'électricité est chez nous sept fois plus élevé qu'en Métropole et que d'autres exemples de ce type existent, on comprend pourquoi le budget de fonctionnement des établissements scolaires est si gravement insuffisant.

Ces défauts de conception et les malfaçons entraînent des coûts d'entretien et de fonctionnement que les ministères considèrent aujourd'hui comme prohibitifs, ce qui les fait hésiter à dégager des moyens à la hauteur des réels besoins. C'est injuste pour nos enfants, qui subissent ainsi les conséquences de la négligence de certains responsables.

Depuis plusieurs années, en cette enceinte ou auprès des ministères de l'éducation nationale et de l'outre-mer, j'ai souvent exposé la situation difficile de nos lycéens : ils sont obligés de quitter le territoire pour venir en métropole poursuivre leur scolarité menant à un BEP ou un bac professionnel, car les structures manquent sur place. Nous souhaiterions, parce que nous comprenons très bien qu'on ne peut ouvrir une filière professionnelle pour une dizaine d'élèves, que l'on mette en place ici, en métropole, un accueil et un suivi de ces adolescents, qui, du jour au lendemain, à 20 000 kilomètres de leurs familles, sont confrontés à un véritable bouleversement de leur vie.

Nous comptons beaucoup sur vous et, bien entendu, sur Mme la ministre afin qu'un véritable effort soit fait à destination de la santé et de l'enseignement à Wallis-et-Futuna, tant il est vrai que ces deux domaines sont primordiaux.

L'éducation et la formation portent en elles l'avenir du territoire et de son développement, développement que vous souhaitez durable et volontariste. Et pourtant, le programme « 40 cadres » a vu ses crédits amputés en 2007 alors que ses résultats, s'ils sont évidemment perfectibles, sont loin d'être négligeables. Il est indispensable de le pérenniser avec les moyens nécessaires si l'on veut qu'il porte pleinement ses fruits. Or, cette année, nous avons été obligés de suspendre l'envoi de stagiaires en formation, car l'argent manque.

Comme vous avez pu le voir, monsieur le secrétaire d'État, Wallis-et-Futuna, plus que toute autre collectivité d'outre-mer, souffre de son enclavement. La desserte aérienne extérieure, du fait du monopole d'Aircalin - Air Calédonie international -, s'organise à des horaires peu pratiques et à des tarifs prohibitifs. Nous avons besoin de l'aide du Gouvernement pour améliorer cette situation. Ne faudrait-il pas désormais penser à autoriser une autre compagnie aérienne ?

L'enclavement, c'est aussi la fracture numérique. Lors du forum des îles du Pacifique, qui s'est tenu à Tonga en octobre 2007, vous avez dit qu'il était inadmissible que, au début du IIIe millénaire, les femmes et les hommes du Pacifique subissent une si injuste fracture numérique et qu'y remédier rapidement était pour vous un devoir d'équité et de justice. Le projet de câble sous-marin transpacifique reliant l'Australie à la Polynésie française, en passant à proximité de Wallis-et-Futuna, constitue une réponse adaptée à nos difficultés. Mais, nos moyens étant faibles, nous espérons pouvoir compter sur le soutien de l'État pour nous aider à financer une éventuelle participation du territoire à ce projet.

Dans un tout autre ordre d'idée, je souhaiterais appeler votre attention sur les mini-jeux du Pacifique Sud, qui se tiendront à Wallis-et-Futuna en 2013.

Pour la première fois, notre territoire organisera une grande manifestation régionale. Nous espérons pouvoir compter sur l'aide de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives et d'accueil afin que ces jeux se déroulent dans de bonnes conditions. Il y va du prestige de la France dans cette partie du monde. Pouvez-vous nous confirmer cet appui ?

Pour terminer, qu'il me soit permis d'appeler votre vigilance - comme je le fais, hélas ! presque chaque année depuis 1998 - sur les problèmes récurrents que nous rencontrons dans le cadre de l'exécution du contrat de développement.

Certains ministères prennent du retard dans la délégation des crédits, et cela est, bien sûr, très préjudiciable au territoire.

Par ailleurs, nous souffrons toujours du manque de personnel technique pour l'élaboration et le suivi de nos projets.

Pour ces raisons, Mme la ministre de l'intérieur, au cours du récent entretien qu'elle a accordé au président de l'assemblée territoriale, nous a proposé d'envoyer à Wallis et Futuna une mission d'ingénierie chargée d'effectuer un audit des services et d'évaluer précisément nos besoins. Nous souscrivons pleinement, comme le lui a confirmé le président de l'assemblée territoriale, à cette proposition, et nous espérons qu'elle pourra se concrétiser à brève échéance.

Je vous remercie par avance, monsieur le secrétaire d'État, des réponses que vous voudrez bien apporter à mes préoccupations. Nous nous comptons sur la loi de programme que vous préparez pour donner à l'outre-mer un nouvel élan, fondé sur l'intégration régionale et sur un développement durable, s'appuyant sur l'économie aussi bien que sur l'écologie.

Je ne peux conclure sans exprimer de nouveau, dans cette grande maison commune de la France, l'immense gratitude de nos populations, qui reconnaissent qu'elles bénéficient de la solidarité nationale rendue possible par le partage du fruit du travail de chacun.

Je voterai, bien entendu, en faveur des crédits qui nous sont proposés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à première vue, les crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2008, qui s'élèvent à 1, 76 milliard d'euros, contre 1, 96 milliard d'euros en 2007, sont en baisse, même si, parallèlement, l'ensemble des concours de l'État en faveur de l'outre-mer, qui passe de 13 milliards d'euros à 15, 3 milliards d'euros, est en hausse.

Cependant, si l'on considère que les crédits affectés à l'ancien programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » ont été transférés à d'autres missions, on observe que le projet de loi de finances pour 2008 progresse de 2 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2008 vient à un moment crucial, mais difficile pour l'avenir de Mayotte.

En effet, à l'exception de six matières, la plupart des dispositions de droit commun, notamment les codes de l'éducation et de la consommation, vont entrer en vigueur dans l'île à compter du 1er janvier 2008.

S'agissant du code de l'éducation, l'objectif dans le premier degré, est triple : supprimer les rotations de classes dans l'enseignement élémentaire, mettre aux normes d'hygiène et de sécurité les bâtiments existants, généraliser l'accueil des enfants de trois à cinq ans à l'école maternelle.

À ce jour, sur un programme quinquennal qui comporte 641 classes neuves à construire et 900 classes à rénover, les travaux réalisés ou en voie de l'être concernent 423 classes, et la quasi-totalité des écoles vétustes ont été mises aux normes, pour un coût total de 55 millions d'euros.

Il reste à résorber le déficit de 218 classes, auquel il faut ajouter les besoins nouveaux pour la période 2007-2013, soit 220 classes pour universaliser l'enseignement pré-élémentaire, 50 classes supplémentaires par an pour absorber la poussée démographique et un nombre indéterminé de classes pour accueillir les enfants issus de l'immigration clandestine, souvent déscolarisés, sans encadrement sérieux et abandonnés par des parents ayant fait l'objet de reconduites à la frontière.

La convention de développement entre l'État et Mayotte entre 2003 et 2007 a consacré 16, 2 millions d'euros au titre de la lutte contre les rotations de classes et pour la mise aux normes des écoles, auxquels s'ajoutent, chaque année, les crédits de la dotation de construction et d'équipement des établissements scolaires, dont le montant varie en fonction de l'évolution des effectifs d'élèves dans le premier degré.

L'établissement public de coopération intercommunale chargé des écoles pour le compte des dix-sept communes de Mayotte est en rupture de trésorerie depuis six mois.

L'État lui doit 4, 3 millions d'euros au titre de la convention de développement qui s'achève en 2007, le conseil général de Mayotte lui doit 1 million d'euros et les communes lui doivent 4, 3 millions d'euros.

À quelques semaines de la clôture l'exercice de 2007, les perspectives de versement rapide par le conseil général de Mayotte des crédits du fonds intercommunal de péréquation s'estompent, ce qui aggrave les difficultés de trésorerie des communes et leur endettement.

Le contrat de projet 2007-2013 en cours de finalisation prévoit, pour l'enseignement du premier degré, une enveloppe d'environ 15 millions d'euros nettement inférieure à celle de 2003, pour une période plus longue et des besoins plus importants.

Au total, à la veille de la départementalisation de Mayotte, prévue par la loi, et de la dernière étape de la décentralisation, qui fera de nos communes des collectivités de plein exercice, l'état de l'enseignement du premier degré, socle de notre système éducatif, demeure préoccupant : les besoins augmentent et les perspectives de financement restent incertaines.

Quant à l'enseignement supérieur, je sais qu'il ne relève pas directement de votre mission, monsieur le secrétaire d'État, mais on peut penser que vous serez consulté lors de l'élaboration de l'ordonnance portant application de la loi Pécresse en outre-mer.

À ce propos, l'accord du 27 janvier 2000 sur l'avenir de Mayotte prévoit, faut-il le rappeler, l'implantation à Mayotte d'une antenne universitaire devant assurer les deux premières années d'étude, considérées comme un facteur important d'égalité des chances, face à l'échec massif que connaissent nos étudiants scolarisés hors de Mayotte.

De plus, le candidat Sarkozy s'était engagé dans ce sens. C'est un homme de parole : sans nul doute, il tiendra ses engagements.

Pour ma part, je ne verrais que des avantages à ce que la structuration de cet enseignement se fasse autour de l'institut de formation des maîtres de Dembéni, sous réserve qu'il soit transformé en établissement public de l'État et qu'un décret en Conseil d'État lui confère une autonomie administrative et financière.

J'évoquerai maintenant, plus brièvement, quelques aspects de l'application du code de la consommation à Mayotte.

Comme vous le savez, l'observatoire des prix, créé récemment, a confié à l'antenne de Mayotte de l'INSEE, le soin de conduire une étude sur les mécanismes de formation des prix à Mayotte, de procéder à des comparaisons avec d'autres collectivités, de façon à permettre aux pouvoirs publics de tirer des enseignements utiles, notamment quant à l'indexation éventuelle des salaires sur les prix, de mesurer l'ampleur des pratiques de concurrence déloyale, de repérer les produits non conformes aux règles de sécurité et de protection sanitaire.

Actuellement, il manque à Mayotte une structure de contrôle qui viendrait compléter le travail accompli par la direction régionale des douanes : l'installation à Mayotte d'une antenne de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes est plus que nécessaire.

Je terminerai en évoquant l'avenir institutionnel de Mayotte.

Comme vous le savez, la loi prévoit qu'à l'issue du renouvellement du conseil général, en 2008, et si celui-ci en fait la demande à la majorité absolue, les Mahorais seront consultés sur la départementalisation de l'île.

À ce propos, je remercie le président de la commission des lois du Sénat, Jean-Jacques Hyest, et à travers lui l'ensemble de la commission des lois d'avoir accepté, à ma demande, l'envoi à Mayotte d'une mission d'information au mois de septembre prochain, mission qui permettrait de préparer au mieux cette consultation.

Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le secrétaire d'État, je voterai en faveur des crédits que vous nous soumettez.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Avant de donner la parole à M. le secrétaire d'État, permettez-moi de dire combien ce débat est passionnant, d'autant que tous les intervenants ont démontré à la fois leur parfaite connaissance des dossiers et la passion qu'ils éprouvent pour leurs territoires et leurs populations.

Je suis désolé d'avoir parfois demandé à certains orateurs de respecter le temps de parole qui leur était imparti, mais c'est la règle du débat parlementaire.

Quoi qu'il en soit, en tant que président de séance, j'ai beaucoup apprécié les propos qui ont été tenus.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Monsieur le président, permettez-moi de faire mienne, en tant que représentant du Gouvernement dans ce débat, l'appréciation que vous venez de formuler.

Ce débat est un grand rendez-vous annuel. Il nous a permis de vivre, ensemble, un grand moment d'émotion, et j'aimerais que vous soyez bien plus nombreux dans cet hémicycle pour le partager.

Je voudrais tellement que nos livres d'histoire et de géographie fassent écho, auprès de tous les petits Français, de quelque territoire qu'ils soient, à la réalité que traduisent ces instants magiques dont vous venez de nous faire don ! Parce que la beauté et la grandeur de la France, c'est chacune et chacun d'entre vous qui les avez attestées cet après-midi en évoquant vos territoires !

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Vous vous êtes exprimés, d'abord, avec votre coeur et même, j'ose le dire, avec vos tripes. Vous avez défendu avec détermination une histoire, une identité, une culture, un héritage, en même temps que vous avez manifesté votre profond attachement à l'idéal de la République Française.

Je vous en remercie tous très chaleureusement.

Ces instants, c'est vrai, monsieur le président, sont finalement trop brefs, et les règles gouvernant les temps de parole peuvent paraître bien cruelles quand on parcourt parfois plus de 20 000 kilomètres pour venir parler à cette tribune pendant six, huit ou dix minutes, au nom de l'océan Indien, de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'Atlantique Nord. Devant le temps si court accordé à un représentant et du peuple français et de ces territoires ultramarins, on peut comprendre qu'il y ait parfois un profond sentiment de frustration.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Croyez bien que c'est très modestement que je vais m'exprimer maintenant en réponse aux orateurs.

En effet, je n'ai pas la prétention de dire à cette tribune que mon budget est un bon budget parce que, à périmètre constant, il sera en augmentation de 2 % pour les autorisations d'engagement et de 3 % pour les crédits de paiement. Vous avez souvent entendu de tels propos avant moi et vous en entendrez bien d'autres après moi, puisque la démocratie est ainsi faite que chacun est appelé à n'exercer ses fonctions que pour un temps donné.

Je veux vous dire simplement que, durant le temps qui m'est donné, j'essaie, avec mon enthousiasme, ma passion, et grâce à la feuille de route que m'a confiée le Président de la République - beaucoup d'entre vous y ont fait référence - de servir au mieux nos territoires.

Comme certains l'ont souligné, notamment M. Simon Loueckhote, ce qui compte, ce n'est pas que le budget soit « bon » parce que les dépenses augmentent ou « mauvais » parce qu'elles baissent : chacun a son analyse. Ce qui importe, ainsi que l'a très bien exprimé Lucette Michaux-Chevry, c'est la nature de la politique que l'on veut mettre au service de l'outre-mer et l'intensité de cette volonté.

Imaginez, même si vous savez tous que c'est impossible, que j'obtienne pour l'outre-mer une augmentation de 15 %, de 20 %, voire de 30 %. Quand bien même je l'obtiendrais, cela ne changerait rien si, parallèlement, l'État, le Gouvernement et la représentation nationale - Assemblée nationale et Sénat - n'étaient pas déterminés à changer profondément le regard qu'ils portent sur l'outre-mer. En effet, ce qui est pour moi essentiel, comme pour beaucoup d'entre vous, c'est ce changement de regard et de volonté.

Doit-on continuer à s'enfermer dans des politiques dites « d'assistanat »? Au demeurant, je n'aime pas ce mot ni la stigmatisation qu'il recouvre, car il fut sans doute un temps où il n'y avait pas d'autre solution : il fallait apporter des réponses à des hommes et des femmes qui étaient totalement démunis, laissés sur le bord du chemin ; le devoir de l'État était alors - et il est toujours, dans certains cas - de les aider, de les soutenir, de les accompagner. Mais il est aujourd'hui plus que jamais indispensable de leur apporter une perspective d'avenir, de leur donner l'espoir que leurs enfants, pourront, un jour, bénéficier de l'ascenseur social pour se hisser au plus haut.

Voilà pourquoi je ne veux plus seulement parler de « rattrapage ». Oui au rattrapage, mais oui aussi à un nouvel élan économique, au dynamisme, à la prise de responsabilités ! Il importe d'assurer la solidarité pour les plus faibles et l'égalité des chances. Cela ne signifie pas le nivellement par le bas : assurer l'égalité des chances, c'est donner à chacun l'espoir de pouvoir, demain, parvenir au plus haut de l'échelle sociale.

Le devoir de la République est de donner à chaque enfant né sur son sol, et qui est de nationalité française, que ce soit à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, dans le Pacifique Sud, dans la Caraïbe, dans l'océan Indien ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, la possibilité et le droit d'exercer les plus hautes responsabilités au sein de notre pays. Telles sont les valeurs de la République !

Je vais maintenant m'efforcer de répondre sur quelques points techniques, financiers et administratifs que certains d'entre vous ont évoqués.

Monsieur Lise, vous avez affirmé qu'il n'y avait pas d'évolution des crédits en faveur du logement. Je souligne que ces crédits bénéficient d'une augmentation de 25 millions d'euros, que 10 millions d'euros supplémentaires sont consacrés aux engagements contractuels et 50 millions d'euros aux exonérations de charges sociales, ce qui représente une majoration de 3 % des crédits de paiement.

S'agissant des emplois aidés, nous veillerons à un juste traitement de l'outre-mer. L'effort au profit du secteur marchand, via la loi de programme, devra être pris en compte.

Je reviendrai tout à l'heure sur la question de la zone franche globale, mais je veux d'ores et déjà vous rappeler, monsieur Lise, que la concertation locale que nous avons engagée ensemble se déroule depuis la mi-septembre. Je répète que je tiendrai le plus grand compte de la contribution du conseil régional. Son président, M. Alfred Marie-Jeanne, m'a dit qu'un schéma régional était en cours d'élaboration, et vous-même, au niveau du conseil général de la Martinique, avez lancé votre Agenda 21. Vous me reprochez de ne pas avoir pris en compte cette contribution dans le projet de zone franche globale, mais j'attends toujours vos conclusions ! Si vous me les rendez avant la fin de l'année, je vous promets que j'en tiendrai totalement compte.

En ce qui concerne le cyclone Dean, je ne reviens pas sur l'effort de l'État. Le relogement des sinistrés a justifié l'élaboration d'un plan d'ensemble dans lequel cet effort est évalué à 40 millions d'euros.

Monsieur Lise, puisque vous présidez le conseil de l'habitat, vous savez bien que la Martinique a fait le choix de réhabiliter les logements anciens plutôt que d'en construire de nouveaux. Vous me dites que 32 logements seulement ont été construits l'année dernière : c'était le choix du conseil de l'habitat ! §Vous avez préféré orienter l'essentiel des moyens que l'État vous a accordés sur la réhabilitation plutôt que sur la construction. C'est un choix local !

Je note aussi que la pénurie de terrains et l'absence d'établissement public foncier, faute de consensus local, n'aident pas l'ensemble des communes de la Martinique à avoir une maîtrise du foncier qui nous permette de mener une politique de construction de logements plus dynamique. Je veillerai à ce que la loi de programme vous apporte des outils vous donnant la possibilité, dans la perspective de la construction de logements, de mieux maîtriser vos politiques foncières. Voilà comment j'entends vous accompagner dans ce domaine.

D'ailleurs, la situation que vous avez décrite en matière de logement ne me paraît pas résulter d'une baisse des crédits puisque, en 2007 la Martinique avait disposé de 35, 4 millions d'euros, contre 26, 7 millions d'euros en 2006. La situation de 2007 ne résulte donc pas d'une diminution des moyens budgétaires.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

La situation constatée au 31 décembre 2006 a été réglée. La situation actuelle me paraît s'expliquer par les choix opérés localement.

Permettez-moi de citer quelques chiffres permettant d'établir des comparaisons en ce qui concerne la production de logements sociaux.

Entre 2003 et 2006, on a construit en moyenne chaque année 1 453 logements sociaux en Guadeloupe, contre 399 en Martinique. Pour l'amélioration de l'habitat, les chiffres étaient de 692 en Guadeloupe, contre 1 035 en Martinique. On voit bien que des choix différents ont été faits par les acteurs locaux à partir des moyens qui ont été mis à leur disposition par l'État. Je précise que, en application de la loi sur le droit au logement opposable, ce sont 700 logements locatifs sociaux qui devraient être construits chaque année !

Vous estimez que l'État n'a pas rempli sa mission non plus en ce qui concerne les conséquences du cyclone Dean. Je n'ai pas envie de polémiquer sur ce sujet. Nous avons pris des engagements. Je suis arrivé sur l'île dans les heures qui ont suivi la catastrophe. Je suis revenu quarante-huit heures après avec le Premier ministre, et nous reviendrons avant la fin du mois de janvier pour veiller à ce que tous nos engagements soient respectés, monsieur Lise.

Il a été rappelé que le conseil général de la Martinique avait apporté 10 millions d'euros, le conseil régional, 12 millions d'euros, ce qui est tout à leur honneur. Plusieurs collectivités de métropole sont également intervenues. Malheureusement, leur effort a été modeste et j'aurais souhaité que certaines d'entre elles fassent preuve de plus de solidarité. Leur aide s'est élevée au total à 236 184 euros. Je m'honore que le département dont je préside le conseil général ait apporté une contribution de 100 000 euros, soit presque 50 % du montant global. C'était notre manière à nous, Méditerranéens, de témoigner notre solidarité à nos amis des Antilles.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Mais la vérité des chiffres, telle qu'elle résulte de l'évaluation des inspections, c'est un coût de 500 millions d'euros, à répartir entre les assurances et l'État. Comme je l'ai dit tout à l'heure, la reconnaissance très rapide de l'état de catastrophe naturelle a permis de débloquer la situation et d'accélérer le remboursement par les assurances. En ce qui concerne la participation de l'État, 60 millions d'euros proviennent du fonds de secours, auxquels s'ajoutent 5 millions d'euros du FISAC, le fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, et 4, 5 millions d'euros du ministère de l'agriculture.

Une demande est en cours auprès de l'Union européenne, qui, je l'espère, va répondre aussi favorablement qu'elle l'avait fait pour le cyclone Gamède. En tout cas, très rapidement, je devrais obtenir des assurances de la part du commissaire en charge de ce dossier.

Il reste à finaliser un plan « logement » pour rénover ou reconstruire les 200 logements touchés. Nous travaillons avec les services locaux de l'État et les collectivités afin de boucler le plan d'action dans les prochaines semaines.

MM. Daniel Marsin et Serge Larcher ont évidemment évoqué le récent séisme. Ce séisme, dont l'épicentre se trouvait à seize kilomètres au nord de Fort-de-France et qui s'est produit à cent quarante-deux kilomètres de profondeur, a, pour cette raison, été plus fortement ressenti dans des pays voisins qu'à la Martinique. Mais il aurait pu avoir des conséquences extrêmement dramatiques.

C'est bien pourquoi il est urgent de mettre en oeuvre aux Antilles le plan « séisme », qui a été arrêté en conseil des ministres au début de 2007. Une première tranche de 350 millions d'euros sera mobilisée en priorité pour le logement social et les constructions scolaires. Vous pouvez, messieurs les sénateurs, compter sur ma très ferme détermination à cet égard.

Madame Hoarau, en ce qui concerne les contrats aidés, nous sommes très vigilants quant aux moyens attribués à l'outre-mer. Mais je demande aux élus de ces régions de noter les efforts consentis sur les exonérations de charges sociales ainsi que ceux qui seront faits pour les zones franches globales.

Le logement fait l'objet d'un volet important, j'en ai déjà parlé et j'y reviendrai en répondant à Mme Michaux-Chevry.

Sur la continuité territoriale, vous avez évoqué, de même que M. Marsin, une réforme du régime du passeport-mobilité doit intervenir afin de lui donner plus d'efficacité.

Dans le même temps, nous essayons d'agir sur les tarifs aériens, et les réunions que j'ai organisées avec les compagnies aériennes devraient faciliter la concurrence. L'allégement des obligations de service public et l'arrivée de nouveaux appareils sont prévus. Je soutiens votre démarche, madame Hoarau, afin que nous puissions accueillir à la Réunion des gros-porteurs tels que l'A 380, qui favoriseront la concurrence sur la desserte.

Je précise qu'il n'est pas question de remettre en cause les congés bonifiés, mais il faut les répartir sur l'ensemble de l'année, de manière à lisser le plus possible les périodes d'hyper-pointe. Ce thème fait également l'objet de la négociation en cours avec l'ensemble des compagnies aériennes.

Monsieur Marsin, vous avez souhaité avoir des garanties de l'État concernant l'opération de rénovation urbaine de votre commune des Abymes. C'est sans doute l'un des projets les plus ambitieux qui sont actuellement mis en oeuvre sur le territoire national, tant par l'importance des montants financiers en jeu - 416 millions d'euros - que par son caractère résolument innovant, à travers un appel significatif à la défiscalisation. Je m'engage à ce que l'État vous accompagne tout au long de l'opération par des moyens aussi bien budgétaires que fiscaux ; vous pourrez compter sur mon appui le plus total.

MM. Adrien Giraud et Soibahadine Ibrahim Ramadani ont tous deux évoqué le thème de l'évolution statutaire de Mayotte. Je l'ai dit ce matin, si le conseil général de Mayotte souhaite cette évolution, le Gouvernement consultera les Mahorais au lendemain des élections cantonales du mois de mars prochain. C'est la Constitution et c'est l'engagement du Président de la République pris le 13 juillet dernier, rue Oudinot.

Nous devrons ensuite élaborer ensemble l'évolution vers une départementalisation progressive et adaptée.

En ce qui concerne le statut européen, aujourd'hui, Mayotte est classée pays et territoire d'outre-mer. Avec le traité simplifié, Mayotte pourra devenir plus facilement une région ultrapériphérique et s'inscrire dans la politique de cohésion de l'Union européenne.

Monsieur Giraud, je partage votre souhait de voir évoluer ce statut européen. C'est la raison pour laquelle j'ai veillé à ce qu'une clause passerelle soit prévue dans le futur traité européen pour permettre cette évolution.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Sur les crédits européens, je vous indique que le dixième FED, Fonds européen de développement, prévoit une enveloppe pour Mayotte de 22 830 000 euros, alors que 15 210 000 euros étaient initialement prévus dans le neuvième FED ; c'est donc une augmentation non négligeable, qui mérite d'être soulignée.

Concernant le contrat de projets, les travaux de concertation sont achevés et le Gouvernement - je me rendrai moi-même à Mayotte à cette fin - entend le signer au début de l'année 2008.

La conjugaison des deux instruments contractuels que sont le FED et le contrat de projets permettront de combler les retards que vous avez relevés et de financer les infrastructures lourdes dont l'archipel a besoin pour son développement. Nous avons la volonté de faire retenir, dans ce contrat de projets, tout ce qui touche aux infrastructures, notamment portuaires et aéroportuaires, mais aussi les volets traitant de la formation et du logement, qui sont les plus importants.

Monsieur Ibrahim Ramadani, je vous rappelle l'engagement du Président de la République de créer une antenne universitaire à Mayotte : je travaille sur cette question avec Valérie Pécresse.

S'agissant des conclusions de l'Observatoire des prix et des revenus, elles seront naturellement prises en compte dans les réflexions sur le développement économique et social de Mayotte.

J'en viens maintenant, madame Michaux-Chevry, aux accords de partenariat économique que vous avez évoqués, ainsi que Mme Hoarau.

Les accords entre l'Union européenne et les pays de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, vous le savez, sont négociés par la Commission au nom des États membres et sur la base du mandat que ceux-ci lui ont donné. Ce mandat autorise des mesures spécifiques en faveur des départements d'outre-mer.

Dès 2004, l'État a fait valoir ses positions auprès de la Commission, associant à sa démarche les assemblées locales et les acteurs socioprofessionnels. Au cours des six derniers mois, le Gouvernement a obtenu des résultats : l'octroi de mer a été exclu de la négociation, la clause de sauvegarde régionalisée sur les produits des départements d'outre-mer est maintenue et les mesures transitoires sur la banane et le sucre ont été acceptées. Mais tout n'a pas été possible ! Nous sommes, je vous le rappelle, vingt-sept États membres, et nos intérêts ne convergent pas toujours, malheureusement.

Vous pouvez compter sur notre vigilance et notre détermination pour que, à l'issue de ces négociations, l'outre-mer ne soit pas fragilisé mais puisse, au contraire, développer ses atouts. Puisque nous sommes six pays sur vingt-sept à être concernés, je vais réunir mes cinq autres homologues pour préparer la prochaine présidence française de l'Union européenne : en présentant des propositions communes nous devrions obtenir des avancées significatives sur ces sujets.

Monsieur Othily, vous avez également parlé du logement. Vous avez souligné l'effort exceptionnel entrepris en 2007 pour régler les dettes ; je peux vous confirmer que la loi de finances pour 2008 prévoit un abondement de 25 millions d'euros, complété par les mesures qui sont envisagées pour figurer dans la loi de programme à venir.

Vous m'avez surtout interrogé, presque solennellement, sur l'avenir du FEDOM. Je vous dois une vraie réponse. Les emplois aidés sont transférés au ministère de l'emploi où ils seront adossés aux masses déjà gérées par ce ministère. Comme je l'ai dit avec Mme Alliot-Marie ce matin, 153 millions d'euros exactement sont passés du ministère de l'outre-mer au ministère de l'emploi. Nous veillerons à obtenir un droit de regard direct sur cette enveloppe afin de nous assurer que ces crédits ne seront pas détournés de la destination qui était la leur dans le passé et qui doit demeurer. Une nouvelle architecture budgétaire et institutionnelle nous a conduits à ces modifications, mais rien ne sera changé dans la manière dont nous administrerons et déléguerons les moyens accordés dans le cadre de cette enveloppe. J'y serai particulièrement attentif.

Monsieur Gillot, vous m'avez fait observer qu'il serait souhaitable que les documents budgétaires comportent des données par territoire. Je vous invite à consulter les pages 116 et suivantes du document de politique transversale : elles démontrent que nous avons veillé à ce que les efforts contenus dans cette loi de finances puissent être identifiés territoire par territoire.

Par ailleurs, je sais combien la question du plan d'élimination des déchets ménagers est sensible en Guadeloupe. Soyez assuré que l'État, par l'intermédiaire de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et les crédits du contrat de projets, mais également l'Union européenne, avec les crédits du FEDER, se mobiliseront autour des investissements majeurs prévus par ce plan. Un effort important, des collectivités comme de l'État, sera nécessaire pour mettre en oeuvre ces actions aujourd'hui indispensables.

Sur l'utilisation du chlordécone, je ne peux que réaffirmer mon souci d'une complète transparence dans la mise en place d'un plan d'action. Son volet agricole prévoit l'indemnisation des agriculteurs qui vont devoir se reconvertir, l'encouragement à des pratiques plus respectueuses de l'environnement sanitaire, avec l'aboutissement de l'ensemble des études engagées, ainsi que des mesures de protection des consommateurs. Le volet environnemental s'attachera à la protection des milieux aquatiques.

Enfin, je vous prends à témoin, monsieur le sénateur, ainsi que Mme Lucette Michaux-Chevry et tous les sénateurs qui représentent la Martinique ou la Guadeloupe : sincèrement, quand on connaît le sujet, peut-on penser qu'il est normal d'avoir cloué les Antilles au pilori médiatique, et cela sur la base d'un simple rapport d'une personnalité de la recherche médicale, dont je ne remets nullement en cause les compétences, mais qui est revenue quelques semaines plus tard sur ses propres déclarations !

Les pesticides ont effectivement empoisonné une partie nos sols jusqu'en 1993 avec l'utilisation du chlordécone, mais il faut tout de même bien insister sur le fait qu'il ne s'agit que d'une partie des sols. Dès lors, on n'a pas le droit de jeter l'opprobre sur l'ensemble des territoires de production, et je sais, monsieur Lise, que vous souscrirez à cette position. §

À Marie-Galante, par exemple, le chlordécone n'a jamais été utilisé ! Alors, pourquoi jeter le discrédit sur la Guadeloupe et toutes ses productions, alors qu'il y a aux Antilles françaises tant de productions à la qualité irréprochable ? Il est singulièrement injuste de donner ainsi en pâture à l'opinion toutes les productions de nos terres antillaises !

C'est pourquoi, en même temps que nous prenons toutes les mesures propres à garantir la santé de nos compatriotes, je préconise la délivrance de labels de qualité aux productions de territoires qui n'ont jamais été pollués, afin que justice soit enfin rendue aux Antilles, Martinique et Guadeloupe réunies ! Je souhaitais saisir cette occasion pour le dire !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur certaines travées socialistes.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Vous m'avez également parlé de la lutte contre la délinquance. Vous avez raison ! J'ai pris la décision de créer un groupement d'intervention régional par département d'outre-mer.

Je sais que la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs de Rachida Dati sur les peines plancher produit ses premiers effets, notamment sur la délinquance des mineurs. Je comprends qu'un certain nombre de nos concitoyens soient exaspérés de voir un multirécidiviste, interpellé quinze, seize, vingt fois, être renvoyé dans son quartier avec une simple admonestation ! Désormais, à la première récidive, une peine plancher s'applique, ce qui en surprend quelques-uns, qui commencent à potasser le code de procédure pénale en rentrant dans leur quartier une fois leur peine purgée. Tant mieux ! Ils seront amenés à y réfléchir à deux fois avant de continuer à troubler la vie des honnêtes citoyens sur l'ensemble de nos territoires.

Monsieur Detcheverry, je suis conscient de l'importance des filières pêche et aquaculture pour Saint-Pierre-et-Miquelon, tant en termes d'emplois que de savoir-faire. J'ai entendu vos préoccupations et je réunirai, ainsi que vous le demandez, tout comme le président du conseil territorial et Mme le député Annick Girardin, une table ronde sur l'avenir de ces filières, le 14 décembre prochain.

Une étape importante pour le développement économique de votre territoire, monsieur le sénateur, a été la signature de l'accord franco-canadien sur l'exploitation et l'exploration des champs d'hydrocarbures transfrontaliers, mais je sais que cela ne règle pas la question du plateau continental et de ses ressources. Le Gouvernement continue d'étudier les conditions dans lesquelles un dossier pourrait être déposé par la France, toujours dans un contexte marqué par la nécessité de développer la coopération régionale avec le Canada. Je compte m'inspirer de l'ensemble des propositions que vous avez présentées ici même et que vous m'avez communiquées par ailleurs de manière plus complète.

Je connais la fragilité des finances des collectivités de votre territoire et vous avez eu raison d'intervenir sur ce sujet. Je viens de mettre en place un million d'euros pour le conseil territorial ainsi que des crédits pour les communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade. Je suis d'accord pour examiner avec vous, dans un délai de trois mois, les conditions d'une rénovation de vos dotations.

Bien évidemment, quand on sait que ce territoire se trouve près de quatre mois de l'année sous la neige, on comprend que le coût de déneigement d'un kilomètre de voirie ou d'entretien des équipements publics n'est pas le même qu'en métropole ou dans d'autres territoires d'outre-mer qui ne connaissent pas les mêmes phénomènes climatiques ! Si l'on considère que la dotation par habitant doit être la même à Saint-Pierre-et-Miquelon qu'en métropole, les collectivités de votre territoire, monsieur Detcheverry, ne peuvent que se trouver en difficulté. Le Gouvernement doit mieux tenir compte de ces spécificités que par le passé.

Monsieur Laufoaulu, il est vrai que les noms de Wallis et de Futuna évoquent de manière quasiment extrême l'isolement qui peut être ressenti par beaucoup de nos compatriotes d'outre-mer. Je pense que tout l'hémicycle a été très sensible à ce que vous avez dit à ce sujet, et je n'oublie pas l'émotion que vous nous aviez déjà fait partager il y a un mois et demi.

Il faut savoir qu'il n'y a qu'un seul Twin Otter pour effectuer les allers-retours entre Wallis et Futuna et que, s'il tombe en panne, les déplacements entre les îles sont pratiquement impossibles, les évacuations sanitaires l'étant, quant à elles, totalement. Comment ne pas voir là une injustice ?

Monsieur le sénateur, je sais que vous vous êtes beaucoup démené pour cette cause. Je veux donc vous confirmer la location d'un deuxième Twin Otter par contrat d'une durée de trois ans, signé entre Aircalin et la société australienne propriétaire, avec l'aide de crédits d'État pris sur la mission « Outre-mer ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Je vous confirme également que les travaux de la piste de Vele sont désormais en cours. Ils seront évidemment menés à leur terme dans les meilleurs délais

Je me réjouis, comme vous, que votre territoire organise les jeux du Pacifique Sud en 2013. C'est un magnifique événement, qui doit permettre de récupérer, de manière transversale, des fonds importants de tous les ministères et d'accélérer ainsi la politique de rattrapage en matière d'infrastructures au bénéfice de Wallis et de Futuna.

La convention collective de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna sera prochainement signée sur place, ce qui permettra de pérenniser l'action de cette agence ; des moyens budgétaires, à hauteur de 170 000 euros, ont été affectés en ce sens pour l'année 2007.

Vous m'avez parlé du programme « quarante cadres » en matière de formation professionnelle. C'est un enjeu fondamental pour la jeunesse ultramarine en général et pour celle de Wallis-et-Futuna en particulier. Les moyens de ce programme sont préservés en 2008, comme ils l'étaient en 2007, pour assurer cette mission essentielle au développement de votre territoire.

Je soutiendrai également une démarche tendant à acquérir ou à construire des logements spécifiques à Nouméa pour les étudiants wallisiens et futuniens, qui en manquent cruellement, afin qu'ils puissent suivre leurs études à l'université de la Nouvelle-Calédonie.

S'agissant de la réduction de la fracture numérique, un des cinq cybercafés prévus est déjà réalisé, les quatre autres le seront dans le courant de l'année 2008. L'introduction de la concurrence est prévue avec l'arrivée d'un deuxième opérateur, pour assurer une meilleure qualité de service à un meilleur tarif.

Chacun doit également savoir que Wallis-et-Futuna est le dernier territoire de la République totalement dépourvu à ce jour de desserte en téléphonie mobile. Je m'engage à ce que, d'ici à juin 2008, le programme de téléphonie mobile ait démarré : c'est notre devoir.

Vous aurez en outre l'appui de l'État pour que le câble sous-marin qui va de Sidney à Nouméa et que je souhaite prolonger jusqu'à Papeete dans le cadre du contrat de projets avec la Polynésie française, desserve également Wallis-et-Futuna et l'ensemble des autres archipels de la Polynésie française.

J'en viens maintenant à la question importante posée Jean-Paul Virapoullé sur les prix.

Je souscris à tout ce que vous avez dit, monsieur le sénateur : les prix outre-mer sont parfois très élevés par rapport à ceux qui sont pratiqués en métropole. C'est pourquoi le Gouvernement s'efforce, lorsque cela est possible, d'agir sur leur structure pour qu'ils baissent.

Par exemple, en matière de médicaments, le Gouvernement a décidé - à la suite de votre initiative, monsieur Virapoullé, que je veux saluer ici -, d'abaisser leur prix de manière significative. Cette mesure profitera notamment aux populations les plus fragiles. Mes services étudient, avec ceux du ministère de la santé, une baisse d'au moins 5 % du prix des médicaments, et ce avant la fin de l'année 2007.

Vous avez cité beaucoup d'autres exemples de cet ordre, monsieur le sénateur, en invoquant des « surcoûts coloniaux ». C'est là une façon d'exprimer les choses qui vous est propre. §En tout cas, sur le fond, c'est un combat que nous devons livrer ensemble, au service de tous nos compatriotes, pour instaurer plus de justice, plus d'équité.

M. Loueckhote, vous avez évoqué l'engagement de l'État en Nouvelle-Calédonie et la nécessité d'aboutir à un équilibre entre les différents territoires.

Cet engagement, vous le savez, monsieur le sénateur, est plein et entier. Je me réjouis que, grâce à l'usine du Sud, la Nouvelle-Calédonie connaisse aujourd'hui un essor économique sur une partie de son territoire qui a longtemps été en difficulté.

De plus, nous venons enfin d'obtenir un accord des actionnaires au sujet de l'usine du Nord. Vous étiez d'ailleurs à mes côtés que lorsque j'ai rencontré le président de la province du Nord, M. Paul Néaoutyine. Je rappelle que ce sont les 230 millions de dollars accordés par l'État au titre de la défiscalisation qui ont permis de parvenir à cet accord qui ouvre la voie à la réalisation de l'usine du Nord. Le président Paul Néaoutyine a en outre demandé que nous accompagnions ce chantier, en matière de logement des actifs et de mise en place des infrastructures routières nécessaires à la desserte de ce territoire et de ce site ; nous y travaillons aujourd'hui, et j'apporterai des réponses positives à la province du Nord.

En tout état de cause, si l'on a pu enregistrer, en Nouvelle-Calédonie, une croissance de près de 6, 3 % en 2005, de quelque 7, 3 % en 2006, ainsi qu'une baisse du nombre des demandeurs d'emploi de 35 % sur les quatre dernières années, c'est parce que les choix que nous avons faits ensemble sont sans doute en train de porter leurs fruits.

Cela me permet de réaffirmer à cette tribune ce que j'ai dit avec beaucoup de conviction en Nouvelle-Calédonie : nous devons respecter les accords de Nouméa, veiller à ce que les demandes réitérées du comité des signataires soient observées. Nous en parlerons le 20 décembre prochain à Matignon.

Pourquoi suis-je attaché au respect des accords de Nouméa ? Parce que mon voeu politique personnel est de voir l'avenir de la Nouvelle-Calédonie s'inscrire au sein de la République française. Or, si nous veillons au respect des accords de Nouméa, si nous accompagnons la Nouvelle-Calédonie dans son développement économique, si nous respectons un calendrier de transfert de compétences au profit de l'ensemble des institutions de la Nouvelle-Calédonie, je ne doute pas que, lors du référendum sur l'autodétermination, qui se tiendra entre 2014 et 2018, les Néo-Calédoniens, dans leur grande majorité, ne se tromperont pas.

Bien entendu, je veux que tout se fasse dans le respect de chacun, dans le respect des différentes convictions, dans la tolérance, mais je veux en même temps que l'État soit présent en Nouvelle-Calédonie et ferme dans l'exercice de ses responsabilités régaliennes. Quand, ici ou là, certains organisent le blocage d'usines, placent des rubans bleus sur les vitrines des commerçants pour les empêcher de travailler et essaient de paralyser le développement économique, je dis que l'État doit assumer ses responsabilités et faire régner l'ordre public.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Par conséquent, oui au respect des accords de Nouméa, oui à la prise en compte des demandes du comité des signataires, oui aux transferts de compétences, mais dans le cadre d'un exercice plein et entier par l'État de ses compétences régaliennes en Nouvelle-Calédonie. Je voulais le rappeler à cette occasion.

Par ailleurs, je vous remercie, monsieur Loueckhote, d'avoir abordé le problème de l'indemnité temporaire de retraite, qui a fait l'objet d'un amendement présenté samedi dernier par le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.

Nous devons effectivement prendre le temps de la concertation et de la réflexion. Il faut étudier l'incidence économique du dispositif et voir comment le réformer éventuellement. Je vous donne mon accord pour la constitution du groupe de travail dont vous avez proposé la création. Ses travaux seront pris en compte dans le bilan d'étape de la réforme des retraites engagée depuis 2003.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Cela me paraît fondamental.

Je sais bien que personne, parmi nos concitoyens, ne pourrait comprendre que nous en restions de manière durable à la situation actuelle, mais lorsque je considère, par exemple, le cas de la Polynésie française - je profite de cette occasion pour l'évoquer puisqu'elle n'était pas représentée aujourd'hui dans l'hémicycle -, je constate que quelque 6 000 retraités bénéficient actuellement du dispositif, dont 3 000 sont des Polynésiens, et que près de 11 000 autres personnes sont sur le point de partir à la retraite et resteront en Polynésie française. L'enjeu, ce sont quelque 230 millions d'euros injectés chaque année dans l'économie locale. On imagine donc aisément les conséquences qu'entraînerait une brutale remise en cause de la situation actuelle, là-bas comme dans les autres collectivités d'outre-mer.

Par conséquent, si nous avons le devoir, comme pour la réforme des régimes spéciaux de retraite, de réfléchir aux moyens d'instaurer davantage de justice et d'équité, au travers notamment du groupe de travail dont vous proposez la création, nous devons en même temps veiller à ce que, par exemple, figurent dans la future loi de programme des dispositions permettant d'accompagner une mutation progressive, de telle sorte qu'aucune de nos collectivités d'outre-mer ne soit lésée.

Voilà comment je vous propose de travailler sur ce dossier, monsieur le sénateur, afin d'apporter des réponses à la question que vous avez soulevée.

Enfin, vous m'avez fait part de votre souhait qu'une réflexion soit menée sur le statut européen de nos collectivités d'outre-mer. Je partage totalement votre voeu, et je vous précise que la Commission européenne s'est résolument engagée dans la rédaction d'un Livre vert sur l'évolution du statut des pays et territoires d'outre-mer et la refondation de la décision d'association. Le forum des PTOM, qui a réuni la semaine dernière à Bruxelles des représentants de l'ensemble des PTOM français, britanniques, danois et néerlandais, avait pour thème central cette évolution. Je suis heureux de constater quel rôle moteur joue la France dans le traitement de cette question.

Comme je vous l'ai dit, je réunirai l'ensemble de mes homologues très prochainement pour que nous puissions tous nous impliquer dans ce dossier, car nul ne doit oublier que nos compatriotes d'outre-mer, qu'ils vivent dans l'océan Atlantique, dans l'océan Indien ou dans l'océan Pacifique, sont aussi des citoyens européens à part entière. Je ne doute pas que la présidence française de l'Union européenne ne soit l'occasion de faire progresser la dimension européenne du statut des PTOM.

J'évoquerai maintenant les pistes de réflexion que nombre d'entre vous ont tracées, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment Mme Michaux-Chevry, M. Loueckhote et M. Virapoullé.

Une phrase de Lucette Michaux-Chevry m'a beaucoup séduit. Vous avez dit, madame le sénateur : « Passons à des politiques de responsabilité. » Vous avez ajouté que telle était la volonté du Président de la République, m'invitant à la respecter. Imaginez-vous un seul instant, madame le sénateur, que je puisse ne pas respecter la volonté du Président de la République ?.)

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Je suis heureux que vous soyez prête, et nombre de vos collègues avec vous, à m'accompagner pour obtenir que soit respectée la volonté du Président de la République. Je suis très satisfait de voir que, finalement, sur toutes les travées, chacun a évoqué, à sa manière, la nécessité d'un juste équilibre entre, d'une part, solidarité et mesures d'accompagnement social pour les plus défavorisés - cela reste une exigence, parce que c'est l'esprit même de la République française - et, d'autre part, exploration de nouvelles voies de développement économique pour garantir que l'on va sortir de l'ère des politiques de simple accompagnement ou de consommation et entrer enfin dans celle des politiques de production, qui permettront de mieux valoriser les ressources tant humaines que naturelles de nos collectivités d'outre-mer.

En effet, ces ressources sont considérables, qu'il s'agisse de talents, de matière grise ou de cette jeunesse tout à fait extraordinaire qui, pour peu qu'on lui en accorde les moyens, aura sans doute à coeur de donner le meilleur d'elle-même. Lui apporter des réponses afin qu'elle puisse réaliser ses ambitions est pour nous un impératif absolu.

Alors, bien sûr, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de prendre ce projet de budget pour ce qu'il est. Encore une fois, je vous le présente modestement ; il n'a rien de révolutionnaire ni de bien différent de ce qui a pu vous être présenté par le passé, si ce n'est qu'il anticipe sur ce que je vous proposerai au mois de février prochain avec le projet de loi de programme pour l'outre-mer, qui comportera notamment la création de zones franches globales.

Ce projet contiendra aussi, monsieur Virapoullé, des mesures très fortes en faveur du logement social et de l'accompagnement social des personnes âgées ou très démunies. En effet, c'est une exigence que l'on peut satisfaire par des politiques innovantes. Je puis vous annoncer, par exemple, que je veillerai à ce que la délimitation des secteurs prioritaires concerne les entreprises prêtes à s'impliquer pour créer plus de richesses, plus d'emplois et donc plus de réponses aux besoins sociaux, mais également les services à la personne, ...

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

... le petit commerce, et parfois même le petit commerce dans les zones à faible densité de population.

Ainsi, pour ne citer que le cas de la Guadeloupe, il y aura des mesures favorables au petit commerce à Pointe-à-Pitre, mais aussi, à un second échelon, à Marie-Galante. La double insularité doit être prise en compte, car la situation est différente selon que l'on travaille au coeur d'une agglomération, avec de bonnes perspectives de chiffre d'affaires, ou sur un territoire plus isolé, où il est plus difficile de développer une activité.

Voilà la nouvelle dynamique que je vous propose d'instaurer, de manière progressive, en tirant partie de toutes les richesses de l'outre-mer.

Les pôles de compétitivité situés outre-mer, dont j'ai obtenu la labellisation dès ma prise de fonctions, constituent un autre axe. Je pense à la Guadeloupe, s'agissant des énergies renouvelables, ou à la Guyane, adossée au biopôle de Lyon, pour ce qui concerne la recherche sur les maladies tropicales.

À cet égard, je veux vous dire, monsieur Othily, que le nouvel appel à projets lancé aujourd'hui prendra en compte, au titre du fonds unique de financement de l'État, les projets que la Guyane déposera entre février et avril 2008, sans compter l'intervention de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de l'innovation industrielle et, en matière de capital-risque, d'OSEO-Anvar. La forêt amazonienne recèle de très nombreuses molécules que la recherche peut exploiter pour fabriquer les médicaments du XXIe siècle permettant de lutter contre toutes les maladies tropicales. Quand je vois la situation que nous connaissons encore aux Antilles avec la dengue, je me dis qu'il serait peut-être temps de dynamiser nos politiques de recherche afin de trouver une solution. Je pourrais évoquer bien d'autres maladies...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je vous prie de conclure, monsieur le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Excusez-moi d'être un peu long, monsieur le président, mais j'essaie de profiter de cette occasion pour éclairer tous les intervenants.

S'agissant de La Réunion, monsieur Virapoullé, vous m'avez fait visiter une usine de transformation de la canne à sucre en biocarburant. Il s'agit d'un modèle tout à fait extraordinaire puisque la Réunion produit aujourd'hui 35 % de l'énergie qu'elle consomme ! C'est la plus belle référence française dans ce domaine ! Je voudrais que la France entière sache que l'un de ses départements est exemplaire en matière de développement durable, et qu'il se situe outre-mer !

C'est pour nous un devoir que d'apporter, grâce à la future loi de programme et aux zones franches globales, des réponses aux attentes de l'outre-mer. Ainsi, un dossier de présentation d'un projet visant à faire de la Réunion une île « verte », totalement autonome en matière énergétique, et ce non pas dans quarante ou cinquante ans, mais dans les dix ans qui viennent, a été déposé. Ce qui est possible là-bas est possible dans tout l'outre-mer !

Telle est encore la dynamique nouvelle que je vous propose d'insuffler outre-mer. Elle sera créatrice d'emplois, de richesses, et fera de notre outre-mer une vraie référence pour la France, pour l'Union européenne et pour le monde entier.

Dans cette perspective, je veux que nous bâtissions ensemble dans le Pacifique, entre l'université de Nouméa et celle de Papeete, un pôle de compétitivité en matière de biodiversité, auquel nous associerons Wallis-et-Futuna. En particulier, je défends l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO du récif corallien de Nouméa. Toutes ces richesses méritent d'être mises en valeur plus qu'elles ne l'ont été par le passé.

Je tiens à vous remercier d'avoir, chacune et chacun avec sa part de vérité, défendu ardemment vos territoires.

Comme vous pouvez le constater, c'est non pas en imposant des solutions venues de Paris, mais en étant à votre écoute, en vous rencontrant, et en me rendant sur vos territoires que je veillerai à ce que cette future loi de programme - qui sera, bien sûr, librement débattue - mette à la disposition des acteurs locaux les outils leur permettant de donner une dynamique nouvelle et relever un nouveau défi pour les outre-mers et pour la France.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le président. M. le secrétaire d'État a montré - avec brio et compétence - qu'il ne manquait ni d'enthousiasme ni de passion pour les territoires d'outre-mer, même s'il a largement dépassé le temps qui lui était accordé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Alors que le temps qui leur était imparti était de trente-cinq minutes, la ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État chargé de l'outre-mer ont parlé pendant une heure et vingt minutes !

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous comptons sur les sénateurs pour que nous restions dans le cadre fixé pour cette discussion ! Mais la passion des intervenants et la qualité de leurs propos justifiaient que nous y consacrions un peu plus de temps que prévu. Nous sommes tous heureux d'avoir assisté et participé à cette discussion.

Nous allons maintenant procéder à l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.

§(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Outre-mer

Emploi outre-mer

Dont titre 2

83 572 000

83 572 000

Conditions de vie outre-mer

J'ai été saisi, dans le délai limite, d'une demande d'explication de vote de la part de Mme Hoarau.

La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez décidé de soumettre au Parlement une loi de programme pour répondre à la situation économique et sociale préoccupante dans les départements d'outre-mer. Comment pourrions ne pas considérer, nous aussi, que cette situation est préoccupante ?

À la Réunion, par exemple, sur une population active de 300 000 personnes, 90 000 sont privées d'emploi. Dans les vingt ans à venir, la Réunion comptera 140 000 actifs de plus ; au total, il faudra donc « gérer » 440 000 personnes.

Toujours sur le plan social, la Réunion détient le record du nombre d'illettrés, évalué à 120 000 personnes. En matière de logement, les besoins sont considérables : plus de 26 000 demandes sont en instance.

Ainsi, les exigences sociales sont multiples et massives. L'examen du budget permet-il de dire que les réponses apportées sont à la hauteur des besoins ? Non. En ira-t-il différemment lorsque nous examinerons votre projet de loi de programme ? Si cette dernière apporte une amélioration en termes de création d'emplois, ses effets ne se feront sentir que dans quelques années. Ainsi, si l'on ne veut pas voir la situation du chômage s'aggraver, il est impératif, pendant ce laps de temps, de maintenir, voire d'augmenter les crédits pour les emplois aidés. Or votre projet de budget consacre leur diminution.

Je suis de ceux et de celles qui pensent que l'avenir de nos territoires et départements d'outre-mer ne peut se résumer au maintien perpétuel des emplois aidés. Cependant, tant qu'un projet de développement global ne sera pas mis en oeuvre pour permettre au secteur marchand de créer des emplois, le maintien des emplois aidés est une nécessité, à condition que ces derniers ne viennent pas contredire le plan global de développement.

C'est la raison pour laquelle je propose, comme je l'ai déjà indiqué lors de la discussion générale, d'orienter ces crédits vers des secteurs consommateurs de main-d'oeuvre, comme les services à l'environnement et l'aide à la personne, tout en faisant les efforts nécessaires pour une professionnalisation des employés et une pérennisation des emplois.

Le développement global est réalisable à partir de grands travaux d'infrastructures. Par exemple, à la Réunion, la construction de la route des Tamarins et de celle du littoral ainsi que le projet du tram-train vont créer des milliers d'emplois pérennes.

Je pense aussi aux énergies renouvelables et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, dont l'essor engendrera des milliers d'emplois.

Je pense encore à un secteur très porteur dans l'océan Indien, qui peut faire l'objet d'une coopération avec nos voisins, celui de la pêche. Selon les professionnels, plus de 15 000 emplois peuvent être créés dans ce secteur.

Des solutions existent donc. Certaines sont déjà à l'étude avec votre participation, monsieur le secrétaire d'État, mais les retombées en termes d'emploi ne se feront ressentir que dans quelques années.

Je l'ai dit dans mon intervention générale, le Président de la République a proposé d'ouvrir plusieurs chantiers importants concernant l'outre-mer. Il a reconnu que l'outre-mer apportait énormément à la France et à la République. J'espérais que nous serions en quelque sorte « payés en retour » et que ces chantiers seraient ouverts avec nous. Or je n'en trouve pas trace dans ce projet de budget, qui est même en retrait par rapport aux engagements pris par le Président de la République.

Le projet de loi de programme corrigera peut-être le tir. En l'état, mon groupe ne peut voter ces crédits, qui ne répondent ni aux ambitions du Président de la République ni aux nôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je mets aux voix les crédits de la mission « Outre-mer » figurant à l'état B.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'appelle en discussion l'article 45 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Outre-mer », ainsi que l'amendement portant article additionnel également rattaché.

Outre-mer

Dans le premier alinéa de l'article L. 2572-65 du code général des collectivités territoriales, l'année : « 2007 » est remplacée par l'année : « 2008 ». -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° II-94, présenté par Mme Payet et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 45 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Dans le premier alinéa de l'article 568 du code général des impôts, après les mots : « Le monopole de la vente au détail », sont insérés les mots : « en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer ».

II - Dans l'article 574 du même code, la référence : « 568 » est remplacée par la référence : « 570 »

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

Le monopole du tabac n'a pas été étendu aux départements d'outre-mer, où les ventes s'effectuent librement dans tous les magasins souhaitent se livrer à ce commerce.

Le décret du 30 mars 1948 a créé un régime spécifique, juridique, économique et fiscal, du tabac dans les départements d'outre-mer. Or ce dispositif, qui devait, selon le texte, être provisoire, dure depuis soixante ans !

Peut-être y avait-il à l'époque de bonnes raisons de faire une exception législative, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Comme d'autres parlementaires de l'outre-mer, j'ai attiré à plusieurs reprises l'attention du gouvernement précédent sur cette question. La réponse a toujours été la même : il conviendra d'examiner avec la direction générale des douanes et des droits indirects si une extension du monopole aux départements d'outre-mer peut être envisagée.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de l'époque parlait même d'une tendance à la diminution des décès liés au tabac à la Réunion. Or, monsieur le secrétaire d'État, les chiffres pour 2006 viennent d'être publiés : ce ne sont plus 500, mais près de 600 décès qui sont liés directement au tabac à la Réunion, soit six fois plus que les morts sur les routes.

Cette situation a assez duré. Il est temps maintenant de mettre fin à cette particularité qui n'est source d'aucun effet bénéfique pour l'outre-mer puisqu'elle nuit à la santé publique. S'il existe des spécificités juridiques nécessaires et appropriées, ce n'est pas le cas de celle-ci.

M. Philippe Nogrix applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

M. François Trucy, en remplacement de M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances. La commission des finances a entendu les arguments de Mme Payet, mais, avant de donner un avis qui pourrait être favorable, elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

Sourires

Debut de section - Permalien
Christian Estrosi, secrétaire d'État

Mme Payet a présenté, avec beaucoup de conviction, un amendement qui témoigne d'un réel problème de santé publique. Je partage totalement son inquiétude.

Après avoir indiqué les motifs de votre amendement, vous avez évoqué le système de distribution des tabacs dans les départements d'outre-mer. Il est en effet radicalement différent de celui qui existe en métropole.

Tout d'abord, les prix du tabac sont libres et peuvent donc être différents d'un point de vente à l'autre. Ils ne sont par ailleurs pas soumis à l'obligation d'homologation prévue par l'article 572 du code général des impôts. Depuis le 1er janvier 2004, les conseils généraux ont la possibilité de fixer un minimum de perception sur les cigarettes. Les recettes du droit de consommation sont affectées au budget du département. Le monopole de vente au détail des tabacs manufacturés n'existe donc pas dans les départements d'outre-mer.

Le Gouvernement ne peut pas méconnaître cette particularité qui touche directement, d'une part, aux ressources des départements d'outre-mer et, d'autre part, à la liberté du commerce et des prix.

Pour autant, il est aussi particulièrement attaché aux impératifs de santé publique, nos concitoyens d'outre-mer ayant à l'évidence fondamentalement droit, eux aussi, à la santé. La lutte contre le tabagisme appelle par conséquent les mêmes mesures de protection dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.

Je souhaite donc que soit mis à l'étude l'impact que pourrait avoir l'instauration du monopole de la vente des tabacs par des buralistes agréés sur les petits commerces qui distribuent aujourd'hui librement le tabac au public. Je ne saurais en effet méconnaître les intérêts de ces derniers. Une expertise fine devra nous renseigner sur les conséquences de cette mesure sur leur chiffre d'affaires et sur leur marge.

L'instauration d'un monopole du tabac reviendra à la prise en gestion par les services financiers des directions régionales des douanes d'un réseau de buralistes spécialisés agréés par l'État, ce qui implique notamment que ceux-ci se voient appliquer, comme en métropole, un régime social particulier. Car on ne peut imposer les mêmes contraintes qu'en métropole sans, parallèlement, instituer un statut identique pour les distributeurs.

Votre proposition, madame Payet, est intéressante en ce qu'elle ouvre un délai pour étudier à fond les conditions de la mise en place du nouveau système. Le Gouvernement, en relation avec les parlementaires, les acteurs économiques et les collectivités concernés, disposera ainsi d'une année pour affiner l'ensemble du dispositif.

Cette proposition me paraissant tout à fait raisonnable, je m'en remets à la totale sagesse de la Haute Assemblée.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

M. François Trucy, au nom de la commission des finances. Devant une telle convergence de points de vue, la commission ne peut être que favorable.

Nouveaux sourires sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Il faut souligner l'attention que porte notre collègue Anne-Marie Payet à l'état sanitaire des départements d'outre-mer. Ces derniers ont, sur certains points, des réglementations et des législations légèrement différentes, adaptées à leur caractère particulier.

Rappelez-vous l'action de Mme Payet pour prévenir le syndrome d'alcoolisation foetale : les pédiatres de métropole reconnaissent aujourd'hui l'importance de ce problème inquiétant, que personne n'osait aborder.

C'est dans le même d'état d'esprit que Mme Payet a élaboré cet amendement, qui mérite vraiment de recueillir l'approbation du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le conseil général de la Réunion a fait un effort : il a progressivement aligné le prix des cigarettes sur celui de la métropole, ce qui a engendré pour le département des ressources supplémentaires. En décembre 2000, nous avons doublé le prix des cigarettes, et leur consommation a baissé de 25 %.

Aujourd'hui, Mme Payet propose de modifier le système de distribution du tabac à la Réunion, en confiant aux buralistes le soin de vendre les cigarettes. En l'absence d'un réseau de buralistes, il me paraît sage d'utiliser le délai d'un an prévu dans l'amendement pour étudier l'impact de la mesure et examiner sa faisabilité.

Dans une optique de santé publique, j'abonde totalement dans le sens de l'amendement. Pour le reste, il appartiendra au groupe de travail de déterminer les conditions d'applicabilité de cet amendement, que je voterai.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45 bis.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Outre-mer »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles et la commission des affaires sociales, aux places laissées vacantes par M. Philippe Goujon, élu député, et Daniel Bernardet, décédé.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense ».

La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l'évolution des risques depuis le précédent Livre blanc, notre effort de défense est en cours de redéfinition.

Dans cette attente, on pouvait se demander si le projet de budget pour 2008 devait tout simplement anticiper sur ces prévisions ou, au contraire, s'inscrire dans le droit fil de la dernière année de la loi de programmation militaire, la LPM. Telle était l'alternative qui s'offrait à vous, monsieur le ministre. Vous avez choisi la deuxième solution et je crois que vous avez eu raison tant il est vrai qu'il était difficile d'anticiper sur l'effort qui allait être demandé, après révision.

Il s'agit également d'un bon choix si l'on songe que cette continuité s'inscrit dans l'effort.

La France, avec un budget de l'ordre de 35 milliards d'euros, consacre environ 1, 70 % de son produit intérieur brut à sa défense. Cette somme est, bien entendu, moins importante qu'aux États-Unis - ces derniers venant de voter un budget de la défense, hors effort de guerre, de 317 milliards d'euros ! -, mais elle équivaut à celle que lui consacre la Grande-Bretagne et très supérieure à l'effort fourni par la plupart des pays européens.

À structures constantes, le budget de la mission « Défense » croît de 1, 14 % en crédits de paiement, auxquels s'ajouteront, en deuxième libération, si j'ai bien entendu le ministre des comptes, 100 millions d'euros pour les OPEX, les opérations extérieures, après avoir trouvé dans un autre budget le gage nécessaire.

J'articulerai mon propos autour de deux questions.

En premier lieu, ce budget est-il suffisant pour que nos forces assurent leur contrat opérationnel ? Cette question se pose, car un double effort d'économie est mis en oeuvre.

Un premier effort d'économie concerne les crédits de personnel, qui représentent la moitié de votre budget, monsieur le ministre.

Mais, bien entendu, je ne voudrais pas aborder cette question des crédits de personnel sans d'abord rendre hommage aux fers de lance de nos troupes qui sont engagées en OPEX ou en dissuasion sur les sous-marins. Je suis sûr que nous pouvons unanimement leur exprimer notre reconnaissance.

Cet effort de 18 milliards d'euros pour le personnel augmente de 1, 94 % en raison du glissement des cotisations de retraite. La cotisation employeur dans le domaine de la défense s'élève à 103 %, soit le double de ce qui existe dans le secteur civil, et augmente régulièrement.

En revanche, la mission « Défense » va devoir respecter la règle de réduction des effectifs à hauteur de 50 % des mises à la retraite, ce qui va représenter, pour la mission « Défense », la suppression de 4 850 personnels en fin d'année, venant s'ajouter aux 6 400 qui n'étaient pas réalisés, soit une diminution, en moyenne annuelle, de 0, 7 %. Dès lors, il est permis de se demander si cela est de nature à influer sur nos missions opérationnelles.

Vous nous assurez, monsieur le ministre, que ce résultat peut être obtenu grâce à la réduction des effectifs de soutien -j'espère que vous pourrez nous donner des précisions sur ce point -, ce qui me paraît effectivement une bonne chose, puisque les effectifs de soutien dans l'armée française sont supérieurs d'environ 5% à ce qu'ils sont dans l'armée britannique. Des efforts de réorganisation, notamment en matière spatiale, seront donc certainement nécessaires.

Quant aux dépenses de fonctionnement, qui s'élèvent à 3 milliards d'euros, hors maintien en conditions opérationnelles, ou MCO, elles vont être réduites cette année de 1, 51 %.

Je crains que, dans la période actuelle, les crédits afférents aux carburants ne soient sous-estimés - quoiqu'on puisse toujours espérer ! -, mais je voudrais attirer votre attention sur la source d'économies que constituent les dépenses d'externalisation.

À cet égard, notre commission des finances est tout à fait attentive au mode de règlement des problèmes de TVA. L'an dernier, nous avions proposé un amendement allant dans ce sens. Il conviendrait que, lorsque des économies sur le titre 2 sont obtenues, un rétablissement de crédits équivalant à ces économies puisse être accordé.

En second lieu, ce budget permet-il de lever les doutes pesant sur l'exécution de la loi de programmation militaire, sur le caractère soutenu de notre effort de défense ?

Je dois dire que le Parlement est dans une situation très délicate à ce sujet, car, en fin de LPM, nous n'avons aucune visibilité pour l'avenir ; nous sommes dans le brouillard et l'incertitude. Nous avions déjà déploré cette situation l'année dernière et, tout à l'heure, je ferai une proposition pour y remédier.

Les crédits qui relèvent de la LPM atteignent cette année 15 milliards d'euros, soit 41 % de la mission.

La programmation pour cette année est respectée, à 250 millions d'euros près, c'est-à-dire à hauteur de l'inflation. Reconnaissons que, pour la première fois depuis cinq ans, la programmation militaire aura été respectée en totalité. En fait, cela ne s'est jamais produit depuis 1975 !

Cela étant dit, un bilan s'impose. Sans anticiper sur l'avenir, je voudrais rappeler que les retards signalés par moi-même depuis deux ans n'ont pas été comblés.

Premièrement, l'exécution correcte de la loi de programmation militaire actuelle n'a pas pu rattraper le retard de la non-exécution de la précédente loi, retard qui est équivalent à une année budgétaire entière, c'est-à-dire, mes chers collègues, entre 10 milliards et 12 milliards d'euros ; peut-être, pourrez-vous, monsieur le ministre, préciser ce chiffre.

Deuxièmement, la loi de programmation militaire actuelle a exigé des réallocations de ressources. Il a ainsi été nécessaire, par exemple, de dégager, 1, 5 milliard d'euros de plus pour la dissuasion ou 1, 5 milliard d'euros pour le programme Rafale. Certes, on a supprimé deux frégates Horizon, mais il n'empêche qu'un ensemble de programmes a été, en termes quantitatifs, retardé.

Troisièmement, le coût du maintien opérationnel a dû être réévalué, passant, grosso modo, de 2, 4 milliards d'euros en 2002 à 3, 4 milliards d'euros en 2008. Il a fallu remédier à une situation gravement détériorée : en 2002, un ou deux sous-marins nucléaires d'attaque sur six étaient opérationnels et il nous faut encore aujourd'hui faire face, notamment, au problème de l'entretien des avions ravitailleurs KC135.

J'affirme d'ailleurs que des réorganisations sont nécessaires en ce domaine, à l'instar de ce qui a été fait pour le service de soutien de la flotte ainsi que, concernant l'aviation, pour le service industriel de l'aéronautique, le SIAé, cette année. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous dire où nous en sommes pour l'armée de terre ?

Quatrièmement, la bosse des reports de crédits n'a pas pu être entièrement résorbée. Nous avions, du fait du mécanisme de financement des OPEX, un système qui, de façon automatique, entraînait des reports et nous sommes cette année face à un report qui est encore de l'ordre de 1, 5 milliard d'euros, voire de 1, 7 milliard d'euros. J'aimerais connaître votre point de vue sur ce sujet, monsieur le ministre.

Je note d'ailleurs que ce milliard et demi de report de crédits s'accompagne d'un autre milliard et demi de report de charges, et il est certain que la non-inscription en loi de finances rectificative des fameuses 13/19ème concernant les frégates européennes multi-missions, les FREMM, n'améliore pas la situation, puisque la somme espérée atteignait environ 330 millions d'euros.

Telles sont donc les causes des retards, mais j'ajouterai que l'inertie du budget d'équipement actuel hypothèque la prochaine loi de programmation militaire.

Si je me limite simplement au programme 146 « Équipement des forces », comme je le disais déjà l'an dernier, le montant des engagements fermes à la fin 2008, qu'il faudra honorer au cours de la prochaine programmation militaire, s'élève à 35 milliards d'euros. Si je tenais compte en outre du MCO et des études en amont, nous atteindrions les 45 milliards d'euros. Or 35 milliards d'euros, c'est trois ans et demi de programmation militaire au régime actuel. Vous le voyez donc : à 70 %, la future loi de programmation militaire est contrainte par le budget de cette année.

Bien entendu, je laisserai François Trucy, mon alter ego en tant que rapporteur spécial, et mes excellents collègues rapporteurs pour avis détailler concrètement ce que ces sommes représentent, mais il suffit de dire que, au sein de ces 35 milliards d'euros, le programme Rafale arrive en premier, avec 7 milliards d'euros ; viennent ensuite, avec 6 milliards d'euros, les avions ravitailleurs A400M, puis, avec 3, 5 milliards d'euros, le programme de missile M51, et enfin, en quatrième position, le futur porte-avions, dont j'espère la construction.

Tout cela montre que la plupart de nos grands programmes, en dehors du Rafale - qui connaît peut-être de ce fait des difficultés à l'exportation - et des programmes nucléaires, sont maintenant réalisés en coopération à l'échelon international dans le cadre de l'Organisme conjoint de coopération en matière d'armement, l'OCCAR, en particulier.

Tel est, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le bilan. Des choix cruciaux vont devoir être faits et je voudrais, en conclusion, me borner à convictions quant à la méthode.

D'abord, monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous vouliez mettre en place une sorte de comité d'investissement, intégrant une troisième dimension à côté de la direction générale de l'armement, la DGA, et de l'état-major des armées.

Je suis persuadé, en effet, qu'il est nécessaire de donner une dimension plus économique à la gestion des investissements, ceux de la défense comme ceux de l'État en général, et qu'il convient de trouver une procédure permettant une meilleure appréciation, au cours de la prise de décision, de l'ensemble du coût de possession.

Je prendrai l'exemple du quatrième Hawkeye, dont l'acquisition pourrait, m'a-t-on dit, être faire l'objet d'une option. Naturellement, si l'on veut acheter un Hawkeye d'occasion, le coût d'achat sera plus faible que s'il était neuf. En revanche, le coût du MCO sera sans doute plus élevé. Qu'en est-il vraiment des coûts de fonctionnement ? J'ai pris l'exemple du Hawkeye, mais il y en aurait bien d'autres.

Pour ma part, je pense qu'il est nécessaire de faire simultanément un ensemble de réflexions dès lors qu'on a à prendre des décisions de ce type.

Ma deuxième conviction est qu'on n'échappera pas à une loi de programme en deux étapes, c'est-à-dire une première tranche « dure » de trois ans, puis une seconde tranche plus souple au cours des trois années suivantes, à condition, bien entendu, que l'on ait une programmation glissante qui permette effectivement de supprimer ce mur noir devant lequel nous sommes cette année.

Dans cette attente, le budget de la défense pour 2008 sauvegarde l'essentiel, et ce dans le respect, naturellement, de la politique de stabilisation de la dépense publique. Il garantit, je crois, le caractère opérationnel des forces. Il permet l'exécution de la dernière tranche de la LPM, mais je laisserai à mon collègue François Trucy le soin de dire si ces arguments ont séduit la commission des finances.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les excellentes explications de M. Yves Fréville et, plutôt que de parler des chiffres, je formulerai un certain nombre d'observations et de questions.

À plusieurs reprises, ce projet de budget de la défense pour 2008 a été qualifié de « budget de transition ». Cette expression est-elle vraiment adaptée ? Sans entrer dans une querelle de mots, il est question de transition quand, d'une situation à une autre, s'amorce une évolution connue, que celle-ci aille dans le sens d'une amélioration ou d'une dégradation.

Nous savons tous à quel point la situation économique et financière de la France incite peu à l'optimisme. La perspective d'une amélioration importante de ce budget dans l'avenir est donc difficilement envisageable et sa diminution, plutôt redoutée.

C'est pourquoi, par souci de réalisme, je préfère l'expression de « budget d'attente » pour les crédits de la défense que nous examinons : attente du résultat de la mise à plat des programmes, attente du contenu du Livre blanc de la défense, attente des orientations du Président de la République, attentes de vos choix, monsieur le ministre, attente d'un débat espéré au Parlement.

Nous attendons surtout avec une certaine anxiété des décisions importantes, que celles-ci concernent les missions que la France estime indispensables et confie à ses armées, ou les moyens dont elle dispose et qu'elle peut affecter à cet usage.

En effet, face aux échéances financières qui sont les conséquences des décisions et engagements antérieurs, comme l'a souligné M. Fréville, face aux besoins présents et à venir pour répondre à la conjoncture internationale, chacun se demande comment nous parviendrons à boucler une loi de programmation militaire à la hauteur de nos ambitions internationales.

Cela étant, monsieur le ministre, votre budget est bon et répond quasi parfaitement aux besoins actuels. Mais, parce qu'il est le dernier de la loi de programmation militaire qui s'achève, il convient de nous attarder quelque peu sur le passé récent.

Saluons comme elles le méritent nos armées, qui ont réussi, presque à la perfection, une professionnalisation extrêmement difficile. Quel travail ! Quelle persévérance ! J'imagine les difficultés et les réactions tumultueuses que l'État rencontrerait avec certaines grandes administrations civiles s'il leur imposait de telles révolutions !

En outre, la loi de programmation militaire de 2003 à 2008 a été respectée de bout en bout. Une telle performance est d'autant plus méritoire qu'il a fallu corriger nombre de graves erreurs que la majorité de gauche avait accumulées entre 1997 et 2000.

Ces erreurs se sont traduites d'abord par un budget négligé, perpétuellement réduit à la condition de variable d'ajustement du budget général, ce qui a entraîné une dégradation profonde, faute des crédits nécessaires, de l'état de disponibilité du matériel et de son maintien en condition opérationnelle, ensuite par un affaiblissement du budget de fonctionnement, enfin par une sous-budgétisation massive, en loi de finances initiale, des crédits des OPEX.

Or ces opérations sont indispensables et réclament des crédits tout à fait prévisibles, du moins pour 90 % d'entre eux. Le financement incontournable en fin d'année de ces OPEX a conduit chaque fois à des annulations massives de crédits au titre 5, au report de ces dépenses et à la constitution de cette « bosse des reports », si difficile à résorber, qu'Yves Fréville a évoquée.

Au total, cela a provoqué des défaillances impardonnables pour le budget d'une armée professionnelle.

La correction de ces erreurs a donc été l'oeuvre de la législature 2002-2007. Nous la devons au travail acharné de Michèle Alliot-Marie, qui vous a précédé, monsieur le ministre, et au soutien du Président Jacques Chirac, qui a toujours considéré que la fonction de chef des armées avait une signification majeure. Ainsi, les crédits indispensables ont été rétablis année après année.

J'en viens à l'examen du budget de la défense pour 2008.

En matière d'effectifs, la défense a joué le jeu et a suivi la consigne de diminution des emplois publics. Aussi a-t-elle opéré en 2007 une réduction de ses effectifs, qui sont passés, en équivalent temps plein travaillé, de 329 907 à 320 612 emplois en équivalent temps plein travaillé. Cette baisse de 9 295 emplois est significative et représente 29 % des réductions d'effectifs du budget général, alors que les effectifs militaires ne comptent que pour 14, 5 % des emplois publics. C'est dire que l'effort a plus particulièrement porté sur le budget de la défense !

Toutefois, soyons réalistes : si 26 % de ces réductions résultent du plan d'économies de personnel, l'essentiel n'est-il pas dû à la suppression de postes budgétés non pourvus ?

Ce stock d'emplois non pourvus qui était reconduit d'année en année disparaît sans conséquences majeures, les états-majors s'accordant à reconnaître que cette diminution ne porte pas atteinte au potentiel militaire de la France.

J'ai néanmoins le sentiment que cette diminution d'effectifs, qui s'est en quelque sorte passée « sans douleur », ne pourra pas dans l'avenir être réitérée de la même manière sans conséquence sur le fonctionnement des armées et sur leur potentiel militaire. Monsieur le ministre, partagez-vous ce point de vue ?

Dans l'élaboration du futur projet de loi de programmation militaire, une attention toute particulière devra être portée au problème des effectifs.

Compte tenu de la spécificité des missions des armées, les effectifs de celles-ci ne sauraient être remis en question chaque année, au seul gré des évolutions de la politique en matière d'emplois publics.

Après tout, si la France peut supporter demain d'avoir moins de personnels dans les bureaux de certains ministères, elle risque en revanche d'avoir toujours besoin de militaires pour la défendre !

En ce qui concerne le budget de fonctionnement, j'aurais tendance à dire : « peut mieux faire ! » En effet, le souci d'économiser laisse de nombreux problèmes à régler. Ce budget intéresse pourtant des aspects importants de la vie quotidienne des unités, car il concerne les bases, les bâtiments de la marine nationale. Dans ce domaine, la marge de gestion des chefs de corps, des commandants d'unités et de bases est très faible.

C'est pourquoi je recommande particulièrement ces crédits à votre attention, monsieur le ministre. De votre point de vue, cette partie de votre budget est-elle suffisamment pourvue ? Estimez-vous que les premières et importantes externalisations qui ont été conduites l'ont été dans de bonnes conditions et qu'elles ont produit des économies significatives ? En ferez-vous d'autres?

Les crédits d'entretien et de maintien en condition opérationnel des matériels sont maintenant plus importants et leur reconstitution a permis un net redressement du maintien en condition opérationnelle. Cependant, ils ne suffisent pas encore à atteindre les montants souhaitables pour certaines catégories de matériels.

Dans ce domaine aussi, la loi de programmation militaire à venir devra être prévoyante, car il ne servirait à rien d'engager des crédits considérables d'acquisition de matériel neuf très sophistiqués, donc très coûteux à l'entretien, si les lignes budgétaires indispensables au maintien et à la maintenance n'existent pas.

Monsieur le ministre, permettez-moi de donner un coup de chapeau à l'activité du service militaire adapté, car il est bien organisé, sérieux, performant et éminemment utile aux jeunes gens des départements et collectivités d'outre-mer. Nos collègues ultramarins y sont très attachés, tout comme les rapporteurs de la mission « Défense ». Parallèlement, comment se développe le dispositif « Défense deuxième chance » ?

Le service de santé des armées mérite, lui aussi, un coup de chapeau. Grâce à des efforts acharnés, il parviendra bientôt au bout d'un processus de professionnalisation qui l'avait privé, du jour au lendemain, d'une très grande partie de ses personnels médicaux, paramédicaux et dentistes.

Je rappelle que l'action du service de santé des armées au profit des OPEX réclame les moyens d'un hôpital militaire entier, alors même que ce service ne gère au total que neuf hôpitaux d'instruction des armées.

Monsieur le ministre, au cours de la toute récente inauguration du magnifique hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne 2000 à Toulon, vous avez clairement exprimé votre estime pour l'excellent travail accompli par le service de santé des armées au profit à la fois des militaires et d'une large partie de la population française, où qu'elle réside. Je n'ai donc nul besoin d'attirer votre attention à ce sujet et d'en appeler à votre bienveillance pour le service de santé des armées : elles semblent acquises. Ai-je raison de le penser ?

Je n'énumérerai pas cette année les très substantiels efforts budgétaires que vous avez consacrés au profit de la condition militaire. Je rappellerai à quel point ces efforts sont bien choisis et portent sur des aspects de la condition militaire tout à fait dignes d'intérêt. En effet, la vie d'une armée professionnelle et celle des familles des militaires réclament une attention particulière de la part de leur ministre et de la représentation nationale.

Ainsi, l'action sociale des armées est essentielle auprès de ces familles, particulièrement pendant les affectations aux OPEX.

Pour les carburants, cela fait longtemps que j'ai renoncé à comprendre comment les armées parvenaient à s'en sortir face aux augmentations du prix du pétrole. Bien sûr, les lois de finances rectificatives corrigent en fin d'année les déficits. Toutefois, je rappelle que l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les carburants des armées vient à échéance à la fin de 2008.

En ce qui concerne les réserves, vos efforts sont dignes d'éloge et la montée en puissance de la réserve est très satisfaisante.

J'en viens maintenant au financement des OPEX.

Contrairement à la gestion de la gauche, la législature précédente a commencé à corriger la sous-budgétisation des crédits. En 2006, en 2007 - notamment en tenant compte de l'annonce d'un supplément de crédits en projet de loi de finances rectificative - et en 2008, la budgétisation est bien meilleure. Cependant, elle ne couvre pas encore les besoins et nous redoutons une fois encore cette année que vous ne soyez conduit à annuler des dépenses de matériels pour boucler leur budget de fonctionnement.

Monsieur le ministre, je l'ai signalé au début de mon intervention, ce budget est bon. Il contient les crédits suffisants pour que nos armées continuent à assurer dans de bonnes conditions des missions chaque jour plus difficiles.

La commission des finances du Sénat apprécie comme elles le méritent votre détermination, votre efficacité et toute votre action. Elle approuve votre budget et vous exprime son estime et ses encouragements.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Monsieur le ministre, avant que mes collègues et moi-même présentions l'avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de budget de la mission « Défense » pour 2008, permettez-moi de vous faire part de notre profonde déception de n'avoir pu tenir, comme nous en avions pris l'habitude avec votre prédécesseur, les réunions trimestrielles de suivi et de contrôle.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre de la défense

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Certes, le Parlement a interrompu ses travaux au printemps dernier, mais, depuis, le Sénat semble avoir été un peu mis à l'écart. Ainsi, la réunion qui était prévue le 20 novembre dernier a été annulée, alors qu'elle a pu avoir lieu à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

M. André Dulait, rapporteur pour avis. C'est pourquoi nous souhaitons, monsieur le ministre, que, en vertu du caractère bicaméral de nos institutions, une réunion de suivi et de contrôle soit organisée avant la fin de l'année, de manière que le Sénat puisse exercer pleinement ses compétences en matière budgétaire. Je vous remercie par avance de bien vouloir faire droit à cette demande.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, ainsi que Mme Nathalie Goulet applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

C'est normal ! Le ministre n'a jamais été sénateur !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela ne saurait tarder !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je tiens à m'associer, au nom de la commission des finances, au souhait pressant que vient d'exprimer M. le rapporteur pour avis !

Applaudissements sur les travées socialistes et sur le banc des commissions

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

M. André Dulait, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, deux commissions attendent votre réponse !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

J'en viens maintenant à l'avis de la commission des affaires étrangères.

Notre armée professionnelle est récente : elle a moins de dix ans.

Après une phase de montée en puissance des effectifs, nous sommes entrés dans une phase d'ajustement et de consolidation. Ce projet de loi de finances en témoigne : en supprimant des postes vacants, il prend acte de ce que le format initialement prévu ne sera pas rejoint ; en ne remplaçant pas un départ à la retraite sur deux, il finance des mesures catégorielles au profit des personnels en poste.

L'équation, en effet, est connue : l'amélioration de la condition des personnels ne pourra se faire qu'en agissant sur les effectifs. Or cette action sur les effectifs ne pourra se poursuivre sans dommage avec une organisation inchangée.

Tout d'abord, les deux processus de réduction d'effectifs, militaires et civils, sont menés selon un parallélisme complet. Cela est dû au fait que, d'une manière générale, ces deux populations sont gérées de façon cloisonnée, car elles ne sont soumises ni à la même autorité de gestion ni aux mêmes règles de mobilité et de mutation. Voilà un chantier que le ministère devra ouvrir pour mieux faire travailler ensemble civils et militaires.

L'autre chantier en cours concerne la révision des schémas d'implantation, notamment pour l'armée de terre et l'armée de l'air. À la suite de la révision générale des politiques publiques et du nouveau Livre blanc, elle devrait être placée au coeur du prochain projet de loi de programmation militaire, tout comme la loi de programmation militaire antérieure avait été celle de la professionnalisation.

Pour les armées, cette révision est seule à même de préserver l'efficacité opérationnelle, dans un contexte de réduction des effectifs, en mutualisant davantage les services de soutien. Dans l'attente de cette réforme, les solutions adoptées sont peu satisfaisantes.

Pour faire face aux réductions d'effectifs, la diminution du volume des recrutements est en effet la solution la plus simple et la plus dommageable. Elle est simple en apparence, compte tenu de l'importance des flux annuels. Elle est en fait très dommageable parce que, sans être confrontés pour le moment aux mêmes problèmes que nos amis britanniques, nous allons très certainement, pour des raisons démographiques, au-devant d'une période de difficultés de recrutement. À cet égard, monsieur le ministre, un véritable indicateur qualitatif sur le recrutement nous permettrait de mieux évaluer ce phénomène et de mieux exercer la vigilance nécessaire.

Face à cette situation fragile, il convient de ne négliger aucun vivier. C'est pourquoi la commission considère que le plan pour l'égalité des chances, qui vise à ouvrir plus largement les lycées et les écoles militaires aux jeunes défavorisés, est tout à fait dans l'intérêt des armées.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Il permettra non seulement de mieux refléter la diversité de la société française, après la suspension du service national, mais aussi de recruter des personnes qui pensaient spontanément que l'armée leur était inaccessible.

Cette exploration plus large en matière de recrutement a un coût, sur lequel nous ne pouvons transiger, qui concerne la formation. Il est plus difficile et plus long aujourd'hui de faire passer un jeune de l'état civil à l'état militaire, mais une fois formés, les jeunes engagés font preuve d'un professionnalisme reconnu. Cet investissement dans les hommes est un acquis de la professionnalisation que nous devons préserver.

Le dernier point que je souhaite évoquer est celui des opérations extérieures.

Le processus de budgétisation des surcoûts liés aux opérations extérieures, entamé en 2005, marque le pas avec une stabilisation de la provision à 360 millions d'euros.

Pour 2007, ce surcoût est estimé à 650 millions d'euros et rien ne laisse présager une diminution du niveau d'engagement de la France. Pour 2008, comme pour 2007, un financement en cours d'année devra être trouvé pour faire face à quelque 300 millions d'euros de dépenses. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, il y a un risque pour les programmes d'armements, qui ont longtemps été la variable d'ajustement des OPEX.

Or nous ferions une grave erreur en considérant que la condition militaire est dissociable de la question des équipements. Une protection adéquate en opération, des équipements adaptés et entretenus, des missions clairement définies sont les clés de la motivation de nos militaires et de l'attractivité de ce métier.

Je rappellerai, en conclusion, que nous nous apprêtons à voter non pas un budget de transition, mais un budget qui, nous le savons, sera excessivement tendu, dans l'attente de réformes substantielles qui sont la condition de la préservation de l'efficacité de notre outil de défense.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l'analyse du budget pour 2008, présentée avec efficacité et clarté par les précédents orateurs, je m'en tiendrai à quelques observations sur les points positifs et sur les quelques éléments négatifs qui ont marqué l'évolution du secteur du soutien militaire au cours des dernières années.

Un effort marqué a été accompli depuis 2000 pour rationaliser l'organisation et réduire les coûts du maintien en conditions opérationnelles - appelé couramment MCO - des divers équipements en service dans les armées.

L'apport financier de la loi de programmation 2003-2008 a permis de redresser des taux de disponibilité des matériels qui étaient très souvent inquiétants, ne dépassant pas 50 %, quand ils n'étaient pas inférieurs à ce pourcentage.

Cette loi a également permis une rationalisation, qui n'est pas achevée, de l'organisation et des modalités de réalisation des opérations de MCO.

La création successive du service de soutien de la flotte, en 2000, et de la structure intégrée de maintien en conditions opérationnelles des matériels aéronautiques de la défense, plus connue sous l'acronyme de SIMMAD, en 2002, ainsi que celle, au début de 2008, du SIAé constituent autant d'atouts pour les armées qui sauront s'en servir utilement.

Toutes les actions destinées à restructurer et à mutualiser les moyens destinés aux trois armées sont bénéfiques, car elles démontrent que nos forces ne cessent de réfléchir à leur organisation en vue de l'optimiser, grâce à une démarche interarmées pragmatique, que nos militaires ont comprise et mise en oeuvre. À nous de leur donner des signes de reconnaissance, en prenant des décisions renforçant cette démarche de modernisation, de mutualisation et d'efficacité.

C'est grâce à ces efforts que le poste de dépenses le plus important, le MCO, notamment aéronautique, a fait l'objet, depuis 2002, d'une forte restructuration, fondée sur une « interarmisation » pragmatique, avec la création de la SIMMAD. Le fonctionnement de cette structure doit encore être amélioré pour réduire les coûts d'entretien des matériels, mais beaucoup a déjà été fait et pourrait être utilement transposé au niveau européen. Par exemple, la création d'un organisme analogue à la SIMMAD au sein de l'Agence européenne de défense donnerait un contenu concret à une coopération européenne encore à développer et simplifierait les difficiles discussions en cours sur la répartition des marchés de MCO entre les pays partenaires des équipements aéronautiques, élaborés en commun, comme l'hélicoptère NH90 et l'avion de transport militaire A400M.

Nous regrettons tous les retards pris dans la livraison de cet appareil, mais serons-nous prêts, lorsqu'il sera disponible, à en équiper nos forces, étant entendu qu'il aura fallu, préalablement, assurer la formation des pilotes que mettre en place des structures adéquates pour son MCO ? Souhaitons-le. Mais il faudrait agir rapidement et donner les moyens nécessaires à nos armées.

La prochaine création du SIAé permettra d'optimiser la répartition des actions de MCO entre les armées et les industriels. Ce service devra déterminer les activités de soutien qu'il est indispensable de maintenir dans les forces, tant pour y pérenniser un socle de compétences techniques que pour y assurer un soutien de proximité. J'y suis favorable, à condition que la liberté de chacun puisse s'y exercer, en ce qui concerne tant la parole que l'écoute.

J'en viens aux difficultés que je souhaite évoquer.

Les premiers bilans tirés des expériences d'externalisation qui se sont multipliées depuis la professionnalisation sont contrastés, quoi qu'en ait dit M. le rapporteur spécial ; les prestations ne sont pas toujours satisfaisantes et chaque renouvellement de contrat est automatiquement l'occasion d'augmentations, parfois très fortes, des coûts. Soyons donc vigilants !

En matière de dépenses courantes de fonctionnement, la sous-traitance d'activités non militaires présente, à l'usage, des dérives financières importantes, faute de concurrence et de compétences suffisantes au sein des armées en matière de négociation de ce type de contrat. L'adjudication, la gestion de marchés publics comme la location de services sont des métiers à part entière, et l'on ne saurait reprocher aux militaires d'avoir besoin de temps pour les maîtriser.

Cependant, il semble acquis que la location de services est coûteuse et qu'elle le sera de plus en plus, sans que l'efficacité des services rendus en soit pour autant garantie. L'évolution de ces coûts pose donc la question de l'éventuelle réintégration de ces tâches parmi celles des personnels militaires. Monsieur le ministre, je pense qu'il sera nécessaire de se demander, en procédant à une évaluation rigoureuse, si l'externalisation n'était pas une mode. Ne faudra-t-il pas revenir sur cette notion ?

Je conclurai, dans un premier temps, en saluant le service des essences des armées, le SEA. Selon moi, ses compétences sont trop méconnues à l'échelon national, alors qu'elles sont reconnues par nos partenaires, notamment par ceux qui ont participé à l'intervention au Kosovo, dont il a, à lui seul, assuré le soutien. Tout le monde s'en est trouvé satisfait. Sachons donc reconnaître la qualité de son action.

Sur ce point, j'ai une question à vous poser, monsieur le ministre. Le ministère semble avoir imposé au SEA, en 2005, l'obligation de souscrire une assurance afin de minimiser les effets des fluctuations des cours sur leurs achats. Cette assurance, dont le coût est considérable, puisqu'il s'est élevé à 4 millions d'euros en 2006 et atteint 3 millions d'euros en 2007, soulève des interrogations. Pourquoi la règle selon laquelle l'État est son propre assureur ne joue-t-elle plus en ce cas précis ? Pourquoi le SEA est-il contraint de prendre une telle assurance, qui détourne des sommes importantes des achats de produits pétroliers, ce fait ne produisant pour le ministère aucune retombée positive selon ce que j'ai pu comprendre au cours des auditions auxquelles j'ai procédé ? J'espère que vous pourrez nous éclairer sur cette singulière façon de travailler.

Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits affectés à la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2008.

Mais je ne peux m'empêcher, en complément, de porter un jugement différent de celui de mon excellent collègue Yves Fréville, notamment sur le programme Rafale.

Je tiens à affirmer dans cette enceinte que le Rafale est une bonne arme, une excellente arme.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Un même appareil permet de mettre à la disposition de nos armées un avion à la fois de combat, de reconnaissance, de dissuasion et d'intervention au sol. L'aéronavale, qui en a été le premier bénéficiaire, en est très satisfaite. L'aviation l'attend avec impatience, pour permettre à la France de garder son rang de nation respectée par l'opérabilité de ses armements et par ses capacités d'intervention sur de nombreux territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Le Rafale sera bientôt fabriqué aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Nogrix

Quant à l'A400M, avion de transport, nous ne pouvons que regretter les retards qu'il subit, car la location de moyens extérieurs, lorsque besoin s'en fait sentir pour mener à bien des OPEX, coûte très cher à notre pays et ne nous garantit pas la sécurité dont nous aurions besoin pour la mise à disposition opérationnelle efficace de nos troupes.

Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m'excuser de vous avoir fait part de mon jugement personnel sur ce point, mais je pense que le Rafale est un excellent avion, une excellente arme, dont nous avons besoin et que l'A400M nous manque cruellement pour que nous soyons véritablement efficaces, comme nous savons le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Le problème, c'est que le Rafale va être fabriqué aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'exprime également au nom de notre collègue André Boyer, qui ne peut être présent aujourd'hui.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées nous avait confié la charge de présenter conjointement le rapport pour avis couvrant l'ensemble du programme « Équipement des forces ».

Je présenterai tout d'abord quelques observations sur l'évolution générale de ce programme et sur les perspectives de notre politique d'équipement militaire.

Le niveau des crédits de paiement pour 2008 doit permettre une réalisation financière satisfaisante de la loi de programmation. Certes, les dotations sont légèrement inférieures à l'annuité prévue et des annulations sont intervenues la semaine dernière pour financer le surcoût des opérations extérieures.

Bien qu'encore insuffisante, la budgétisation partielle en loi de finances initiale a permis de modérer le montant des annulations en fin d'exercice.

Enfin, le volume de crédits disponibles mais non consommés, qui avait atteint un pic au début de l'année 2005, a notablement diminué.

Globalement, et compte tenu des crédits prévus en 2008, on peut d'ores et déjà considérer que les entorses à la réalisation financière de la programmation seront restées limitées et sont, en tout état de cause, sans commune mesure avec celles qui ont été constatées sur la loi précédente, ce qui n'empêche pas, néanmoins, des reports ou décalages dans la réalisation physique de la loi.

Nous souhaitons savoir, monsieur le ministre, si le ministère pourra consommer intégralement ses crédits d'équipement à hauteur du montant inscrit en loi de finances initiale. Autrement dit, comment sera appliquée la norme de dépense sur les crédits d'équipement en 2007 et quel sera le sort réservé aux crédits de report, qui s'élevaient à 1, 5 milliard d'euros au début de l'année ?

Par ailleurs, comment sera financé le programme de frégates multimissions, auquel a fait allusion M. Fréville, puisque la dotation complémentaire de 338 millions d'euros qui avait été annoncée à cet effet lors de l'examen du collectif budgétaire n'y figure pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

On nous a annoncé des financements innovants ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Attendons la réponse du ministre !

S'agissant des autorisations d'engagement, le programme « Équipement des forces » se trouvera dans une situation très particulière en 2008 avec, d'une part, une provision de 3 milliards d'euros pour le lancement éventuel du second porte-avions et, d'autre part, une diminution moyenne de 30 % des autorisations d'engagement sur toutes les autres lignes. Le montant des engagements nouveaux qui seront passés en 2008 constitue l'enjeu budgétaire majeur pour le programme « Équipement des forces ». Il dépendra directement du niveau des ressources déterminé pour 2009 et, au-delà, dans le cadre de la prochaine loi de programmation.

Compte tenu de l'ampleur des besoins financiers liés à la réalisation des programmes en cours, il faudra hiérarchiser les priorités, effectuer des choix, quitte à réviser certains objectifs. Il faudra aussi retrouver des marges de manoeuvre sur l'ensemble du budget du ministère.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées souhaite simplement rappeler aujourd'hui la conclusion à laquelle était parvenu son président, Serge Vinçon, dans son rapport sur les équipements militaires publié cet été.

En dépit du redressement accompli depuis 2002, notre effort de défense reste aujourd'hui très inférieur à ce qu'il était voilà une dizaine d'années : 1, 65 % du PIB en norme OTAN cette année, contre 2 % en 1996. Il est également inférieur d'environ 9 milliards d'euros par an au budget de la défense britannique, qui devrait progresser de 1, 5 % par an dans les trois prochaines années.

Quels que soient les efforts d'économie engagés par ailleurs, un simple maintien du budget d'équipement à son niveau actuel, pour autant que cela soit possible compte tenu des engagements déjà passés, impliquerait de renoncer à moderniser une partie de notre outil militaire pour nous orienter vers un modèle très différent de celui que nous nous étions fixé, sans doute plus proche de ceux de l'Allemagne ou de l'Italie que de celui du Royaume-Uni, auquel nous le comparons souvent.

Notre commission avait donc estimé nécessaire de poursuivre, en tenant compte, bien entendu, de la situation des finances publiques, le redressement du budget de la défense engagé ces dernières années et qui lui semble toujours indispensable au vu des défis de sécurité auxquels font face la France et, plus largement, l'Europe.

J'en viens maintenant aux différents domaines de la politique d'équipement, en commençant par la dissuasion.

La dissuasion nucléaire - cela semble déjà constituer un point d'accord au sein de la commission du Livre blanc - continuera de jouer un rôle fondamental dans notre stratégie de défense dans les années à venir.

En termes d'équipement, le renouvellement de nos moyens est déjà très largement avancé, qu'il s'agisse des missiles, en cours de fabrication, des plates-formes, avec la réalisation du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins - SNLE - et l'arrivée du Rafale, ou des moyens de simulation, avec la progression du chantier du Laser Mégajoule.

S'agissant de la composante aéroportée, qui fait souvent l'objet de débats, notre commission considère que, compte tenu des investissements déjà réalisés, sa remise en cause engendrerait peu d'économies immédiates, mais priverait certainement la France d'un volet appréciable de sa capacité de dissuasion, qui tient à la visibilité et à la souplesse de cette composante.

La maîtrise de l'information constituera aussi, à n'en pas douter, un domaine clef pour notre autonomie de décision et nos capacités d'action.

Sur le plan budgétaire, l'année 2008 sera marquée par une très nette diminution des autorisations d'engagement dans le domaine spatial. Les besoins sont certes moindres, après les réalisations de ces dernières années, mais cela montre surtout que notre programme spatial se trouve en attente de perspective. Je veux croire que ce reflux ne sera que temporaire, car nul ne conteste aujourd'hui le caractère stratégique des capacités spatiales dans les domaines de la défense et de la sécurité.

Il faudra en tirer les conclusions dans la prochaine loi de programmation, tant pour pérenniser les moyens actuels que pour acquérir de véritables capacités opérationnelles en matière d'écoute ou d'alerte sur les tirs de missiles balistiques.

Dans l'immédiat, le lancement de la conception du satellite successeur d'Hélios II nous semble urgent.

Dans le domaine de la projection, le retard annoncé sur le programme A400M, cher à M. Nogrix, qui l'a défendu, ainsi que le Rafale, avec fougue, prolonge d'autant nos difficultés sur le transport aérien.

Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, en quels termes se présente la question du renouvellement des ravitailleurs, après les premières études engagées cette année ? Quels sont les différentes solutions envisageables et leur coût ? Est-il déjà possible de donner des indications sur le remplacement des trois avions qui ne seront pas rénovés ?

Enfin, dans le domaine des hélicoptères, nous nous réjouissons de la commande, annoncée vendredi, de douze NH90 par l'armée de terre.

Ce programme présente un caractère absolument prioritaire pour notre commission, qui, avant même le vote de l'actuelle loi de programmation, s'était vivement inquiétée de la dégradation inéluctable de nos capacités jusqu'au début de la prochaine décennie.

Il est également nécessaire d'engager sans tarder la rénovation des Cougar, qui a connu un important décalage.

S'agissant des capacités de combat, l'année 2008 constituera un jalon important pour notre aviation, avec la qualification du Rafale au standard F3, qui donnera véritablement la pleine mesure de sa polyvalence, et l'arrivée de munitions de précision indispensables aux conditions d'engagement actuelles.

En ce qui concerne les forces navales, je ne reviendrai pas sur la question du financement des frégates multi-missions. Le point essentiel, pour 2008, concerne le second porte-avions, dont la réalisation permettrait d'assurer la permanence du groupe aéronaval lors de la prochaine indisponibilité du Charles de Gaulle.

La phase de concertation avec les Britanniques est achevée. La décision doit donc désormais mettre en balance les nécessités opérationnelles et les implications financières. S'il était lancé, le programme représenterait une annuité moyenne de l'ordre de 500 millions d'euros sur la prochaine loi de programmation.

Notre commission considère, comme l'avait souligné son président, M. Vinçon, que le lancement de ce projet doit être lié à la mise en place de ressources supplémentaires, faute de quoi la réalisation d'autres programmes essentiels s'en trouverait affectée.

Dans le domaine du combat aéroterrestre, la modernisation des équipements, attendue de longue date, entre dans une phase significative.

Monsieur le ministre, vous avez officialisé la mise en service du Tigre dans les forces à Pau, voilà quelques jours.

L'année 2008 verra l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI -, des premiers équipements « Félin » et des canons Caesar. La commission insiste pour qu'au cours de la prochaine loi de programmation, cette modernisation se poursuive et ne soit pas remise en cause par les besoins des grands programmes aéronautiques et navals. Il y va de la protection et de l'efficacité de nos forces terrestres engagées en opérations.

Enfin, dans le domaine de la protection, il faut saluer l'admission au service actif, prévue en 2008, de la première frégate antiaérienne Horizon, ainsi que l'arrivée dans les forces de la famille des missiles Aster, qui améliore très sensiblement nos capacités, notamment en matière de défense antimissile de théâtre, et qui s'accompagne d'une rationalisation interarmées bienvenue.

En conclusion, notre commission estime que l'équipement des forces bénéficiera en 2008 des crédits de paiement nécessaires à la poursuite de la livraison, dans de bonnes conditions, des matériels commandés.

En ce qui concerne les autorisations d'engagement, le budget d'équipement pour 2008 peut être qualifié de « budget d'attente » puisque le niveau des engagements effectifs dépendra des perspectives tracées pour la prochaine loi de programmation.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émisun avis favorable quant à l'adoption des crédits du programme « Équipement des forces » et de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme « Environnement et soutien de la politique de défense » touche à de multiples actions dont les enjeux, souvent sous-estimés, sont néanmoins essentiels pour un fonctionnement efficace du ministère de la défense.

Sous l'impulsion du secrétaire général pour l'administration, responsable du programme, de nombreuses réformes ont été engagées et sont en cours.

Je ne mentionnerai que la politique immobilière, avec la mise en place des loyers budgétaires, la rationalisation des sites et la cession de nombreux immeubles ou encore l'externalisation de la gestion des logements domaniaux.

Le regroupement dans un même programme de crédits jusqu'alors dispersés permet, nous semble-t-il, une meilleure vision globale et une gestion plus adaptée au rythme d'avancement des opérations d'infrastructure.

Je me limiterai sur ce point à deux remarques.

La première a trait au service d'infrastructure de la défense : il convient de trouver le bon équilibre entre les bénéfices incontestables de l'approche interarmées et la nécessaire prise en compte des besoins spécifiques liés aux activités opérationnelles des forces.

La seconde porte sur les dotations prévues en 2008. Elles progressent très sensiblement, tant pour les infrastructures que pour le logement familial, et témoignent d'un volontarisme certain. Souhaitons qu'elles ne soient pas remises en cause, en cours de gestion, au vu des arbitrages à venir sur la prochaine loi de programmation !

En ce qui concerne le programme « Environnement et prospective de la défense », je soulignerai tout d'abord la difficulté à mesurer et à suivre l'effort de recherche et technologie. Nous nous trouvons face à des références multiples, dont la définition peut varier dans le temps, et qui ne recoupent pas la présentation des crédits telle qu'elle résulte de la LOLF.

Une réflexion a été engagée. Je souhaite qu'elle permette à la fois un véritable suivi dans la durée et des comparaisons pertinentes avec nos partenaires européens.

Cette remarque étant faite, on peut constater qu'après un relèvement significatif à compter de 2005, les dotations consacrées à la recherche ont désormais tendance à plafonner.

Le budget des études réalisées en amont, c'est-à-dire des contrats de recherche passés avec l'industrie, restera en 2008 situé autour de 640 millions d'euros. Ce n'est certes pas négligeable et cela permettra, notamment, de poursuivre le lancement de démonstrateurs technologiques, mais on reste encore loin de l'objectif de 1 milliard d'euros par an auquel le ministère de la défense souhaitait progressivement parvenir.

On ne peut en outre manquer de nourrir une certaine inquiétude pour le futur, face au risque de voir la recherche servir de variable d'ajustement, étant donné les besoins financiers considérables que fait apparaître la réalisation des programmes d'armement.

Le renforcement de la coopération européenne en matière de recherche est en tout état de cause indispensable, compte tenu de nos budgets limités, si nous voulons maintenir nos capacités technologiques. Les progrès sont lents, mais réels, et il est encourageant de constater qu'en dépit des réticences britanniques l'Agence européenne de défense commence à jouer un rôle fédérateur dans ce domaine.

Je termine par le renseignement de sécurité, qui concerne en tout premier lieu la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure.

Il faut saluer une évolution positive des investissements techniques, absolument nécessaire compte tenu des flux croissants d'information et de communication à traiter. Cet effort devra impérativement être poursuivi au cours des prochaines années.

La stagnation des crédits de fonctionnement est en revanche difficilement justifiable, au vu des besoins supplémentaires liés à l'entrée en service de nouveaux équipements.

Enfin, il est surprenant que l'augmentation lente mais continue des effectifs de la DGSE, qui avait été engagée ces dernières années, soit désormais stoppée. Depuis le début de la décennie, ce service doit relever des défis croissants avec des effectifs nettement inférieurs à ceux des services britanniques ou même allemands. La structure de ses personnels reste par ailleurs trop déséquilibrée, au détriment des emplois de cadres, en nombre insuffisant.

La mise en adéquation des moyens humains de la DGSE avec ses missions reste encore à opérer. Le projet de budget pour 2008 est malheureusement en total décalage avec cet objectif, à un moment où chacun s'accorde à dire que les moyens de renseignement, de connaissance et d'anticipation doivent jouer un rôle fondamental dans notre politique de défense, tant pour la protection de notre territoire et de notre population que pour la garantie de notre autonomie de décision et l'efficacité de nos opérations.

En conclusion, la grande stabilité qui caractérise, dans ce projet de budget, les dotations destinées à la recherche et au renseignement extérieur, deux domaines où les besoins sont loin d'être satisfaits, ne peut manquer de susciter une certaine déception.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a cependant émis un avis favorable sur les crédits des programmes « Environnement et soutien de la politique de défense ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur le banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq.