Au moment où nous siégeons, siège également le Parlement européen qui devrait se prononcer sur le budget 2019. En juillet dernier, nous avons déjà évoqué la participation de la France au budget de l'Union européenne lorsque nous avons eu un échange sur les perspectives du prochain cadre financier pluriannuel.
Comme chaque année, la contribution de la France est composée du prélèvement sur recettes et des droits de douane qui sont directement versés au budget européen. Si la contribution de la France constituait une mission budgétaire, elle représenterait le quatrième poste de dépenses de l'État, juste après le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Pour l'année prochaine, le montant du prélèvement sur recettes est estimé à 21,5 milliards d'euros, contre 19,9 milliards d'euros inscrits en loi de finances pour 2018. À ce montant s'ajouteront environ 1,7 milliard d'euros de droits de douane, ce qui porte la contribution totale de la France à 23,2 milliards d'euros. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, le prélèvement sur recettes européen augmente et atteint un niveau sans précédent depuis le début de la programmation, c'est-à-dire depuis 2014. Cette hausse résulte d'un effet de rattrapage de la consommation des crédits européens, en particulier ceux dédiés à la politique de cohésion et au développement rural. Nous nous réjouissons de cette augmentation qui traduit une réelle montée en charge des politiques européennes, après un démarrage plus lent que prévu en début de programmation.
Même si cette hausse était anticipée, elle n'en demeure pas moins conséquente puisqu'elle est 30 % supérieure au montant exécuté en 2017, soit plus de 5 milliards d'euros supplémentaires. Après plusieurs années de sous-exécution par rapport au montant adopté en loi de finances, la tendance est sur le point de s'inverser. D'ailleurs, pour 2018, la prévision actualisée est de 646 millions d'euros supérieure au montant voté à l'automne dernier.
La difficile prévisibilité du prélèvement sur recettes constitue un élément d'incertitude pour le budget de l'État. Toutefois, nous sommes dépendants de l'évaluation du besoin de financement de l'Union, réalisée chaque année par la Commission européenne. De plus, le prélèvement sur recettes est soumis à plusieurs variables en cours d'exercice telles que l'adoption de budgets rectificatifs de l'Union - un sixième budget rectificatif rien que pour 2018 devrait prochainement être publié - ou encore des corrections portées sur les contributions nationales pour les exercices antérieurs.
Par ailleurs, les prévisions de ressources TVA s'établissant à 4,5 milliards d'euros pour la France devraient être stables, comme la contribution au « chèque britannique » à hauteur de 1,3 milliard d'euros.
L'échec des négociations du Brexit lors du dernier Conseil européen nous rappelle que d'ici la fin de l'année 2020, le budget européen se verra amputé de la contribution britannique. En outre, les élections européennes qui se tiendront dans quelques mois incitent à élaborer un budget en prise directe avec les attentes des Européens.
La Commission a présenté en mai dernier un projet de budget pour 2019, actuellement examiné au Parlement européen. Ce budget respecte les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel pour les années 2014-2020. Il prévoit 149 milliards de crédits de paiement, soit une hausse de 2,7 %, en intégrant les budgets rectificatifs n° 1 à 3. L'accent a été mis sur les crédits en faveur de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union. Ainsi, les crédits dédiés à la rubrique « sécurité et citoyenneté » devraient augmenter de 17 % pour s'élever à 3,5 milliards d'euros. La Commission souhaite également augmenter les crédits dédiés à la croissance et l'emploi. Cette enveloppe devrait croître de 3,9 %. Toutefois, ces augmentations restent modestes et ne bouleversent pas les équilibres budgétaires traditionnels. La PAC et la politique de cohésion représenteront toujours respectivement 38 % et 31 % des crédits de paiement en 2019. Par conséquent, ce projet de budget s'inscrit résolument dans la continuité des précédents.
Je souhaite attirer votre attention sur la question du « reste à liquider », c'est-à-dire le besoin en crédits de paiement nécessaires pour couvrir les engagements financiers pris par l'Union européenne. Au début de la programmation actuelle, le reste à liquider s'élevait à 190 milliards d'euros, soit plus qu'un budget annuel ; il a atteint un nouveau record à la fin de l'année 2017, en s'établissant à 267 milliards d'euros. D'ici 2020, le reste à liquider pourrait s'élever à 300 milliards d'euros, soit presque deux fois le budget annuel de l'Union. Certes, l'apparition d'un arriéré de paiement est habituelle, mais la Cour des comptes européenne a souligné que son augmentation continue interrogeait la bonne gestion financière de l'Union européenne.
Je ne reviendrai pas en détail sur les propositions de la Commission pour le prochain cadre financier pluriannuel, puisque je vous ai déjà présenté en juillet dernier les conclusions de mes travaux de contrôle sur ce sujet. La Commission européenne a détaillé ses propositions pour l'après 2020, puis les négociations se sont ouvertes avec les représentants des États membres, sous la présidence de l'Autriche. Si l'adoption d'un accord politique avant les élections européennes demeure un objectif de la Commission, celui-ci semble de moins en moins crédible. À ce stade, trois observations peuvent être formulées sur la conduite des négociations : en dépit des coupes budgétaires annoncées pour la politique de cohésion, la France devrait être relativement épargnée par rapport à ses voisins européens, avec une diminution d'environ 5 % de son enveloppe, même si certains de nos territoires pourraient pâtir de cette diminution, notamment en raison de l'augmentation des cofinancements nationaux. En second lieu, le départ du Royaume-Uni, contributeur net au budget européen, cristallise l'opposition entre les États membres favorables à l'augmentation du plafond de dépenses et donc des contributions nationales, et ceux qui la refusent, tels que les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l'Autriche. Par conséquent, la Commission européenne a proposé une solution de compromis peu satisfaisante, consistant à augmenter légèrement le plafond de dépenses à 1,114 % du RNB de l'Union, contre 1 % actuellement. Le Parlement européen avait proposé, quant à lui, une augmentation de 1,3 %.
Enfin, la question de l'évolution des ressources propres ne devrait malheureusement pas aboutir à des progrès à court terme. Néanmoins, la Commission a présenté ses propositions en la matière, telles que l'instauration d'une taxe sur le plastique, la taxation du système d'échange de quotas d'émission carbone, ou la réforme de l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Ces propositions ont été accueillies avec prudence par les États membres.
La lutte contre la fraude pourrait constituer un gisement de ressources pour l'Union européenne. Le montant de la fraude et de l'évitement fiscal est estimé à 1 000 milliards d'euros par an. Or, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoit environ 1 030 milliards d'euros en crédits de paiement. La lutte contre la fraude et l'évitement fiscal pourrait régler le besoin de financement de l'Europe.
En l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019.