La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d'impôts, des remboursements ou des restitutions de crédits d'impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs. En d'autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires.
La mission est composée de deux programmes, l'un consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, l'autre aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux, que je vous présenterai successivement, après avoir dit quelques mots sur l'ensemble de la mission.
Pour 2019, 135,7 milliards d'euros de crédits sont demandés au titre de la présente mission, soit une augmentation de 15 milliards d'euros environ par rapport à la loi de finances pour 2018, ce qui constitue un nouveau record pour cette mission. Cette augmentation très importante des crédits s'explique notamment, s'agissant des impôts d'État, par la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et, pour les impôts locaux, par la seconde tranche du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des Français.
Au total, les remboursements et dégrèvements devraient représenter un tiers environ des recettes fiscales brutes. Cette proportion, qui ne cesse d'augmenter après la parenthèse consécutive à la réforme de la taxe professionnelle en 2010, traduit une politique fiscale qui repose de façon importante et croissante sur des mécanismes de réduction fiscale, qui grèvent en contrepartie les dépenses budgétaires et entrave les possibilités d'action de l'État. Le montant très important que représentent les remboursements et dégrèvements rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.
Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État sont évalués à 115,8 milliards d'euros en 2019. Ce montant est en augmentation de 7 milliards d'euros par rapport à l'année dernière, dans le prolongement de la hausse quasi ininterrompue de ces remboursements et dégrèvements depuis 2010.
Un paramètre permet d'expliquer cette augmentation pour 2019 : il s'agit de l'entrée en vigueur du prélèvement à la source à compter du 1er janvier 2019. Le projet de loi de finances évalue les conséquences du prélèvement à la source à 11 milliards d'euros supplémentaires de remboursements et dégrèvements. Deux mécanismes conduisent à cette augmentation. D'une part, un acompte de 60 % du montant des crédits et réductions d'impôt de l'année précédente sera versé en janvier 2019 aux contribuables. Le projet de loi de finances prévoit 5,5 milliards de remboursements et dégrèvements au titre de cet acompte. D'autre part, la mission va retracer les restitutions d'excédents de crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR) : 6,9 milliards d'euros sont ainsi inscrits.
Sans surprise, le CICE continue également de peser sur les remboursements et dégrèvements. Le coût prévu du CICE pour 2019 est proche de celui de l'année dernière. L'ensemble de l'effet budgétaire atteint quasiment 20 milliards d'euros en 2019. À partir de 2020, on pourra constater une diminution des remboursements et dégrèvements liés au CICE, puisque le dispositif sera transformé en réduction de cotisations sociales employeurs l'année prochaine.
J'avais souligné l'année dernière la difficulté d'accéder à des informations qui me semblent indispensables pour évaluer une mesure telle que le CICE. J'ai donc demandé cette année la transmission des données qui concernent la répartition des bénéficiaires du CICE. Nous avons obtenu une répartition des créances de CICE consommées de 2013 à 2016 selon trois critères : par département, en fonction de la taille des entreprises et enfin par secteur d'activité. Je tiens bien sûr le détail de ces données à votre disposition et vous trouverez dans le rapport quelques éléments significatifs.
On constate notamment que ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont bénéficié le plus de ce dispositif, non seulement en volume, mais également si l'on rapporte les montants au nombre d'emplois salariés que représentent ces PME. Pour les secteurs d'activité, ce sont les industries manufacturières, le commerce et la construction qui bénéficient le plus du CICE. Au regard de l'objectif de compétitivité poursuivi par le CICE, l'industrie n'aura bénéficié que de 25 % des crédits d'impôts en Haute-Garonne, en Isère, dans l'Oise ou le Pas-de-Calais, et seulement de 15 % dans le Nord. À mon sens, cela remet en cause la pertinence même du CICE. Une remarque enfin sur la répartition territoriale : il importe de noter que l'impôt sur les sociétés est payé au siège social des entreprises, notamment quand elles ont plusieurs établissements. Le montant de CICE de Paris ou des Hauts-de-Seine où se situent de nombreux sièges sociaux est donc probablement surévalué et, inversement, celui de certains départements industriels est minoré. Malgré cette nuance, la carte des bénéficiaires correspond dans l'ensemble à la carte des principaux bassins d'emplois français. Néanmoins, l'intensité du CICE dans certains territoires comme dans la région Pays-de-Loire reproduit la France des bas salaires et réduit le CICE à une sorte d'exonération de cotisations sociales. Dans mon département, les entreprises bénéficient en moyenne de 9 500 euros de crédit d'impôt : ce surplus de trésorerie ne permet pas de créer des emplois.
J'en viens à la partie relative aux impôts locaux. Le montant des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux atteint le niveau record de 20 milliards d'euros, notamment du fait de la deuxième tranche du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des Français, et continuera à croître en 2020, lorsque sera mise en oeuvre la troisième tranche du dégrèvement.
Dix ans à peine après la réforme de la taxe professionnelle, l'État redevient le « premier contribuable local », dans la mesure où, en 2020, il prendrait en charge 22 % de la fiscalité économique et 37 % de la fiscalité ménage, en attendant la future réforme de la fiscalité locale.
S'agissant des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux économiques, nous avions longuement parlé l'an dernier des conséquences de la censure par le Conseil constitutionnel des modalités de calcul du dégrèvement barémique de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cette décision impliquait un coût important pour l'État au titre des contentieux, un renchérissement du coût du dégrèvement barémique, mais également un risque accru d'optimisation fiscale de la part des groupes de sociétés.
Un an plus tard, le coût des contentieux pour l'État s'élève à 610 millions d'euros, dont 310 millions d'euros ont déjà été exécutés en 2017. Par ailleurs, la hausse du coût du dégrèvement barémique, pour la seule année 2018, a représenté pour l'État 300 millions d'euros. À l'inverse, la décision d'étendre la consolidation du chiffre d'affaires à tous les groupes de société, qu'ils aient ou non activé l'option fiscale, représente, à compter de 2019, des recettes supplémentaires pour l'État de 340 millions d'euros par an. Ainsi, le solde des conséquences de cette décision sera positif au bout de quelques années.
Concernant les dégrèvements de taxe d'habitation, je souhaite profiter de cette mission pour évoquer l'avenir de cette imposition. En décembre dernier, le président de la République a annoncé son souhait de supprimer totalement la taxe d'habitation ; le Premier ministre a précisé que cette suppression serait effective d'ici 2021 et le ministre de l'action et des comptes publics a récemment annoncé le dépôt d'un projet de loi de finances rectificative en janvier 2019. Nous connaissons bien les limites de cette imposition, qui pèse parfois de façon plus importante sur des ménages modestes que sur des ménages aisés, sans qu'il soit possible de justifier de façon satisfaisante les écarts au sein d'une même commune. C'est tout le débat que nous avions eu en commission sur la révision des valeurs locatives. Je regrette que le Gouvernement choisisse de supprimer cette imposition, plutôt que de la réformer pour qu'elle fonctionne de façon satisfaisante.
La taxe d'habitation représente un tiers des recettes fiscales du bloc local et plus de 20 % de ses recettes totales. Sa suppression déstabilisera ces collectivités territoriales et leur retirera un levier essentiel de leur action. Elle pourra également créer des inégalités importantes entre collectivités, selon le poids relatif de cette imposition dans leurs recettes actuelles et selon, par exemple, la densité de résidences secondaires, s'il se confirme que ces logements demeureraient taxés. Dans ce cas, les conséquences pourraient être importantes et les inégalités pourraient se creuser encore davantage. Pour ma part, je souhaite le maintien de la taxe d'habitation, associée à une révision rapide des valeurs locatives des locaux d'habitation. Le revenu pourrait être davantage pris en compte pour calculer le plafonnement de cette taxe. La taxe professionnelle a fait l'objet un temps d'un plafonnement à la valeur ajoutée, qui en a allégé le montant pour la plupart des PME et des ETI.
Compte tenu de ces observations, du poids du CICE et des incertitudes quant à son utilité, des doutes demeurant sur la compensation de l'allégement de la taxe d'habitation, je vous invite à ne pas adopter les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Une fois n'est pas coutume, je partage en grande partie les propos de notre rapporteur spécial, même si je n'en tire pas forcément les mêmes conclusions.
Plutôt que d'instaurer le CICE, il aurait été préférable de baisser immédiatement les charges afin de réduire le coût du travail en France, coût qui désavantage notre pays par rapport à nos concurrents. À l'époque, le crédit d'impôt a été privilégié à la réduction de charges, pour des raisons de trésorerie vu qu'il permet de décaler le coût.
Il reste beaucoup d'incertitudes sur la suppression de la taxe d'habitation : alors que nous examinons le projet de loi de finances pour 2019, rien n'est dit sur les mesures de remplacement. Cela démontre bien que le Gouvernement ne dispose toujours pas de solution définitive.
Le montant total des dégrèvements est considérable, certains d'entre eux n'étant que provisoires. Cette mission n'a néanmoins pour objectif que de constater le montant des dégrèvements et non pas de se prononcer sur l'opportunité de telle ou telle mesure. Les chiffres qui nous sont présentés me semblent réalistes, je ne vois donc pas de raison de m'opposer à l'adoption des crédits de cette mission, même si l'on peut être en désaccord sur certaines des décisions que reflète cette mission. Un rejet signifierait que nous ne sommes pas d'accord avec les chiffres présentés, ce qui n'est pas le cas.
Quel est le coût budgétaire du prélèvement à la source ? Il est dit que 11 milliards d'euros supplémentaires sont prévus pour des remboursements et des dégrèvements, dont 6,9 milliards d'euros pour les restitutions d'excédents du crédit d'impôt pour la modernisation du recouvrement (CIMR). J'aimerais des explications plus détaillées.
J'aurais, moi aussi, préféré une réforme des valeurs locatives même étalée sur dix ans. Malheureusement, cette hypothèse n'a plus lieu d'être.
Je m'interroge sur le calendrier : la deuxième tranche de suppression de la taxe d'habitation interviendra en 2019 et la troisième tranche en 2020 pour 80 % de la population. Comme le Conseil constitutionnel a dit en décembre dernier que la suppression devait être complète, j'imaginais qu'elle interviendrait lors de la troisième tranche, mais il semble que ce sera pour 2021. Est-ce le cas ? Budgétairement, la décision n'est pas neutre.
Alors que l'année dernière nous nous interrogions sur l'impact du CICE sur les territoires et les entreprises, notre rapporteur nous apporte des informations précises et bienvenues. On mesure bien ainsi les limites du CICE ; la réduction des charges pesant sur les employeurs sera bien plus saine et lisible.
Je souhaite aussi comprendre le chiffre de 11 milliards d'euros attaché au prélèvement à la source. S'agit-il de charges supplémentaires ou d'un montant que l'État aurait dû engager à un autre moment ?
Enfin, j'attends avec impatience le projet de loi annoncé sur la compensation de la taxe d'habitation : aujourd'hui, nous sommes dans le flou.
Je ne voterai pas ces crédits car je suis opposé à la suppression de la taxe d'habitation qui va favoriser les plus riches. En effet, plus les revenus sont importants, plus la taxe d'habitation augmente, même si cette évolution parallèle ne se vérifie pas toujours.
En outre, la suppression de la taxe d'habitation est d'une injustice totale pour les collectivités qui se sont attachées à maintenir un faible taux d'imposition : cette réforme va bénéficier aux collectivités qui avaient voté les taux les plus élevés. Mon département a été le seul à ne pas instaurer la taxe locale d'équipement pour ne pas pénaliser les jeunes ménages. Mon successeur l'a instaurée pour éviter d'être sanctionné si cette taxe venait à être supprimée. La taxe d'habitation compense les services rendus aux habitants. Dans les communes rurales, la taxe est peu élevée car les services se trouvent ailleurs. La suppression de la taxe d'habitation va accroître les différences entre milieux ruraux et urbains : puisqu'il n'y aura plus d'impôts, mieux vaudra habiter là où se trouvent les services.
Près de 136 milliards d'euros de dégrèvements : c'est un montant considérable et, pourtant, nous ne savons pas quels moyens humains sont affectés à cette mission. Pourriez-vous nous en dire plus ?
La réforme des valeurs locatives aurait nécessité un travail considérable.
Ce rapport est intéressant, mais n'aurait-il pas dû aborder la question des compensations qui, au fil du temps, s'amenuisent ? Ainsi en est-il de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains situés en zone Natura 2000. Cette exonération était compensée à 100 % par l'État mais ce remboursement a progressivement diminué. Aujourd'hui, les communes concernées n'ont plus les moyens de préserver ces terrains.
Ce rapport est très intéressant, notamment la partie sur le CICE qui semble, en définitive, ne pas être une si mauvaise mesure que cela. Le CICE devait faire en sorte que les grandes entreprises soient compétitives sur le plan international. D'après vos chiffres, 25 % de ces entreprises ont bénéficié de ce crédit d'impôt. En outre, le but était de restaurer la rentabilité des entreprises et les résultats ont été probants puisque les investissements sont repartis à la hausse, entraînant à leur suite croissance et créations d'emplois. Certes, il y a eu des effets de bord et certaines entreprises ont bénéficié du CICE alors qu'elles n'en avaient pas besoin. Je préfère franchement le CICE qui aide les entreprises au prélèvement forfaitaire unique qui ne profite qu'aux actionnaires.
À l'avenir, on parlera du CICE comme d'une excellente mesure à mettre au crédit du précédent quinquennat.
Juste après l'annonce de la suppression de la taxe d'habitation, nous avions dit que le Conseil constitutionnel n'accepterait pas que cette mesure ne bénéficie pas à tout le monde. Rappelons-nous aussi que nous avons connu une aventure folle lors de la suppression de la taxe professionnelle : il nous a fallu cinq ans pour rectifier toutes les erreurs et oublis.
Comme Philippe Dallier, je m'interroge sur la date retenue pour parachever cette réforme : le Conseil constitutionnel acceptera-t-il que cette suppression soit étalée jusqu'en 2021 ? Cela dit, il s'agit de la seule mesure en faveur du pouvoir d'achat de nos concitoyens et ils y sont très sensibles. En revanche, je comprends les inquiétudes sur les répercussions de cette mesure sur les finances locales. Nous en reparlerons en 2019.
Cela dit, nous voterons ces crédits.
Le dégrèvement de la taxe d'habitation prend-il en compte la convergence des taux lors de la création de communes nouvelles ou de fusion de communautés de communes ? Ce dégrèvement est en effet calculé sur la base des taux votés par les collectivités en 2017 mais ces dernières ont pu faire converger leurs taux en cas de fusion.
A-t-on une idée du mode de financement de ce dégrèvement ? Sera-t-il financé par des mesures d'économies sur le budget de l'État ou par le déficit, et donc par l'emprunt ? Je dénonce la campagne ignominieuse avec le « #BalanceTonMaire ». Je ne suis pas sûr que la mesure en faveur du pouvoir d'achat vantée par notre collègue Claude Raynal soit aussi positive qu'il le prétend : les maires sont en effet obligés d'augmenter les impôts locaux pour financer les charges nouvelles transférées par l'État.
La baisse de la taxe d'habitation n'a pas permis d'augmenter le pouvoir d'achat de beaucoup de nos concitoyens. Dans les territoires ruraux, une grande partie de la population ne payait pas cette taxe et ceux qui doivent prendre leur voiture tous les jours dépensent 1 000 euros de plus par an. En outre, comme l'État compense la taxe foncière des logements sociaux, toute une partie de la population n'aura plus aucun lien avec sa commune. C'est grave.
Puisque notre Premier ministre assume la hausse des taxes sur les carburants, qu'il en reverse une partie aux territoires ruraux afin que ces derniers puissent vivre. Sinon, les prochaines élections risquent de rappeler cruellement certaines réalités.
Comme l'a dit Claude Raynal, la taxe d'habitation est un impôt injuste et désuet. Rendons hommage à un Gouvernement qui, pour une fois, supprime un impôt. Malheureusement, le montant des prélèvements obligatoires sera toujours aussi important à la fin du quinquennat.
Une réforme des ressources des collectivités territoriales est indispensable, mais leur défense ne doit pas se faire au détriment du contribuable.
J'ai du mal à comprendre comment certaines réductions d'impôt vont être prises en compte avec le prélèvement à la source. Je m'interroge ainsi sur les abattements fiscaux outre-mer de 30 ou 40 %. Les réductions d'impôt en faveur de l'investissement locatif se retrouvent en partie sur le crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) mais qu'en sera-t-il du Girardin industriel ?
Dispose-t-on d'une répartition territoriale des crédits d'impôts pour les sous-actions 12-02 et 12-08 ? Enfin, disposez-vous de données précises pour le CICE en outre-mer ?
J'ai interrogé le ministre Gérald Darmanin sur les dispositifs fiscaux outre-mer mais nous n'avons pas encore reçu les éléments de réponse souhaités.
Lorsque la suppression de la taxe d'habitation a été annoncée pour 80 % de la population, le coût de la mesure était estimé à 10 milliards d'euros. Cette estimation est-elle toujours d'actualité ?
Beaucoup de questions s'adressent davantage à Bercy qu'à notre rapporteur.
Certaines questions dépassent en effet le cadre de ce rapport.
Le comité de suivi du CICE, piloté par France Stratégie, conclut à des effets difficilement identifiables du CICE sur l'investissement. En outre, la préservation ou la création de chaque emploi aura coûté 245 000 euros : ce n'est pas rien ! Enfin, aucun contrôle de l'utilisation de ces fonds n'a été réalisé par les services fiscaux, ce qui est inconcevable pour les parlementaires que nous sommes.
Le solde du prélèvement à la source se montera à 11 milliards d'euros, avec 5,5 milliards d'euros d'acomptes et 6,9 milliards d'euros de restitutions d'excédents de CIMR, montant duquel il faut déduire 1,2 milliard d'euros de moindres restitutions. En revanche, il n'y a pas de répartition territoriale de la restitution des crédits d'impôts liés au prélèvement à la source.
La suppression de la taxe d'habitation interviendra « au plus tard en 2021 », d'après les propos du Premier ministre. Le texte devrait être déposé en janvier 2019. On reste dans des conditionnalités. Le dégrèvement pour 80 % des Français coûtera 10 milliards d'euros environ. Ce coût a été intégré à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques que le Parlement a adoptée l'an dernier ; la suppression totale coûtera 10 milliards d'euros supplémentaires, qui à ce jour ne sont pas financés.
La compensation des dégrèvements n'est pas minorée, mais le taux est gelé. Ainsi, la compensation de la taxe d'habitation est calculée sur le taux de 1991.
Comme Philippe Adnot, je pense qu'il faudrait davantage tenir compte des revenus pour calculer la taxe d'habitation. Certes, en moyenne, la taxe d'habitation augmente avec le revenu, mais au sein de cette moyenne, les écarts sont colossaux. Et la taxe d'habitation est dégressive : plus le revenu augmente, moins la taxe d'habitation représente une part importante du revenu.
Il me semblerait opportun de fixer des critères pour exonérer de charges les employeurs. Or, tel n'est pas le cas aujourd'hui : l'exonération sera aveugle et générale ; elle ne fixera pas d'ambitions pour le développement économique de notre pays.
Pour répondre à Vincent Delahaye, notre rapporteur spécial n'a évoqué que le seul CIMR : en 2018, les revenus normaux seront effectivement neutralisés par le crédit d'impôt mais tous les revenus exceptionnels seront taxés. Le délai de reprise a d'ailleurs été étendu d'un an. Le versement d'acomptes aura un effet de trésorerie, mais l'État percevra des recettes supplémentaires dues à la taxation de tous les revenus exceptionnels au titre de 2018. En revanche, je ne pense pas ces rentrées fiscales ont été prises en compte sur cette mission.
Ils seront taxés au fil de l'eau. Les primes exceptionnelles non prévues dans le contrat de travail et versées en 2018 seront taxées.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Au moment où nous siégeons, siège également le Parlement européen qui devrait se prononcer sur le budget 2019. En juillet dernier, nous avons déjà évoqué la participation de la France au budget de l'Union européenne lorsque nous avons eu un échange sur les perspectives du prochain cadre financier pluriannuel.
Comme chaque année, la contribution de la France est composée du prélèvement sur recettes et des droits de douane qui sont directement versés au budget européen. Si la contribution de la France constituait une mission budgétaire, elle représenterait le quatrième poste de dépenses de l'État, juste après le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Pour l'année prochaine, le montant du prélèvement sur recettes est estimé à 21,5 milliards d'euros, contre 19,9 milliards d'euros inscrits en loi de finances pour 2018. À ce montant s'ajouteront environ 1,7 milliard d'euros de droits de douane, ce qui porte la contribution totale de la France à 23,2 milliards d'euros. Ainsi, pour la deuxième année consécutive, le prélèvement sur recettes européen augmente et atteint un niveau sans précédent depuis le début de la programmation, c'est-à-dire depuis 2014. Cette hausse résulte d'un effet de rattrapage de la consommation des crédits européens, en particulier ceux dédiés à la politique de cohésion et au développement rural. Nous nous réjouissons de cette augmentation qui traduit une réelle montée en charge des politiques européennes, après un démarrage plus lent que prévu en début de programmation.
Même si cette hausse était anticipée, elle n'en demeure pas moins conséquente puisqu'elle est 30 % supérieure au montant exécuté en 2017, soit plus de 5 milliards d'euros supplémentaires. Après plusieurs années de sous-exécution par rapport au montant adopté en loi de finances, la tendance est sur le point de s'inverser. D'ailleurs, pour 2018, la prévision actualisée est de 646 millions d'euros supérieure au montant voté à l'automne dernier.
La difficile prévisibilité du prélèvement sur recettes constitue un élément d'incertitude pour le budget de l'État. Toutefois, nous sommes dépendants de l'évaluation du besoin de financement de l'Union, réalisée chaque année par la Commission européenne. De plus, le prélèvement sur recettes est soumis à plusieurs variables en cours d'exercice telles que l'adoption de budgets rectificatifs de l'Union - un sixième budget rectificatif rien que pour 2018 devrait prochainement être publié - ou encore des corrections portées sur les contributions nationales pour les exercices antérieurs.
Par ailleurs, les prévisions de ressources TVA s'établissant à 4,5 milliards d'euros pour la France devraient être stables, comme la contribution au « chèque britannique » à hauteur de 1,3 milliard d'euros.
L'échec des négociations du Brexit lors du dernier Conseil européen nous rappelle que d'ici la fin de l'année 2020, le budget européen se verra amputé de la contribution britannique. En outre, les élections européennes qui se tiendront dans quelques mois incitent à élaborer un budget en prise directe avec les attentes des Européens.
La Commission a présenté en mai dernier un projet de budget pour 2019, actuellement examiné au Parlement européen. Ce budget respecte les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel pour les années 2014-2020. Il prévoit 149 milliards de crédits de paiement, soit une hausse de 2,7 %, en intégrant les budgets rectificatifs n° 1 à 3. L'accent a été mis sur les crédits en faveur de la sécurité intérieure et extérieure de l'Union. Ainsi, les crédits dédiés à la rubrique « sécurité et citoyenneté » devraient augmenter de 17 % pour s'élever à 3,5 milliards d'euros. La Commission souhaite également augmenter les crédits dédiés à la croissance et l'emploi. Cette enveloppe devrait croître de 3,9 %. Toutefois, ces augmentations restent modestes et ne bouleversent pas les équilibres budgétaires traditionnels. La PAC et la politique de cohésion représenteront toujours respectivement 38 % et 31 % des crédits de paiement en 2019. Par conséquent, ce projet de budget s'inscrit résolument dans la continuité des précédents.
Je souhaite attirer votre attention sur la question du « reste à liquider », c'est-à-dire le besoin en crédits de paiement nécessaires pour couvrir les engagements financiers pris par l'Union européenne. Au début de la programmation actuelle, le reste à liquider s'élevait à 190 milliards d'euros, soit plus qu'un budget annuel ; il a atteint un nouveau record à la fin de l'année 2017, en s'établissant à 267 milliards d'euros. D'ici 2020, le reste à liquider pourrait s'élever à 300 milliards d'euros, soit presque deux fois le budget annuel de l'Union. Certes, l'apparition d'un arriéré de paiement est habituelle, mais la Cour des comptes européenne a souligné que son augmentation continue interrogeait la bonne gestion financière de l'Union européenne.
Je ne reviendrai pas en détail sur les propositions de la Commission pour le prochain cadre financier pluriannuel, puisque je vous ai déjà présenté en juillet dernier les conclusions de mes travaux de contrôle sur ce sujet. La Commission européenne a détaillé ses propositions pour l'après 2020, puis les négociations se sont ouvertes avec les représentants des États membres, sous la présidence de l'Autriche. Si l'adoption d'un accord politique avant les élections européennes demeure un objectif de la Commission, celui-ci semble de moins en moins crédible. À ce stade, trois observations peuvent être formulées sur la conduite des négociations : en dépit des coupes budgétaires annoncées pour la politique de cohésion, la France devrait être relativement épargnée par rapport à ses voisins européens, avec une diminution d'environ 5 % de son enveloppe, même si certains de nos territoires pourraient pâtir de cette diminution, notamment en raison de l'augmentation des cofinancements nationaux. En second lieu, le départ du Royaume-Uni, contributeur net au budget européen, cristallise l'opposition entre les États membres favorables à l'augmentation du plafond de dépenses et donc des contributions nationales, et ceux qui la refusent, tels que les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et l'Autriche. Par conséquent, la Commission européenne a proposé une solution de compromis peu satisfaisante, consistant à augmenter légèrement le plafond de dépenses à 1,114 % du RNB de l'Union, contre 1 % actuellement. Le Parlement européen avait proposé, quant à lui, une augmentation de 1,3 %.
Enfin, la question de l'évolution des ressources propres ne devrait malheureusement pas aboutir à des progrès à court terme. Néanmoins, la Commission a présenté ses propositions en la matière, telles que l'instauration d'une taxe sur le plastique, la taxation du système d'échange de quotas d'émission carbone, ou la réforme de l'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS). Ces propositions ont été accueillies avec prudence par les États membres.
La lutte contre la fraude pourrait constituer un gisement de ressources pour l'Union européenne. Le montant de la fraude et de l'évitement fiscal est estimé à 1 000 milliards d'euros par an. Or, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 prévoit environ 1 030 milliards d'euros en crédits de paiement. La lutte contre la fraude et l'évitement fiscal pourrait régler le besoin de financement de l'Europe.
En l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019.
Patrice Joly a signalé l'ampleur de la fraude à la TVA. De fait, nous menons un combat très actif contre celle-ci, notamment en matière de e-commerce. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir et, en tant que rapporteur de la loi relative à la lutte contre la fraude, j'ai eu la confirmation de la part des services fiscaux de l'ampleur considérable de la fraude à la TVA et de leur incapacité à la combattre. L'enjeu est non seulement français, mais aussi européen.
Les restes à liquider étaient de 150 milliards d'euros en 2012 et devraient s'élever à 300 milliards d'euros à la fin de 2019. Or il ne se passe rien malgré les dénonciations régulières de la Cour des comptes européenne et de la commission du budget du Parlement européen. Des décisions ont-elles été prises au niveau européen à la demande de l'une ou de l'autre pour en revenir à des niveaux acceptables ?
La France a été provisoirement, en 2017, le troisième contributeur au budget de l'Union européenne, après le Royaume-Uni, et le deuxième bénéficiaire. Cela ne durera pas. Avec les remises en cause de la PAC et la réduction des subventions régionales, où en sera-t-on en 2020 ? Peut-être sera-t-on le premier contributeur.
A été évoqué le cadre financier pluriannuel 2021-2027. La Commission européenne propose une augmentation du budget européen, mais avec des changements importants dans les orientations. La France n'est pas impactée par la diminution du fonds de cohésion, puisqu'elle n'y est pas éligible ; en revanche, elle l'est par la baisse du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), principal levier du développement rural. Des rééquilibrages sont-ils envisageables dans le cadre des négociations afin de ne pas pénaliser les milieux ruraux ?
La contribution de la France au budget de l'Union européenne s'élève à 23 milliards d'euros ; elle en bénéficie à hauteur de 13 milliards d'euros. Quelles conséquences aura le Brexit sur ces équilibres financiers ?
Enfin, je suis impressionné par l'ampleur des fraudes. Il faut agir rapidement.
L'augmentation du budget européen est consécutive aux évolutions de la PAC. Espérons que nos agriculteurs en verront les effets.
On parle très peu de l'impact potentiel du Brexit. Voilà peu, Gérald Darmanin nous avait indiqué qu'il réservait, si nécessaire, 1 milliard d'euros hors budget en financements d'urgence. Or il apparaît que le Brexit rendra nécessaires de nombreux investissements en France, notamment portuaires. Où en sont les négociations pour que la France puisse récupérer ses billes au travers des investissements qu'elle fait essentiellement pour l'Europe ?
À quelles actions - et dans quelles proportions - ont été affectés les 13,5 milliards d'euros qu'a reçus la France en 2017 ? Observe-t-on des évolutions significatives pour 2019 ? Comment se font les choix d'allocation des crédits ? Dans le cadre d'un dialogue franc et démocratique entre la Commission européenne et le Gouvernement ?
Par ailleurs, il faut en effet rappeler ces 1 000 milliards d'euros d'évasion fiscale au sein de l'Union européenne, et la France n'est pas seule concernée. Si chacun condamne cette fraude, certains lui trouvent parfois des circonstances atténuantes au regard de notre fiscalité qui serait excessive, délirante, « matraquante ».
Pourquoi les restes à liquider augmentent-ils autant ? Est-ce lié à une rigidité dans l'octroi des aides européennes ? Quid de la procédure de dégagement d'office en cas de non-consommation des crédits ? Les contributions des États ont-elles été adaptées ou bien l'Union européenne s'est-elle constitué une abondante trésorerie de réserve ?
Cette question des restes à liquider est en effet importante. Reste-t-il des restes à liquider qui ne seront jamais liquidés ? Nous avons vu les difficultés auxquelles se heurte notre administration nationale pour recouvrer notamment des fonds agricoles ou, dans une moindre mesure, des fonds destinés à l'aide alimentaire. Quels sont les impacts sur les participations passées et futures des États au budget européen ?
J'ai lu avec attention l'analyse sur les perspectives 2021-2026. On voit l'intérêt pour la Commission et le Parlement de les finaliser avant les élections européennes de manière à fixer un cadre, mais on en voit aussi l'inconvénient sur le plan politique. Quelle est votre analyse ?
Les restes à liquider résultent d'une certaine rigidité des cadres budgétaires de l'Union européenne. Des réponses ont été apportées, notamment lors de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, en instaurant des mécanismes accrus de flexibilité, ces redéploiements devant favoriser une meilleure mise en oeuvre de ces crédits budgétaires.
Les autorités de gestion de ces fonds, en France et dans les autres pays européens, ont été désignées tardivement, de même que les procédures ont été définies tout aussi tardivement, ce qui explique le retard pris dans la mise en oeuvre de cette programmation.
Pour permettre malgré tout la réalisation des actions financées sur fonds européens, le délai de dégagement d'office a été reporté de deux à trois ans. D'où une moindre tension sur les consommateurs de ces crédits. La Commission européenne propose de ramener ce délai à 2 ans dans le prochain cadre financier pluriannuel, soit à partir de 2021.
Les contributions nationales sont ajustées au besoin en crédits de paiement prévu au cours de l'année. Le reste à liquider est différent puisqu'il désigne les engagements qui devront ultérieurement être couverts par des crédits de paiement. Ainsi, on n'assiste pas à la constitution d'une épargne à l'échelle européenne qui se ferait au détriment des contributions nationales.
A fortiori s'il n'est pas défini en 2019, le prochain cadre financier pluriannuel sera impacté.
Concernant la PAC, on a eu le sentiment d'un flottement dans la position française dès lors que notre pays, en 2016, n'était plus bénéficiaire net - après avoir dû rembourser 656 millions d'euros de versements irréguliers. Les choses ont changé en 2018, vraisemblablement sous la pression des organisations professionnelles et compte tenu de la situation économique de l'agriculture en raison des conditions météorologiques. À l'occasion d'un séjour en Roumanie, j'ai pu constater que la France tentait de réunir un groupe de pays oeuvrant en faveur d'un maintien de la PAC.
Le Brexit aurait un coût évalué à 12 milliards d'euros pour le budget européen, ce qui correspond à la contribution nette du Royaume-Uni. Les propositions de la Commission européenne pour 2021-2027, sans la contribution britannique, pourraient se traduire par une contribution supplémentaire de la France d'environ 1 milliard d'euros par an. S'agissant des investissements à réaliser, notamment dans les ports, nous ne disposons pas d'éléments. Il faudrait savoir quelle sera la part de l'Union européenne dans ces charges particulières.
Fabienne Keller s'interrogeait sur l'adoption du cadre financier pluriannuel avant les élections européennes. Si le Parlement européen prochainement élu ne devait pas se prononcer sur ce cadre, cela signifierait que les députés élus ne traiteraient pas des questions budgétaires jusqu'en 2027. Compte tenu des délais de négociation, ce cadre financier ne devrait pas pouvoir être adopté avant les élections. La perspective, c'est que les enveloppes globales, par rubrique, soient adoptées, la répartition entre les différents fonds intervenant après les élections. Les hauts fonctionnaires de la Commission européenne ont une telle crainte du résultat des futures élections qu'ils ont envie de définir avant celles-ci un cadre sur lequel il serait difficile de revenir. On comprend l'enjeu, mais on ne peut pas s'asseoir sur les choix souverains des peuples européens.
Enfin pour répondre à Éric Bocquet, les évolutions significatives du budget européen portent sur des masses budgétaires qui ne sont pas, elles, les plus significatives. En particulier, on observe une augmentation des crédits liés aux enjeux de sécurité, également une augmentation des crédits de l'aide au développement et des crédits alloués en faveur des réfugiés en Turquie ainsi qu'aux engagements humanitaires de l'Union en Syrie. Erasmus devrait bénéficier également d'une hausse de ces crédits.
Les négociations se font soit à Bruxelles, soit au niveau des ministères. Nous avons constaté un certain chevauchement des compétences dans les négociations. J'ignore si cela nuit à l'unité du discours tenu par la France ; les ministères et le Secrétariat général des affaires européennes nous ont assuré de la cohérence de l'ensemble.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 37 du projet de loi de finances pour 2019.
Je vous présente les crédits de la mission « Justice », qui regroupe les moyens de la justice judiciaire, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser l'envoi tardif de mon rapport : j'ai reçu hier après-midi des réponses au questionnaire budgétaire envoyé le 10 juillet dernier, malgré la date limite d'envoi des réponses fixée au 10 octobre par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). De nombreuses réponses demeurent manquantes, notamment le détail des principales économies et mesures nouvelles, alors même que le budget est construit sur ces documents ! J'espère recevoir rapidement ces réponses, afin d'enrichir mon rapport.
Avec un budget de plus de 9 milliards d'euros en 2019, le ministère de la justice bénéficierait de 332 millions d'euros supplémentaires par rapport à l'année précédente, soit une hausse de 3,8 % de ses moyens.
Hors compte d'affectation spéciale « Pensions », en 2019, les crédits augmentent de 4,5 %, soit 313 millions d'euros. Cette hausse respecte la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques ainsi que l'annuité prévue par l'article 1er du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, telle qu'adoptée par le Sénat hier.
Vous le savez, ce renforcement des moyens n'est pas nouveau et, même si la situation demeure fragile, les choses semblent commencer à s'améliorer, notamment dans les juridictions. En effet, les recrutements de magistrats, de greffiers ou de juristes assistants ont permis d'améliorer le fonctionnement des juridictions et, d'après les informations que nous avons pu recueillir, les crédits supplémentaires votés chaque année commencent à produire leurs effets sur le terrain. Cette situation demeure néanmoins fragile, comme le montre l'exemple du tribunal de grande instance de Bobigny, qui rencontre de grandes difficultés à recruter des greffiers : alors que les magistrats souhaiteraient augmenter le nombre d'audiences hebdomadaires, le manque de greffiers les en empêche. Cette situation est toutefois spécifique à la région Île-de-France.
En revanche, la surpopulation carcérale et l'état de certaines de nos prisons, pourtant connus de longue date, auraient justifié que le Gouvernement agisse plus vite pour concrétiser le programme immobilier pénitentiaire initié par le précédent ministre de la justice. En effet, au lieu de construire 15 000 places de prison sur le quinquennat comme le prévoyait le candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron, le Gouvernement propose la création de 7 000 places d'ici à la fin du quinquennat et le lancement de la construction de 8 000 autres d'ici à 2022. Ce report est regrettable, car il y a urgence.
La masse salariale représente plus de 60 % des dépenses du ministère de la justice, d'où une certaine rigidité du budget. Ainsi, un tiers des moyens supplémentaires prévus en 2019, soit 112 millions d'euros, correspond à une augmentation des dépenses de personnel.
En effet, il est prévu de créer 1 300 emplois supplémentaires en 2019, dont 524 postes de surveillant pénitentiaire, notamment pour réduire le nombre de postes vacants.
Hors dépenses de personnel, l'augmentation des dépenses du ministère de la justice s'explique principalement par plusieurs éléments : les moyens complémentaires dont bénéficie l'administration pénitentiaire au titre de la prévention de la récidive et de la réinsertion des personnes placées sous main de justice ; la nécessité de mettre à niveau l'informatique du ministère ; la progression continue des dépenses d'aide juridictionnelle, notamment à la suite de l'élargissement de l'accès à celle-ci ; le dynamisme des frais de justice et la nécessité de rebudgéter cette dépense qui génère chaque année d'importantes charges à payer.
Enfin, s'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), 4,7 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la création de cinq centres éducatifs fermés (CEF) - le Gouvernement envisageant d'en créer 20 sur la mandature. Ces structures d'hébergement constituent une alternative à l'incarcération pour des mineurs multirécidivistes, multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité.
En raison de l'encadrement nécessaire pour la prise en charge des jeunes placés en CEF, le prix de journée de ces établissements - 672 euros prévus en 2019 - est significativement supérieur à celui des autres structures d'accueil des jeunes pris en charge par la PJJ.
J'ai interrogé la direction de la PJJ sur l'efficacité d'un dispositif aussi coûteux : il m'a été répondu qu'elle procédait à des études internes ponctuelles, dans l'attente d'un système d'information plus performant permettant d'estimer réellement l'efficacité de ces établissements.
La mission commune d'information du Sénat relative à la réinsertion des mineurs enfermés concluait « qu'une cible de 60 CEF en activité, soit 8 CEF supplémentaires [...] pourrait être suffisante pour répondre aux besoins ». C'est pourquoi je ne m'opposerai pas à cette enveloppe supplémentaire pour créer 5 nouveaux CEF ; en revanche, je plaide pour une mise en place urgente d'un dispositif robuste d'évaluation de ces structures - et plus généralement de l'ensemble des actions de la PJJ, qui souffrent notamment d'un manque d'études statistiques et de cohorte.
Voilà les principales remarques que je souhaitais faire sur ce projet de budget. Les crédits augmentent conformément à la trajectoire que le Sénat a adoptée la semaine dernière. Certaines réformes ne vont pas assez vite ou pas assez loin, comme l'a regretté la commission des lois à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, mais la direction est la bonne. Créer davantage de postes me paraît difficile, car le ministère ne serait pas en capacité d'absorber davantage de recrutements et de formations ; dépenser plus me paraît également peu réaliste, voire non raisonnable. On ne construit pas une prison, un CEF ou un tribunal en un jour. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice ».
Comme chaque année, je vais évoquer la situation du tribunal de Bobigny. Des postes ont été créés, par exemple 6 postes de greffier. Mais il reste 14 postes vacants. Malgré ces efforts budgétaires, la situation ne s'améliore pas.
Pour ce type d'emploi, existe-t-il les mêmes dispositifs incitatifs mis en place dans l'éducation nationale - prime, bonification, avancement - ? Car ce tribunal n'est pas très attractif. S'agissant des locaux, tout le monde convient qu'il faudrait construire un nouveau bâtiment. Jusqu'en 1987, soit 20 ans après la création du département de la Seine-Saint-Denis, le tribunal était installé dans des préfabriqués. Le jour de son ouverture, il était déjà considéré comme étant trop petit.
La garde des sceaux et le Gouvernement ont fait des commentaires très négatifs sur la réforme mise en oeuvre par Mme Dati pour regrouper certains tribunaux et en fermer d'autres. On a cru comprendre que Mme Belloubet envisageait de revoir la carte judiciaire et de rouvrir un certain nombre de structures. Avez-vous des informations ?
Votre rapport montre qu'on observe une certaine continuité dans la progression des dépenses, même si celle-ci est insuffisante. C'est une nécessité pour accroître les moyens humains et matériels.
S'agissant de la rénovation des prisons, les moyens seront-ils suffisants, sachant que pour la seule prison de Fresnes, les coûts sont estimés à 270 millions d'euros ? Comment sera financée la création de ces 7 000 places ? La Cour des comptes a critiqué les partenariats public-privé. Dans son rapport, elle indique que 14 établissements ont été financés par ce biais, ce qui représente 25 % du total des crédits, étant entendu que cette part augmentera dans les prochaines années.
Mon collègue Claude Nougein et moi-même sommes rapporteurs des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et nous nous demandions si nous ne nous dirigions pas vers une privatisation des prisons. Ou alors faut-il envisager une société foncière publique, sur le modèle de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), qui a travaillé à la reprise d'anciennes prisons, notamment celle de Nantes ?
Enfin, 23 millions d'euros sont consacrés à la fusion des tribunaux de grande instance avec les tribunaux d'instance. A-t-on une idée de la manière dont ils seront utilisés ?
En tout cas, notre groupe votera les crédits de la mission « Justice ».
Ces derniers mois, on a assisté à des mouvements sociaux au sein de l'administration pénitentiaire pour faire part du mécontentement général des personnels. Leurs revendications portaient parfois sur de petits équipements ou des travaux peu importants.
Par ailleurs, le rapporteur spécial a raison de préciser qu'on ne construit pas un établissement pénitentiaire en quelques semaines. Mais a-t-on une idée du rythme de construction ?
Enfin, en tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je m'aperçois que les crédits consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes sont très faibles. Certains crédits de cette mission y sont-ils dévolus ?
Les Français ne connaissent pas les conditions de travail des magistrats et la manière dont est rendue la justice de notre pays. Par manque de greffiers, nombre de décisions pourraient être attaquées du jour au lendemain. Dans mon département, par exemple, nombre de décisions rendues par les juges aux affaires familiales sont nulles de fait puisqu'elles sont prises en l'absence d'un greffier. Il en est de même devant certaines chambres sociales, dont les décisions pourraient être déclarées nulles au moindre incident d'audience. Il faut donc sanctuariser et même augmenter les crédits de cette mission.
On observe une inégalité entre les territoires. Dans le ressort de la cour d'appel du Maine-et-Loire, on compte 7,6 magistrats pour 100 000 habitants, la moyenne nationale étant de 9,9, ce chiffre pouvant aller jusqu'à 14 dans certains départements du Sud.
Le projet de création de 7 000 places de prison d'ici à 2022 ne m'affole pas. Ce qu'il faut, c'est que l'État lance les constructions avant cette date.
Monsieur le rapporteur spécial, vous nous avez dit que la problématique des ressources humaines était particulièrement importante en Île-de-France. Le ministère de la justice vous a-t-il fait part de sa volonté de remédier au manque de greffiers ? Ces créations de postes sont inscrites au budget, mais les postes ne sont pas pourvus par la suite. Un certain nombre de ceux qui sont affectés en région parisienne rejoignent leur région d'origine, le cas échéant, dès qu'ils le peuvent ; mais si les postes étaient pourvus en province, alors ils resteraient plus longtemps en Île-de-France ! Ce qu'a dit notre collègue à l'instant s'applique aussi à l'Île-de-France.
Aujourd'hui, un certain nombre de maisons de la justice et du droit sont menacées de fermeture, faute de greffiers, alors qu'elles sont des postes avancés du ministère de la justice au sein des quartiers.
Enfin, la PJJ doit faire face à l'augmentation du nombre de mineurs non accompagnés délinquants. Ce phénomène se greffe sur la très forte augmentation du nombre des mineurs isolés étrangers dans notre pays. Or elle n'est pas en situation d'apporter des réponses, ce qui l'a conduite à se tourner vers les départements, dont ce n'est pas la compétence. Des crédits spécifiques sont-ils prévus ?
Il y a certes les crédits, mais il y a aussi leur ventilation. J'ai l'impression que les services judiciaires sont les parents pauvres de ce budget. Il faudrait procéder à des rattrapages salariaux et s'attaquer à la question de l'accès à la justice.
Les crédits consacrés à la PJJ sont d'un niveau indécent. On ne voit pas l'urgence de la situation.
Par ailleurs, quelle alternative à l'incarcération pour les courtes peines ? Je n'ai rien vu. Incarcérer certains individus pour une courte peine, c'est le meilleur moyen de les mettre dans le circuit des incivilités, de la délinquance, voire du grand banditisme.
Enfin, que dire de la création du tribunal criminel départemental ? La décentralisation du début des années 80 a été une avancée, mais il y a des limites à celle-ci. La justice est républicaine et ne doit pas être décentralisée.
Nous ne voterons pas les crédits de cette mission.
Je me réjouis des créations de postes dans l'administration pénitentiaire.
Même si des progrès ont été réalisés, par exemple avec la dématérialisation des extraits de casier judiciaire, j'ai le sentiment d'un certain archaïsme dans le domaine numérique. Par exemple, la photocopie des pièces d'un procès coûte très cher et prend beaucoup de temps. J'ai bien noté que des actions étaient mises en oeuvre dans ce domaine. Le rapporteur spécial a-t-il le sentiment qu'on va dans le bon sens et que les crédits permettront d'optimiser les moyens de la justice ? C'est à cette condition qu'on pourra conforter l'action des magistrats.
Les problèmes évoqués par certains collègues notamment au tribunal de Bobigny se posent dans des termes autrement plus « crispants » outre-mer. Je souhaiterais que le Sénat rende un rapport d'information sur l'état de la justice et de l'administration pénitentiaire dans les outre-mer.
Mme Belloubet a annoncé une programmation en septembre 2017 à hauteur de 245 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 10 millions d'euros pour d'autres projets. Je doute que cela soit suffisant pour rénover, étendre ou créer des prisons. Nous sommes confrontés à de vrais problèmes d'insécurité sans que des moyens soient mis en place. Et lorsqu'ils sont annoncés, ils ne sont jamais mis en oeuvre.
En Guadeloupe, la prison de Basse-Terre, ancien couvent-hôpital, que j'ai qualifiée de honte de la République, date de 1672. La capacité d'accueil du centre pénitentiaire de Baie-Mahault devrait être accrue de plus de 100 places. On parle de construire une troisième prison, mais je ne suis pas sûr que cette promesse sera tenue, faute de moyens.
Comment fixe-t-on les effectifs nécessaires ? Comment détermine-t-on les effectifs théoriques de chaque établissement ? Comment se fait le lien avec les effectifs budgétaires ?
Philippe Dallier m'avait alerté sur la situation du tribunal de Bobigny. Une solution temporaire a été trouvée pour le remisage des archives. Des mesures d'accompagnement social sont engagées en particulier pour faciliter le logement des fonctionnaires nommés en région francilienne. Il faut noter aussi que le turnover y est important, ainsi que l'absentéisme. S'agissant de la question des locaux, une extension du bâtiment est à l'étude.
La garde des sceaux est particulièrement sensible à la carte judiciaire, sujet qu'a évoqué Roger Karoutchi. La réforme Dati a certes été critiquée, mais, hormis le cas emblématique de Tulle, la carte judiciaire n'a depuis lors pas été modifiée. La méthode Belloubet consiste à ne fermer aucun site de justice ; en revanche, l'organisation interne peut évoluer suivant les situations. C'est du moins ce que dit le Gouvernement.
Thierry Carcenac demande comment seront financées les 7 000 places. Les partenariats public-privé ne sont plus à l'ordre du jour. Le dernier cas correspond à la rénovation de la prison de la Santé. Les programmes de construction seront donc financés sur crédits budgétaires. En 2017, de nombreuses autorisations d'engagement ont été ouvertes, notamment pour les acquisitions foncières. Les crédits de paiement devront suivre. Enfin, en 2019, plus de 100 millions d'euros sont prévus pour la rénovation des établissements pénitentiaires, mais la liste d'attente est longue.
Marc Laménie a rappelé les mouvements sociaux qui ont eu lieu en début d'année. Une réflexion est en cours sur les primes qui pourraient être allouées aux personnels pour les fidéliser sur certains établissements présentant des difficultés. Des organisations syndicales doutent cependant de leur efficacité. Et il ne faut pas oublier les difficultés de recrutement que rencontre l'administration pénitentiaire.
La mission « Justice » n'identifie pas de crédits spécifiques pour financer des actions destinées à lutter contre les violences faites aux femmes.
Pour répondre à notre collègue Emmanuel Capus, il faut en effet s'inscrire dans la durée et sanctuariser les crédits. C'est d'ailleurs la volonté du Gouvernement. De même, je suis d'accord avec lui : il faut réellement anticiper la construction de ces 7 000 places. Les précédents gardes des sceaux ont tous souffert de ce manque d'anticipation, faute de crédits réellement affectés, chacun annonçant la création de milliers de places sans que celles-ci soient réellement financées.
La situation de l'Île-de-France au regard du manque de greffiers qu'a évoquée Arnaud Bazin est effectivement particulière. J'avais moi-même eu l'occasion de souligner que lorsqu'il existe un déséquilibre trop important entre le nombre de magistrats et le nombre de greffiers, la justice ne suit pas. En 2018, le taux de vacance des greffiers en juridiction est de l'ordre de 9 %.
En ce qui concerne les mineurs non accompagnés, la PJJ n'intervient qu'au niveau pénal. Plus largement, cette question s'inscrit dans le cadre des relations entre l'État et les départements.
Pascal Savoldelli a regretté que les services judiciaires soient les parents pauvres de cette mission et fondé le refus de son groupe de voter ces crédits sur l'absence de moyens accordés à la PJJ. Sur la question de l'alternative aux courtes peines, je le renvoie vers les débats récents avec nos collègues de la commission des lois sur le projet de réforme. Enfin, les tribunaux criminels départementaux seront gérés par l'État.
La transformation numérique qu'a évoquée Michel Canévet pose notamment la question de la dématérialisation de la chaîne pénale. Depuis quelque temps, on assiste à une vraie prise en compte de ces aspects informatiques et numériques par le ministère. C'est une des clés pour redéployer des postes et permettre une meilleure accessibilité de la justice sur l'ensemble du territoire.
Je m'engage à publier dans mon rapport les informations dont je dispose sur la situation dans les outre-mer.
Enfin, concernant la remarque de Jérôme Bascher sur les effectifs théoriques et les effectifs réels, le logiciel « outilgreffe » doit aider à mieux calculer, en fonction de la taille de la juridiction, le nombre des emplois qui doivent y être affectés. Mais une fois déterminé, rien ne garantit que les postes soient effectivement pourvus.
Pour conclure, j'indique que nous avons visité le nouveau palais de justice de Paris. Sur place, on croit davantage à la justice du XXIe siècle.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Justice ».
La réunion est close à 11 h 50.