Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 3 décembre 2007 à 15h15
Loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen du premier budget pour l'outre-mer de la nouvelle législature reste un exercice paradoxal. De toute la République, les régions et collectivités d'outre-mer sont les seules pour lesquelles le Parlement discute des dépenses engagées, pour elles, par l'État. Mais il le fait à travers le budget du secrétariat d'État à l'outre-mer, qui ne représente qu'une partie de ces dépenses.

Par ailleurs, d'année en année, les périmètres de ce budget sont modifiés et des crédits sont transférés à d'autres ministères. Il est donc difficile de vérifier si les évolutions constatées répondent à la progression démographique, aux exigences sociales ou à l'évolution du coût de la vie.

Ce budget comporte deux principaux programmes : l'emploi et les conditions de vie.

Dans le premier programme, les dépenses liées aux exonérations de charges sociales, soit 867 millions d'euros, restent les plus importantes. Pourtant, les résultats de ce dispositif ne sont pas entièrement prouvés. Des réserves ont été émises dans le rapport d'étape de la commission d'évaluation de la loi programme pour l'outre-mer, dans l'avis du Conseil économique et social, ainsi que dans le rapport d'audit sur les exonérations de charges. Il est indiqué, dans l'un de ces documents, qu'il s'agit d'un « dispositif indifférencié de transfert de la métropole vers les DOM » plutôt qu'un « dispositif ciblé sur la création d'emplois ». Son amélioration appelle donc débat.

Je suis inquiète quant à la baisse des crédits destinés aux contrats aidés. Nous avons, certes, de bonnes performances économiques, mais notre progression démographique gomme en partie ces résultats en termes de création d'emplois. Notre taux de chômage reste le plus élevé de la République. La zone franche globale que vous proposez ne permettra pas de donner une activité ou du travail à tous. Elle ne répond pas à tous les besoins d'une société en mutation. Nous devons donc bâtir, en plus, une véritable économie de la solidarité.

La Réunion va expérimenter le contrat unique d'insertion. D'autres initiatives sont possibles, car des textes nous permettent, à titre expérimental, de déroger aux lois et aux règlements en vigueur. Innovons donc : cherchons les moyens les plus efficaces pour conduire le contrat aidé vers un emploi pérenne ; allons vers une professionnalisation des employés ; passons d'une logique de guichet à celle d'un choix partagé ; trouvons de nouveaux partenaires et d'autres sources de financement, comme l'épargne populaire.

Cela suppose que, de son côté, l'État fasse jouer davantage la solidarité nationale, en augmentant les crédits du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.

Je milite pour la transformation des emplois aidés en emplois durables dans deux secteurs, gros utilisateurs de main-d'oeuvre : les services de l'environnement et les services à la personne.

Selon vous, dans le programme « Conditions de vie outre-mer », les crédits du logement social augmentent. Cette évolution est contestée. Vous envisagez, dans le projet de loi de programme, la mise en place d'un dispositif de défiscalisation plus profitable au logement social. Mais le problème est si complexe que des moyens fiscaux supplémentaires et une ligne budgétaire plus ou moins bien dotée ne peuvent, à eux seuls, les résoudre.

Sur ce sujet, nous cultivons une particularité : à la Réunion, l'ensemble des partenaires partagent la même analyse et font les mêmes préconisations. Ils ont signé, en 2004, le Livre blanc sur le logement social. Au rang des signataires partenaires, il y a les collectivités territoriales, l'association des maires, les bailleurs sociaux et le représentant de l'État.

Une telle unanimité impose que l'on étudie les propositions faites et que l'on examine les voies et moyens pour les mettre en oeuvre. Depuis 2004, les gouvernements successifs ont refusé de le faire. Au nom de la rupture dont vous vous réclamez, allez-vous prendre en compte, monsieur le secrétaire d'État, cette contribution en élaborant, par exemple, une loi sur le logement spécifique aux DOM ?

Le Gouvernement veut une mise à plat des dispositifs de la continuité territoriale : passeport mobilité, dotation de continuité territoriale, congé bonifié, etc. Cette réforme va-t-elle marquer un retrait de l'État ? Nous le craignons. L'avion est le moyen qui nous permet d'exercer la liberté de circulation des hommes. La solidarité nationale doit nous aider.

Nous souhaitons être desservis par des Airbus A 380, car ils auraient l'avantage de faire baisser substantiellement les prix des billets d'avion. Allez-vous, monsieur le secrétaire d'État, nous soutenir dans cette démarche ?

Par ailleurs, je vous rappelle ici une question que j'ai posée en commission des affaires sociales : quand les chantiers que le chef de l'État propose pour l'outre-mer, chantiers qui vont de l'école au codéveloppement en passant par le dialogue social et l'amélioration des conditions carcérales, seront-ils donc ouverts ?

Je vous ai aussi interpellé par courrier sur le phénomène de la hausse des prix à la Réunion. Nous cumulons plusieurs handicaps. Nos prix sont plus élevés que ceux de la métropole, et ils le sont dans d'inquiétantes proportions. S'ajoutent à cela la hausse généralisée des prix des matières premières industrielles ou agricoles et leur raréfaction. Très dépendants de l'extérieur pour nos besoins essentiels, nous subissons en plus une hausse du coût du fret maritime, avec une augmentation de 40 % en un an, qui résulte de la hausse du prix des carburants mais surtout d'un manque de cargos, lesquels desservent de moins en moins notre zone.

Ce phénomène de hausse a et aura de nombreuses conséquences, notamment sur la politique que vous comptez mener. Il faut des solutions pour répondre à trois problèmes : la baisse du pouvoir d'achat, la pénurie de matières premières et la desserte maritime de l'île. Je compte sur une action forte du Gouvernement pour nous aider à y faire face.

Monsieur le secrétaire d'État, au-delà de votre budget, d'autres sujets nous préoccupent.

Dans le cadre des négociations sur les APE, la Commission de Bruxelles a signé un accord intermédiaire avec les pays du groupe ESA, ou Eastern and Southern Africa. Un accord définitif interviendrait fin 2008. Nous espérons que nos intérêts seront défendus.

La future départementalisation de Mayotte est désormais inscrite dans les faits. Cette évolution aura de nombreuses conséquences. Dans le seul domaine institutionnel par exemple, ira-t-on vers une région française de l'océan Indien comprenant les deux entités, c'est-à-dire la Réunion et Mayotte ?

La réforme de l'OCM sucre arrivera à échéance en 2014. Notre régime spécifique de l'octroi de mer sous sa forme actuelle prendra fin à la même époque.

Ce sont autant de rendez-vous à court et moyen termes qu'il faut préparer, et nous espérons que la discussion sur votre projet de loi de programme nous donnera l'occasion et le temps de le faire, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.

Dans un de ses discours lors de la campagne présidentielle, M. Nicolas Sarkozy saluait les apports significatifs de l'outre-mer à la France et à l'Union européenne.

En effet, nous rejoignant dans l'analyse, le futur chef de l'État notait que l'outre-mer permettait à la France d'être de « plein pied » dans le monde, d'être la quatrième puissance maritime avec une zone économique exclusive de 11 millions de kilomètres carrés et de bénéficier d'une vaste diversité culturelle. L'outre-mer, c'est aussi, reconnaissait M. Sarkozy, ces hommes et ces femmes qui se sont battus pour la France. C'est aujourd'hui Kourou. C'est une importante biodiversité. C'est une modernité sociale et c'est aussi la coexistence de grandes religions du monde.

« Il est temps de porter une autre image de l'outre-mer », déclarait M Sarkozy. Cela signifie sans doute que, pour mieux reconnaître notre rôle de « frontières actives » de la France et de l'Europe aux confins des continents, nous soyons considérés comme des partenaires. Cela signifie que la nation apprécie ce que nous lui apportons et qu'elle ne lésinera pas sur sa solidarité.

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