Intervention de Adrien Giraud

Réunion du 3 décembre 2007 à 15h15
Loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo de Adrien GiraudAdrien Giraud :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les Mahorais considèrent, à juste titre, que l'année 2008 représente une échéance essentielle pour leur avenir.

Elle devrait tout d'abord marquer le terme d'une attente longue d'un demi-siècle dans notre difficile cheminement vers la départementalisation de Mayotte, dont l'objectif avait été fixé et proclamé, dès 1958, au Congrès de Tsoundzou, par l'écrasante majorité de la population mahoraise.

Par ailleurs, la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a prévu et décrit dans son article LO 6111-2, le dispositif qui permettra l'accession de Mayotte, « au régime de département et région d'outre-mer, défini à l'article 73 de la Constitution ».

C'est le conseil général de Mayotte qui est habilité à mettre en oeuvre ce dispositif en saisissant le Premier ministre, le président de l'Assemblée Nationale et le président du Sénat par voie de résolution votée à la majorité absolue de ses membres et au scrutin public.

Les Mahorais se souviennent aussi que le Président de la République leur a adressé, pendant la campagne présidentielle, une lettre datée du 14 mars 2007 dans laquelle il s'est engagé, si le conseil général le lui demande « comme la loi l'y autorise, à partir de 2008 », à les consulter sur la départementalisation.

Le Président de la République a promis d'être fidèle à ses engagements ; nous sommes sûrs qu'il en sera ainsi pour Mayotte.

Enfin, dans la proposition de loi que j'ai déposée et qui a été enregistrée au Sénat sous le numéro 43, je propose de compléter le dispositif précité de l'article 6111-2, en prévoyant expressément la consultation de la population mahoraise sur l'accession au régime départemental. Il est important à nos yeux d'accentuer le caractère profondément démocratique du dispositif.

Une telle convergence des orientations et des dispositions vient opportunément renforcer notre espoir de voir cette collectivité départementale accéder enfin à un statut définitif au sein de la République française.

Sur cette base juridique sûre, dans ce cadre institutionnel stable, Mayotte trouvera les voies et les moyens d'une véritable politique de développement économique et social.

C'est à la lumière de ces différentes considérations, qu'apparaît toute l'importance de ce projet de loi de finances pour 2008, aujourd'hui soumis à l'examen et au vote de la Haute Assemblée.

Certes, le budget du secrétariat d'État chargé de l'outre-mer ne représente qu'une fraction, de l'ordre de 10 % à 11 %, du total des crédits publics destinés à l'outre-mer français.

Mais ce débat budgétaire au Parlement demeure l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation de nos collectivités et sur leurs projets.

C'est dans cet esprit que je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur nos priorités comme sur leur pertinence.

Ainsi, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les graves conséquences de l'immigration clandestine, d'origine comorienne pour l'essentiel, sur les équilibres de l'économie et de la société mahoraise. Cela est vrai du marché de l'emploi, de la modernisation de l'habitat, de l'aménagement du territoire ; mais les effets négatifs sont également sensibles dans les domaines de la sécurité et de la tranquillité des Mahorais. En effet, de plus en plus, les établissements d'enseignement ou de soins, ainsi que le système pénitentiaire sont soumis à d'intolérables pressions.

Les forces de la gendarmerie et de la police nationales sont actives, comme en témoignent les reconduites aux frontières, mais devant l'afflux des migrations irrégulières, il faut encore adapter les moyens humains et matériels aux responsabilités exercées. Il n'est pas douteux, à cet égard, que l'implantation d'un nouveau radar et le renforcement de la brigade nautique éviteraient les tragiques naufrages provoqués par des mouvements incontrôlés de populations.

La multiplication des contrôles d'identité dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 2006 commence à démontrer sur le terrain l'efficacité de ces nouvelles dispositions.

Plus fondamentalement, je demeure convaincu que c'est la relance de notre politique d'aide et de coopération avec les pays de l'environnement qui permettra d'endiguer l'afflux de cette émigration de la misère. Mayotte n'est nullement hostile à l'établissement de relations apaisées avec le voisinage dès lors que notre attachement à la souveraineté française sera respecté par tous. Cependant, nous ne sacrifierons pas cette intention notre volonté affirmée de rattraper nos retards de développement : c'est notre devoir vis-à-vis de la jeunesse mahoraise.

Monsieur le secrétaire d'État, c'est donc avec raison que le projet de loi de finances retient parmi ses objectifs le soutien de l'économie et de l'emploi outre-mer, car tel est l'objectif majeur de toute politique de développement.

Nous partageons également votre analyse sur les priorités de l'économie productive par rapport aux politiques d'assistance généralisée mis à part, bien entendu, l'organisation de solidarités actives au bénéfice des personnes âgées, des familles en difficulté et des enfants.

Cela dit, je souhaite, une fois encore, souligner l'ampleur des handicaps qui entravent nos progrès et qui appellent par conséquent de vigoureuses actions de rattrapage.

Or je constate avec regret que d'inquiétantes restrictions affectent, toutes missions confondues, le montant global des crédits de paiement qui sont destinés à Mayotte. Ils atteignaient effectivement 402 millions d'euros en 2007 alors qu'ils ne seront que de 397 millions en 2008.

Dans le même sens, les concours de l'Union européenne connaissent de lourdes disparités, toujours au détriment de Mayotte. Ainsi, la Guyane, dont le poids démographique est comparable au nôtre, a bénéficié de 388 millions d'euros de subventions entre 2000 et 2006, alors que Mayotte n'a reçu que 15 millions d'euros, soit 25 fois moins, entre 2004 et 2008.

Il est vrai que Mayotte est classée parmi les pays ACP, pays indépendants qui relèvent du Fonds européen de développement, et ne sont pas éligibles, comme le département d'outre-mer de Guyane, aux fonds structurels européens.

L'explication de cette sensible différence de traitement est simple, mais elle ne nous semble pas équitable pour autant. Ainsi, les deux collectivités de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, qui ne sont plus des départements d'outre-mer, ont néanmoins conservé leur statut de régions ultrapériphériques qui leur donne accès aux fonds structurels de l'Union européenne.

Comme nous, monsieur le secrétaire d'État, vous constaterez que le critère juridique n'est plus déterminant mais Mayotte persiste, néanmoins, dans sa demande d'accession au statut de département français d'outre-mer.

Nous continuerons d'invoquer la nécessité de résorber nos handicaps structurels pour obtenir l'inscription de Mayotte sur la liste des régions ultrapériphériques d'Europe.

Il est urgent de faire cesser ce fâcheux paradoxe qui conduit l'Europe communautaire à aider moins ceux qui en ont le plus besoin. Mayotte illustre cette situation paradoxale.

Permettez-moi enfin, monsieur le secrétaire d'État, de signaler une dernière anomalie qui pèse lourdement sur les finances de notre collectivité. L'application des dernières conventions liant Mayotte à l'État, notamment le contrat de plan et la convention de développement, a fait apparaître de lourdes dettes de l'État vis-à-vis de Mayotte au titre de la gestion des personnels : 64 millions d'euros au 30 juin et 70 millions d'euros au 31 octobre 2007.

Le conseil général de Mayotte est ainsi contraint à des avances de trésorerie, afin de couvrir les défaillances de l'État débiteur. Cette situation doit être rapidement redressée.

J'en viens, pour terminer, à une considération plus positive. Votre quatrième priorité, monsieur le secrétaire d'État, concerne l'égalité des chances pour les citoyens d'outre-mer.

Les Mahorais ont depuis longtemps compris les intérêts qui s'attachent à l'éducation de leurs enfants comme à la formation des jeunes.

Le Gouvernement a su répondre à ces appels en accentuant les efforts de création, de développement ou de modernisation des établissements et des équipements d'enseignement.

Il semble que, dans ces domaines, les retards se résorbent régulièrement et que les jeunes Mahorais démontrent, par leur application dans l'effort et par leurs résultats très encourageants, une volonté de progresser qui est de très bon augure pour l'avenir de Mayotte.

Enfin, je veux émettre deux souhaits.

Le premier concerne le budget de l'outre-mer, qui doit jouer un rôle d'entraînement et de coordination des dépenses inscrites dans les budgets des autres ministères et affectées aux collectivités d'outre-mer.

Je crains que ces fonctions ne soient rendues difficiles par la pratique fréquente des transferts de crédits du budget du ministère de l'outre-mer vers d'autres ministères, notamment ceux de l'éducation nationale, de l'intérieur et de la santé. On affaiblit ainsi les moyens et l'autorité de l'outre-mer, alors que ce ministère doit être renforcé dans son rôle de coordination et - disons-le - de rappel au service de l'outre-mer français.

Mon second souhait porte sur la loi de programme sur l'outre-mer, qui devrait être présentée l'an prochain au Parlement.

J'approuve tout à fait le principe qui consiste à multiplier ou à étendre les engagements contractuels de l'État vis-à-vis des collectivités territoriales, afin de soutenir le développement local, notamment dans le domaine des investissements lourds ou des équipements dits « structurants ». Encore faudrait-il que ces engagements soient tenus et que la parole donnée soit respectée.

Sur ce chapitre, Mayotte éprouve encore quelques vieilles méfiances. Monsieur le secrétaire d'État, je demande instamment au Gouvernement de les dissiper.

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