L'Oniam est un établissement public de l'État, chargé de larges missions sur les accidents médicaux. Je vous présenterai des éléments de bilan après les trois années que j'ai passées à la tête du conseil d'administration de cet organisme, période pendant laquelle de nouvelles missions importantes lui ont été confiées - je songe à l'indemnisation des victimes de la Dépakine - et où des contrôles sont intervenus qui ont eu de grands retentissements. Je vous dirai aussi comment je souhaite poursuivre le travail mené depuis trois ans.
Inspectrice générale des affaires sociales en détachement, j'ai eu un parcours professionnel atypique, dans des ONG, comme l'association Aides et la Ligue nationale contre le cancer. C'est ainsi que j'ai initié la démarche des états généraux des malades atteints de cancer, la réforme des politiques de lutte contre le cancer, ainsi que les plans successifs destinés à la traduire concrètement. J'ai mené des travaux sur la maltraitance dans les établissements de santé, sur la réforme de la loi de 2002 relative à la démocratie sanitaire ; j'ai rédigé un rapport à la demande de la ministre Marisol Touraine, Pour l'An II de la démocratie sanitaire. J'ai été nommée inspectrice générale à l'IGAS. Au sein de l'inspection générale, j'ai conduit des travaux sur l'autisme et l'évaluation des politiques publiques. J'ai été nommée en avril dernier déléguée interministérielle à la stratégie nationale autisme et troubles du neurodéveloppement. Je me suis donc attachée à des causes majeures de santé publique, et je souhaiterais poursuivre ma tâche au sein de l'Oniam.
Le dispositif d'indemnisation actuel est issu de la loi du 4 mars 2002, qui traitait pour la première fois de responsabilité et de gestion des défaillances professionnelles, de la prise en charge des victimes et de la couverture des risques. Une réparation amiable, gratuite, rapide et équitable a été instaurée, pour les accidents médicaux d'une certaine gravité, même dans le cadre de la responsabilité sans faute. Il s'agit de dommages particulièrement douloureux, des événements traumatiques. Tout le monde a besoin de comprendre ce qui s'est passé, victimes, personnel de santé, assurances, Oniam pour la solidarité nationale.
Quelques mots sur les faits marquants qui sont survenus durant mon mandat, de juin 2015 à juin 2018. Je me suis donné pour objectif de maintenir « l'attractivité » du dispositif Oniam, qui est en concurrence, si l'on peut dire, avec les procédures judiciaires. Pour réduire le différentiel d'indemnisation, j'ai obtenu une revalorisation du barème, au 1er janvier 2016. Le prix horaire d'assistance par une tierce personne a été porté de 9,70 euros à 13 euros. Les préjudices extrapatrimoniaux ont été revalorisés de 16 %. Au 1er janvier 2018, la table de capitalisation qui sert au calcul de l'indemnisation a été également revue à la hausse, et l'ajustement est à présent automatique sitôt publié le barème de la sécurité sociale. Enfin, en raison d'une évolution jurisprudentielle, nous avons été amenés à mieux indemniser les victimes indirectes d'infections nosocomiales.
La loi de finances pour 2017 a confié à l'Oniam une nouvelle mission concernant la Dépakine. Nous avons démarré en 2017 le travail de préfiguration. Aujourd'hui, le dispositif a commencé à fonctionner. Nous avions à l'origine peu d'indications sur le nombre de personnes qui pourraient être concernées. Une étude seulement, de l'épidémiologiste Catherine Hill, estimait entre 3 000 et 12 000 le nombre d'enfants ayant été exposés in utero au valproate de sodium. Depuis lors, l'Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM) et de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) ont établi que les enfants dont la mère avait pris de la Dépakine durant sa grossesse présentaient quatre à cinq fois plus de risques de troubles dans leur neurodéveloppement ; la CNAM a aussi pu estimer, à partir des données du système national d'information inter-régimes de l'assurance maladie (Sniiram), qu'ils seraient entre 16 000 et 30 000, nés entre 1967 et 2016, touchés par le valproate. L'étude n'a pris en compte que les cas les plus graves.
À ce jour, seulement 323 demandes de victimes directes et 764 demandes de victimes indirectes sont à l'instruction à l'Oniam. Par conséquent, l'activité devrait croître considérablement dans les années à venir, sauf si l'information ne passe pas correctement, et si tel est le cas, se pose alors un problème d'accès au droit. Le collège d'experts a examiné 70 dossiers, il a établi 33 rapports, dont 28 concluent à l'imputabilité. Le taux de réponse positive est donc très élevé. Quant à la phase d'indemnisation, elle démarrera lorsque nous recevrons les premières décisions d'indemnisation et de responsabilité (les professionnels de santé, le laboratoire pharmaceutique, l'État). Le dispositif est d'une extrême complexité, qui résulte également des situations particulières de ces personnes qui subissent des atteintes très lourdes et permanentes, dont la prise en charge est coûteuse et peu solvabilisée par la solidarité nationale et l'assurance maladie. Le directeur de l'Oniam a donc demandé aux services de l'État de procéder à une première évaluation et vous serez sans doute amenés - le plus tôt serait le mieux ! - à légiférer pour modifier la procédure, puisque l'imputabilité est quasi-automatique quand la mère a pris de la Dépakine.
L'Oniam est en charge de l'indemnisation des victimes atteintes de narcolepsie après une vaccination contre le virus H1N1. Le process était un peu rapide, il a été revu, et aujourd'hui une expertise médicale collégiale de très haut niveau est en place, pour étudier cette question médicale complexe.
Le rapport de la Cour des comptes, publié en février 2017, intervenait dans le cadre du contrôle quinquennal normal, pour les années 2011 à 2015. M. Leloup et moi n'étions pas en fonctions alors, mais nous avons à gérer quotidiennement les conséquences de ces graves défaillances de gestion et dysfonctionnements internes. La Cour a formulé des recommandations. Au vu de la gravité de la situation, nous avons demandé à être accompagnés par l'IGAS. D'anciens agents comptables ont été mis en débet pour des montants considérables, c'est un phénomène rare ; les suites juridictionnelles sont encore en cours devant le parquet national financier.
Le conseil d'administration et la nouvelle direction ont pris toutes les mesures qui s'imposaient, en collaboration étroite avec les services de l'État. Un plan de redressement de la gestion a été établi, et depuis 2017 nous menons un travail incessant, dont nous rendons compte régulièrement. Un changement complet de direction est intervenu en mars 2017, lorsque M. Leloup a pris ses fonctions. Si l'on considère la situation d'alors, il a accepté ce poste avec une belle abnégation !
Nous avons aussi demandé à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de nous aider à nous mettre en conformité avec les règles de la comptabilité publique. Comme la Cour des comptes le réclamait, un nouveau cadre pour le recouvrement de créances a été validé par Bercy, ce qui a suscité quelques réactions inquiètes parmi les compagnies d'assurance...
La période a été difficile aussi pour les agents de l'établissement. Les plafonds d'emploi sont très restrictifs, alors que nos besoins sont de plus en plus importants.
Dans cette phase de turbulences, nous étions inquiets pour l'attractivité de l'indemnisation Oniam. Pourtant notre activité a crû continument et les dépenses d'indemnisation ont atteint un niveau record : plus de 135 millions d'euros directement versés aux victimes. Même augmentation de l'activité dans les commissions de conciliation, qui ont reçu 46 000 demandes ; un tiers a reçu un avis positif d'indemnisation. Nous poursuivons l'indemnisation des victimes des contaminations transfusionnelles par le VIH. Celle des victimes du benfluorex (Mediator), également : le collège compétent a émis plus de 1 900 avis sur les demandes depuis l'origine et encore 1 000 en 2017. J'ajoute que l'an passé, 96 % des victimes d'accidents médicaux ont en 2017 accepté l'offre présentée par l'Oniam.
La divergence possible entre les avis des CCI et les décisions de l'Oniam doit-elle entraîner une révision législative ? C'est aux pouvoirs publics d'en juger. Nous avons mis en place des process visant à diminuer ces cas, en prévoyant notamment une procédure de recours - lorsqu'il y a divergence d'appréciation, le directeur de l'Oniam et le président de la CCI concernée en discutent ensemble.
L'activité, avec la montée en puissance des dossiers Dépakine, croît malgré la décélération sur le Mediator. L'activité sur les accidents médicaux ne cesse d'augmenter.
Si je suis confirmée dans mes fonctions pour un second mandat, je m'attacherai principalement à la construction d'un meilleur accompagnement des victimes tout au long de la procédure d'indemnisation. Cela passe par des outils techniques : nous travaillons sur un nouveau schéma directeur des systèmes d'indemnisation. Il est dommage qu'il ne soit pas intervenu plus tôt, pour améliorer l'information, l'accompagnement, la dématérialisation des démarches.
Ce sont des travaux de longue haleine. Il faut revoir certaines procédures qui jalonnent le parcours des victimes, repenser celui-ci en travaillant avec les pouvoirs publics, rapidement, afin de mettre un terme à des procédures inadaptées et coûteuses en ressources financières et humaines. Bref, il faut améliorer le service rendu. D'autant que le rapport de la Cour des comptes a ébranlé la confiance des tutelles et des partenaires.
Il aurait été plus simple pour moi de ne pas demander le renouvellement de mes fonctions... mais on ne quitte pas le navire par gros temps. C'est pourquoi je sollicite un deuxième mandat, pour travailler à un redressement que j'espère définitif.