Intervention de Frédérique Vidal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 octobre 2018 à 17:5
Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Le 30 octobre 2017, lors de la présentation du Plan Étudiants, nous nous étions engagés, le Premier ministre et moi-même, sur trois séries de mesures : la fin du tirage au sort, une procédure nationale de préinscription et d'orientation plus humaine, une baisse significative du coût de la rentrée pour les étudiants. Il est important de le rappeler, car Parcoursup a monopolisé l'attention au point de faire oublier que cette plateforme n'était qu'un outil au service de la démocratisation de l'enseignement supérieur.

Comme je l'avais déjà fait devant vous le 28 juin dernier, mesdames, messieurs les sénateurs, je réaffirme que les engagements du Gouvernement envers les lycéens et les étudiants seront tenus.

Supprimer le tirage au sort et redonner le dernier mot aux étudiants, c'est désormais chose faite, et personne n'envisage aujourd'hui de revenir en arrière. Admission post-bac permettait d'affecter le plus rapidement possible, en fonction des choix de la machine, un très grand nombre d'étudiants. Le système ne se préoccupait pas de savoir si les étudiants allaient ensuite réussir, abandonner ou échouer. Parcoursup permet au contraire aux étudiants de mûrir leur projet, de recevoir des réponses de toutes les formations qu'ils ont demandées et de faire ensuite un choix parmi les réponses positives qu'ils ont obtenues.

En offrant ce choix aux étudiants, on se donne, me semble-t-il, les moyens de lutter, dans la durée, contre l'orientation par défaut et la sélection par l'échec. Depuis quelques semaines, les présidents d'université, les professeurs et les proviseurs que je rencontre me confirment d'ailleurs que l'ambiance est différente.

D'un point de vue technique, Parcoursup a pleinement fonctionné : plus de 2,4 millions de propositions ont été faites, 730 000 jeunes - et 96 % des bacheliers généraux -en ayant reçu au moins une. En moyenne, les candidats ont reçu trois propositions, ce qui a permis à 583 000 jeunes de s'inscrire, soit 27 000 de plus qu'en 2017. Le nombre de candidats ayant accepté une proposition a également augmenté, signe de la pertinence d'un système qui a redonné la main aux étudiants.

Parcoursup a aussi permis de faire un premier pas significatif vers la démocratisation de l'enseignement supérieur, grâce au système de quotas que le législateur a introduits dans la loi. En cette rentrée 2018, le nombre des boursiers a augmenté de 21 % dans l'enseignement supérieur - et même de 28 % dans les classes préparatoires parisiennes -, les bacheliers professionnels de 23 % dans les filières de brevets de techniciens supérieurs (BTS) et les bacheliers technologiques de 19 % dans les filières de diplômes universitaires de technologie (DUT). Les propositions des établissements parisiens adressées aux lycéens de l'académie de Créteil ont par ailleurs augmenté de 65 %.

Notre deuxième engagement était d'accueillir de façon plus humaine les étudiants dans l'enseignement supérieur. Pour la première fois, un véritable pont s'est construit entre l'enseignement secondaire et le supérieur. Dans les lycées, les équipes se sont engagées sans compter pour accompagner les élèves. Quant aux établissements d'enseignement supérieur, ils ont profité de cette meilleure connaissance de leurs futurs étudiants pour concevoir des parcours mieux adaptés. Ce mouvement doit se poursuivre et s'accentuer.

L'accompagnement dans le premier cycle est lui aussi en pleine transformation. La procédure normale et la procédure complémentaire ont permis d'offrir 145 000 parcours personnalisés via la plateforme. Le cadre définissant la nouvelle licence, issu de la concertation conduite au printemps, a été publié le 7 août dernier et permettra de penser d'autres formes de parcours plus modulaires, adaptés à la diversité des étudiants. À l'université de Nanterre, 25 % des étudiants de première année bénéficient déjà de ces parcours d'accompagnement.

S'agissant du coût de la rentrée, les chiffres parlent d'eux-mêmes : la cotisation annuelle de sécurité sociale étudiante de 217 euros a été supprimée, les droits d'inscription ont baissé, le prix du ticket de restauration universitaire a été gelé. Au total, la rentrée 2018 coûte 100 millions d'euros de moins aux étudiants que la précédente. Nous avons par ailleurs tenu notre engagement sur le paiement des bourses à date, ce qui permet de donner de la visibilité à nombre d'entre eux.

Je souhaite qu'en 2019 nous puissions encore renforcer l'égalité entre les futurs étudiants. Si nous voulons restaurer une égalité réelle des chances et redonner aux études supérieures leur rôle émancipateur, nous devons garantir la confiance dans notre système d'enseignement supérieur.

Les légendes urbaines les plus extravagantes ont circulé à propos de Parcoursup - discrimination en fonction du genre, renforcement des inégalités sociales et territoriales... Tout cela est faux. La rumeur selon laquelle la plateforme empêcherait les candidats de quitter leur académie est également infondée. Nous avons au contraire souhaité garantir une possibilité de mobilité entre académies pour l'ensemble des formations, et le nombre de lycéens ayant accepté une proposition en dehors de leur académie a augmenté de 10 %, et même de 15 % pour les bacheliers technologiques et professionnels originaires de Seine-Saint-Denis.

Parcoursup n'est qu'un outil dont l'efficacité est prouvée, me semble-t-il, mais qui doit être amélioré année après année. Je travaillerai pour cela avec l'ensemble des acteurs concernés.

Je suis prête à étudier la question de l'anonymisation des dossiers analysés dans le cadre de la procédure nationale de préinscription, pour préserver le lien de confiance entre les jeunes et l'enseignement supérieur, même si les chiffres montrent que la discrimination dans l'accès à l'enseignement supérieur a diminué.

Il n'y aura pas de retour à la hiérarchisation des voeux. En revanche, le calendrier de Parcoursup est un point majeur d'amélioration, la durée de la procédure ayant entretenu un sentiment d'incertitude durant l'été. Nous savons désormais que 96 % des étudiants connaissaient leur affectation définitive fin juillet. L'an prochain, la première phase de la procédure s'achèvera donc au plus tard à cette date.

J'envisage d'afficher le rang du dernier candidat appelé l'année précédente, ce qui permettra aux étudiants sur liste d'attente d'apprécier leurs chances de rejoindre les formations sélectives, et d'améliorer les conditions d'affichage du taux de remplissage des formations, connu tardivement cette année.

Je souhaite aussi que les futurs étudiants disposant d'une vision très claire de leur orientation puissent, après les résultats du baccalauréat, définir par avance la réponse qu'ils apporteront aux différentes propositions qui leur seront adressées - un « répondeur automatique », en quelque sorte.

Au-delà de ces modifications techniques de la plateforme, je voudrais renforcer encore, en 2019, l'égalité entre les futurs étudiants.

L'information mise à disposition des candidats par la plateforme est tellement riche et détaillée qu'elle est parfois source de confusion. Restaurer l'égalité face à l'information, c'est donc introduire un peu plus de clarté dans une offre de formation qui ne cesse de s'étoffer. Je souhaite que nous engagions ce chantier dès cette année, afin que toutes les formations disposant d'une forme de reconnaissance par l'État puissent intégrer la plateforme en 2019, conformément aux dispositions de la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

Nous voulons aussi élargir le champ des possibles en restaurant l'égalité face à la mobilité, la plateforme ayant mis en lumière la puissance des déterminants sociaux et territoriaux - j'ai en tête l'exemple d'un bachelier bordelais qui, malgré une place en résidence universitaire et une aide à la mobilité, a renoncé à suivre la formation qu'il désirait à Pau.

La mobilité doit se préparer, s'anticiper. Nous voulons qu'elle devienne une possibilité pour tous et nous en ferons une priorité de l'année 2019, avec la création d'un fonds pour accompagner la mobilité étudiante et des actions concrètes menées avec les collectivités territoriales.

Pour garantir l'égalité d'accès aux filières professionnalisantes courtes, plébiscitées par les futurs étudiants, nous entendons généraliser l'expérimentation qui vise à favoriser, sur l'avis des conseils de classe, l'accès des bacheliers professionnels aux sections de techniciens supérieurs (STS), en intégrant au dispositif les classes passerelles, tremplins vers la réussite en BTS.

Nous voulons également travailler avec les universités et les acteurs socio-économiques à la création de nouvelles formations professionnalisantes courtes d'une durée comprise entre un et trois ans. J'ai réuni l'ensemble des acteurs concernés le 18 octobre dernier pour lancer ce chantier.

Je ne pourrai conclure cette intervention sans évoquer l'un des chantiers majeurs de cette année, la réforme des formations en santé, qui repose sur trois piliers : l'ancrage dans l'université, la modernisation des cursus et des pédagogies, une plus grande attention accordée au bien-être des étudiants.

Qu'il s'agisse de l'admission dans les instituts de formation aux soins infirmiers, de la suppression des examens classants nationaux, de la réforme du troisième cycle d'études médicales ou, tout dernièrement, de la suppression du numerus clausus, l'objectif est de créer des études de santé du XXIe siècle, libérées de traditions parfois pesantes. Un travail de concertation a été engagé à compter du 12 octobre dernier pour rédiger un projet de loi visant à supprimer le numerus clausus et à définir le nouveau cadre de formation des futurs médecins en premier cycle.

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