Intervention de Catherine Morin-Desailly

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 24 octobre 2018 à 9h30
Proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans — Audition conjointe

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly, rapporteure :

je souhaite remercier les intervenants de nous avoir éclairés de leur expertise. Le débat a été très stimulant et nos collègues ont posé de nombreuses questions. Je souhaiterais répondre aux interrogations de Jean-Pierre Leleux et Vivette Lopez sur la nécessité de légiférer, question à laquelle M. Serge Tisseron a répondu partiellement. Depuis que je suis parlementaire, je n'ai déposé qu'un nombre réduit de propositions de loi en m'assurant à chaque fois qu'elles étaient utiles afin d'éviter de participer à l'inflation législative. J'ai également déposé un certain nombre de propositions de résolution européenne et la remarque de Mme Demerlé me poussera peut-être à en déposer une supplémentaire. Aux termes des travaux que j'ai menés pendant un an, il m'est néanmoins paru nécessaire de légiférer car l'exposition aux écrans des jeunes enfants est devenue un problème de santé publique. J'ai été alertée par un grand nombre de professionnels - médecins, orthophonistes - qui accueillent dans leur cabinet des parents démunis devant le comportement de leur enfant. J'avoue qu'avant de mener à bien cette étude, je n'avais pas conscience de l'ampleur de ce phénomène. Sensibiliser les parents me paraît donc indispensable au moment où l'enfance est en danger et entre dans les compétences de notre commission qui est la commission de l'éducation, en plus de la commission de la culture et de la communication. David Assouline a insisté sur la nécessité de ne pas se focaliser uniquement sur les dangers du numérique. Les deux mesures contenues dans cette proposition de loi doivent être mises en regard des trente-quatre autres recommandations de mon rapport. Je rappelle d'ailleurs que ma première proposition vise à assurer la montée en compétence numérique de l'ensemble de la population. J'ai écrit au Premier ministre en lui suggérant de faire de cette montée en compétence la grande cause nationale de 2019 ou 2020. La révolution numérique est encore jeune - elle a débuté il y a quarante ans -, nous sommes confrontés à un flux continu d'innovations technologiques et à un monde d'hyperconsommation qui nous poussent à utiliser davantage les outils numériques sans pouvoir prendre la distance nécessaire. Nous manquons également d'études scientifiques sur le rôle et l'influence des outils numériques dans les apprentissages fondamentaux. C'est la raison pour laquelle je propose de développer la recherche, et notamment dans le domaine des sciences cognitives pour comprendre l'influence du numérique sur le cerveau humain. Nous ne sommes pas assez sensibilisés à l'économie de l'attention qui sous-tend le modèle d'internet. Au-delà de la proposition de loi que j'ai déposée, il y a l'impérieuse nécessité de « former les formateurs », sujet que j'ai évoqué avec le ministre de l'éducation nationale, et qui consiste à sensibiliser les parents, former les éducateurs, à la fois sur les risques et sur les bienfaits du numérique. Ainsi, je rappelle dans mon rapport l'intérêt du numérique pour faciliter l'inclusion des enfants handicapés à l'école. La proposition de loi que nous allons examiner prochainement comporte deux dispositions :

- une campagne d'information lors de l'achat d'appareils ou jouets numériques. Cette campagne vise bien entendu les parents : ce ne sont pas les enfants de moins de trois ans qui vont lire les messages de santé publique ! Les parents sont donc responsabilisés mais j'entends les remarques visant à mieux faire apparaître la responsabilité des parents dans le dispositif ;

- des campagnes générales de sensibilisation : lorsque j'entends M. Tisseron expliquer que l'académie des sciences n'a pas réussi à convaincre les autorités sanitaires de notre pays d'en mener régulièrement, cela me paraît utile de le mettre dans la loi.

Cette proposition de loi apparaît donc comme une nécessité dans un monde qui se caractérise par une certaine ébriété technologique : il faut remettre un peu de verticalité dans ce monde horizontal dominé par la toile dans laquelle nous avons tendance à nous engluer. Certes, la loi ne peut pas tout décréter et ce sont les mentalités qui doivent évoluer. Mais cette proposition de loi peut être l'occasion d'une prise de conscience collective et permettre d'avancer utilement sur ce sujet.

Pour finir sur une note positive, je tiens à rappeler que les experts que j'avais entendus sur les troubles du comportement des enfants liés à une exposition précoce aux écrans insistaient sur le caractère réversible de ce phénomène.

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