Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de budget de la mission « Outre-mer » appelle de ma part trois observations liminaires.
D'abord, d'un point de vue formel, les crédits consacrés à l'outre-mer mériteraient une présentation plus lisible. Le secrétariat d'État à l'outre-mer étant le seul à avoir un périmètre géographique, nous aurions souhaité une présentation des crédits non pas par actions, mais par territoires, ce qui aurait démontré la capacité du Gouvernement à conjuguer unité et diversité. À cet égard, le transfert des crédits consacrés aux emplois aidés de la mission « Outre-mer » vers la mission « Travail et emploi » accentue encore, me semble-t-il, le manque de lisibilité qui caractérise l'intervention budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins.
Ensuite, et je le souligne sans intention polémique ou volonté de susciter une querelle de chiffres, à périmètre constant, les crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 1, 73 milliard d'euro pour l'année 2008, contre 1, 95 milliard d'euros en 2007, sont en baisse significative.
Enfin, monsieur le secrétaire d'État, le présent projet de budget me semble insuffisant pour tourner l'outre-mer vers l'avenir et vers un développement économique pérenne comme vous vous y êtes engagé. En Guadeloupe, un tel objectif nécessiterait une politique volontariste de rattrapage des retards structurels qui minent le département.
J'en viens plus précisément aux différentes actions de la mission « Outre-mer ».
En matière de logement social, des efforts sont peut-être réalisés, mais nous militons depuis 2004 pour obtenir une programmation pluriannuelle de la ligne budgétaire unique.
Alors qu'il faudrait créer entre 4 000 et 5 000 logements par an sur cinq ans pour satisfaire les 26 000 demandeurs de la Guadeloupe, l'augmentation des crédits de l'action « Logement », qui n'est que de 25 millions d'euros, permettra à peine de dépasser les 1 300 à 1 400 logements livrés dans notre île.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'État, au-delà des crédits, c'est également la réforme du mode de financement du logement social qu'il faut envisager.
En Guadeloupe, les bailleurs sociaux ne peuvent plus équilibrer leurs opérations de logement social. Ils ont donc cessé toute production nouvelle. En effet, de l'avis unanime, la défiscalisation ne permettra pas, à elle seule, de susciter une production capable de répondre à la demande sans une intervention particulière de l'État.
En dépit du changement de structure budgétaire que j'ai évoqué plus haut, la mission « Outre-mer » conserve un programme « Emploi outre-mer ».
Nous le savons, la situation du marché de l'emploi demeure particulièrement préoccupante.
En Guadeloupe, le taux de chômage est encore de 27 %, contre 8 % en métropole. Pour y faire face, l'action de l'État et des collectivités territoriales doit permettre de créer les conditions du développement des secteurs porteurs d'emplois, en particulier le tourisme, et de favoriser le dynamisme des très petites entreprises, qui constituent 95 % du tissu économique de l'île. Ce secteur devrait, je le crois, bénéficier des exonérations de la zone franche globale d'activité.
Tant que les conditions de la croissance ne seront pas réunies, les emplois aidés demeureront nécessaires pour notre économie, car le taux de chômage révèle l'impossibilité pour le secteur marchand d'absorber une population active à un niveau proche du plein-emploi.
La conséquence de cette situation est l'augmentation du nombre des bénéficiaires du RMI, laissant en 2007 à la charge du département un solde non compensé de 26, 3 millions d'euros, contre 7, 5 millions d'euros en 2004. Cela crée d'importantes difficultés, en particulier pour le conseil général - je pense qu'il en est de même en Martinique -, et appelle une refonte de la base de calcul de cette compensation.
J'aborderai maintenant la politique conduite en faveur de la continuité territoriale et du passeport mobilité, dispositifs qui constituent également, selon nous, des solutions pour combattre le chômage.
Je le crains, la coupe claire opérée dans les autorisations d'engagement du volet mobilité du projet initiative jeunes, le PIJ, annonce la disparition pure et simple d'une mesure qui permet pourtant d'encourager la formation des jeunes et dont nous sommes nombreux à souhaiter le maintien, voire le renforcement. Combinée à la stagnation des crédits, déjà insuffisants, de l'action « Continuité territoriale », cette diminution a de quoi inquiéter.
Pourtant, la nomination de M. Patrick Karam au poste de délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer semblait annoncer une prise de conscience de l'importance de la continuité territoriale. Cet enjeu capital concerne aussi bien les personnes que les marchandises, donc le pouvoir d'achat, car les coûts d'acheminement expliquent largement la cherté de la vie en Guadeloupe.
Monsieur le secrétaire d'État, plusieurs défis fondamentaux pour l'avenir de la Guadeloupe commandent un véritable plan interministériel s'apparentant à un FIDOM réactivé.
D'abord, nous pensons à la mise en oeuvre des préconisations du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, qui constitue un enjeu économique et écologique majeur nécessitant le concours de l'État aux côtés des cofinancements de l'Europe et des collectivités locales, et ce pour un montant global estimé sur la période à 300 millions d'euros en investissements et à 70 millions d'euros en fonctionnement. Nous voulons savoir quelle sera votre participation pour accompagner ce plan nécessaire au développement de notre pays.
Dans le même ordre d'idée, une place particulière doit être réservée à la mise aux normes des équipements collectifs structurants. Le conseil général de la Guadeloupe n'a eu de cesse de solliciter l'accompagnement financier de l'État, plus particulièrement pour les transports routiers collectifs, les barrages pour l'eau agricole et l'eau potable, les hôpitaux, les établissements d'accueil des personnes âgées.
Sur ce dernier point, le séisme qui a secoué la Guadeloupe le 29 novembre dernier confirme, s'il en était besoin, l'urgence de la mise aux normes antisismiques des établissements publics, notamment des établissements scolaires, en particulier des écoles primaires.
Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous relevez du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, permettez-moi de saisir l'occasion de ce débat pour attirer votre attention sur la question de la sécurité des personnes en Guadeloupe.
Le Président de la République a présenté ses objectifs en termes de baisse de la délinquance. Je souhaite que les moyens déjà déployés en Guadeloupe soient renforcés, en particulier pour lutter contre la délinquance chez les jeunes, qui est en augmentation de 8 %.
J'évoquerai également les conséquences néfastes de la médiatisation dont la Guadeloupe a fait l'objet après la publication du rapport rédigé par le professeur Belpomme sur la pollution des sols aux organochlorés.
De l'avis des spécialistes, et au-delà du caractère controversé des conclusions du rapport, les conséquences de cette pollution requièrent un plan d'urgence en trois points. En effet, il faudra établir un diagnostic de l'étendue des zones polluées, décontaminer les sols concernés et indemniser les agriculteurs tout en songeant à leur reconversion.
Par ailleurs, et comme nombre de mes collègues, j'estime que la loi de programme pour l'outre-mer actuellement en préparation devrait s'inscrire non seulement dans la durée, mais également dans une perspective de clarification.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que les orientations proposées par les élus et les acteurs socioprofessionnels de la Guadeloupe soient, dans leur grande majorité, prises en compte. Nous avons travaillé sur ce sujet, dans le cadre qui nous était fixé, en abordant les grands enjeux de la Guadeloupe.
Surtout, la mise en place d'une zone franche globale d'activité doit être l'occasion de recenser les atouts et les besoins de la Guadeloupe, afin d'aboutir à un dispositif efficace.
Monsieur le secrétaire d'État, une autre politique, même limitée au seul logement, aurait été le signe fort d'une volonté de changement.
En l'état, mon vote sur le budget de la mission « Outre-mer » ne peut qu'être défavorable. Peut-être évoluera-t-il en fonction des réponses que vous voudrez bien m'apporter dans ce débat, monsieur le secrétaire d'État.