Vous évoquez un climat d'inquiétude. Je pense qu'il est aussi dû au fait que cette nouvelle gouvernance a permis à beaucoup d'acteurs de s'exprimer. C'était bien notre volonté lorsque nous avons lancé cette concertation de neuf mois. Tous les acteurs, qu'il s'agisse du CNOSF, des différentes fédérations ou des sportifs ont pu prendre la parole. Il me paraît aussi normal qu'au moment du vote du budget chacun s'exprime, quitte à ce que le message soit parfois un peu brouillé avec des pétitions, des tribunes dans la presse, etc. On ne savait d'ailleurs plus parfois très bien qui parlait et au nom de qui... L'enjeu est de changer notre mode de fonctionnement, de passer d'un modèle centré sur les fédérations vers un modèle où l'on met au coeur les sportifs et les entraîneurs pour la haute performance, d'un côté, et les pratiquants, de l'autre côté. C'est un vrai changement ! Cela suscite des inquiétudes, c'est normal.
S'agissant du budget, vous ne voulez pas vous lancer dans une bataille de chiffres, mais force est de constater que nous n'avons pas gagné cette bataille des chiffres dans les médias. Ceux-ci relaient davantage ceux qui parlent le plus, ceux dont les médailles sont récentes plutôt que ceux qui ont été médaillés dans les années 2000... En réalité, le budget n'a pas diminué ; 55 millions d'euros nouveaux ont été dégagés. Je pense honnêtement que nous avons les moyens de travailler correctement. Évidemment, j'aimerais disposer d'un budget trois fois supérieur pour le sport en France. Si nous étions une grande nation sportive depuis des années, cela se saurait. Hélas ! ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous voulons améliorer les choses en abordant la situation avec lucidité.
Ce budget s'élève à 465 millions d'euros, sans compter la Solideo. Pour plus de lisibilité et de clarté sur l'évolution des moyens d'intervention du ministère, nous souhaitons séparer les lignes budgétaires. Le budget de Solideo va nécessairement monter en puissance à un moment donné. Il ne doit pas masquer le reste du budget du ministère. La création de la nouvelle agence du sport va s'accompagner de l'arrivée de nouveaux moyens privés. Il conviendra de sécuriser tout cela. Nous sommes en train de réfléchir, dans le cadre de la planification trisannuelle qui interviendra l'année prochaine pour le budget des sports, aux moyens de bien séparer les choses et de donner une visibilité au budget du ministère.
Le budget de l'Insep augmente légèrement de 1,3 %, passant de 22,2 millions d'euros en 2018 à 22,5 millions d'euros. La rénovation des locaux est terminée. Le plafond d'emplois de l'établissement est stabilisé à 288 équivalents temps plein. Ces chiffres ne tiennent pas compte des transferts de compétences et des moyens humains et financiers de l'Insep vers l'agence nationale du sport en cours de création. L'Insep a su développer des ressources propres, à hauteur de 10 millions d'euros par an en moyenne depuis quatre ans. Celles-ci lui permettent de poursuivre la mise en oeuvre du plan pluriannuel d'investissement. L'Insep consacre ainsi chaque année 5 millions d'euros à l'entretien de ses équipements sportifs et à ses dépenses d'investissement. Les sportifs qui y sont accueillis n'ont donc pas de souci à se faire, ils continueront à l'être dans d'aussi bonnes conditions.
Nous réfléchissons à la manière d'assurer les meilleures concertation et coordination possibles entre les dirigeants de l'Insep et ceux de la future agence. Mais l'Insep ne fonctionne pas tout seul. Il faut prendre en compte le grand Insep, qui réunit des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps) ou des écoles de formation dans nos territoires. Il s'agit, en lien avec les autres ministères, d'assurer un mapping territorial équilibré en matière de formation et d'éducation. Il faut aussi que les sportifs qui s'engagent dans une carrière sportive puissent poursuivre en même temps les études pertinentes qu'ils souhaitent. Le ministère des sports a vocation à s'insérer dans ce mapping général, qui verra naître prochainement des campus scolaires, universitaires et sportifs.
Quatre jours après ma prise de fonctions, la crise concernant les CTS a éclaté et a cristallisé aussi beaucoup d'inquiétudes. Je rappelle qu'il ne s'agissait que d'un document de travail qui n'était pas destiné à la presse ni à être lu comme il l'a été. Aussitôt, j'ai rencontré le Premier ministre. Cette lettre de cadrage mentionne effectivement la suppression d'équivalents temps plein au sein des fédérations ; elle ne vise pas exclusivement les CTS, ne vise aucun corps, mais mentionne des missions qui doivent être revisitées dans la mesure où l'objectif est d'installer une nouvelle agence. Nous devons développer la transversalité, travailler avec tous les acteurs, pas uniquement les fédérations, mais aussi avec les têtes de réseau qui s'impliquent dans l'éducation par le sport ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Évidemment, tous nos agents, les CTS, les personnes présentes dans les directions régionales ou départementales, les conseillers d'animation sportive devront trouver leur place au sein de ce nouveau modèle et réorienter leurs missions. Nous sommes en discussion avec les fédérations. Les CTS ne sont pas toujours d'accord. Il s'agit de personnes très compétentes en matière de formation, d'encadrement, d'entraînement. Mais nous aurons à déterminer si ces compétences doivent relever de l'État ou des fédérations. Par exemple, le rôle de l'État est-il de contribuer à prendre en charge le salaire des entraîneurs des champions de haut niveau, qui ont des sponsors, des revenus variés, et pour qui, finalement, l'aide de l'État apparaît minime au regard de leurs autres sources de revenus ? N'est-ce pas plutôt aux fédérations - voire aux athlètes eux-mêmes, pour les plus fortunés - de le faire ? Certaines fédérations suivent ce mouvement. Ce n'est pas pour l'État une question budgétaire et financière. Il s'agit de garder le statut de fonctionnaire de ces personnels et de recentrer notre action sur les missions indispensables.
Il nous paraît essentiel de maintenir à la tête des fédérations les directeurs techniques nationaux (DTN) et les DTN adjoints, sous le même statut. C'est important pour des raisons d'éthique et de bonne application de la politique de l'État au sein du mouvement sportif.
Ces personnels ne perdront donc pas leur emploi et seront chargés des missions pour lesquelles ils se sentent les plus compétents. Nous réfléchissons aussi à une réaffectation de ces postes sur des missions qui nous paraissent pertinentes, en accord avec l'action de l'agence dans les territoires.
Par ailleurs, nous soumettrons au Parlement dans le courant de l'année prochaine un projet de loi qui modifiera, dans le sens d'une simplification, le code du sport, pour le mettre en conformité avec la réforme proposée.
Je conçois la nouvelle agence, initialement préconisée par le Comité d'action publique (CAP) 2022, comme un opérateur du ministère des sports. La concertation, qui a duré neuf mois, a été menée par ma directrice de cabinet Laurence Lefèvre, lorsqu'elle était directrice des sports, car elle était convaincue de l'utilité de ce changement de gouvernance et du rapprochement au plus près des territoires et des pratiquants. J'ai souhaité une continuité avec ce qui avait été entrepris.
L'agence absorbera les personnels du CNDS, qui apporteront leur expertise et nous feront un retour pertinent des bonnes pratiques associatives sur le terrain.
Nous avons aussi besoin de l'expertise de la direction des sports pour élargir notre champ de vision. Il y aura donc un travail collaboratif entre les personnels de l'agence chargés du développement des pratiques, les animateurs de terrain, les fédérations et les services du ministère, ainsi que des missions interfédérales transversales. Je compte enfin sur l'implication des parlementaires et, dans les régions, de nos inspecteurs de la jeunesse et des sports. Nous saurons ainsi quelles actions de terrain il est pertinent de financer et lesquelles sont les plus en phase avec nos axes stratégiques.