Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 24 octobre 2018 à 16h40

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mes chers collègues, je souhaite la bienvenue, en notre nom à tous, à la nouvelle ministre des sports, Mme Roxana Maracineanu.

Vous avez été une grande championne de natation, médaillée olympique à Sydney en 2000, ce qui vous prédispose à travailler sur l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Vous avez également travaillé dans de grands médias, pour Europe 1 et France Télévisions. Or notre commission est aussi compétente en matière de communication comme elle l'est en matière d'éducation. Vous ne serez donc pas surprise que notre intérêt pour le sport porte autant sur la pratique sportive que sur l'éducation physique, la diffusion des épreuves sportives, et bien sûr les équipements des collectivités territoriales.

Vous prenez vos fonctions à un moment tout à fait particulier puisqu'une réorganisation d'ampleur est en cours avec le projet de création d'une agence nationale du sport. Par ailleurs, les annonces budgétaires ont suscité des craintes importantes quant à l'avenir du sport, notamment dans les territoires carencés.

Je vous proposerai, dans un propos liminaire, de présenter les grandes lignes de votre budget, compte tenu des modifications apportées à l'Assemblée nationale lundi dernier, et cette réorganisation.

J'indique que le groupe d'études sur les pratiques sportives et grands événements sportifs, présidé par Michel Savin, est extrêmement actif.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre des sports

Merci de me recevoir ce jour pour échanger avec vous autour des questions budgétaires. Je détaillerai également devant vous ma vision en qualité de ministre des sports et aborderai les grandes lignes de la réforme que j'envisage de porter avec l'ensemble des acteurs.

En accord avec le Premier ministre, je m'appuierai notamment sur le rapport relatif à la gouvernance du sport qui m'a été remis mardi dernier. Celui-ci, établi après huit mois de concertation, comporte 57 mesures. Je souhaite enrichir ces propositions de mon expérience de sportive de haut niveau et d'éducatrice de natation, métier que j'ai pratiqué pendant dix ans au bénéfice de la petite enfance et, plus particulièrement des femmes, puisque j'ai créé, en 2010, une association s'adressant aux femmes venant d'accoucher ou ménopausées et aux enfants entre trois mois et six ans. Je souhaite également m'appuyer sur mon expérience de bénévole, puis de dirigeante d'association et d'élue à la région d'Île-de-France, où je me suis occupée du sport et de la formation.

Je mettrai aussi en avant ma qualité de mère de quatre enfants, âgés de 2 ans et demi à 12 ans, qui m'a permis de mesurer l'évolution de l'accueil au sein des associations sportives.

À court terme, l'un des outils majeurs de cette réforme sera la création, au cours du premier trimestre de 2019, de l'agence nationale du sport, qui sera chargée de la haute performance et du développement des pratiques. J'en ai esquissé les contours, le mode de fonctionnement et la structuration à l'Assemblée nationale, lors du débat budgétaire.

Il s'agit d'une réforme ambitieuse associant, aux côtés de l'État, l'ensemble des acteurs concernés par le sport.

D'abord, les acteurs incontournables que sont les collectivités territoriales - départements, régions, communes -, au regard de leur poids dans le financement du sport, et les acteurs des territoires - associations et parlementaires.

Les acteurs traditionnels du monde sportif ont été associés à cette concertation et auront un rôle prépondérant dans cette agence du sport, tant au niveau national, avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Comité paralympique et sportif français (CPSF), qu'au niveau local, avec les fédérations territoriales.

Le monde de l'entreprise est un nouvel entrant dans cette gouvernance du sport. Jusqu'à ce jour, il n'était présent que par le biais du sponsoring, alors qu'il s'impliquait dans le sport en mettant en place des actions de structuration et de développement des fédérations et des associations.

Bien évidemment, le Comité d'organisation des jeux Olympiques (COJO), qui porte aujourd'hui l'engouement suscité par les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, est lui aussi associé.

Cette réforme sera fidèle à mes expériences et aux deux grands objectifs que nous avons définis avec le Président de la République et le Premier ministre : réussir les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et accroître le nombre de pratiquants de trois millions.

La réussite des jeux Olympiques se mesurera d'abord au nombre de médailles. Ce sera la tâche des médias de dresser ce bilan. La mienne sera d'évaluer ce qu'on aura réellement mis en place autour de l'athlète et de son entraîneur, qui sont au coeur des préoccupations de la partie « haute performance » de cette agence, d'écouter leur projet, de les accompagner jusqu'à la médaille, mais aussi après.

Ma prédécesseure Laura Flessel s'était exprimée sur cet aspect « haute performance » de l'agence, préfiguré par Claude Onesta. Même si elle n'existe pas encore, son équipe est en cours de constitution et des contacts ont déjà été pris avec les différentes fédérations pour aborder cet aspect de son action.

À travers le message du Président de la République, j'entends qu'il faut aussi favoriser la réussite subjective de chaque personne qui aura tenté, grâce à nous, l'expérience du sport, cette expérience qui permet à l'individu de se connaître et souvent aussi d'être reconnu, cette expérience du lien qu'il va créer avec l'autre, son partenaire d'efforts, son partenaire de jeu, son entraîneur, son éducateur, cette relation qui nous permet aussi de trouver notre place.

Porter ce message de réussite, c'est aussi porter le message auprès de nos concitoyens du progrès sensible que chacun peut vivre dans sa chair grâce au sport, grâce au retour bienveillant d'un éducateur, d'un coach, d'un ami qui pratique avec vous et qui vous regarde vraiment. Dans ce monde où l'avis qualitatif sur ce que vous êtes et votre marge de progression finissent toujours par être exprimés plus ou moins en chiffres, ce regard et cette sensation du progrès sur soi-même sont plus que jamais importants pour les individus.

Le second objectif que le Président de la République nous propose, c'est de parvenir à trois millions de pratiquants supplémentaires. Je l'interprète comme une injonction à transformer le modèle en changeant de point de vue : passer du ministère de ceux qui font le sport à ceux qui font du sport ; mettre au centre de nos préoccupations communes non plus uniquement les acteurs du sport - les fédérations via les contrats d'objectifs nationaux et les associations fédérales via le Centre national pour le développement du sport (CNDS) -, mais aussi le pratiquant.

Nos préoccupations communes - ministère, fédérations, associations, territoires -, c'est de s'occuper davantage du pratiquant pour englober plus largement et coller à la réalité sportive d'aujourd'hui. Le sport est une politique publique. Celle-ci doit être tournée vers les citoyens, questionner le rapport de chacun au sport, et, plus que toute autre, se mettre au service des autres politiques publiques. Une politique sportive doit être évaluée en fonction de son impact sur la vie quotidienne des Français.

Il faut considérer le sport comme un bien commun, un bien social de notre pays, qui appartient à tous : État, collectivités, mouvement sportif, monde économique et pratiquants de tous âges et de toutes origines culturelles ou sociales.

On peut parvenir à trois millions de pratiquants supplémentaires en démocratisant les primoapprentissages, en donnant la clé aux familles, aux parents, aux grands-parents, aux professionnels en crèche, en maternelle et dans le primaire. C'est ce que j'avais proposé, dans le domaine de la natation, au Premier ministre en juillet dernier, mais bien d'autres activités peuvent être concernées. Il nous faut aller là où le « savoir flotter » est essentiel pour la sécurité des enfants, là où lancer un ballon a une place pour créer un groupe et socialiser le petit enfant, là aussi où apprendre ce qu'on fait avec un bâton dans la main conditionne sa relation à l'autre et à l'adulte.

J'en viens aux aspects budgétaires.

Le budget du ministère des sports pour 2019 est un moyen pour accompagner cette réforme. Ce budget est préservé par rapport à 2018 et comporte même des mesures nouvelles.

L'ensemble des financements apportés par l'État au titre des sports est évalué à 515 millions d'euros. La diminution de 2,4 % par rapport à 2018 - 12 millions d'euros - est principalement liée à un ajustement technique qui prend en compte une surévaluation, en 2018, des crédits destinés à la compensation des exonérations de charges sociales pour les arbitres et juges sportifs.

Par ailleurs, un exercice d'optimisation a été mené lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2019, afin notamment de dégager des moyens nouveaux en faveur de la future agence du sport, qui sera créée en 2019.

Ainsi, une enveloppe supplémentaire de plus de 40 millions d'euros est intégrée dans le budget qui vous est présenté.

Sur ces moyens nouveaux, 25 millions d'euros seront consacrés à la haute performance pour renforcer les moyens alloués aux fédérations et aux mouvements sportifs. Le budget de la haute performance progressera ainsi de 40 % par rapport à 2018 au bénéfice des athlètes, puisque l'agence, à cet égard, sera centrée non plus sur les différentes fédérations, mais bien sur le sportif et son entraîneur. Les 15 autres millions d'euros seront consacrés au développement des pratiques afin de réduire les inégalités d'accès à la pratique sportive, en particulier dans les territoires carencés. En outre, pour donner une nouvelle impulsion au financement du développement des pratiques, j'ai défendu, lundi soir, lors du débat à l'Assemblée nationale, un amendement augmentant de 15 millions d'euros le plafond de la taxe sur les droits de retransmission audiovisuelle des événements sportifs, dite « taxe Buffet ». Cet amendement a été adopté et permettra donc de porter à 55 millions d'euros les nouveaux crédits destinés à accompagner cette réforme et à financer la création de la future agence. Ces 15 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au développement des pratiques afin de financer des mesures concrètes en faveur de la lutte contre les inégalités d'accès à la pratique sportive ou encore le programme « savoir nager ».

Au total, le budget du sport pour 2019, hors crédits de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), sera donc supérieur de plus de 11 millions d'euros aux moyens d'intervention obtenus en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Madame la ministre, je voudrais commencer par vous souhaiter bonne chance, alors que vous prenez vos fonctions dans un moment très particulier, avec une actualité assez chargée : remaniement ministériel, présentation du budget, programme « Action publique 2022 », suppression annoncée de 1 600 postes de conseiller technique sportif (CTS), qui vient s'ajouter à une réduction drastique du nombre de contrats aidés, débat relatif au nouveau modèle de gouvernance du sport, etc.

Je n'entends pas me lancer dans une bataille de chiffres aujourd'hui. Les choses ont bougé depuis quelques heures. Le budget s'élève sans doute à 465,6 millions d'euros. Ne serait-il pas souhaitable tout d'abord, pour clarifier la présentation et éviter toute confusion, d'isoler le programme 350 concernant la Solideo ? Ce programme concerne la construction de l'héritage olympique. Celui-ci doit être achevé avant 2024. Comme d'autres, j'aurais souhaité une loi de programmation budgétaire concernant la préparation de ces jeux Olympiques. L'État va devoir trouver un milliard d'euros supplémentaires pour les équipements. Or il n'en prévoit que 65 millions en 2019.

J'ai aussi deux éléments d'inquiétude. N'est-il pas inquiétant de voir le budget de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) baisser ? L'Insep est un élément essentiel de la préparation olympique. Si le nombre de médailles aux JO de Tokyo en 2020 est trop bas, il sera difficile de remonter la pente en 2024.

Mon autre sujet d'inquiétude concerne les grands événements sportifs, hors JO, puisque les crédits passent de 20 à 4 millions d'euros. Vous avez confirmé les ambitions exprimées par Laura Flessel, aussi bien en ce qui concerne l'objectif de 80 médailles que celui de 3 millions de pratiquants supplémentaires.

Vous avez confirmé récemment dans la presse le principe du transfert de 1 600 postes de CTS soit aux collectivités territoriales, soit aux fédérations sportives. Comment cela va-t-il se passer ? Ces personnels ont le statut de la fonction publique d'État et ont une qualification très précise. La masse salariale concernée s'élève à environ 200 millions d'euros.

La réforme de la gouvernance du sport sera le grand chantier de l'année 2019. Il était temps en effet que le système français évolue : les collectivités territoriales montent en puissance ; nous sommes en retard en ce qui concerne le sport en entreprise, aussi bien pour le financement du sport par les entreprises que pour la pratique du sport dans les entreprises ; on assiste à une montée en puissance du sport business, etc. Il était nécessaire de donner davantage d'autonomie au mouvement sportif. La nouvelle agence nationale du sport va être mise en place. Mais quelles seront alors les compétences du ministère, au-delà de sa mission traditionnelle de contrôle ? Quelles seront les compétences du législateur après cette « révolution du modèle sportif français », selon l'expression de Denis Masseglia ?

Enfin, que pensez-vous de la réforme annoncée de la Coupe Davis, à laquelle les Français sont très attachés depuis l'époque des « Mousquetaires » ? On s'achemine vers une privatisation de cette compétition, ce qui suscite d'ailleurs quelques mouvements de contestation, y compris de la part des tennismen ou de la Fédération française de tennis.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Vous évoquez un climat d'inquiétude. Je pense qu'il est aussi dû au fait que cette nouvelle gouvernance a permis à beaucoup d'acteurs de s'exprimer. C'était bien notre volonté lorsque nous avons lancé cette concertation de neuf mois. Tous les acteurs, qu'il s'agisse du CNOSF, des différentes fédérations ou des sportifs ont pu prendre la parole. Il me paraît aussi normal qu'au moment du vote du budget chacun s'exprime, quitte à ce que le message soit parfois un peu brouillé avec des pétitions, des tribunes dans la presse, etc. On ne savait d'ailleurs plus parfois très bien qui parlait et au nom de qui... L'enjeu est de changer notre mode de fonctionnement, de passer d'un modèle centré sur les fédérations vers un modèle où l'on met au coeur les sportifs et les entraîneurs pour la haute performance, d'un côté, et les pratiquants, de l'autre côté. C'est un vrai changement ! Cela suscite des inquiétudes, c'est normal.

S'agissant du budget, vous ne voulez pas vous lancer dans une bataille de chiffres, mais force est de constater que nous n'avons pas gagné cette bataille des chiffres dans les médias. Ceux-ci relaient davantage ceux qui parlent le plus, ceux dont les médailles sont récentes plutôt que ceux qui ont été médaillés dans les années 2000... En réalité, le budget n'a pas diminué ; 55 millions d'euros nouveaux ont été dégagés. Je pense honnêtement que nous avons les moyens de travailler correctement. Évidemment, j'aimerais disposer d'un budget trois fois supérieur pour le sport en France. Si nous étions une grande nation sportive depuis des années, cela se saurait. Hélas ! ce n'est pas le cas aujourd'hui. Nous voulons améliorer les choses en abordant la situation avec lucidité.

Ce budget s'élève à 465 millions d'euros, sans compter la Solideo. Pour plus de lisibilité et de clarté sur l'évolution des moyens d'intervention du ministère, nous souhaitons séparer les lignes budgétaires. Le budget de Solideo va nécessairement monter en puissance à un moment donné. Il ne doit pas masquer le reste du budget du ministère. La création de la nouvelle agence du sport va s'accompagner de l'arrivée de nouveaux moyens privés. Il conviendra de sécuriser tout cela. Nous sommes en train de réfléchir, dans le cadre de la planification trisannuelle qui interviendra l'année prochaine pour le budget des sports, aux moyens de bien séparer les choses et de donner une visibilité au budget du ministère.

Le budget de l'Insep augmente légèrement de 1,3 %, passant de 22,2 millions d'euros en 2018 à 22,5 millions d'euros. La rénovation des locaux est terminée. Le plafond d'emplois de l'établissement est stabilisé à 288 équivalents temps plein. Ces chiffres ne tiennent pas compte des transferts de compétences et des moyens humains et financiers de l'Insep vers l'agence nationale du sport en cours de création. L'Insep a su développer des ressources propres, à hauteur de 10 millions d'euros par an en moyenne depuis quatre ans. Celles-ci lui permettent de poursuivre la mise en oeuvre du plan pluriannuel d'investissement. L'Insep consacre ainsi chaque année 5 millions d'euros à l'entretien de ses équipements sportifs et à ses dépenses d'investissement. Les sportifs qui y sont accueillis n'ont donc pas de souci à se faire, ils continueront à l'être dans d'aussi bonnes conditions.

Nous réfléchissons à la manière d'assurer les meilleures concertation et coordination possibles entre les dirigeants de l'Insep et ceux de la future agence. Mais l'Insep ne fonctionne pas tout seul. Il faut prendre en compte le grand Insep, qui réunit des centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps) ou des écoles de formation dans nos territoires. Il s'agit, en lien avec les autres ministères, d'assurer un mapping territorial équilibré en matière de formation et d'éducation. Il faut aussi que les sportifs qui s'engagent dans une carrière sportive puissent poursuivre en même temps les études pertinentes qu'ils souhaitent. Le ministère des sports a vocation à s'insérer dans ce mapping général, qui verra naître prochainement des campus scolaires, universitaires et sportifs.

Quatre jours après ma prise de fonctions, la crise concernant les CTS a éclaté et a cristallisé aussi beaucoup d'inquiétudes. Je rappelle qu'il ne s'agissait que d'un document de travail qui n'était pas destiné à la presse ni à être lu comme il l'a été. Aussitôt, j'ai rencontré le Premier ministre. Cette lettre de cadrage mentionne effectivement la suppression d'équivalents temps plein au sein des fédérations ; elle ne vise pas exclusivement les CTS, ne vise aucun corps, mais mentionne des missions qui doivent être revisitées dans la mesure où l'objectif est d'installer une nouvelle agence. Nous devons développer la transversalité, travailler avec tous les acteurs, pas uniquement les fédérations, mais aussi avec les têtes de réseau qui s'impliquent dans l'éducation par le sport ou dans les quartiers prioritaires de la ville. Évidemment, tous nos agents, les CTS, les personnes présentes dans les directions régionales ou départementales, les conseillers d'animation sportive devront trouver leur place au sein de ce nouveau modèle et réorienter leurs missions. Nous sommes en discussion avec les fédérations. Les CTS ne sont pas toujours d'accord. Il s'agit de personnes très compétentes en matière de formation, d'encadrement, d'entraînement. Mais nous aurons à déterminer si ces compétences doivent relever de l'État ou des fédérations. Par exemple, le rôle de l'État est-il de contribuer à prendre en charge le salaire des entraîneurs des champions de haut niveau, qui ont des sponsors, des revenus variés, et pour qui, finalement, l'aide de l'État apparaît minime au regard de leurs autres sources de revenus ? N'est-ce pas plutôt aux fédérations - voire aux athlètes eux-mêmes, pour les plus fortunés - de le faire ? Certaines fédérations suivent ce mouvement. Ce n'est pas pour l'État une question budgétaire et financière. Il s'agit de garder le statut de fonctionnaire de ces personnels et de recentrer notre action sur les missions indispensables.

Il nous paraît essentiel de maintenir à la tête des fédérations les directeurs techniques nationaux (DTN) et les DTN adjoints, sous le même statut. C'est important pour des raisons d'éthique et de bonne application de la politique de l'État au sein du mouvement sportif.

Ces personnels ne perdront donc pas leur emploi et seront chargés des missions pour lesquelles ils se sentent les plus compétents. Nous réfléchissons aussi à une réaffectation de ces postes sur des missions qui nous paraissent pertinentes, en accord avec l'action de l'agence dans les territoires.

Par ailleurs, nous soumettrons au Parlement dans le courant de l'année prochaine un projet de loi qui modifiera, dans le sens d'une simplification, le code du sport, pour le mettre en conformité avec la réforme proposée.

Je conçois la nouvelle agence, initialement préconisée par le Comité d'action publique (CAP) 2022, comme un opérateur du ministère des sports. La concertation, qui a duré neuf mois, a été menée par ma directrice de cabinet Laurence Lefèvre, lorsqu'elle était directrice des sports, car elle était convaincue de l'utilité de ce changement de gouvernance et du rapprochement au plus près des territoires et des pratiquants. J'ai souhaité une continuité avec ce qui avait été entrepris.

L'agence absorbera les personnels du CNDS, qui apporteront leur expertise et nous feront un retour pertinent des bonnes pratiques associatives sur le terrain.

Nous avons aussi besoin de l'expertise de la direction des sports pour élargir notre champ de vision. Il y aura donc un travail collaboratif entre les personnels de l'agence chargés du développement des pratiques, les animateurs de terrain, les fédérations et les services du ministère, ainsi que des missions interfédérales transversales. Je compte enfin sur l'implication des parlementaires et, dans les régions, de nos inspecteurs de la jeunesse et des sports. Nous saurons ainsi quelles actions de terrain il est pertinent de financer et lesquelles sont les plus en phase avec nos axes stratégiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

La nouvelle formule de la Coupe Davis sème le trouble. Va-t-on assister à un bouleversement, voire à une privatisation de cette compétition ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Ce changement a été décidé par la Fédération internationale de tennis à la suite d'un vote favorable - 71 % de voix pour - et la concertation a été menée démocratiquement. La compétition, dont la phase finale se déroulera sur une semaine, réunira 18 équipes nationales en clôture de la saison sur un terrain neutre. Certains acteurs concernés sont en effet inquiets, mais il nous est difficile d'interférer sur les décisions d'une organisation sportive internationale qui est autonome vis-à-vis de l'État et qui a ses propres enjeux d'attractivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Le 17 octobre dernier, la commission des finances du Sénat a adopté les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » - la première que nous ayons examinée -, tout en formulant une réserve.

J'avais en effet proposé un amendement d'appel, qui a été adopté, car nous avions constaté un écart de 20 millions d'euros sur la trajectoire 2018-2022. Prévoyant un mouvement de 20 millions d'euros du programme 350 relatif à la Solideo vers le programme 219, il répondait aux inquiétudes du monde sportif, partagées par la commission des finances, qui craignait que le sport de proximité ne finance les jeux Olympiques en 2019 et les années suivantes.

Vous nous dites que vous avez déposé la semaine dernière un amendement prévoyant un abondement de 15 millions d'euros, destiné aux actions de proximité, ce qui est rassurant pour le mouvement sportif. Nous retirerons donc notre amendement d'appel, car nous ne voulons pas nous lancer dans une bataille de chiffres.

La mise en place de l'agence nationale du sport suscite des inquiétudes importantes sur le plan budgétaire. Initialement prévue pour le 1er janvier 2019, elle aura plutôt lieu au cours du premier trimestre de 2019. Quels mécanismes budgétaires prévoyez-vous pour l'intégrer dans la loi de finances ? S'agira-t-il d'une subvention ?

Une autre inquiétude porte sur l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui nécessite un investissement important. Comment le financera-t-on ?

La commission des finances souhaite que la trajectoire de la Solideo soit soumise à des procédures de contrôle co-construites, car elle craint les dérapages liés aux jeux Olympiques. Il semble finalement que les crédits soient plutôt bien consommés. Après une première phase d'études, il y aura une montée en puissance en 2022 et 2023.

Même si le spectre du financement de l'Olympiade par le mouvement sportif n'a pas tout à fait disparu, notre commission a adopté les crédits proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Madame la ministre, soutiendrez-vous la création d'un nouveau laboratoire pour l'AFLD en cette veille des jeux Olympiques et paralympiques ?

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

L'AFLD devra se conformer à une longue liste de critères dans la perspective de l'accueil des jeux Olympiques à Paris. Il importe d'abord qu'elle déménage de Châtenay-Malabry, où elle occupe des bureaux au sein d'un Creps. Deux possibilités sont à l'étude pour son accueil, l'une à Évry, l'autre sur le plateau de Saclay. Dans un cas, l'État ferait des économies ; dans l'autre, plus coûteux, l'AFLD serait adossée à une cellule de recherche proche du campus universitaire de Saclay. Nous pourrions retenir cette dernière solution si l'agence décidait d'avoir une politique ambitieuse en termes d'éthique et de prévention contre le dopage. À cinq ans des jeux, ce serait un signal : nous voulons des médailles, certes, mais pas à tout prix.

Des audits sont en cours concernant le futur laboratoire. J'espère donc annoncer bientôt au Premier ministre la bonne nouvelle du renouveau de l'AFLD et de son retour dans les premiers rangs des classements internationaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Savin

La démarche du Sénat est constructive : nous connaissons les pressions exercées par Bercy mais nous souhaitons continuer à soutenir le sport.

Je suis de l'avis de Jean-Jacques Lozach : il faut une lisibilité des crédits destinés aux infrastructures des jeux Olympiques.

Le budget est préservé, dites-vous, madame la ministre. Or les crédits initiaux, qui avaient diminué de 30 millions d'euros, connaissent désormais une baisse de 12 millions à la suite de l'augmentation du plafond de la taxe Buffet décidée la semaine dernière à l'Assemblée nationale.

Nous nous engageons dans une bataille, non de chiffres, mais de moyens. Serez-vous prête à nous soutenir pour redonner à vos crédits leur niveau de 2017 ? On est loin d'une augmentation déraisonnable !

Comment sera financée l'agence nationale du sport ? De quelle façon atteindre les 350 millions d'euros annoncés et comment ces crédits seront-ils répartis ?

Selon le rapporteur du budget du sport à l'Assemblée nationale, le CNDS ne pourra pas engager d'argent en début d'année, car il va disparaître. L'agence ne commencera donc pas son activité avant le milieu de l'année prochaine et ne pourra pas monter les projets pour lesquels un financement a été demandé par les collectivités. Ces allégations sont inquiétantes ! Où est le soutien au sport pour tous et au sport de proximité ?

À la fin 2018, le CNDS aura une dette de 159 millions d'euros. Sera-t-elle reportée sur la future agence ?

Vous annoncez un plan national de lutte contre le dopage et une formation des professionnels intervenant auprès des sportifs. Quels moyens y seront affectés ? Il semblerait qu'on demande à l'AFLD d'assumer des missions nouvelles avec des moyens identiques.

Sur les primes versées aux médaillés olympiques, j'ai pris bonne note de l'amendement voté à l'Assemblée nationale, mais je regrette que la permanence de cette exonération n'ait pas été adoptée en séance publique. Vous voulez revaloriser ces primes, pourquoi pas ? Mais cette revalorisation sera-t-elle supérieure au montant de la fiscalité qui sera due ? Il ne faudrait pas pénaliser ces sportifs... Et pourquoi vouloir que ces montants soient différents selon la situation sociale des athlètes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Je m'associe aux voeux de bienvenue et aux félicitations de mes collègues. Je me réjouis que votre ministère bénéficie d'une rallonge budgétaire de 55 millions d'euros, mais est-ce suffisant au regard des inquiétudes du milieu sportif et des collectivités territoriales ? En cette période de préparation des jeux Olympiques de 2024, espérons que ce sentiment de découragement n'atteindra pas les sportifs.

Avant d'obtenir l'exemption fiscale des primes qu'ils ont perçues aux jeux Olympiques, les sportifs de haut niveau se sont engagés, souvent depuis l'enfance, dans la pratique intensive d'un sport jusqu'à devenir des athlètes d'élite. Comment comptez-vous soutenir le parcours des sportifs en devenir, afin qu'ils puissent pratiquer leur sport jusqu'à être médaillés et contribuer ainsi au rayonnement de la France ?

J'aimerais également aborder la situation alarmante des structures associatives, pourtant essentielles à l'équilibre du lien social et à la construction d'une grande nation sportive dans la perspective des jeux Olympiques. Prenons garde d'affaiblir le rôle sociétal que joue le sport en raison de ses fonctions éducatives et sociales. Des milliers de bénévoles s'investissent au quotidien dans cette mission. Comment comptez-vous oeuvrer en faveur du sport pour tous ?

Je terminerai par le « plan piscines ». Nous manquons, hélas, d'équipements, tandis que l'entretien des piscines existantes laisse à désirer. Des moyens financiers seront-ils affectés à cet objectif ? Un effort paraît également nécessaire en matière de formation, complexe, des maîtres-nageurs sauveteurs. Pensez que 5 000 postes ne sont pas pourvus, alors que la profession pourrait constituer un formidable vivier d'emplois !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Je vous félicite à mon tour pour votre parcours de femme, de sportive, d'élue et de mère. Votre prédécesseur Thierry Braillard avait énergiquement oeuvré en faveur de l'apprentissage de la natation, mais, sans piscine, l'objectif apparaît difficile à atteindre. Faudra-t-il ressortir les tabourets ? J'aimerais, lors d'une prochaine audition, vous entretenir de l'article 50 de la Charte olympique relatif à la laïcité.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Je me permets d'insister, monsieur Savin, sur le fait que le budget consacré au sport ne diminue pas. La différence de 40 millions d'euros constatée entre 2018 et 2019 correspond à des charges surévaluées par le ministère, crédits qu'il n'a, de ce fait, pas consommés. J'assume d'appartenir à un gouvernement qui présente un budget sincère avec des moyens d'intervention au plus près des besoins et qui considère le sport, au même titre que l'éducation et l'emploi, comme un outil interministériel. D'ailleurs, sur les 40 millions d'euros précités, 10 ont été conservés par le ministère des sports. Nous avons pu dégager 40 millions d'euros pour le financement de mesures nouvelles au bénéfice du sport de haut niveau comme du développement des pratiques, somme à laquelle s'ajoutent désormais 15 millions d'euros.

Il me semble effectivement inadmissible, monsieur Kern, de souffrir à la fois d'un taux de chômage élevé et d'un nombre important de postes non pourvus. Des piscines, notamment en Île-de-France, ne peuvent ouvrir, car la surveillance, faute de maîtres-nageurs et en raison de règles peut-être trop drastiques, ne peut être assurée. Je crois, pour ma part, à l'utilité de la mesure que je propose, et dont la mise en oeuvre débute, en faveur de l'apprentissage précoce - entre quatre et six ans - de la natation dans le cadre de l'école. Des maîtres-nageurs s'engagent dans les premières expérimentations.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Sans piscine, comme en Haute-Garonne, votre plan peinera à s'appliquer...

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Effectivement, des territoires manquent d'équipements. Nous envisageons d'y faire circuler des piscines itinérantes, des camions piscine. En lieu et place de courtes sessions de natation quelques jours dans l'année, je propose de mettre en place des classes piscine d'une ou deux semaines. Il ne s'agit pas d'apprendre à un jeune enfant les quatre nages, mais de lui permettre de traverser une piscine sans aide et en sécurité. Nous manquons effectivement de maîtres-nageurs, car les filières d'accès sont réduites et le métier dévalorisé. Pourtant, loin de rester sur une chaise pour surveiller une piscine, le maître-nageur sauveteur est un véritable éducateur sportif avec un rôle privilégié auprès des enfants et des familles. Je peux en témoigner.

Vous évoquiez, s'agissant du CNDS, la question du reste à payer, qui explique la différence entre le budget de 2017 et celui de cette année. Son montant de 165 millions d'euros sera intégré en fin d'année au budget rectificatif pour l'année 2017. L'agence sera chaque année abondée à cet effet dans le cadre du budget rectificatif. La part prévue pour 2019 s'élève à 42,8 millions d'euros. S'agissant du financement de l'agence, un amendement voté à l'Assemblée nationale lui affecte trois taxes pour un montant de 146 millions d'euros. Le reste de l'abondement proviendra du programme 119 à hauteur de 189 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter la subvention du CNOSF. L'agence bénéficiera au total de 350 millions d'euros. Le ministère des sports conservera, pour sa part, une enveloppe supérieure à 100 millions d'euros pour développer des dispositifs nouveaux. Nous espérons, en faisant entrer des partenaires privés dans l'agence, qu'ils pourront avoir un effet de levier sur les autres financements.

Je connais bien, vous l'imaginez, le sujet de la fiscalisation des primes pour les médaillés des jeux Olympiques. Lorsque j'étais nageuse, elles étaient défiscalisées depuis 1992. Depuis 2010, elles sont soumises à l'impôt, donc fiscalisées en cohérence avec le statut fiscal de leurs bénéficiaires. Une défiscalisation ponctuelle a néanmoins été accordée sous la précédente législature pour les athlètes des jeux de Rio, dont les athlètes des jeux d'hiver n'ont pas bénéficié. Il y a donc eu une volonté de la part des députés d'adopter une mesure identique à leur endroit. Je crois, pour ma part, que les athlètes doivent être responsabilisés comme n'importe quel citoyen qui, gagnant de l'argent, participe à la vie de la cité. Largement assistés au cours de leur carrière sportive, ils doivent ensuite s'intégrer dans la vraie vie. Ce peut être difficile, je vous l'assure ! D'ailleurs, Martin Fourcade et Marie Bochet ne portaient pas un message différent : ils ne réclamaient pas une défiscalisation des primes en tant que telle, mais une mesure d'équité entre athlètes.

Nous avons obtenu une défiscalisation exceptionnelle qui permet effectivement de rétablir l'équité entre les sports d'hiver et les sports d'été. La mesure me semble utile dans la perspective des jeux de 2024, qui mettront en avant ces derniers, mais il ne faut pas oublier que les sports d'hiver sont les plus gros pourvoyeurs de médailles pour la France. Je suis surtout satisfaite de la promesse d'une revalorisation des primes en 2019, qui n'avaient pas évolué depuis 2008. Elle ne dépendra pas, monsieur Savin, du niveau de revenu des athlètes, mais, de fait, les moins aisés, moins fiscalisés, en profiteront davantage. Nos sportifs, potentiels futurs médaillés, doivent être bien traités. Il existe un régime fiscal propre aux sportifs, qui prévoyait initialement un étalement de la fiscalisation des primes sur six ans. Depuis 2006, cette durée est limitée à quatre ans.

Les athlètes en lice pour les jeux de Paris seront reçus par la nouvelle agence qui aura en charge la haute performance afin de présenter leur projet sportif et de vie. Avec Claude Onesta, nous travaillerons sur l'accompagnement social, sur la préparation sportive et la reconversion. Il y a trop d'inégalités de traitement en la matière dans les fédérations. Selon Claude Onesta, un sportif ne peut s'entraîner correctement pour les jeux Olympiques s'il ne perçoit pas 3 000 euros par mois. L'entraînement demande du temps, de l'engagement et de l'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

J'ai découvert, dans votre présentation, la notion de réussite subjective. Je vous souhaite, pour ma part, une réussite objective à la tête de votre ministère. J'ai entendu votre optimisme et votre assurance concernant les problématiques budgétaires, mais je ne suis pas totalement convaincu par la rhétorique relative au transfert des CTS aux territoires tant transfert rime souvent avec désengagement de l'État. J'aimerais, comme Claude Kern, insister sur l'importance du tissu associatif sportif dans les banlieues comme dans les campagnes les plus reculées. Les petits clubs ont souffert de la suppression des contrats aidés autant que de la disparition de la réserve parlementaire. Certes, cette dernière a, en partie, été intégrée à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les parlementaires, qui connaissent très bien leur territoire, ont pu être associés à la redistribution de ces fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ce n'est pas le cas partout ! Dans ma région, nous n'avons pas même été consultés.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Paccaud

Je me trouve alors chanceux, car, dans l'Oise, quatre parlementaires siègent à la commission DETR et le préfet se montre attentif à nos observations. L'opacité paraît, en revanche, totale s'agissant de la ventilation du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), qui bénéficie également des crédits de l'ancienne réserve parlementaire. Il conviendrait, madame la ministre, d'associer davantage les parlementaires à cette instance. Il y va de la survie d'associations dont le rôle en matière de cohésion et de mixité sociales est essentiel. Leur disparition serait en outre dramatique pour le sport, car y débutent souvent les médaillés, défiscalisés ou non, de demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je suis, en tant que voisin, particulièrement attaché à l'Insep, où l'État a beaucoup investi, et à l'articulation de ses missions avec celles de la future agence en charge de la haute performance. Il me semble indispensable de conserver cet outil et de le maintenir dans ses objectifs. Vous souhaitez voir croître de trois millions le nombre d'adhérents à un club sportif d'ici à 2024. Cette ambition pose la question des équipements qui souvent, notamment en milieu urbain, se trouvent déjà saturés. Quelle incitation envisagez-vous pour engager les collectivités territoriales, maîtres d'ouvrage de la quasi-totalité des équipements sportifs, en faveur d'une augmentation des capacités d'accueil ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Je suis élue de l'Essonne et, à ce titre, ai été sollicitée sur le sujet de l'AFLD, dont le collège apparaît très largement favorable à une installation sur le plateau de Saclay. Je comprendrais la déception d'Évry si son projet n'était pas retenu, d'autant que je suis également membre du conseil administration du Genopole. Mais il est question d'un laboratoire avec des plateaux techniques de chimie et il se trouve que, sur le plateau de Saclay, le bâtiment envisagé jouxte la prochaine installation de l'université de pharmacie et un site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) avec lesquels l'agence travaille depuis longtemps. Par ailleurs, le cluster du sport annoncé à Évry n'existe que sur le papier. Je pense enfin que, symboliquement, installer l'AFLD dans le cluster ne donnerait pas à l'agence l'image d'indépendance qu'elle doit conserver au niveau international. J'aimerais enfin, madame la ministre, connaître votre opinion sur la demande de l'association nationale des élus en charge du sport relative au déplafonnement des taxes affectées au sport sur les jeux de la Française des Jeux, les paris en ligne et la fameuse « taxe Buffet » sur les droits de diffusion des manifestations sportives.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryvonne Blondin

Ma question concerne les quelque 200 médecins et infirmiers qui effectuent des prélèvements pour le compte de l'AFLD. Ils verront le coût de leurs prestations baisser de 25 % et s'inquiètent de ne plus pouvoir, dans ces conditions, poursuivre leurs prélèvements, qui doivent être réalisés dans des conditions particulièrement strictes et contraignantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Je m'associe aux compliments et aux félicitations qui vous ont été adressés par mes collègues. Je souhaite, pour ma part, revenir sur le CNDS s'agissant de la disparition des contrats aidés, du transfert de 1 600 CTS aux collectivités territoriales et, surtout, de ses sources de financement. Il bénéficie de trois sources essentielles de financement : 1,8 % des sommes issues de la Française des Jeux, 1,8 % des paris sportifs en ligne et 5 % des droits télévisuels. En 2006, ces sommes ont été plafonnées à respectivement 173 millions d'euros, 31 millions d'euros et 41 millions d'euros. Au lieu d'un déplafonnement partiel, pourquoi ne pas imaginer un déplafonnement total compte tenu des objectifs fixés ? Une telle mesure permettrait de dégager un budget de 400 millions d'euros. Elle semble en outre plus logique que la taxation des vêtements sportifs imaginée par un député... Avant l'agence du sport, nous avons connu l'Agence française de la biodiversité, imposante entité où il n'était pas possible de vérifier le fléchage des dépenses. Je partage enfin, madame la ministre, votre ambition du sport pour tous, notamment pour les femmes. Nous allons d'ailleurs travailler, au sein de la délégation aux droits des femmes, sur la coupe du monde féminine de football.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous vous remercions, madame la ministre, pour les précisions que vous nous avez apportées. Comme plusieurs collègues, je déplore la réduction des moyens dédiés aux associations sportives de nos territoires dans un contexte d'attrition des dotations aux collectivités territoriales. L'État nous impose un cadre très strict. Nous sommes pris en tenaille entre l'envie d'assumer la décentralisation et l'obligation de se plier aux contraintes budgétaires.

Debut de section - Permalien
Roxana Maracineanu, ministre

Si la réforme de la gouvernance a été engagée, c'est justement parce que, dans le sport plus que dans d'autres secteurs, tout le monde a envie de bien faire. Effectivement, ce n'était pas une compétence obligatoire des régions, des départements et des communes, mais tous ont envie de s'y investir en raison du rôle social du sport.

Cette réforme a pour objectif de rationaliser et d'optimiser les financements. Aujourd'hui, certaines associations postulent, pour financer un même projet, auprès du CNDS, auprès de la région, auprès du département et peut-être même auprès de l'État. D'autres associations, souvent celles qui n'ont pas de structure fédérale, iront plutôt voir les élus pour solliciter des financements prévus pour la vie associative et la jeunesse. Il n'y a pas vraiment de cohérence d'ensemble.

Ce qui est bon aujourd'hui pour le sport n'est pas ce qui était bon pour lui hier et ce qui sera bon pour lui demain. Je ne peux pas juste subventionner telle association parce qu'elle fait un bon travail. L'expérience du sport, pour un enfant comme pour un adulte, est très vertueuse ; elle permet de trouver des réponses à des questions personnelles et ce n'est pas à nous, aux régions, au CNDS de viser telle ou telle cible. Je veux encourager la pratique du sport en général.

Monsieur Lafon, le but est d'augmenter le nombre des pratiquants et non celui des adhérents. Comment une personne qui court seule le dimanche pourrait-elle entraîner un groupe d'amis à courir avec elle et s'inscrire éventuellement dans un cursus fédéral ? Le sport, c'est aussi un facteur de lien social.

Telle fédération peut compter 120 000 licenciés pour un sport regroupant trois millions de pratiquants qui ignorent tout de celle-ci. L'idée, avec cette agence du sport, c'est de former des parlements du sport, qui existent déjà dans certaines régions et qui fonctionnent bien, en y adossant la conférence des financeurs que mettra en place la loi, de manière à permettre à chaque acteur de trouver sa place.

Entre la disparition du CNDS et la mise en place de l'agence, il y aura une période de transition au cours de laquelle le modèle ne changera pas : les engagements pris par le CNDS seront honorés et cette transformation se fera je l'espère assez rapidement. Chacun doit trouver sa place, mais cette place ne sera pas la même selon les territoires. L'État se propose d'être ce coordinateur en essayant de donner une cohérence à l'investissement public des collectivités et de supprimer des doublons pour faire en sorte que le sport soit mieux financé.

S'agissant des missions de prévention attribuées à l'AFLD, celles-ci existent toujours au sein de la direction des sports. L'une et l'autre travailleront en collaboration sur ces missions de prévention, l'AFLD se consacrant au champ de la haute performance. Les missions plus générales de prévention continueront à être mises en oeuvre par les services de la direction des sports. Ce sera un travail commun.

Les préleveurs sont rémunérés par l'AFLD sur la base d'une grille tarifaire, laquelle évolue pour une plus grande professionnalisation en vue de la coupe du monde de rugby de 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Nous interviendrons en cas de tensions.

Le nombre des emplois aidés dans leur ancien format baisse. J'ai rencontré Mme Pénicaud pour lui demander que les parcours emploi compétences (PEC), qu'elle a mis en place, concernent également le sport. La cible initiale des emplois aidés au sein du mouvement sportif n'était pas celle qui était visée au départ par ce type de dispositif. Nous voyons une opportunité avec ces PEC de faire sortir les associations de la logique dans laquelle elles s'inscrivent aujourd'hui. Nous voulons leur faire comprendre qu'elles peuvent se professionnaliser. Nous allons encourager et valoriser les bénévoles dans leur implication auprès des jeunes, mais nous voulons profiter de ces PEC pour mettre en place de vrais développeurs au sein des associations. Ces personnes devront monter eux-mêmes en compétence et faire monter l'association en compétence.

En 2010, j'ai créé une association qui a vécu sans aucune subvention pendant cinq ans ; j'y ai travaillé bénévolement. Nous avons pu constituer un fonds de roulement qui nous a permis de dégager un mi-temps, puis un plein temps. Nous nous sommes adressés à des publics auxquels les associations ne s'adressent pas habituellement, en accueillant des personnes qui ne se destinent pas forcément à la compétition. À cet égard, je trouve qu'il est dommage qu'on ne puisse pas emmener des enfants dans une association sportive pour leur seul plaisir. En proposant uniquement des activités orientées vers la compétition, on occupe trop de créneaux au détriment d'autres personnes et on se prive de rentrées financières. Peut-être des parents souhaiteraient-ils inscrire leur enfant uniquement sur une période trimestrielle pour lui permettre d'exercer plusieurs sports, car parfois les cotisations annuelles atteignent des montants très élevés. Il faut parvenir à changer les modèles économiques pour accroître le nombre de pratiquants.

S'agissant des créneaux dans les installations sportives, en matière de financement, nous voulons encourager les projets collaboratifs entre associations sur des temps qu'elles n'investissent pas - par exemple le samedi et le dimanche, alors que c'est à ces moments que les familles peuvent venir pratiquer.

Pendant les vacances scolaires, par exemple, des éducateurs pourraient mutualiser leurs interventions pour contribuer à développer la pratique du sport chez les enfants. On pourrait en faire autant au profit des employés des entreprises pendant la pause de midi. Nous sommes aussi en relation avec des groupements d'employeurs, comme Profession Sport et Loisirs, pour faciliter la mise à disposition d'éducateurs auprès de plusieurs associations ou pour assurer des fonctions transverses nécessaires à la vie des associations, comme la comptabilité. L'idée est de mutualiser les efforts sur les territoires. Mais il est impossible de faire tout cela depuis le ministère, à Paris, car il faut discuter avec tous les partenaires pour identifier les besoins de chaque territoire. C'est pourquoi il est important d'être à l'écoute des pratiquants ou des collectivités territoriales.

Les parlementaires constituent à cet égard un relai formidable pour faire remonter la réalité du terrain, les initiatives innovantes et les besoins des territoires. Jusque-là, on ne disposait que des remontées des fédérations.

Nous voulons aussi élargir le spectre de nos financements et faciliter l'interaction des associations, des têtes de réseau, qui présentent souvent des projets bien construits. Lorsque je suis arrivée au ministère, j'avais une assez mauvaise impression des fédérations parce que je trouvais que la fédération française de natation ne s'investissait pas assez sur un dossier important, la sécurité des enfants dans l'eau. J'ai rencontré déjà une dizaine de fédérations et je constate qu'elles font beaucoup de choses dans le cadre des plans sportifs territoriaux. C'est cet exemple que nous voulons suivre, tout en associant davantage d'acteurs.

Lorsque l'on vient déposer un dossier de financement, il ne faut pas qu'il concerne uniquement son association, mais il faut qu'il s'inscrive dans un projet territorial, monté avec d'autres associations locales, pas uniquement sportives. Le sport doit aussi être un moyen de répondre aux attentes des familles et des utilisateurs. Il peut ainsi, par exemple, répondre aux besoins de mode de garde des parents, aux questionnements sur les temps de vie des enfants. Les parents ont souvent, en effet, à faire rentrer au forceps une activité sportive dans l'emploi du temps de l'enfant qui finit sa journée à 20 heures 30 et qui rentre trop fatigué pour aller dîner...

L'Insep sera associé à l'agence en charge de la haute performance. C'est un lieu de pratique pour les meilleurs sportifs, même s'il n'accueille pas toutes les disciplines. L'Insep mélange études et sport de manière très pertinente. Certaines de ses cellules, comme la cellule relations internationales, seront reprises par l'agence. Elles fonctionneront aux côtés d'autres initiatives, comme, par exemple, Science 2024, initiée par l'École polytechnique et qui réunit une quinzaine de grandes écoles avec comme objectif d'inciter les étudiants à travailler sur des projets de recherche suggérés par les fédérations, les sportifs et les entraîneurs. Alors que l'Insep propose essentiellement des équipements de biomécanique, nous voulons mettre aussi l'accent sur des matériels utilisés dans tous les sports - comme le canoë, l'aviron, le vélo, etc. -, et dans le sport paralympique pour adapter le matériel à la spécificité de chaque handicap.

S'agissant des taxes, M. Darmanin a répondu lundi soir. Effectivement les taxes, telles qu'elles avaient été conçues, ne sont pas intégralement affectées au sport. C'est un choix politique, car il s'agit de l'argent de tous les Français et cet argent doit servir à tous les Français. Si l'on déplafonnait toutes les taxes affectées au sport, on obtiendrait un produit de 365 millions d'euros au lieu de 146 millions d'euros. Mais si l'on donnait cet argent au ministère, tous les crédits ne pourraient être utilisés. Il s'agit de l'argent des Français, on ne peut pas faire n'importe quoi avec. L'argent doit financer des dispositifs ou des projets utiles à la nation. Il faut reconnaître que nous n'avons pas de dispositifs à proposer pour utiliser l'intégralité des 365 millions d'euros. Nous allons travailler dans ce sens, faire le plus de choses possible et puis l'on négociera sur cette base le prochain budget triennal.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Merci madame la ministre, pour cet échange nourri, franc et sincère. Si la question des taxes a été soulevée, c'est qu'elle est d'importance à l'heure où se prépare aussi le budget de la culture et du patrimoine, avec des débats autour de l'affectation du produit du Loto du patrimoine. La propension de l'État à créer des taxes et d'en détourner l'affectation au bout de quelques années est notoire. Ainsi, en 2009, nous avons créé la taxe sur les opérateurs de communications électroniques, dite « TOCE », pour financer l'audiovisuel public et compenser la suppression de la publicité après 20 heures. Or, aujourd'hui, le produit de cette taxe n'est plus du tout affecté à l'audiovisuel public ! C'est problématique, notamment en l'absence d'une réforme de la contribution à l'audiovisuel public. Une taxe peut-elle continuer à être prélevée sans être affectée à ce pour quoi elle a été créée ? C'est un sujet important qui mérite que l'on s'interroge.

En conclusion, je voudrais, encore une fois, vous remercier, madame la ministre. Vous avez été élue locale, conseillère régionale, et cela se voit ! Vous connaissez les territoires et leur fonctionnement. Le mot « territoire » est d'ailleurs revenu souvent dans votre propos. Il y a donc des réalités que l'on peut partager. Je ne doute pas que nous pourrons avancer ensemble.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du sénat.

La réunion est close à 18 h 35.