Intervention de Simon Loueckhote

Réunion du 3 décembre 2007 à 15h15
Loi de finances pour 2008 — Outre-mer

Photo de Simon LoueckhoteSimon Loueckhote :

Cela suppose qu'une réflexion soit menée au sein de chaque collectivité d'outre-mer quant à l'évolution de ses relations avec l'État et que des initiatives soient prises pour proposer les réformes institutionnelles nécessaires ou des adaptations dans le domaine de la loi et du règlement.

Il apparaît que le Gouvernement a clairement manifesté, à de nombreuses reprises, sa volonté de privilégier l'écoute des populations ultramarines. Dans cet esprit, nous avons franchi un pas supplémentaire, et très symbolique, en adoptant la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer.

Nous avions conscience que nos départements et nos régions d'outre-mer avaient gardé des liens très forts avec la métropole qui les empêchaient, à certains égards, d'aller de l'avant.

Comme vous le savez, cette loi permet désormais aux départements et aux régions d'outre-mer, conformément à l'article 73 de la Constitution, d'adapter les dispositions législatives et réglementaires aux spécificités de leur territoire et, dans un certain nombre de matières, de fixer eux-mêmes les règles.

Ils disposent là d'une possibilité nouvelle qui traduit bien la volonté de l'État d'apporter des réponses adaptées aux situations de ses collectivités ultramarines.

Cependant, une action publique plus décentralisée et mieux adaptée à nos réalités locales ainsi que plus d'autonomie pour nos collectivités ultramarines sont-elles la panacée ? Est-ce la solution pour l'outre-mer ?

La réalité est beaucoup plus complexe, à l'image des priorités établies par le Gouvernement qui sont de tout mettre en oeuvre afin d'accroître l'essor économique et la création de richesses dans nos collectivités et améliorer les conditions de vie de nos compatriotes d'outre-mer.

La France de l'outre-mer a aussi besoin d'inscrire son évolution statutaire dans le cadre de l'Union européenne. Il me paraît essentiel qu'une réflexion soit conduite en commun par le Gouvernement et les responsables des collectivités locales ultramarines afin que cette question soit enfin abordée. Nous savons en effet que la différenciation que l'Union européenne fait entre les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d'outre-mer, les PTOM, se traduit par un niveau d'intervention de l'aide européenne très variable. L'évolution statutaire de nos collectivités ultramarines devrait pouvoir se faire sans que cela induise un changement majeur de traitement sur le plan européen.

Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi ne pas saisir l'opportunité de la présidence française de l'Union européenne, en 2008, pour proposer une réforme du statut des collectivités d'outre-mer de façon à parvenir à une uniformisation et à une plus grande efficacité de l'intervention européenne dans les PTOM ? Cela favoriserait également une meilleure intégration de nos collectivités dans l'Europe, ce dont pourraient bénéficier nos populations.

Parallèlement, il est tout aussi essentiel de pouvoir davantage prendre en considération l'insertion de nos collectivités ultramarines dans leur environnement régional respectif. La faiblesse et l'irrégularité de nos échanges commerciaux avec nos voisins sont un véritable handicap. Nous manquons là, sans aucun doute, des opportunités de développement !

Ce cloisonnement dans lequel nous évoluons au sein de nos environnements régionaux respectifs paraît totalement dépassé dans le contexte de la mondialisation.

Nous nous félicitons d'afficher des produits intérieurs bruts élevés. Cependant, ils cachent de très fortes disparités de développement au sein de nos propres collectivités. En outre, nous avons des coûts de production et un coût de la vie très élevés, ce qui constitue une entrave à notre compétitivité par rapport à nos voisins immédiats comme vis-à-vis du reste du monde. Il est donc urgent de repenser la politique d'intégration de l'outre-mer français.

La gestion autonome de nos collectivités repose sur deux piliers : la liberté d'action, mais aussi des moyens suffisants pour mettre en oeuvre nos politiques publiques en faveur de nos populations.

On peut concevoir que nos collectivités ultramarines se soucient de la pérennité de leurs ressources dans le contexte d'un éventuel désengagement de l'État, eu égard aux contraintes qui pèsent sur le budget de la France.

À cet égard, je voudrais évoquer le cas de la Nouvelle-Calédonie. Comme vous le savez, elle est engagée dans un processus d'autodétermination, qui se traduira par l'organisation d'une consultation possible à partir de 2014.

Le transfert de compétences est une étape supplémentaire dans le processus de décentralisation inclus dans l'accord de Nouméa. Mais l'État, il faut s'en féliciter, continue d'accompagner et de financer les politiques publiques des collectivités de Nouvelle-Calédonie, notamment par le biais des contrats de développement.

La stabilité politique actuelle, qui est le fruit de la signature des accords de Matignon et de l'accord de Nouméa, nous permet de nous concentrer sur la question du développement économique de notre archipel. Les grands projets de construction d'une usine de traitement du nickel dans le sud et d'une seconde en province nord nous font espérer un rythme de croissance soutenu pendant quelques années.

Ainsi, les perspectives qu'ouvre l'essor de l'activité nickel confortent ceux qui pensent que la Nouvelle-Calédonie peut s'affranchir de la France et devenir indépendante. Actuellement, l'idée dans l'air du temps est de faire payer une redevance aux opérateurs miniers sur la tonne de minerai de nickel extraite, de façon à accroître les ressources propres de notre collectivité, et ce, nous dit-on, dans un contexte de désengagement de l'État.

La forte autonomie dont bénéficient les Calédoniens ne doit pas nous faire oublier les handicaps structurels. Nous devons les corriger pour asseoir le développement économique et social de notre archipel sur des fondements pérennes.

Depuis plusieurs décennies, nous misons notre développement économique sur l'essor de l'activité nickel et nous avons de réelles difficultés à diversifier notre économie. Bien entendu, la construction de deux nouvelles usines est une formidable opportunité pour l'essor de la Nouvelle-Calédonie. Mais les opérateurs miniers ne sont pas des bienfaiteurs. Ils sont là pour réaliser des profits et ils ne se substitueront pas à l'État en cas de crise du nickel.

Parallèlement, nous mesurons bien la difficulté de créer des zones d'activité durables sur l'ensemble de notre territoire, en dépit de la manne financière qui est injectée, maintenant depuis plus de vingt ans, par les provinces en Nouvelle-Calédonie.

En 2008, nous célébrerons les vingt ans des accords de Matignon. Si nous sommes en mesure de faire un bilan politique, il est temps de dresser un bilan économique de l'introduction de la décentralisation en Nouvelle-Calédonie.

Je ne veux pas tomber dans la caricature des élus locaux les présentant comme de mauvais gestionnaires, mais il faut avoir le courage politique de mettre en évidence les faiblesses du processus de façon à les corriger et à tenir le langage de la vérité. L'accroissement des ressources propres d'une collectivité permet certes l'exercice d'une gestion autonome, mais il ne faut pas confondre cette logique qui s'applique à l'ensemble de l'outre-mer avec la croyance idéologique d'un désengagement de l'État en Nouvelle-Calédonie. Je pense que M. le secrétaire d'État nous le confirmera.

Les véritables questions sont en effet l'équilibrage et la pérennité de nos activités économiques. Je crois que c'est une préoccupation de l'ensemble des collectivités ultramarines.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'outre-mer doit s'inscrire dans le contexte des grandes réformes qui sont conduites par le Président de la République. Ce n'est pas par de simples mesures financières à la hausse ou à la baisse que nous permettrons à l'outre-mer de définir et d'occuper toute la place qui est la sienne. C'est pourquoi nous sommes demandeurs d'un véritable projet pour l'outre-mer et nous souhaitons qu'il soit défini en pleine concertation avec les responsables des collectivités ultramarines.

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