Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous occupe aujourd’hui doit nous amener à évoquer un enjeu de taille, celui de la souveraineté, lié à cette question de la dette, et plus spécifiquement de la dette publique.
Tout le monde connaît la situation de notre dette publique. La loi de finances pour 2018 prévoyait que la dette, qui représentait 96, 8 % du PIB en 2017, se stabiliserait en 2018, avant d’atteindre 97, 1 % en 2019, puis de diminuer en 2020. Au deuxième trimestre de 2018, elle a déjà atteint 99 % du PIB, ce qui représente 2 300 milliards d’euros, soit 34 200 euros par Français. Dans le même temps, de l’autre côté du Rhin, la dette publique devrait passer en dessous de la barre des 60 % du PIB… Bien sûr, la dette de SNCF Réseau, reprise par l’État, a été intégrée à la dette publique par Eurostat et par l’INSEE.
En 2019, comme en 2018, l’État empruntera le montant record de 195 milliards d’euros sur les marchés. Il n’est nul besoin de souligner que les répercussions d’une remontée des taux seraient désastreuses. En juillet 2017, déjà, le gouverneur de la Banque de France mettait en garde le Gouvernement : le pays ferait face à un choc de la dette souveraine en ne reprenant pas le contrôle sur sa dette publique avant que les taux d’intérêt n’augmentent brusquement. Il en appelait, eu égard à l’embellie économique, à une « réforme des services publics ». Une fenêtre d’opportunité se présentait pour engager des réformes structurelles.
Quelle est, à l’aune de telles considérations, la tendance actuelle ? La Banque postale prévoit une remontée du taux des obligations assimilables du Trésor à dix ans de 1, 3 % à la fin de 2018 et de 1, 6 % en 2019. De son côté, le président de la BCE, Mario Draghi, envisage une remontée des taux à la mi-2019. Le risque est assez exactement évalué ; une hausse d’un point des taux conduirait à aggraver la charge de la dette de 2, 1 milliards d’euros en un an, de 4, 8 milliards d’euros en deux ans et de plus de 19 milliards d’euros en dix ans.
Certes, nous pouvons toujours trouver un motif d’apaisement, ne serait-ce que temporaire, dans le fait que le taux de l’OAT à dix ans s’établit aujourd’hui autour de 0, 80 %. Le Gouvernement a par ailleurs fait montre d’une certaine prévoyance en fondant son budget sur une hypothèse de remontée des taux de 0, 75 point par an. Mais est-ce suffisant ?
J’entends l’argument selon lequel la dette publique ne serait pas dangereuse dès lors que, contrairement à la dette privée, il n’est pas nécessaire de la rembourser, mais ce discours me paraît très dangereux, car on sait que notre dette est encore détenue en majorité par des investisseurs étrangers. Certes, cette part est à son niveau le plus bas depuis 2009, car la Banque de France rachète de la dette française via la BCE. Néanmoins, ne l’oublions pas, la part de notre dette détenue par la BCE – 20 % – devrait diminuer avec la fin de cette politique de rachat, et notre dette reste aujourd’hui majoritairement détenue par des banques centrales asiatiques et des hedge funds à vocation fortement spéculative.
Ce n’est pas parce que cette situation n’est pas nouvelle qu’elle n’est pas inquiétante ni grave. En effet, depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la part de la dette souveraine détenue par des non-résidents a fortement crû, passant de 28 % à la fin de 1999 à 67 % en 2010, avant de diminuer de façon marquée depuis la fin des années 2000.
Notre dette publique constitue donc un défi pour l’avenir ; le rapporteur général de la commission des finances, Albéric de Montgolfier, ne disait pas autre chose dans son rapport d’information de mai 2017. L’un des leviers essentiels à actionner en vue d’une solution durable réside dans la réforme de l’État, qui traîne, malheureusement.
Monsieur le secrétaire d’État, cette réalité est têtue, elle risque de nous rattraper et notre pays en paiera le prix fort, faute d’anticipation et de réformes de structures. Quand le Gouvernement prendra-t-il la mesure de cette situation et présentera-t-il des mesures à la hauteur des enjeux ?