Intervention de Colette Mélot rapporteur

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 octobre 2018 à 9h15
Économie finances et fiscalité — Proposition de résolution européenne de mme catherine morin-desailly sur la responsabilisation partielle des hébergeurs : rapport de m. andré gattolin et mme colette mélot

Colette Mélot rapporteur :

Je partage pleinement les propos d'André Gattolin.

Il serait injuste de dire que l'Union européenne n'a rien fait face aux phénomènes que nous constatons. Cependant, elle a privilégié des actions ciblées, pragmatiques, fondées sur la coopération et l'autorégulation du secteur. Deux exemples l'illustrent : la lutte contre les fausses informations et la lutte contre le terrorisme.

Sur la désinformation, la Commission européenne a présenté, le 26 avril, 2018 une communication, qui a donné suite à une consultation publique et à un rapport élaboré par un groupe d'experts de haut niveau. Plusieurs mesures concrètes ont été prévues : un code de bonnes pratiques contre la désinformation pour les plateformes en ligne, qui a été adopté officiellement le 16 octobre dernier ; un réseau européen indépendant de vérificateurs de faits, soutenu par la création d'une plateforme en ligne européenne sécurisée consacrée à la collecte et à l'analyse des données ; le renforcement de l'éducation aux médias et la promotion d'informations de qualité et diversifiées ; le soutien aux États pour qu'ils assurent une plus grande résilience aux élections et la promotion de systèmes volontaires d'identification en ligne pour favoriser la traçabilité de ceux qui mettent des informations sur le réseau.

Si ces mesures vont dans le bon sens, elles restent limitées. La mise en oeuvre du code de conduite par les plateformes fait déjà l'objet de critiques ; il s'agit d'engagements individuels de chacune d'elles et non d'engagements communs et mesurables. On peut comprendre l'intérêt de ce paquet : mettre en oeuvre rapidement, en vue des élections européennes, une série de mesures pour protéger la campagne des élections contre la désinformation. Mais on ne pourra pas s'en tenir à cela !

Une autre initiative, législative celle-là, mérite notre attention. Il s'agit d'un projet de règlement du 20 septembre dernier qui traite de la prévention de la diffusion en ligne de contenus à caractère terroriste. Il est porté par le Commissaire Julian King. Notre commission ne l'a pas encore analysé, aussi je me bornerai à une mise en perspective avec notre sujet. Le texte prévoit qu'un contenu à caractère terroriste soit supprimé dans le délai d'une heure après sa mise en ligne et fait peser l'obligation de retrait sur l'hébergeur. Pourtant, à en croire son exposé des motifs, ce projet de règlement s'inscrit dans la continuité des règles de la directive sur le commerce électronique et le respect du statut d'hébergeur sans responsabilité sur les contenus...

Derrière cette contradiction apparente, on voit bien la logique qui préside à l'action de la Commission européenne : il s'agit de compléter la règle établie en 2000, soit en l'atténuant, soit en la renforçant, mais sans la modifier. Cette approche, certes pragmatique, est non seulement contradictoire, mais aussi limitée.

C'est pourquoi, nous sommes d'accord avec l'objet de la proposition de résolution qui nous est soumise, c'est-à-dire ouvrir des négociations à Bruxelles afin de créer un statut pour les hébergeurs de contenus, visant à les responsabiliser, au moins partiellement.

Le sujet fait consensus en France : c'est le cas au Sénat, je pense, mais aussi au sein de l'exécutif. Deux rapports, l'un sur la désinformation, l'autre sur la lutte contre le racisme et l'antisémitisme, l'y invitent. Le Premier ministre se montre intéressé et le secrétaire d'État au numérique y semble prêt.

Le moment est le bon. Si l'actuelle Commission a toujours refusé d'ouvrir ce débat, son mandat se termine bientôt. À nous, Français, de pousser d'une seule voix pour que le mandat de la prochaine Commission inclue ce dossier !

Il nous faudra aussi convaincre nos partenaires européens. Le sujet fait moins consensus parmi eux : en dehors de l'Allemagne et de l'Autriche, seul le Royaume-Uni semble être sur la même ligne, mais sa situation va l'empêcher de peser. Beaucoup d'États membres s'inscrivent dans la tradition d'une intervention minimale vis-à-vis des plateformes numériques, comme on le voit aussi sur le dossier de la taxation.

C'est pourquoi, dans ce contexte, cette proposition de résolution nous paraît bienvenue. Elle permettrait au Sénat d'adopter une position claire assez tôt dans le débat, au service d'un message français adressé à nos partenaires et à la Commission européenne.

Par conséquent, nous vous proposons d'adopter la résolution sans modification.

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