Intervention de André Gattolin

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 octobre 2018 à 9h15
Économie finances et fiscalité — Proposition de résolution européenne de mme catherine morin-desailly sur la responsabilisation partielle des hébergeurs : rapport de m. andré gattolin et mme colette mélot

Photo de André GattolinAndré Gattolin, rapporteur :

Il faut une réflexion globale sur la philosophie des États membres à l'égard d'internet. Il y a un groupe composite de huit à dix pays qui refusent toute régulation, pour des raisons parfois divergentes. Des pays nordiques et baltes invoquent une logique de marché ouvert et de coopération. D'autres - le Luxembourg, les Pays-Bas, l'Irlande -, qui mènent une politique fiscale différentielle, pour ne pas parler de dumping, s'approprient une partie de la richesse produite par le commerce en ligne sur l'ensemble du territoire européen. Il faut aussi citer une myriade de pays, dont Chypre ou Malte, qui prônent aussi la non-régulation.

L'Union européenne est fondée sur les principes budgétaires de la réparation et de la redistribution. Tel est l'esprit, par exemple, de la politique agricole commune. Aujourd'hui, avec l'économie numérique et les jeux fiscaux pratiqués par certains États membres, nous recréons de l'inégalité au sein de l'Europe.

La présente proposition de résolution ne remplacera pas une régulation sur les fausses nouvelles car, au sein de l'Union européenne, les États prêts à réguler ne sont pas majoritaires. Certains jouent leur propre partition pour des raisons économiques et de relation historique avec les États-Unis.

Le code de bonnes pratiques a été signé quelque peu sous la contrainte par Google, Facebook, Firefox, Twitter, car la Commission les a menacés, s'ils ne le faisaient pas, de légiférer avant la fin 2018. Mais de nombreuses clauses sont refusées par les signataires, comme celles prévoyant l'engagement de moyens technologiques, d'investissements, des achats de produits, la création de dispositifs améliorant la vérification de l'information, ou l'appel à des tiers pour repérer les fausses nouvelles.

Le règlement européen sur les données à caractère personnel s'impose comme une norme extraterritoriale. Quand on veut, on peut...

À l'époque de la mobilisation, des industriels du secteur, les fournisseurs d'accès à internet (FAI), étaient montés au créneau contre la régulation. Mais on n'a pas entendu les hébergeurs, car leur modèle ne prévoyait pas encore de publicité, ils étaient gratuits et leurs ressources étaient quasiment nulles. Aujourd'hui, les hébergeurs sont devenus des monstres qui captent la ressource publicitaire et, demain, celle des données personnelles, du big data. Nous sommes donc en droit, économiquement, d'exiger d'eux ce que nous n'osions pas leur demander auparavant.

L'évolution technologique est un autre argument en faveur de la régulation, puisqu'il existe désormais des outils permettant l'encadrement. Par exemple, face à l'avalanche de fausses nouvelles lors de la campagne électorale brésilienne, Facebook a mis en place une cellule de crise, travaillé avec les médias, et s'est engagé à retirer très rapidement les contenus contestés.

Point positif, les premières études montrent une baisse considérable de la propagation des fausses nouvelles au Brésil entre les deux tours. Point négatif, Facebook dit qu'il peut retirer l'information première, mais pas contrôler sa diffusion virale - mais peut-être y a-t-il dans ce refus un peu de mauvaise volonté. Lorsqu'il se fait pirater 50 millions de comptes, on voit bien qu'il n'a pas investi suffisamment. Mais attention avec la gouvernance globale ! Nous avons vu l'émergence d'un internet chinois puissant, mais avec un pouvoir chinois qui sait se protéger de l'extérieur, avec son firewall, sa muraille de Chine...

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