Mon propos portera sur les articles 24 à 27 du projet de loi. Conformément au règlement du Sénat, les articles qui font l'objet de nos discussions ce soir ne pourront pas être amendés en séance publique. Si ces articles ont été désignés pour être examinés en LEC, c'est que nous avons considéré qu'ils supprimaient des sur-transpositions évidentes, sur des sujets techniques ou de détail, qui ne font pas l'objet de clivages marqués.
Je me suis particulièrement attachée, puisque nous examinerons ces articles une seule fois, à vérifier que la suppression des sur-transpositions n'amoindrira pas la qualité des contrôles de l'État, la protection des consommateurs ou la sauvegarde de données précieuses.
Nous avons notamment interrogé à ce sujet les services du ministère de l'agriculture, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), les services du ministère de la culture, l'association des archivistes français et plusieurs sociétés de gestion de droits. La « dé-sur-transposition » doit se faire dans le souci de la compétitivité des entreprises et de l'efficience de l'administration, mais jamais dans le sens d'une moindre exigence.
Seul article dédié à l'agriculture au sein du chapitre où il est inséré, l'article 24 opère une rationalisation du régime déclaratif auquel sont soumises toutes les ventes de médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux contenant des antibiotiques. Alors que 13 catégories d'entreprises, ainsi que les vétérinaires et pharmaciens, sont aujourd'hui tenus de déclarer toutes leurs cessions à l'Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), le projet de loi en dispense les maillons intermédiaires du circuit du médicament.
Cette sur-transposition produit une masse importante de données difficiles à retraiter et souvent superflues, dès lors que c'est l'usage final des antibiotiques vétérinaires qui intéresse l'ANMV. Je me suis bien entendu assurée auprès de l'Anses que la suppression de certaines de ces déclarations sera sans influence sur les capacités de contrôle et de pharmacovigilance. L'obligation de déclaration est ainsi maintenue pour tous les prescripteurs et vendeurs au détail, comme me l'a confirmé l'Ordre des vétérinaires, ainsi que pour tout titulaire d'une autorisation de mise sur le marché.
L'article 24 allège donc les formalités déclaratives s'imposant aux acteurs intermédiaires de la chaîne du médicament, tout en rapprochant le système français du droit européen. Pour cette raison, je vous proposerai de l'adopter sans modification.
J'en viens maintenant aux trois articles du chapitre consacré à la culture, les articles 25 à 27. Ce domaine occupait une place assez marginale dans le rapport inter-inspections. Ces trois articles visent néanmoins à supprimer différents freins liés à des sur-transpositions qui pèsent sur l'administration.
L'article 25 entend restreindre la définition des trésors nationaux, qui avait été revue en 2015 à l'occasion de la transposition de la directive 2014/60/UE, pour en exclure les archives publiques courantes et intermédiaires.
La sur-transposition ne fait ici aucun doute. L'Union européenne n'a pas fixé de liste pour les trésors nationaux. Les États membres sont donc libres de définir les biens culturels qui, du fait de leur intérêt historique, artistique ou archéologique, doivent être protégés à ce titre. La décision de faire entrer l'ensemble des archives publiques dans le périmètre des trésors nationaux, y compris les archives publiques courantes et intermédiaires et donc, par exemple, les messageries électroniques des administrations, n'a pas été sans conséquence.
Premièrement, il est évident qu'une partie de ces archives peut difficilement être considérée comme un « trésor » national. Deuxièmement, cette disposition a engendré de fortes contraintes pour les administrations, puisqu'un bien considéré comme trésor national ne peut circuler librement en dehors de la France. Toutes les opérations de numérisation et de stockage doivent être réalisées sur le territoire national. Compte tenu de la faiblesse de l'offre de cloud basée en France, on imagine aisément les contraintes pour l'administration... Troisièmement, il est à craindre que ce changement de statut, qui n'est pas toujours connu des administrations, ait pu placer certaines d'entre elles, habituées aux solutions de stockage virtuel pour leurs messageries électroniques, en situation d'infraction.
Au regard de ces différents éléments, le souhait du Gouvernement d'exclure du périmètre des trésors nationaux les archives publiques courantes et intermédiaires paraît compréhensible.
Cependant, il ne faudrait pas que, en faisant sauter le verrou du trésor national, la protection de certaines de ces archives ne soit plus garantie. Elles comportent en effet des données sensibles, qui ne sont pas communicables, ce qui nécessite de préserver notre souveraineté sur leur gouvernance. Certaines ont aussi vocation à intégrer, à l'issue de la procédure de sélection, la catégorie des archives définitives, toujours protégées en tant que trésor national, ce qui justifie une protection au titre du patrimoine.
C'est pourquoi je vous proposerai d'adopter un amendement visant à garantir que, pour ces deux catégories de données, la conservation sera maintenue sur le territoire national, afin d'éviter un risque de détournement à l'étranger qui les rendrait difficiles à récupérer.
L'article 26 vise à supprimer l'obligation de publicité qui incombe en droit français à l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) lorsqu'une action en restitution de bien culturel a été lancée, soit par un État membre en France, soit par la France auprès d'un autre État membre de l'Union européenne.
Afin de lutter contre le risque de trafic illicite de biens culturels après la mise en place du marché unique à partir de 1993, l'Union européenne a mis en place un dispositif de coopération administrative entre les États membres pour faciliter le retour des biens culturels qui auraient illicitement quitté le territoire de l'un des États. Elle n'a cependant jamais exigé que le public soit informé lors de l'introduction d'une action en restitution. Dans les faits, rien n'empêchera l'OCBC, à l'avenir, d'informer le public s'il juge que cela peut servir les besoins de la procédure. Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
Enfin, l'article 27 supprime l'obligation d'agrément propre aux organismes de gestion collective obligatoire établis en France pour la retransmission de manière simultanée dans le temps, inchangée et intégrale de toutes les émissions initiales provenant d'un autre État membre, obligation mise en place en 1997.
Dans la mesure où la directive 2014/26/UE a posé un certain nombre de principes applicables aux organismes de gestion collective en matière de gouvernance et de transparence, la nécessité d'un contrôle a priori de ces organismes par la voie d'un agrément ne se justifie plus pleinement. Elle fait peser sur les organismes de gestion collective des charges administratives qui ne sont pas forcément utiles. Le contrôle a posteriori devrait désormais être renforcé, d'autant qu'un certain nombre de recours existent désormais pour les titulaires de droits comme pour les utilisateurs. Dans ces conditions, je vous propose d'adopter cet article sans modification.