Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de débattre de ce sujet avec vous aujourd’hui dans le cadre de votre semaine de contrôle.
La dé-surtransposition de notre droit a un impact très concret sur nos entreprises et sur la vie quotidienne des Français. Le Président de la République et le Premier ministre, vous le savez, ont pris des engagements politiques forts pour sortir d’une logique qui consistait à complexifier le droit européen sans apporter de réels bénéfices aux entreprises et aux Français.
Je tiens donc à remercier la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises d’avoir demandé ce débat spécifique.
Vous vous inscrivez dans une séquence particulièrement riche sur le sujet. En juin dernier, le sénateur René Danesi a publié un éclairant rapport d’information pointant les contraintes engendrées par les surtranspositions en termes de surcoûts directs de production ou de charges administratives supplémentaires. Hier, le projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, déposé sur le bureau du Sénat par le Gouvernement le 3 octobre dernier et défendu par la ministre Nathalie Loiseau, a été examiné en première lecture par votre commission spéciale.
Comme vous le savez, le Président de la République et le Premier ministre ont fait du sujet des surtranspositions une priorité politique. Pendant trop longtemps, nous avons eu tendance à faire du droit européen une base de travail que nous pouvions raffiner sans limites, sans voir les contraintes que cela créait pour les entreprises françaises. Il y avait au moins trois méthodes de surtransposition.
La première consistait à laisser subsister, par inertie ou dans un souhait de fidélité louable à nos traditions juridiques, des règles préexistantes, parfois anciennes, et, en règle générale, plus contraignantes que celles promues par le droit européen.
La deuxième méthode consistait à aller délibérément au-delà du standard fixé par la norme européenne, qui est le plus souvent un standard minimum, et d’inscrire directement en droit français une nouvelle règle, parfois plus sophistiquée, souvent plus contraignante.
La troisième méthode consistait à ne pas faire usage d’options prévues par le législateur européen permettant un régime simplifié dans certains cas ou pour certaines catégories d’acteurs économiques, en particulier les petites entreprises.
Ces manières de faire ont abouti à complexifier le droit en créant de nouvelles contraintes et elles ont entraîné un manque de lisibilité sans apporter de réelles garanties nouvelles, ni aux entreprises françaises, qui se voyaient concurrencées par des entreprises de pays voisins appliquant un droit plus simple ou plus souple, ni à nos concitoyens, dans la mesure où la complexité des normes l’emportait souvent sur les protections offertes au plan national. C’est pour cette raison que le Gouvernement a décidé de jouer pleinement le jeu du marché ouvert européen au bénéfice des entreprises et de l’économie française dans son ensemble, plus particulièrement, s’agissant de mon portefeuille, de l’industrie.
Plus nous aurons un droit français surtransposé, plus il sera complexe pour nos entreprises de s’implanter dans les pays européens et plus il sera difficile pour une entreprise étrangère de s’implanter en France. L’Europe doit redevenir un terrain d’opportunités économiques pour nos entreprises, et non une contrainte subie.
Le Premier ministre a fixé deux règles pour limiter les transpositions de directives. La première est l’arrêt de toute nouvelle surtransposition qui ne refléterait pas un choix politique assumé pour défendre les intérêts de nos entreprises ou pour protéger les Français ; la seconde est la mise en place d’une procédure spécifique d’autorisation du Premier ministre.
Pour accompagner ces nouvelles règles, nous avons appliqué un principe d’évaluation systématique lors des transpositions du droit européen. Nous avons ainsi procédé à une évaluation du stock des surtranspositions existantes et mené une mission inter-inspections afin de corriger celles qui devaient l’être. Cela a permis d’identifier des mesures de dé-surtransposition, qui sont portées dans les différents véhicules présentés par le Gouvernement depuis le début du quinquennat, notamment dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE, que vous allez bientôt examiner. Cet effort d’évaluation sera maintenu au fil de l’eau pour les nouvelles directives qui seront transposées à l’avenir. C’est notre premier engagement.
Cela signifie-t-il la fin de toute surtransposition ? Non, car il peut y avoir de très bonnes raisons de surtransposer : pour protéger les consommateurs ou garantir des conditions de sécurité en matière environnementale ou sanitaire. Nous assumons certains standards plus protecteurs qui vont au-delà des normes européennes minimales, car ils répondent à nos préférences collectives pour mieux protéger les entreprises et les citoyens. Nous ne proposons donc pas une dé-surtransposition sauvage qui abandonnerait nos intérêts économiques, notre intérêt public et notre souveraineté juridique. C’est une affaire d’équilibre et d’appréciation au cas par cas.
Le Gouvernement ne soutient pas l’idée d’une Europe qui signifierait systématiquement un nivellement par le bas. C’est pourquoi nous continuerons à nous battre pour des standards européens ambitieux dans tous les domaines. Vous avez ainsi indiqué à juste titre, monsieur Danesi, la nécessité de notre participation active aux négociations afin d’obtenir, dès le stade de la directive européenne, un niveau de normes correspondant à nos attentes.