La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d’être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée. Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires européennes et de la délégation sénatoriale aux entreprises, sur le préjudice représenté, pour les entreprises françaises, par la surtransposition du droit européen en droit interne.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que les auteurs de la demande disposent, dans le débat, d’un temps de parole de huit minutes, le Gouvernement bénéficiant de la même durée pour leur répondre.
La parole est à Mme la présidente de la délégation sénatoriale auteur de la demande.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis près de quatre ans que la délégation sénatoriale aux entreprises existe, elle sillonne la France à la rencontre des entreprises. Il ne se passe pas un déplacement de terrain sans que nous soyons interpellés sur le désavantage compétitif subi par nos entreprises lorsque la France surtranspose en droit interne certaines de ses obligations européennes.
C’est en effet un vrai handicap de compétitivité qui pénalise notre économie, particulièrement notre industrie, à l’intérieur même du marché unique, par des contraintes administratives et techniques qui alourdissent les coûts et retardent la mise en œuvre des projets. La délégation sénatoriale aux entreprises s’en est fait l’écho dès février 2017 dans son rapport intitulé Simplifier efficacement pour libérer les entreprises. Nous y donnions de nombreux exemples, comme celui cité lors d’un déplacement en Saône-et-Loire au sujet de la surréglementation française concernant les poussières de bois, les normes européennes étant cinq fois plus basses en la matière que celles que la France a choisi de s’imposer.
Dans un rapport également publié en février 2017, intitulé La simplification du droit : une exigence pour l ’ Union européenne, la commission des affaires européennes confirmait l’existence d’une forme d’exception française, le droit national allant au-delà des normes exigées par les directives ou adoptant une interprétation exigeante des règlements européens.
Si tous les écarts de transposition ne sont pas illégitimes, l’impact de ces mesures nationales en termes de compétitivité est trop rarement débattu. C’est pourquoi, avec le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, nous avons sollicité ce débat aujourd’hui.
Le Gouvernement n’ignore pas la question. Déjà, les premiers comités interministériels pour la modernisation de l’action publique, les CIMAP, du 18 décembre 2012 et du 2 avril 2013 avaient conduit à la publication de la circulaire du 17 juillet 2013, qui prévoyait de limiter l’inflation normative, notamment de ne pas surtransposer les directives communautaires sans justification. Concernant le stock de surtranspositions, un rapport identifiant des écarts de réglementation entre la France et les autres États membres avait même été élaboré à la demande du ministre de l’économie de l’époque, M. Macron, et lui avait été remis en mars 2016. Malgré tout l’intérêt de cette démarche, le gouvernement d’alors n’a malheureusement pas donné suite.
Le gouvernement auquel vous appartenez, madame la secrétaire d’État, s’est également montré sensible au sujet. La nouvelle circulaire du 26 juillet 2017 appelait à son tour à porter une vigilance particulière à la transposition des directives européennes, en flux comme en stock, et interdisait en principe toute mesure allant au-delà des exigences minimales de la directive, sauf justification arbitrée par le Premier ministre. Elle annonçait qu’une prochaine mission d’inspection serait chargée d’un travail d’inventaire censé aboutir en mars 2018. Bien qu’il n’ait pas été transmis au Parlement, ce travail semble avoir produit des fruits, puisque le Gouvernement vient de déposer un projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français.
Sans attendre le Gouvernement, le Sénat avait pris les devants. Dès l’hiver dernier, la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises se sont mobilisées pour analyser le phénomène de surtransposition, en mesurer l’ampleur et tenter d’y remédier.
Une consultation en ligne a été lancée auprès des entreprises, et notre collègue René Danesi, membre de ces deux instances, s’est vu confier le soin d’en exploiter les réponses. Sur le fondement de cas concrets, il a ainsi pu élaborer un rapport, adopté le 28 juin dernier par la délégation sénatoriale aux entreprises et par la commission des affaires européennes. Ce rapport établit une typologie des différentes situations de surtransposition et s’attache, en outre, à en identifier les motivations. Notre collègue René Danesi va donc nous présenter ses conclusions et les suites qu’il entend leur donner.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Franck Menonville et Franck Montaugé applaudissent également.
La parole est à M. René Danesi, au nom de la commission auteur de la demande.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 28 juin dernier la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises ont adopté mon rapport d’information intitulé La surtransposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises. Ce rapport pose un principe général : toute surtransposition susceptible de nuire aux intérêts économiques de la France, de ses filières industrielles, de ses services et de ses entreprises doit être écartée.
Nos entreprises sont en effet pénalisées par la pratique française persistante de la surtransposition des textes européens. Il en résulte des coûts, des charges administratives injustifiées et une dissymétrie concurrentielle.
À partir de cas précis étudiés dans mon rapport, j’ai dressé une typologie des surtranspositions pratiquées : extension du champ d’application de la directive, adjonction d’obligations supplémentaires, maintien d’obligations antérieures à l’harmonisation européenne et non-exploitation des facultés de dérogation ouvertes par une directive ou un règlement. En conséquence, le rapport émet vingt-six recommandations visant à prévenir de nouvelles surtranspositions ou, tout au moins, à évaluer leur impact économique. Parmi ces vingt-six recommandations, je citerai les quatre prioritaires.
Premièrement, la participation active de nos administrations et des acteurs économiques aux négociations européennes pour faire prévaloir les normes et les pratiques françaises.
Deuxièmement, la préparation active de la transposition, qui exige parfois une refonte en profondeur du dispositif français préexistant.
Troisièmement, toute surtransposition doit être identifiée comme telle et dûment justifiée au regard de l’intérêt général qu’elle prétend protéger et qui n’aurait pas été pris en compte dans le texte européen. En outre, l’impact d’une surtransposition sur les entreprises doit faire l’objet d’une évaluation économique documentée.
Quatrièmement, j’appelle particulièrement votre attention sur les insuffisances de la pratique des transpositions par voie d’ordonnance. Le Parlement doit être en mesure de les examiner pour corriger, s’il y a lieu, les écarts de transposition défavorables à nos entreprises.
Le Gouvernement est également conscient du problème, puisqu’il a déposé sur le bureau du Sénat un projet de loi visant à supprimer vingt-sept surtranspositions existantes dans le droit français. Ce projet de loi a été examiné hier par la commission spéciale que j’ai l’honneur de présider. Il est inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée mardi prochain.
Il s’agit, à mon sens, d’une première étape. Le Gouvernement doit poursuivre l’examen des surtranspositions identifiées, en particulier par une mission inter-inspections, et en supprimer l’essentiel dans son domaine réglementaire. Lors de son audition par la commission spéciale, Mme la ministre auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères a annoncé une démarche en ce sens. Nous l’en félicitons !
Je vous rappelle en outre, madame la secrétaire d’État, que nous attendons avec impatience le rapport du Gouvernement sur les surtranspositions prévues par la loi pour un État au service d’une société de confiance. Mais nous ne nous contenterons pas d’attendre. La présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, le président de la commission des affaires européennes et moi-même venons de déposer une proposition de résolution invitant le Gouvernement à revenir sans tarder sur des surtranspositions réglementaires existantes particulièrement pénalisantes pour les entreprises.
Enfin, le Sénat traduira sa volonté de voir traiter le stock existant de surtranspositions législatives par l’adoption prochaine d’une proposition de loi visant à supprimer un certain nombre de surtranspositions.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de débattre de ce sujet avec vous aujourd’hui dans le cadre de votre semaine de contrôle.
La dé-surtransposition de notre droit a un impact très concret sur nos entreprises et sur la vie quotidienne des Français. Le Président de la République et le Premier ministre, vous le savez, ont pris des engagements politiques forts pour sortir d’une logique qui consistait à complexifier le droit européen sans apporter de réels bénéfices aux entreprises et aux Français.
Je tiens donc à remercier la commission des affaires européennes et la délégation sénatoriale aux entreprises d’avoir demandé ce débat spécifique.
Vous vous inscrivez dans une séquence particulièrement riche sur le sujet. En juin dernier, le sénateur René Danesi a publié un éclairant rapport d’information pointant les contraintes engendrées par les surtranspositions en termes de surcoûts directs de production ou de charges administratives supplémentaires. Hier, le projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, déposé sur le bureau du Sénat par le Gouvernement le 3 octobre dernier et défendu par la ministre Nathalie Loiseau, a été examiné en première lecture par votre commission spéciale.
Comme vous le savez, le Président de la République et le Premier ministre ont fait du sujet des surtranspositions une priorité politique. Pendant trop longtemps, nous avons eu tendance à faire du droit européen une base de travail que nous pouvions raffiner sans limites, sans voir les contraintes que cela créait pour les entreprises françaises. Il y avait au moins trois méthodes de surtransposition.
La première consistait à laisser subsister, par inertie ou dans un souhait de fidélité louable à nos traditions juridiques, des règles préexistantes, parfois anciennes, et, en règle générale, plus contraignantes que celles promues par le droit européen.
La deuxième méthode consistait à aller délibérément au-delà du standard fixé par la norme européenne, qui est le plus souvent un standard minimum, et d’inscrire directement en droit français une nouvelle règle, parfois plus sophistiquée, souvent plus contraignante.
La troisième méthode consistait à ne pas faire usage d’options prévues par le législateur européen permettant un régime simplifié dans certains cas ou pour certaines catégories d’acteurs économiques, en particulier les petites entreprises.
Ces manières de faire ont abouti à complexifier le droit en créant de nouvelles contraintes et elles ont entraîné un manque de lisibilité sans apporter de réelles garanties nouvelles, ni aux entreprises françaises, qui se voyaient concurrencées par des entreprises de pays voisins appliquant un droit plus simple ou plus souple, ni à nos concitoyens, dans la mesure où la complexité des normes l’emportait souvent sur les protections offertes au plan national. C’est pour cette raison que le Gouvernement a décidé de jouer pleinement le jeu du marché ouvert européen au bénéfice des entreprises et de l’économie française dans son ensemble, plus particulièrement, s’agissant de mon portefeuille, de l’industrie.
Plus nous aurons un droit français surtransposé, plus il sera complexe pour nos entreprises de s’implanter dans les pays européens et plus il sera difficile pour une entreprise étrangère de s’implanter en France. L’Europe doit redevenir un terrain d’opportunités économiques pour nos entreprises, et non une contrainte subie.
Le Premier ministre a fixé deux règles pour limiter les transpositions de directives. La première est l’arrêt de toute nouvelle surtransposition qui ne refléterait pas un choix politique assumé pour défendre les intérêts de nos entreprises ou pour protéger les Français ; la seconde est la mise en place d’une procédure spécifique d’autorisation du Premier ministre.
Pour accompagner ces nouvelles règles, nous avons appliqué un principe d’évaluation systématique lors des transpositions du droit européen. Nous avons ainsi procédé à une évaluation du stock des surtranspositions existantes et mené une mission inter-inspections afin de corriger celles qui devaient l’être. Cela a permis d’identifier des mesures de dé-surtransposition, qui sont portées dans les différents véhicules présentés par le Gouvernement depuis le début du quinquennat, notamment dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, ou projet de loi PACTE, que vous allez bientôt examiner. Cet effort d’évaluation sera maintenu au fil de l’eau pour les nouvelles directives qui seront transposées à l’avenir. C’est notre premier engagement.
Cela signifie-t-il la fin de toute surtransposition ? Non, car il peut y avoir de très bonnes raisons de surtransposer : pour protéger les consommateurs ou garantir des conditions de sécurité en matière environnementale ou sanitaire. Nous assumons certains standards plus protecteurs qui vont au-delà des normes européennes minimales, car ils répondent à nos préférences collectives pour mieux protéger les entreprises et les citoyens. Nous ne proposons donc pas une dé-surtransposition sauvage qui abandonnerait nos intérêts économiques, notre intérêt public et notre souveraineté juridique. C’est une affaire d’équilibre et d’appréciation au cas par cas.
Le Gouvernement ne soutient pas l’idée d’une Europe qui signifierait systématiquement un nivellement par le bas. C’est pourquoi nous continuerons à nous battre pour des standards européens ambitieux dans tous les domaines. Vous avez ainsi indiqué à juste titre, monsieur Danesi, la nécessité de notre participation active aux négociations afin d’obtenir, dès le stade de la directive européenne, un niveau de normes correspondant à nos attentes.
C’est pourquoi nous assumerons également des surtranspositions ponctuelles et ciblées. Tel est l’état d’esprit qui a présidé à la rédaction du projet de loi qui est en cours d’examen par votre assemblée.
Cette politique d’harmonisation de notre droit au niveau européen, nous la menons avant tout pour simplifier la vie des entreprises. Si je devais citer un exemple, ce serait l’allégement des obligations comptables pour les moyennes entreprises. À l’article 5 du projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, nous proposons d’élaborer des comptes de résultat simplifiés et de limiter la diffusion d’informations économiques sensibles. Supprimer ce type de surtranspositions, c’est mieux protéger nos entreprises.
Au-delà de ce projet de loi que vous examinerez dès mardi prochain en séance publique, chaque projet de loi ou presque comporte désormais un volet simplification. C’est le cas de la loi pour un État au service d’une société de confiance, du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dit ÉGALIM, grâce à Mme Lamure, ou encore du projet de loi PACTE, que nous défendrons prochainement devant vous. Permettez-moi de citer deux exemples de dé-surtranspositions prévues dans ce dernier projet de loi.
Le premier concerne les seuils de certification légale des comptes, que nous relevons au niveau des seuils de référence proposés par le droit européen. Nous avons soumis cette surtransposition à une étude d’impact approfondie et rigoureuse, qui a démontré que le coût engendré par cette obligation s’élevait à 5 500 euros en moyenne par an pour les entreprises situées en dessous des seuils et qu’il n’était pas associé à un bénéfice quantifiable en matière de fiabilité des états comptables et fiscaux.
Le second exemple est la suppression de l’obligation pour les chambres de compensation françaises d’être agréées comme établissement de crédit. Il s’agit d’une contrainte lourde qui diminue l’attractivité de la place financière de Paris ; or vous savez combien le combat est important pour obtenir des activités complémentaires dans le cadre du Brexit.
Tels sont la logique que nous voulons mettre en place, les engagements politiques que nous avons pris et notre méthode. Je vous propose maintenant d’entrer dans le détail en répondant à vos questions pendant ce débat.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Mes chers collègues, chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, qui sera suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Fabien Gay.
Surtransposition : c’est le nouveau mot magique qui ne fait finalement que reprendre le vieux discours « trop de normes et trop de contraintes ».
Certes, il y a une inflation législative et la loi est souvent bavarde, créant une complexité pour les citoyens, les usagers des services publics ou encore les entreprises. De réforme en réforme, en lieu et place de l’efficacité se profile une véritable insécurité juridique – nous avons eu l’occasion de le rappeler maintes fois dans cette enceinte.
Mais votre critique de la surtransposition est à géométrie variable. Lorsqu’il s’agit d’aller au-delà des directives de libéralisation ou d’ouverture à la concurrence de nos services publics, je le dis, chers collègues, peu de voix s’élèvent dans cet hémicycle. Par contre, il y a une forme d’unanimité de la droite sénatoriale et de la droite gouvernementale pour s’opposer à toute règle nationale plus protectrice que le droit européen.
Ainsi, le rapport de la délégation sénatoriale aux entreprises déplore que la surtransposition rende applicable au plan national le standard que la France n’a pu imposer au niveau européen en matière de sécurité et de santé au travail, de préservation de l’environnement et de la biodiversité, de protection des consommateurs ou encore de transparence de l’action publique. Nous pensons au contraire que c’est une bonne chose, d’autant que nous parlons de directives qui laissent une marge de souveraineté aux États membres, et non de règlements européens.
Le projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, qui sera débattu dans cette enceinte le 6 novembre prochain, en est la parfaite illustration : il propose de supprimer tout un pan de la législation en matière de crédits à la consommation visant à prévenir le risque de surendettement.
Aujourd’hui, une législation plus protectrice des citoyens et de l’environnement ou un renforcement de la sécurité alimentaire sont décriés comme entraînant des coûts insupportables pour nos entreprises, alors que ces mesures devraient être saluées.
Ma question est donc la suivante, madame la secrétaire d’État : comment justifiez-vous que seul le supposé coût économique soit pris en compte pour faire la part entre une bonne et une mauvaise surtransposition, alors que ce sont la santé des travailleurs, la protection de l’environnement ou encore la sécurité des consommateurs qui sont en jeu ?
Monsieur le sénateur, je partage avec vous l’idée que l’insécurité juridique est un mal et que notre droit doit absolument être simple, lisible et compréhensible par nos concitoyens. Je partage également avec vous le fait que la sécurité et la santé au travail sont des sujets importants sur lesquels notre pays doit maintenir des standards plus contraignants que ceux d’autres pays européens.
Pour autant, d’un point de vue général ou oserais-je dire idéologique, je ne suis pas certaine que le fait d’avoir plus de normes soit réellement un gage de plus de sécurité ou d’une meilleure santé. Je pense également qu’il faut être très attentif au fait que ces normes peuvent parfois aboutir à une asphyxie pour les entreprises et à plus de complexité pour les citoyens.
Je rappelle que ce n’est pas seulement le calcul économique qui nous conduit à faire des choix. Celui-ci est en effet pondéré par ce que nous considérons comme notre socle de valeurs sociétales, ce qui peut nous amener, comme pour les émissions de poussières de bois citées par Mme Lamure, à retenir des normes plus contraignantes que les normes européennes.
On dit que c’est un mal français. La surtransposition des normes est en tout cas un vrai serpent de mer. Enquêtes, débats et rapports se succèdent depuis des années, avec des conclusions souvent tranchées : rigidité pour certains, protection pour d’autres…
En France, il est une chose sûre : on a toujours un avis doctrinal dans lequel le curseur du nombre est souvent prioritaire. C’est bien l’écueil du projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français : un angle technique qui vise à une réduction à la suite d’un recensement. Et si la vérité était plus nuancée ?
Ce sont les gouvernements successifs et les législateurs que nous sommes qui font la loi. Nous sommes donc coresponsables de la situation que nous dénonçons.
D’abord, il y a ces pressions de plus en plus nombreuses, fréquentes et organisées. Ces groupes ont une force de frappe énorme. Résultat : au travers des voix des parlementaires, ce sont quelquefois les lobbys qui s’opposent.
S’ils ont tant de prise sur le Parlement, interrogeons-nous sur les causes de cette situation : la course à légiférer limite le temps de la réflexion et surtout l’analyse des impacts de nos décisions.
Sur le terrain, les citoyens, les élus, les chefs d’entreprise nous interpellent sur notre décalage avec leur réalité.
Derrière le sujet de la surtransposition des normes se posent d’autres enjeux : nos insuffisances réelles – pédagogie, concertation, simplification, impacts… Autant d’étapes minimisées qui conduisent à pénaliser nos entreprises, à immobiliser des projets structurants.
Notre collègue René Danesi pointe l’incapacité de la France à participer au processus de discussion des projets européens. C’est un reflet de notre incapacité au niveau national. Les positions sont clivées dès le départ, et le rythme imposé est un déni du débat démocratique. Cela conduit à des postures politiciennes au sein du Parlement et, in fine, à des interprétations de nos administrations, qui jonglent souvent avec les doctrines de plusieurs ministres.
Au-delà de l’élimination de surtranspositions, qui aura pour effet de récuser des intentions parfois fondées de protection sociale et environnementale, il faudrait élaborer une méthode. Madame la secrétaire d’État, quelles sont vos propositions pour permettre une vraie concertation des parties prenantes et une réelle étude des impacts de la loi ?
Monsieur le sénateur, je partage votre constat selon lequel l’Europe est parfois très loin des citoyens et des entreprises. L’Europe va parfois vite en conclusions et aboutit à des généralisations. Cela explique peut-être le manque de confiance que peuvent manifester certains de nos concitoyens par rapport aux grands projets européens.
Ces derniers mois, nous avons précisément travaillé à mettre plus de concertation dans nos process, plus de réflexion dans la façon de conduire nos réformes et à mieux prendre en compte, non pas les intérêts – ce terme convient mieux aux lobbys –, mais les préoccupations de nos entreprises et de nos concitoyens.
Par ailleurs, vous avez dû l’observer, nous essayons de prévoir systématiquement des indicateurs permettant d’évaluer la qualité des décisions que nous prenons. Les évaluations que nous menons, par exemple sur le PIA, s’appuient notamment sur les retours que nous adressent les entreprises et les associations de consommateurs.
Nous avons certainement des progrès à faire, et le point soulevé par le sénateur Danesi dans son rapport est parfaitement exact, mais sachez que nous sommes très engagés dans les améliorations à apporter, en amont comme en aval du processus législatif.
Je vous entends bien, madame la secrétaire d’État. Permettez-moi toutefois de citer l’exemple de l’interdiction du diméthoate durant le précédent quinquennat et qui a posé, pendant quelques années, un problème de concurrence de notre agriculture avec celle d’autres pays. Le souhait du gouvernement auquel vous appartenez d’interdire le glyphosate posera le même problème. Il est donc important que l’interdiction de matières dangereuses soit traitée au niveau européen avant de l’être au niveau national.
Ma question est peut-être un peu plus technique : elle porte sur l’application des dispositions relatives au transport routier international.
Madame la secrétaire d’État, beaucoup de transporteurs locaux ont orienté une partie de leur activité vers l’utilisation de solutions multimodales rail-route-eau pour desservir les ports du Sud et ceux de la mer du Nord. Cette solution optimise les plans de chargement des industriels et les volumes transportés par voyage, représentant une augmentation de 15 %. Elle permet aussi de réduire proportionnellement le nombre de mouvements de camions, en s’inscrivant dans une démarche de développement durable.
La directive 96/53/CE du Conseil du 25 juillet 1996, transposée en 1997 dans le code de la route, détermine des normes en matière de poids et de dimension des véhicules. Elle autorise le transport international de marchandises par des ensembles de poids maximal de 44 tonnes uniquement dans des cas de transport intermodal.
Force est de constater que beaucoup de transporteurs étrangers, défiant ces règles de transport modal, profitent d’une lacune de transposition de la directive européenne pour transporter sur nos routes des conteneurs surchargés. En contournant la loi, ils créent de fait une concurrence déloyale, susceptible de mettre en péril le modèle économique multimodal.
Si l’exercice du contrôle sur le volet spécifique du passage de frontière par des ensembles routiers transportant des conteneurs en surcharge est possible, il n’existe pas de transposition des sanctions prévues par le droit européen dans le droit français. De fait, même si l’infraction est constatée, en l’absence de texte répressif en la matière, les autorités françaises ne peuvent verbaliser.
Au regard du caractère que l’on pourrait qualifier de « partiel » de la transposition de la directive, que comptez-vous faire pour lutter contre cette concurrence déloyale et illégale, …
Monsieur le sénateur, la réglementation européenne est claire : le trafic international est limité à 40 tonnes, alors que la réglementation française fixe, pour le trafic national, une limite plus élevée, à 44 tonnes.
Nous souhaitons plus de transparence sur les modalités d’application et de contrôle de ces règles pour les transporteurs, notamment internationaux.
Vous avez évoqué des situations où la concurrence est mise en cause, parce que des transporteurs internationaux ne respectent pas les règles. À cet effet, la ministre chargée des transports va engager une consultation, à l’issue de laquelle elle prendra des arrêtés pour établir un cadre clair de contrôle et de sanction. Il s’agit là d’une démarche réglementaire.
En tout état de cause, cette difficulté a bien été prise en compte par le ministère des transports.
Il n’est pas nécessaire de rappeler que la surtransposition des directives européennes en droit français est source de bien des difficultés pour nos entreprises. D’ailleurs, nous sommes tous ici régulièrement interpellés à ce sujet dans nos départements.
Les entrepreneurs, les chefs d’entreprise, mais aussi les agriculteurs et les industriels, tous souffrent de la distorsion de concurrence avec nos voisins européens que ce phénomène implique. En tant que frontalier, j’en parle en connaissance de cause.
Sur des sujets cruciaux, comme l’environnement, pour ne citer que cet exemple, la France impose à ses entreprises des objectifs et des normes plus contraignants que ceux auxquels sont soumises les autres entreprises européennes. Cette distorsion est bien évidemment préjudiciable à l’attractivité économique de notre pays.
Cela est particulièrement prégnant dans le contexte du Brexit. En effet, de nombreuses entreprises de toute nature, actuellement implantées au Royaume-Uni, vont être amenées à localiser ou relocaliser leur activité sur le continent. L’implantation d’acteurs économiques depuis le Royaume-Uni devrait constituer une opportunité de développement plus que bienvenue pour certains de nos territoires. Encore faut-il que ces entreprises fassent le choix de la France ! Pour cela, notre réglementation ne doit pas être plus contraignante que celle de nos voisins, à plus forte raison quand elle est issue de textes communautaires.
Dans le projet de loi visant à supprimer certaines surtranspositions, qui est actuellement examiné par le Sénat, une mesure en particulier est tournée vers l’attractivité de la place financière de Paris, avec l’objectif d’attirer vers notre capitale les firmes de la City. C’est une ambition légitime, mais la finance ne doit pas nous faire oublier les autres domaines d’activité économique dans lesquels nous devons renforcer notre attractivité.
Pouvez-vous ainsi nous assurer, madame la secrétaire d’État, que nos entreprises pourront jouer à armes égales avec leurs concurrentes européennes, dans l’optique également de l’effort entrepris en vue d’attirer les entreprises et les services britanniques désireux de rejoindre le continent après le Brexit ?
Monsieur le sénateur, le Gouvernement a engagé un plan ambitieux en faveur de l’attractivité de la place financière française, car nous avons la conviction que le secteur financier – et pas seulement celui-là, puisque, vous le savez, une mission a été confiée à Ross McInnes sur la dimension industrielle – est un atout pour nos entreprises et pour l’emploi.
Le Brexit et les relocalisations d’entités financières qu’il va engendrer constituent une opportunité de ce point de vue. Sachez que nous sommes pleinement engagés dans ce dossier. Je recevais moi-même, la semaine dernière, l’une des dirigeantes de Morgan Stanley, qui est en train de procéder à des choix définitifs pour l’implantation de ses activités. Mon interlocutrice m’a fait part des éléments qui pouvaient être pris en compte dans sa décision ; j’y reviendrai.
Dans le cadre des mesures annoncées par le Premier ministre en juillet 2017 puis en juillet 2018, la simplification réglementaire et la dé-surtransposition du droit financier ont eu toute leur place, aux côtés de mesures visant à améliorer la structure de coûts des entreprises financières. Je veux en citer trois exemples : la suppression de l’obligation faite aux chambres de compensation d’obtenir un agrément d’établissement de crédit, la limitation des surtranspositions applicables aux sociétés cotées et l’élargissement de l’accès au système de paiement et de règlement-livraison.
Il est clair aujourd’hui que l’un des sujets qui demeurent est celui de l’écart de compétitivité-coût, notamment en matière de coût du travail. Nous disposons d’éléments très factualisés qui mettent en évidence, par exemple par rapport à l’Allemagne, qui n’est pas exactement un pays moins-disant socialement, des écarts de l’ordre de 30 % sur un certain niveau de salaires. En réalité, ces écarts concernent des cadres travaillant dans les entreprises internationales ou financières. Nous devons pleinement nous emparer de ce sujet. Je pense que nous pourrons avancer.
De façon générale, je puis vous assurer de notre engagement à faire tout ce qui est possible pour réduire ces écarts de compétitivité, mais sans dévier de notre trajectoire des finances publiques, qui – je pense que vous partagez cette idée – doit aller dans le sens de la réduction de la dépense publique, de manière équilibrée, et de la dette publique. Nous devons concilier ces deux éléments.
Le débat qui nous occupe aujourd’hui interroge tout à la fois les relations entre le législateur national et le législateur européen, ainsi que la stratégie d’influence de la France au niveau de l’Union européenne.
Premièrement, je ne crois pas que la surtransposition soit un mal par principe : le législateur français peut décider souverainement de dépasser le socle commun défini au niveau européen. Nous ne devons pas avoir comme seule boussole l’alignement systématique sur la norme européenne. Nous devons veiller, comme le propose notre collègue Danesi, à évaluer les surtranspositions préjudiciables à nos entreprises. Une fois ce travail fait, nous devons encore arbitrer entre le préjudice subi et l’intérêt général poursuivi par le législateur.
Deuxièmement, ces surtranspositions marquent souvent l’échec de l’influence française au sein du processus décisionnel européen. Nous sommes trop peu présents dans les consultations et les négociations qui précèdent l’adoption des actes européens ou encore au sein des comités techniques européens. Notre modèle d’influence, fondé sur la bicéphalie entre la représentation permanente et le secrétariat général des affaires européennes, est souvent critiqué pour sa lourdeur.
De même, le monde économique n’est pas suffisamment intégré aux négociations en amont du processus de transposition.
Ma question, madame la secrétaire d’État, porte sur la stratégie d’influence de la France au sein des institutions. Comment la renforcer pour faire adopter nos standards ? Comment mieux associer les entreprises aux négociations en amont et en aval de la prise de décision ?
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la stratégie d’influence de la France dans les négociations au niveau européen. Il est vrai que la France a longtemps été critiquée pour le décalage entre sa politique européenne ambitieuse dans les propos et sa politique d’influence, parfois moins efficace que celle d’autres États qui savaient diablement bien tirer leur épingle du jeu dans les négociations multilatérales.
Je suis assez d’accord avec vous, monsieur le président !
C’était un point faible objectif. Nous nous employons à progresser sur ce plan. Nous avons noué des contacts au niveau diplomatique avec les parlementaires européens, avec les représentations des États, avec les parties prenantes du débat européen. Nous travaillons le plus en amont possible pour faire valoir des objectifs et les concilier avec les manières de voir d’autres pays, parce qu’il s’agit bien de négociations et de prise en compte de tous les points de vue. Il faut aussi accepter de se décentrer quelque peu. C’est la démarche que nous adoptons, par exemple, sur la fiscalité du numérique, pour laquelle nous prenons le temps d’essayer de construire une position commune. Vous savez comme moi combien c’est difficile.
En ce qui concerne les entreprises, il nous paraît essentiel de les consulter, mais de le faire avec les plus fortes garanties de transparence et d’objectivité, car nous savons que le projet européen souffre aussi de soupçons de capture d’intérêts économiques par nos concitoyens. Je pense que vous y êtes sensible, puisque vous avez affirmé que la surtransposition n’était pas nécessairement négative.
Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite pouvoir entendre le point de vue de tous les acteurs – entreprises, ONG, experts issus du monde académique et société civile – et faire progresser, par des contacts plus « latéraux », moins « verticaux », ses positions au niveau européen.
Nous connaissons l’instance chargée d’interpeller les pouvoirs publics sur les lois néfastes pour les collectivités territoriales, à savoir le Conseil national d’évaluation des normes.
J’entends également parler de la création d’une instance chargée d’interpeller ces mêmes pouvoirs publics sur les lois qui, cette fois, auraient un impact négatif sur les entreprises.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Madame la secrétaire d’État, les surtranspositions sont, à mon sens, le résultat d’un État qui peine à faire appliquer ses lois et qui ne cesse d’en créer de nouvelles, en espérant que l’une d’elles soit enfin entendue.
De cette boulimie législative résultent des failles dans les relations entre les équipes chargées des négociations européennes et celles qui ont la charge de la transposition, mais aussi des lacunes dans les études d’impact. Bref, la machine s’est emballée, et plus personne ne s’y retrouve.
Ne pensez-vous pas que la solution réside dans la capacité des gouvernements à faire appliquer les lois existantes, notamment en donnant aux douanes les moyens de faire leur travail ?
Pour gagner en lisibilité, ne pensez-vous pas que la solution réside peut-être dans des lois moins nombreuses, mais appliquées ?
Lorsque l’on sait que, faute de décrets d’application, un tiers des lois n’est pas mis en œuvre, ne pensez-vous pas que, pour faire cesser cet emballement législatif et ces surtranspositions nuisibles, la parution des décrets d’application doit être plus rapide ?
Quant aux lois « d’affichage » inapplicables, qui ne font que nourrir les revues juridiques, les sénateurs et, je l’espère, les députés sont assez responsables pour y mettre fin.
Madame la sénatrice, je veux commencer par une citation familière aux étudiants en droit public, que vous connaissez certainement : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite. » Je crois percevoir dans vos propos l’idée que les surtranspositions et l’affluence de normes ne sont pas de nature à améliorer la réalité de notre action publique.
Je partage votre souhait de simplifier nos règles pour faire progresser le niveau de protection de nos concitoyens, pour les rendre lisibles et donc applicables. À ce titre, plusieurs principes me paraissent devoir être observés : le respect du partage entre la loi et le règlement, parce que la loi se saisit parfois de sujets qui ne lui reviennent pas ; la réduction de notre flux réglementaire, avec la suppression de deux normes pour toute nouvelle norme créée ; enfin, la chasse aux législations de circonstance, que vous avez mentionnée en creux.
Le Gouvernement s’inscrit dans le respect de ces principes. Le Premier ministre a en effet imposé la règle suivant laquelle la création d’une norme nouvelle devait s’accompagner de la suppression de deux normes existantes. Tous nos projets de loi sectoriels doivent comporter un volet de simplification. Nous savons collectivement que c’est difficile, puisque nous avons tous envie d’influencer la trajectoire de la décision publique – c’est peut-être un péché mignon que nous partageons…
Sachez néanmoins que le Gouvernement s’impose ces règles et que nous serons très attachés à leur respect.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse. J’ai bien conscience que ce travail est ingrat, mais il est essentiel pour regagner en lisibilité et, ainsi, redonner confiance à notre économie.
La surtransposition, qu’elle soit réglementaire ou législative, pénalise nos entreprises.
Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit.
En mars dernier, notre chambre haute débattait, sur l’initiative du groupe socialiste et républicain, auquel j’appartiens, de deux textes de loi visant à améliorer nos procédures législatives en matière de qualité des études d’impact et d’évaluation des politiques publiques menées.
Nous avons adopté à l’unanimité le texte visant à confier à des cabinets indépendants les études d’impact des textes discutés. La Questure du Sénat vient d’ailleurs de lancer un appel d’offres à ce sujet.
Les mêmes questions se posent dans les mêmes termes au niveau européen à propos du processus d’élaboration des directives et de leur transposition dans le droit national. L’évaluation indépendante de l’efficacité des politiques européennes permettrait utilement d’alimenter le débat public sur le fond, au niveau tant des États que de l’Union européenne.
Dans son avis sur le projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français, le Conseil d’État « regrette que l’étude d’impact, […], n’indique pas, […], les motifs […] pour lesquels les dispositions […] avaient été en leur temps introduites en droit interne et le contexte dans lequel ces choix de transposition ont été faits ». Il ajoute qu’« il serait utile également d’avoir dans la mesure du possible des éléments précis sur l’impact attendu des suppressions dont il est question ». En effet, il serait précieux que nous puissions connaître l’incidence attendue de ces suppressions en matière économique, sociale, environnementale, voire culturelle. Ces remarques pourraient tout autant s’appliquer au processus de transposition des directives dans le droit national.
Madame la secrétaire d’État, pour la clarté du débat parlementaire, une plus grande efficacité des transpositions et la limitation au strict nécessaire, dûment justifié, des surtranspositions, envisagez-vous la mise en œuvre d’études d’impact des directives transposées et, si oui, suivant quelles modalités et quel calendrier de mise en œuvre ?
Monsieur le sénateur, vous le savez comme moi, les études d’impact des projets de loi et des actes réglementaires prévoient systématiquement une analyse du texte au regard du droit européen.
Les orientations du Premier ministre en matière de lutte contre les surtranspositions sont claires. Elles permettent d’éviter l’adoption d’un texte qui s’avérerait aller au-delà du droit européen, sauf à ce qu’un puissant motif d’intérêt général le justifie. La démarche que nous avons engagée voilà seize mois, consistant à insérer des mesures de simplification et de dé-surtransposition dans des textes de loi – j’en ai cité un certain nombre, à commencer par celles du projet de loi PACTE, que le Sénat examinera prochainement –, va dans ce sens.
Oui, nous pouvons certainement améliorer l’évaluation de l’impact des textes, en y intégrant les aspects économiques, sociaux, environnementaux et culturels ! Au reste, il me semble que nous le faisons déjà, même si c’est un peu moins vrai pour les aspects culturels, car tous les textes ne s’y prêtent pas.
En tout état de cause, dans la dynamique qui a été lancée et qui ne se limite pas au débat sur le projet de loi de dé-surtransposition que le Sénat a commencé à examiner hier avec la ministre Nathalie Loiseau, nous aurons l’occasion de revenir sur la question de la mesure, dans les études d’impact, de l’effet des surtranspositions.
En Europe, les populismes montent. La démocratie n’est plus considérée par beaucoup d’Européens comme « le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres », comme le disait Winston Churchill.
La vie au quotidien des citoyens européens et des entreprises est davantage régie par le droit de source européenne que par les droits nationaux.
Comme un moyen parmi d’autres, la publication d’études d’impact véritablement indépendantes relatives aux transpositions et à l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques européennes permettrait de donner plus de sens politique et démocratique à la construction européenne.
Comme cela a été dit, la surtransposition des directives européennes en droit français nuit à la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs partenaires européens. C’est un fait difficilement contestable ; la présentation du projet de loi visant à atténuer le phénomène a d’ailleurs été l’occasion de le rappeler.
Nous approuvons cette démarche, et nous rejoignons le Gouvernement dans sa volonté de revenir sur les surtranspositions existantes. Nous regrettons cependant, madame la secrétaire d’État, que le Parlement ne soit pas davantage associé au processus de lutte contre les excès de transposition des directives européennes. Le Sénat a pourtant été à l’origine de nombreux rapports mettant en évidence des surtranspositions dans des domaines qui affectent directement nos entreprises et nos services §et proposant des réponses à ces enjeux – M. Danesi les a évoqués.
Une association plus étroite du Parlement pourrait aussi et surtout être bénéfique à une stratégie de simplification du droit issu des textes européens de plus long terme et de plus grande ampleur. Aujourd’hui, les parlementaires saisis des projets de loi portant transposition de directives européennes disposent en général de peu de temps pour les examiner en détail, d’autant qu’il s’agit souvent de mesures particulièrement techniques. Repérer et surtout évaluer les différentes surtranspositions peut donc être, dans ce contexte, une tâche ardue.
Si, en revanche, les Parlements nationaux étaient associés en amont de la négociation des directives elles-mêmes, le travail sur la transposition de ces textes pourrait s’effectuer de manière à la fois plus approfondie et plus apaisée.
Ainsi, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que le Parlement aura toute sa place dans le processus de lutte contre les surtranspositions présentes et, surtout, de prévention des surtranspositions futures ?
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le sénateur, je souscris à votre constat : ce n’est que par une plus forte appropriation par tous et, en premier lieu, par le législateur des enjeux liés à la réglementation européenne que nous progresserons dans notre effort d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises.
C’est pour cette raison que le Gouvernement est à l’écoute des préoccupations des parlementaires et qu’il leur transmet des éléments d’information sur les négociations en cours. Comme vous le savez, ces négociations peuvent s’étirer et ne sont pas toujours faciles à résumer, mais l’objectif des débats avec les parlementaires, qui sont d’ailleurs fréquemment organisés par votre commission des affaires européennes, est d’anticiper le plus en amont possible, grâce à votre concours et à votre expertise, des éléments pouvant éventuellement être ensuite réinjectés dans la négociation menée au niveau européen par le Gouvernement. Au reste, cette démarche se fait aussi en lien avec d’autres parties prenantes au niveau européen, puisque les problèmes soulevés par les parlementaires peuvent faire écho aux préoccupations qui ressortent des contacts que nous pouvons avoir mis en place avec d’autres États, voire d’autres parlements, pour nourrir la stratégie d’influence commune.
Je ne peux donc que vous assurer de notre volonté d’approfondir cette démarche, a fortiori dès lors qu’elle est de nature à favoriser une meilleure compétitivité de la France, une meilleure lisibilité de notre droit et une capacité à augmenter collectivement le niveau de protection de nos concitoyens.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État.
La surtransposition du droit européen n’est pas le diable. Elle nous a permis de faire des progrès dans de nombreux domaines, comme en matière d’environnement.
La question qui se pose est celle de l’équivalence, et c’est un frontalier de la Belgique et des Pays-Bas qui vous parle. Je pense que les parlementaires peuvent participer à l’évaluation de ce principe d’équivalence.
Pour conforter la position de la France en tant que leader mondial du tourisme et atteindre l’objectif de 100 millions de touristes internationaux en 2020, le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces pour développer le secteur touristique. En tant qu’élue d’un territoire de montagne, les Hautes-Alpes, je ne peux que m’en réjouir, puisque, avec 53, 8 millions de journées-skieurs, les massifs français sont la deuxième destination mondiale pour le ski, derrière l’Autriche.
Les stations représentent 120 000 emplois induits et toute une économie construite autour des remontées mécaniques. C’est pourquoi je veux appeler votre attention sur les seuils applicables aux aménagements des domaines skiables aux termes de l’article R. 122-2 du code l’environnement.
Contrairement à nos voisins des pays de l’arc alpin, ces seuils ont été fixés à un niveau très bas, entraînant un examen systématique au cas par cas, avec, souvent, l’obligation d’une étude d’impact pour des aménagements dont la taille et les effets supposés sur l’environnement ne la justifient pas. Pis, lorsqu’il s’agit du remplacement d’un appareil de remontée mécanique, une étude est aussi nécessaire, alors que l’on se trouve exactement dans le même périmètre.
Madame la secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir que l’excès de contraintes induit un retard des projets, des coûts supplémentaires, voire aboutit à un renoncement, alors que le secteur est très concurrentiel. En montagne, la réalisation d’une étude d’impact nécessite un délai minimal de douze mois pour l’observation de la faune et de la flore et entraîne une enquête publique, donc des délais supplémentaires.
Afin de mettre fin aux surtranspositions françaises qui pénalisent l’économie montagnarde, je vous serais très reconnaissante de bien vouloir m’indiquer si, comme le prévoit la directive européenne 2014/52/UE relative à l’évaluation environnementale, le gouvernement français est prêt à s’aligner sur le droit européen.
Madame la sénatrice, vous soulevez une question qui m’est extrêmement familière, puisque, voilà encore deux semaines, je dirigeais l’entreprise leader mondial de gestion des domaines skiables, qui opère notamment aux Deux Alpes. Toutefois, pour cette raison même, je vais devoir me déporter, car il serait peu approprié que je prenne une position sur ce sujet.
Madame la secrétaire d’État, il conviendrait en ce cas que le Gouvernement apporte une réponse écrite à notre collègue.
En tout état de cause, je me retournerai vers mes services pour que Mme Patricia Morhet-Richaud reçoive une réponse appropriée à sa question.
Madame Morhet-Richaud, vous n’aviez plus de temps disponible pour la réplique, mais, compte tenu de la situation particulière, je vous donne la parole.
Je compte bien avoir une réponse à ma question, ne serait-ce que par écrit.
Comme vous le soulignez très bien dans votre rapport, monsieur Danesi, les surtranspositions sont généralement assumées par l’État et le législateur, qui, par volonté politique, opte pour des dispositions plus restrictives ou des objectifs plus contraignants que la directive encadrant le domaine d’intervention, mais conformes à l’éthique de responsabilité et aux attentes des citoyens. Je pense, par exemple, à la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie en France à 23 % en 2020 et à 32 % en 2030, alors que la directive du 23 avril 2009 ne fixait qu’un objectif minimal de 20 % en 2020.
Oui, c’est un choix politique, qui sous-tend d’ailleurs la montée en puissance de secteurs économiques qui ont besoin de ce type de signal pour prospérer ! Voilà un exemple de surtransposition bienvenue pour notre économie ! Le mécanisme n’est donc pas toujours en défaveur de nos entreprises.
Autre exemple : les pesticides. Je suis d’autant plus concerné par ce sujet que le Gouvernement vient de prendre la décision unilatérale d’interdire la substance active métam-sodium à la suite de l’intoxication de plusieurs dizaines de personnes provoquée par la pulvérisation de ce produit dans la commune de Brain-sur-l’Authion, dans mon département de Maine-et-Loire, pour préparer la culture de la mâche.
Je partage l’idée d’une nécessaire simplification du droit là où c’est possible. Mais attention à ne pas rogner trop hâtivement notre droit de l’environnement ou de la consommation sur l’autel de la concurrence libre et non faussée !
D’où ma question, madame la secrétaire d’État : le rapport de notre collègue propose par exemple dans sa recommandation première « de mieux associer le monde économique aux négociations sur les projets d’actes législatifs européens en amont de la transposition ». Mais il semble ici que l’on oublie les consommateurs et les usagers. Une solution équilibrée proposée par le Conseil d’État en 2016 semble plus adaptée, à savoir la création « d’un conseil unique d’évaluation des normes doté de trois collèges représentant les usagers, les collectivités territoriales et les entreprises ». Que pensez-vous de cette approche tripartite en matière de surtransposition ?
Monsieur le sénateur, je partage avec vous l’idée selon laquelle il peut y avoir de très bonnes raisons de surtransposer, et ce afin de protéger les consommateurs ou de garantir des conditions de sécurité en matière environnementale ou sanitaire. Nous assumons ces standards plus protecteurs qui vont au-delà des normes européennes minimales, car ils répondent à nos préférences collectives pour mieux protéger les entreprises et les citoyens. Nous ne proposons donc pas, comme je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, une dé-surtransposition sauvage qui abandonnerait nos intérêts économiques, notre intérêt public ou notre souveraineté juridique.
Au regard de cette problématique de surtransposition, je rappelle que le Conseil national d’évaluation des normes, placé auprès du ministre de l’intérieur, associe largement non seulement le monde économique, mais également des représentants des consommateurs ou d’autres parties prenantes, par exemple les organisations non gouvernementales et les collectivités locales, pour justement mesurer, et pas uniquement dans une visée économique, la portée de ces normes.
Le constat est posé : la compétitivité de notre économie se trouve trop souvent entravée par des contraintes purement nationales, qui viennent s’ajouter aux objectifs fixés par les directives européennes. Pourtant, l’impact de ces mesures nationales en termes de compétitivité, de charges administratives et de garanties données aux citoyens, par rapport à nos voisins européens, n’est quasiment jamais débattu. À ce titre, je veux saluer les travaux de la commission des affaires européennes, son président, ceux de la délégation sénatoriale aux entreprises et de notre collègue René Danesi.
L’enjeu est avant tout d’ordre économique : en imposant à ses entreprises des normes plus contraignantes que celles qui sont en vigueur dans les autres États membres, quel que soit le secteur concerné, la France se met en situation de fragilité. Et pour quel résultat ?
Cette pratique française interroge et peut être comparée à la situation qui prévaut en Allemagne, où, selon un principe simple, toute surtransposition est interdite, sauf si elle est favorable aux entreprises nationales et dûment justifiée.
Plus largement, je souhaiterais que la France soit plus stratège et ambitieuse à l’égard des entreprises et des acteurs économiques français.
Ces travaux ont révélé que le droit français comporte un certain nombre d’obligations de publicité qui conduisent à informer la concurrence de projets innovants ou à leur donner accès à des informations confidentielles. C’est le cas par exemple du processus d’autorisation des auxiliaires de fabrication : la France oblige à indiquer l’ensemble des ingrédients, ce qui profite aux entreprises des autres pays de l’Union européenne, qui s’enrichissent de ces innovations et vendent leurs produits sans être soumises à cette procédure d’autorisation.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quels garde-fous le Gouvernement entend-il mettre en place pour prévenir à l’avenir toute nouvelle surtransposition ?
Monsieur le sénateur, ce point a été largement évoqué cet après-midi. En effet, le fait que des informations partagées par nos entreprises puissent être disponibles auprès de la concurrence est pris en compte par le projet de loi portant suppression de surtranspositions. Par exemple, son article 5 prévoit que les entreprises peuvent élaborer des comptes de résultat simplifiés et limiter la diffusion d’informations économiques sensibles à partir d’un certain seuil. C’est là une mesure très concrète dans ce sens.
De manière générale, vous l’avez compris, nous prenons à bras-le-corps cette question des surtranspositions, sous l’égide du Premier ministre. Tout projet de loi doit comporter un volet de simplification, proposer une réflexion sur des dé-surtranspositions quand nous le jugeons utile – il ne s’agit pas de le faire par plaisir – dans un but de simplification, pour rendre le droit plus lisible et nos entreprises plus compétitives.
Par ailleurs, le projet de loi que je viens de mentionner comporte un volet relatif au traitement du stock des dé-surtranspositions.
Le processus est donc très organisé en la matière. Dans le cas des nouvelles directives pouvant conduire à une surtransposition, soit celle-ci est assumée, partagée par les parlementaires, transparente et « tamponnée » par le Premier ministre, soit elle n’a pas lieu d’être. C’est clairement la position que nous avons prise.
Madame la secrétaire d’État, vous avez cité la loi ÉGALIM. Voilà un exemple concret d’un texte ajoutant de la surtransposition !
Autre exemple : les drones. On tourne le dos au progrès. Alors que les autres pays de l’Union européenne autorisent leur utilisation précise au service de l’homme, en France, on décide de les interdire !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La surtransposition est un mal bien français. Elle porte préjudice à des domaines majeurs pour l’avenir de notre pays et est totalement paradoxale par rapport aux politiques de développement des énergies renouvelables, par exemple.
De manière surprenante, la surtransposition du droit européen en France empêche le développement des entreprises de production d’énergies renouvelables. Le cas de la production d’électricité issue de la petite hydroélectricité est à cet égard très révélateur et alarmant. En effet, quand la directive européenne sur les continuités écologiques, dite DCE, est transposée en France, on surtranspose ! Plus précisément, l’administration surtranspose sans vergogne ! Certes, l’autorité administrative française dispose des moyens d’établir les prescriptions nécessaires au respect de la gestion équilibrée des cours d’eau ; toutefois, elle surajoute des contraintes dans l’utilisation de nos cours d’eau, elle surdécline le concept de continuité écologique à travers une kyrielle de lois et de règlements, qui s’ajoutent les uns aux autres et vont, en ce sens, au-delà de la simple transposition du concept issu de la DCE. Citons par exemple les articles R. 214-1, R. 181-45, le II de l’article R. 181-46 et l’article R. 214-18-1 du code de l’environnement. Et je ne parle pas de l’arrêté de prescriptions techniques générales du 11 septembre 2015, qui impose toutes sortes de mesures au titre de la préservation de la continuité écologique sur les cours d’eau non classés ni du projet de décret relatif à la continuité écologique, qui risque d’en rajouter une couche !
Le préjudice est d’ampleur pour le développement des énergies renouvelables : sont perdus de vue les principes de gestion équilibrée et de conciliation des usages, pourtant inscrits dans le code de l’environnement. Et la surtransposition crée une instabilité économique et juridique, en précarisant lesdits ouvrages hydroélectriques et leur exploitation !
On oublie qu’une autre directive européenne sur les énergies renouvelables et la loi du 17 juillet 2015 sur la transition énergétique prônent le développement des énergies renouvelables, telle l’hydroélectricité.
M. Laurent Duplomb. Madame la secrétaire d’État, comptez-vous enrayer cette frénésie de la surtransposition et ainsi permettre de retrouver un équilibre dans l’utilisation et la valorisation de la ressource en eau, afin de sortir de ce dilemme bien français ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, ce champ particulièrement spécifique intéresserait mon collègue François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire.
Nous sommes fortement engagés en faveur du développement des énergies renouvelables, auxquelles nous apportons des financements très importants, notamment au travers du programme d’investissements d’avenir, y compris dans la filière maritime.
S’agissant de la gestion des cours d’eau et de leur usage équilibré, là encore, nous essayons de concilier des objectifs environnementaux avec des objectifs d’accès à l’eau. Vous savez que des pompages trop importants peuvent aussi déstabiliser des zones hydriques. Ce ne sont pas simplement des craintes, comme on peut le constater dans les Alpes, que je connais plus particulièrement, ou dans l’Isère.
La bonne démarche consiste à rechercher cet équilibre dans cet objectif de respect de l’environnement et de mixité des usages. Soyez assuré que, s’agissant des énergies renouvelables, nous sommes très fortement engagés dans ce sens.
Je me réjouis à mon tour de ce débat, fruit de l’initiative commune de la commission des affaires européennes et de la délégation sénatoriale aux entreprises.
On le dit, mais on n’agit pas assez : les entreprises françaises sont pénalisées par les surtranspositions de directives européennes, que rien ne permet de justifier et qui pèsent sur leur compétitivité. Parmi ces entreprises, il y a bien évidemment les entreprises agricoles, auxquelles je souhaite consacrer ma question.
Les élevages français sont pénalisés par rapport à leurs concurrents européens du fait de la surtransposition de la directive européenne sur l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés, dite EIE.
En droit français, pour les élevages de porcs et de volailles, les seuils imposant à un projet d’élevage de réaliser une étude d’impact sur l’environnement, préalable à une demande d’autorisation d’exploiter, sont plus contraignants que les seuils fixés par la directive EIE. Un projet d’élevage français est soumis à cette obligation tandis qu’un projet de même nature dans un autre État membre en sera dispensé. Cette surtransposition est pénalisante pour les élevages de porcs et de volailles dans la mesure où la réalisation d’une étude d’impact est longue et coûteuse. Cela ne fait que s’ajouter à la longue liste des contraintes administratives qu’on leur impose.
Cette surtransposition est de niveau réglementaire et non législatif, elle ne peut donc être directement supprimée dans le cadre d’un projet de loi comme celui qui, hasard du calendrier, vient en discussion la semaine prochaine – et qui, au passage, manque nettement d’ambition.
Ma question est donc simple : quelles actions le Gouvernement prévoit-il de mettre en œuvre pour lutter contre les surtranspositions d’origine réglementaire, notamment la surtransposition de la directive EIE, qui pénalise les élevages français de porcs et de volailles ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, conformément à une promesse du Président de la République, le Gouvernement a lancé l’année dernière des états généraux de l’alimentation. Ceux-ci avaient pour objectif de mieux rémunérer les agriculteurs tout en augmentant la qualité de l’offre française.
La concurrence européenne, vous l’avez souligné, ne doit donc pas être synonyme de moins-disant réglementaire, mais nous ne devons pas être naïfs, et l’élevage est un secteur soumis à une concurrence internationale féroce.
Des mesures de simplification, de dé-surtransposition, ont été adoptées ces dernières années, notamment s’agissant des installations classées pour la protection de l’environnement. Il me semble – je l’entends dans votre propos – que l’on peut aller plus loin. Avec mon collègue Didier Guillaume, nous allons prochainement signer un contrat stratégique de la filière agroalimentaire. Au travers de ces coopérations que nous mettons en place entre les différents ministères, il me semble, même si ce n’est pas l’objet de ce contrat stratégique, que nous pourrons identifier ces grains de sable qui nuisent au bon fonctionnement de nos entreprises, à leur insertion dans la concurrence, et leur apporter des réponses claires.
N’hésitez pas à m’adresser un récapitulatif de ces différents items, même si je ne peux pas vous garantir que nous répondrons favorablement à tout.
La surtransposition du droit européen en droit français est souvent dénoncée par les entreprises de tout secteur et de toute taille. Il existe de nombreux exemples, parmi lesquels le temps de travail imposé aux chauffeurs routiers français. Nous constatons ainsi sur nos routes des transporteurs européens qui font des opérations de cabotage sans ces contraintes.
Ces lois ou règlements français, qui vont au-delà des exigences fixées par l’Europe, pourraient se défendre si nous n’étions pas un pays ouvert au libre-échange et à la concurrence internationale. Ce n’est pas l’orientation qui a été prise. Nous avons fait le choix de défendre notre pouvoir d’achat en optant pour la libre concurrence. Je le respecte. Les entreprises françaises doivent donc être compétitives pour pouvoir vendre leurs produits. Or elles ont un coût horaire de travail qui est quatre fois supérieur à celui de pays voisins comme la Pologne.
Si, en plus de la question du dumping social, que nous n’avons toujours pas réglée, nous continuons de produire des lois ou des règlements uniquement français, nous diminuons encore nos chances de voir se développer ou se transmettre nos entreprises de petite et moyenne taille, de voir les plus grosses, qui sont internationales, optimiser leurs résultats par rapport aux pays les moins taxés. Nous risquons également d’avoir à supporter les pertes de recettes fiscales des GAFA.
Il est donc inutile d’imposer des règlements ou des lois de surtransposition qui handicapent le bon fonctionnement des entreprises ou qui alourdissent administrativement leurs décisions. Le projet de loi présenté par le Gouvernement et que nous étudierons la semaine prochaine va dans ce sens.
Comme mon collègue René Danesi l’a relevé dans son rapport, le sujet devra sur le long terme être traité autour de trois axes : premièrement, il faudra participer activement aux négociations européennes et faire en sorte qu’elles prennent davantage en compte nos spécificités ; deuxièmement, nous devons évaluer l’impact économique de toute mesure de transposition, en temps réel ; troisièmement, nous devons traiter le stock des surtranspositions existantes.
Je regrette que le texte qui nous est proposé n’aborde que partiellement le troisième point, sans que soient évitées dans le futur de nouvelles surtranspositions. Pourquoi n’est-il pas prévu d’intervenir en amont pour éviter celles-ci ?
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attentif à notre compétitivité par rapport aux autres pays européens, comme vous avez pu le constater avec la série de lois de transformation soumises à votre examen ces seize derniers mois, qui visent justement à resserrer autant que possible cet écart en libérant l’économie.
Vous avez également mentionné les situations de dumping social, fiscal, la taxation des GAFA. Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, est extrêmement impliqué sur ce sujet. C’est un sujet de négociation, c’est aussi un sujet d’influence.
Je reprends à mon compte les trois éléments que vous mentionnez : premièrement, participer aux négociations européennes et, en amont, interagir avec le Parlement pour améliorer notre compréhension des directives qui seront négociées et anticiper les situations de surtransposition ; deuxièmement, évaluer l’impact non seulement économique, mais aussi social et environnemental des mesures de surtransposition ; troisièmement, s’agissant du traitement des stocks, le projet de loi que vous examinerez dans les prochains jours est une première réponse, qui ne prétend pas être exhaustive, cet aspect étant également abordé notamment dans le projet de loi PACTE. À l’avenir, chaque projet de loi structurant prendra en compte cet aspect des choses afin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, de rendre le droit plus lisible et de réduire l’inflation normative.
Mme la présidente. Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux entreprises, mes chers collègues, alors que notre débat s’achève, je veux souligner que la commission des affaires européennes suit avec une particulière attention la transposition des directives en droit français et les mesures d’application des règlements européens. En début d’année, la conférence des présidents l’a chargée, à titre expérimental, d’une mission de suivi des transpositions. Elle examine les projets et propositions de loi pour en évaluer sous ce regard la qualité de la transposition proposée et attirer l’attention de la commission saisie au fond sur les écarts de transposition. Elle a ainsi été conduite à exercer cette mission de vigilance dans le cadre de trois textes adoptés au cours des derniers mois : en matière de protection des secrets d’affaires ; en matière d’encadrement des services de paiement ; en matière de mise en œuvre du règlement général de protection des données à caractère personnel.
Le projet de loi PACTE sera une nouvelle occasion d’exercer cette mission, qui est, faut-il le préciser, en parfaite cohérence avec le rôle qui incombe à la commission des affaires européenne du Sénat dans le cadre de l’élaboration des textes européens. Les propositions de résolution qu’elle adopte pour attirer l’attention du Gouvernement sur les enjeux attachés aux travaux d’harmonisation en cours au niveau européen et les avis politiques qu’elle adresse à la Commission et au Parlement mettent en particulier l’accent sur la définition du périmètre qu’il est proposé d’harmoniser, sur la pertinence de la portée de l’harmonisation proposée et sur l’adaptation du traitement réservé aux préoccupations françaises en matière de protection des consommateurs, de lutte contre la fraude, de protection raisonnée et raisonnable de l’environnement ou encore de santé publique. Nous nous efforçons de suivre les travaux européens, de mesurer les conséquences potentielles des mesures proposées pour nos opérateurs économiques.
Le droit européen ne doit pas être appréhendé comme un recul du cadre national, mais comme l’occasion de promouvoir notre modèle au niveau européen, tout en permettant à nos entreprises de ne pas être pénalisées par des règles nationales que ne supportent pas leurs concurrentes, en termes de charges administratives, de coûts et de contraintes de production. Les exemples figurant dans le rapport de notre collègue René Danesi sont illustratifs à cet égard. Je tiens tout particulièrement à saluer son engagement en la matière.
Des améliorations méthodologiques doivent être apportées sans tarder à la participation française au processus d’élaboration du droit européen comme à la procédure de transposition du droit européen en droit français. Le Parlement doit davantage être associé aux négociations des textes européens. C’était d’ailleurs une préconisation du Conseil d’État dans son étude de 2015. Toute mesure de surtransposition doit être dûment identifiée et justifiée.
Il y a là véritablement un nouvel état d’esprit à insuffler, responsable et positif. Nous comptons sur le Gouvernement pour jouer pleinement le rôle qui lui incombe en la matière, pour appuyer les observations du Parlement et le tenir beaucoup mieux informé des évolutions des négociations au niveau européen, pour lui fournir les éléments dont il a besoin pour évaluer les conséquences des surtranspositions proposées.
La prise de conscience de l’importance d’une telle approche constitue une première étape positive. Il convient qu’elle soit généralisée et mise en œuvre dans la durée. Nous sommes sensibles à la détermination affichée en la matière par le Gouvernement. Nous en attendons des résultats concrets.
Madame la secrétaire d’État, je ne saurais trop vous appeler à entrer dans cette nouvelle culture, avec un partenariat plus étroit avec les parlementaires, et, parmi eux, surtout les sénateurs, qui sont très investis sur les territoires, pour mieux dialoguer avec les instances communautaires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.
Nous en avons terminé avec le débat sur le préjudice représenté, pour les entreprises françaises, par la surtransposition du droit européen en droit interne.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la commission des affaires sociales, sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur du débat dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement bénéficiera de la même durée pour lui apporter une réponse.
La parole est à M. Philippe Mouiller, au nom de la commission auteur de la demande.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi d’adresser mes remerciements au président Alain Milon pour la confiance témoignée au moment du lancement du groupe de travail sur l’accompagnement du handicap et à mes collègues de la commission des affaires sociales pour leur engagement au cours de ces dix mois de travail. Je remercie également Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État, pour les échanges de grande qualité que nous avons conduits à l’issue de ces travaux.
J’ai eu l’occasion de présenter un rapport intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, lequel a été approuvé à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Dans ce rapport, j’ai suggéré quarante propositions. Je ne peux pas les présenter toutes à cette tribune, mais je vous ferai part de deux grandes orientations qui sont à mes yeux particulièrement importantes.
La première a trait à la simplification de l’offre médico-sociale destinée aux personnes handicapées. Alors que nous entamerons, la semaine prochaine, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sujet ne me paraît plus pouvoir souffrir de report.
Les acteurs de l’accompagnement et les personnes handicapées sont unanimes dans leur souhait de voir s’améliorer la situation pour éviter des parcours inutilement complexes, des contraintes administratives et financières empilées qui limitent l’épanouissement des personnes et leur intégration dans la cité.
Cette complexité, mes chers collègues, est le fruit de notre histoire.
On pourrait, à bon droit, me répondre que, depuis la loi du 11 février 2005, ce principe simple et distinct se nomme « société inclusive », désignant de ces deux mots forts l’ambition de faire à toute personne handicapée une place dans la société qui tient compte de sa situation particulière. Mais c’est à mon sens confondre la destination et la traversée. Si le cap est partagé, les difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans leur vie quotidienne, dans leur accompagnement à domicile ou en établissement, n’ont pas connu, depuis 2005, d’atténuation particulière. Pis, la complexité de leur parcours s’est aggravée.
Le constat revient fréquemment : les parcours ne se mesurent pas à l’aune des personnes, mais à celles des structures.
Voilà plusieurs années que les gouvernements successifs ont pris conscience des écueils d’un modèle d’accompagnement qui se définit essentiellement par l’offre. Encore aujourd’hui, le principal déterminant d’une couverture territoriale, suffisamment étoffée, reste le nombre de places. Cet indicateur réduit l’accompagnement à la qualification d’un établissement ou d’un service unique et n’en traduit que très imparfaitement la pertinence.
Le pilotage par le nombre de places entretient par ailleurs un tropisme de la structure et maintient d’importants cloisonnements entre acteurs de l’accompagnement, là où l’on souhaite, au contraire, introduire plus de fluidité et de porosité.
Pour ce qui regarde le travail des personnes handicapées, je propose que l’ensemble des acteurs publics chargés de leur insertion et de leur maintien dans l’emploi soient réunis dans un seul et même service public de l’emploi.
Pour ce qui relève de l’accompagnement médico-social, il me paraît certes indispensable que les gestionnaires d’établissements et de services disposent d’une certaine liberté d’administration pour proposer des parcours plus modulaires. Toutefois, cette liberté doit être précisée au travers des instruments juridiques par lesquels ils contractualisent avec leur autorité tarifaire.
Pour rompre avec les travers d’une offre médico-sociale excessivement descendante, qui privilégie l’injonction statistique des bureaux centraux par rapport aux besoins réels du terrain, il est évident que la main doit être laissée à ceux qui accompagnent directement la personne.
Mais veillons à ce que ces parcours, construits au plus près des personnes concernées, ne les enferment pas dans de longs dispositifs intégrés, où les ruptures seraient certes moins fréquentes, mais où l’accompagnement s’éloignerait tout autant des attentes exprimées…
Cela m’amène au second point que je souhaitais soulever.
Le grand défaut de notre modèle réside dans l’écoute très insuffisante des besoins des personnes handicapées, qui devraient seuls guider la réponse que nous devons leur apporter. Or, en la matière, les progrès sont beaucoup trop timides. Les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui sont nos acteurs de première ligne, ne sont pas habilitées à porter un diagnostic circonstancié et territorialisé des besoins exprimés dans leur département. Elles ne sont là que pour rendre compte de la somme des besoins individuels qu’elles recueillent et qu’elles essaient de faire correspondre à une offre territoriale sur laquelle elles n’ont pas la moindre prise.
C’est pourquoi je suggère que soit créée une instance de proximité : une plateforme territoriale du handicap, ou PTH. Il me semble que son intervention viendrait combler un vide important ; une partie de la solution en dépend. Il s’agirait d’une structure territoriale dédiée, intervenant à l’échelon le plus pertinent, celui du bassin de vie, et réunissant l’ensemble des acteurs concernés par le parcours de vie d’une personne handicapée.
Trois missions lui seraient assignées.
Premièrement, après un recensement des besoins, la plateforme territoriale du handicap livrerait le produit de ses réflexions aux instances décisionnaires locales et nationales qui, chargées du redéploiement de l’offre, disposeraient alors d’une base quantitative et, surtout, qualitative suffisamment dense et circonstanciée pour prendre les décisions d’autorisation et d’implantation.
Deuxièmement, la PTH jouerait également un rôle d’animation et de coordination auprès de tous les acteurs du handicap intervenant sur le bassin de vie.
Troisièmement, elle serait dotée d’une mission de contrôle afin de s’assurer que le mécanisme descendant de la planification est atténué par une prise en compte des besoins du territoire.
Notre travail en appelle à une réforme du financement de l’accompagnement des personnes handicapées. Les élus qui siègent dans cet hémicycle sont particulièrement informés des inconvénients du cofinancement, par l’agence régionale de santé et le conseil départemental, d’un nombre important de structures chargées de cet accompagnement. Il n’est pas de réforme efficace de l’accompagnement sans respect scrupuleux d’un principe de financeur unique !
Au-delà de la concurrence des financeurs, c’est le financement des prestations par la personne elle-même qu’il est urgent de repenser et de rationaliser.
Le principal instrument de cette réforme à venir est incontestablement la prestation de compensation du handicap, la PCH. Cette dernière doit être profondément simplifiée et devenir le principal appui financier de toutes les dépenses d’accompagnement non médicales de la personne handicapée, essentiellement les aides humaines et les aides à l’aménagement du logement et du véhicule. Les aides techniques, qui relèvent actuellement de la PCH, alors que leur vocation est essentiellement médicale ou paramédicale, devraient à mon sens être financées par l’assurance maladie.
Outre une réduction certaine du reste à charge dont de nombreux usagers doivent encore s’acquitter, cette répartition simple et logique facilitera la vie financière des personnes handicapées qui, perdues entre les divers guichets, caisses et bureaux qui leur sont désignés, multiplient les démarches pour se faire rembourser les frais d’acquisition d’un fauteuil roulant, les frais d’installation de rampes d’accès, les frais de trajet entre domicile et établissement…
Tels sont, madame la secrétaire d’État, les vœux que formule la commission des affaires sociales à votre intention. Vous avez la responsabilité d’un ministère dont nos concitoyens en situation de handicap ont beaucoup attendu, sans toujours beaucoup recevoir. Les changements à apporter sont de très grande ampleur et la mise en place de la société inclusive, qui satisferait incontestablement les souhaits de tous, ne doit plus attendre. Nous devons agir avec méthode pour atteindre cet objectif que nous partageons tous.
Applaudissements.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Philippe Mouiller de me donner, grâce à ce débat et à son excellent rapport, l’occasion de rappeler la pleine convergence du Gouvernement et des sénateurs pour construire une société inclusive, c’est-à-dire une société qui donne pleinement leur place aux personnes en situation de handicap, conformément aux engagements souscrits dans le cadre de la convention internationale des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées.
Donner pleinement leur place aux personnes handicapées signifie non pas les laisser sans accompagnement, mais au contraire leur offrir tout l’appui dont elles ont besoin pour que leur indépendance en tout lieu de vie soit garantie, par des services modulaires, des solutions innovantes ou des dispositifs de répit, et leur proposer, comme vous l’avez indiqué, monsieur Mouiller, des « parcours ascendants ». C’est mon souhait, mon ambition, et je sais que nous la partageons.
Mais l’organisation actuelle de la réponse aux besoins des personnes, en particulier ce que l’on appelle l’« offre médico-sociale », ne répond pas pleinement à cet objectif. C’est pourquoi le « virage inclusif » de l’offre est au cœur de la feuille de route gouvernementale.
La nécessité de cette transformation est apparue dans le cadre de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous », engagée à partir du rapport intitulé « Zéro sans solution », élaboré par Denis Piveteau à la demande du Gouvernement.
Ainsi, la poursuite de la mise en place de dispositifs plus soutenus reste indispensable, notamment pour les personnes présentant les besoins les plus complexes, mais elle ne doit pas constituer la seule réponse possible pour tendre vers ce « zéro sans solution ».
Près de 500 000 places en établissements et services pour personnes handicapées sont aujourd’hui recensées, dont 160 000 pour les enfants et près de 340 000 pour les adultes. Cela représente un budget d’environ 17 milliards d’euros. Force est de constater que la part des services dans l’ensemble de l’offre, malgré des progrès incontestables, reste insuffisante, en particulier pour les services d’accompagnement des adultes, qui ne représentent que 20 % des réponses.
Il nous faut donc changer de cap, faire tomber les murs, raisonner désormais en parcours accompagnés, quatre objectifs prioritaires devant guider notre action : ne pas laisser la personne et ses proches seuls face à l’absence d’un accompagnement ; faire évoluer l’offre afin qu’elle soit plus inclusive et plus souple ; renforcer la participation des personnes concernées à la mise en place des solutions d’accompagnement ; engager un mouvement de formation pour accompagner ces évolutions et ces professionnels.
Cette ambition est soutenue par la mise en œuvre de la stratégie quinquennale d’évolution de l’offre médico-sociale, qui permet de mobiliser un financement de 180 millions d’euros afin de proposer des solutions nouvelles et de répondre aux situations les plus complexes. Ces efforts ont été confortés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, avec le triplement des moyens consacrés à la prévention des départs en Belgique et des crédits spécifiques dédiés à la mise en œuvre de la stratégie pour l’autisme au sein des troubles neurodéveloppementaux.
Ces investissements supplémentaires permettront de développer les nouvelles réponses, très prometteuses, que sont les unités d’enseignement dans les écoles ordinaires, les pôles de compétences et de prestations externalisées, l’habitat inclusif ou l’emploi accompagné.
Je souhaite également que l’on puisse diversifier les accompagnements offerts par les établissements et services existants, en proposant des accueils de jour comme de nuit, des accueils temporaires ou séquentiels, ou encore des interventions hors les murs : c’est pour moi essentiel.
Cependant, diversifier, développer, transformer ne suffit pas. Nous avons aussi besoin d’assouplir, de gommer ces complexités administratives et financières qui constituent parfois des obstacles majeurs à notre ambition. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite généraliser les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens avec les associations gestionnaires. Cette généralisation devra sans doute être accompagnée, comme vous le proposez, monsieur le sénateur Mouiller, par une clarification des financements, encore trop morcelés, ce qui nuit à la cohérence de notre stratégie.
Oui, le chemin vers une société inclusive est encore aventureux, et les territoires doivent être pleinement mobilisés pour organiser cette réponse simplifiée et ajustée à l’ensemble des besoins. Concernant les territoires, il s’agit d’impliquer, comme vous le notez si bien, tous les acteurs susceptibles d’évaluer finement les besoins, d’animer l’évolution de l’offre et de fluidifier les parcours.
C’est d’ailleurs tout le sens que j’ai voulu donner à la démarche des « territoires 100 % inclusifs » que j’ai lancée cette année dans le Territoire de Belfort et qui vise à créer cette communauté de regard et d’action entre les acteurs pour accélérer la transformation. J’ai besoin de vous pour concrétiser cette ambition. Le virage inclusif est pris, le mouvement ne s’arrêtera plus.
Toutefois, ce virage n’est qu’un des leviers de la transformation profonde à laquelle nous aspirons.
Treize ans après la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la place de nos concitoyens en situation de handicap s’est améliorée, mais le fonctionnement de notre société reste encore trop souvent source d’exclusion et de défiance. C’est la raison pour laquelle le comité interministériel du handicap, réuni le 25 octobre dernier, a réaffirmé la détermination de l’État à changer le quotidien des personnes.
Cinq grandes priorités ont été définies dans ce cadre.
La première priorité est la simplification. Vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le Gouvernement s’engage à permettre l’attribution de droits à vie aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Cela pourra concerner l’allocation aux adultes handicapés pour les personnes dont le taux d’incapacité est supérieur à 80 %, la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, mais aussi l’octroi de la carte mobilité inclusion ou l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. Ainsi, les personnes n’auront plus besoin de renouveler, parfois dix fois dans leur vie, les mêmes demandes.
Mais ce n’est pas tout : les personnes handicapées majeures sous tutelle vont pouvoir bénéficier d’un droit de vote inaliénable, elles auront le droit de se marier, de se pacser, de divorcer, de se soigner, sans devoir recourir à l’autorisation judiciaire, tout en conservant l’accompagnement par les tuteurs. C’est un progrès considérable qui permettra de reconnaître enfin les personnes handicapées comme des citoyens à part entière, et non plus comme des citoyens à part.
Par ailleurs, toute politique publique doit être pensée et conçue avec et pour les personnes en situation de handicap : « jamais rien pour nous sans nous », comme elles le disent très justement.
En deuxième lieu, la scolarisation sera également au cœur de notre action. Parce que la construction d’une société se joue dès le plus jeune âge, une grande concertation nationale vient d’être lancée, conjointement avec Jean-Michel Blanquer, afin d’effectuer le saut qualitatif nécessaire pour consolider l’école inclusive.
En troisième lieu, en matière d’emploi, nous poursuivrons le travail global engagé en faveur du soutien à l’activité des personnes handicapées, conforté par les dispositions de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, et nous rénoverons l’offre de services pour sécuriser les parcours vers et dans l’emploi.
En quatrième lieu, l’accès aux soins sera aussi considérablement facilité, avec la refonte des dispositifs d’aide à la complémentaire santé, la révision de la liste des produits et prestations remboursables, devenue tout à fait obsolète, et, bien sûr, l’amélioration du repérage des troubles de l’apprentissage et du neurodéveloppement, avec le développement d’un « forfait intervention précoce » dès le 1er janvier 2019.
Enfin, le Gouvernement affirme l’ambition très forte de permettre à toutes les personnes d’accéder aux nouvelles technologies pour favoriser leurs communications et leur autonomie. Mettre en lien les start-up, les développeurs et les personnes pour concevoir et tester de nouveaux outils constituera ainsi un nouvel enjeu interministériel.
Cette société du vivre ensemble s’incarnera également à travers la prochaine Conférence nationale du handicap, qui s’adressera à tous les citoyens et permettra de valoriser les initiatives et les pratiques locales. C’est à cette occasion que nous ouvrirons le chantier très attendu de la prestation du handicap, tant pour les enfants que pour les adultes, notamment pour mieux soutenir la parentalité des personnes en situation de handicap et mieux prendre en charge les besoins de compensation des enfants.
Le Gouvernement entend également reconsidérer le statut et la gouvernance des maisons départementales des personnes handicapées pour améliorer le pilotage de l’offre médico-sociale.
Parce que cette grande conférence doit être avant tout une dynamique émanant des territoires, des expériences locales, de la vraie vie, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à contribuer à ces échanges, qui nous permettront de construire ensemble ce « droit commun accompagné » et de bâtir une société inclusive qui redonne confiance et dignité.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Daniel Chasseing et Yves Détraigne applaudissent également.
Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question. Le Gouvernement a la possibilité d’y répondre pour une durée équivalente. Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires pour le faire, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Je tiens tout d’abord à saluer le travail effectué par le groupe de travail de la commission.
La loi de 2005 est une très bonne loi, mais sans moyens ; elle ne constitue donc, pour l’instant, qu’une bonne intention. Comme nous l’avons souligné lors de l’examen de la proposition de loi visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH, les moyens dévolus à l’accompagnement du handicap sont largement en deçà du nécessaire.
Je voudrais, dans le peu de temps qui m’est imparti, soulever plusieurs points qui me semblent problématiques.
J’évoquerai tout d’abord les inégalités territoriales. Les moyens des départements ne sont pas les mêmes, et leurs besoins non plus. Quelles garanties avons-nous quant à l’égalité de droits entre citoyens sur le territoire national ? Madame la secrétaire d’État, quels moyens allez-vous donner aux départements pour assumer ce nouveau transfert de compétence ? Quels moyens pour l’inclusion, si importante pour les parents et dont on parle tant, quand le Gouvernement n’est pas en mesure d’assurer à chaque enfant en ayant besoin l’accompagnement d’une auxiliaire de vie scolaire ?
J’ai rencontré dans le Pas-de-Calais des familles et des associations actives dans le domaine du handicap, notamment l’autisme. Elles nous racontent leur parcours pour faire aboutir les dossiers ; pour obtenir un premier versement, il faut souvent patienter six mois. Elles nous disent combien l’accompagnement médico-social tarde à se mettre en place une fois le diagnostic posé, ce qui laisse les familles concernées dans un désarroi total.
Enfin, les AVS ne sont pas suffisamment formées aux problématiques spécifiques des handicaps des enfants qu’elles accompagnent, et ne sont même pas toujours informées de la situation exacte de ces derniers… Quelles mesures comptez-vous mettre en place, madame la secrétaire d’État, pour mieux former les AVS ?
Madame la sénatrice, votre question aborde beaucoup de sujets.
Tout d’abord, il n’est pas question pour l’instant de transférer de compétences aux départements.
Nous avons établi qu’il fallait en effet davantage d’équité territoriale. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, joue un rôle de régulation en la matière. J’ai donné des instructions aux agences régionales de santé pour qu’elles renforcent la coopération avec l’ensemble des territoires en vue de procéder à une péréquation en matière de dotations, des inégalités existant effectivement entre départements. Vous avez raison, madame la sénatrice : il n’est pas acceptable que les personnes handicapées soient traitées différemment selon les territoires. Nous devons instaurer l’équité.
Nous travaillons sur l’ensemble des cycles scolaires pour simplifier les choses. Il s’agit d’attribuer des moyens pour mettre en place un vrai projet de scolarisation qui suive l’enfant handicapé depuis la maternelle jusqu’au collège, afin qu’il n’ait pas à justifier sans cesse devant la MDPH d’un parcours scolaire de qualité. Ce point est également très important.
Il faut rétablir la confiance entre la personne handicapée et les administrations. Nous allons alléger la tâche des maisons départementales des personnes handicapées grâce à l’octroi à vie de certains droits, comme je l’ai précisé tout à l’heure, afin qu’elles puissent se consacrer pleinement à assurer un accompagnement sur-mesure et de qualité à l’enfant et à l’adulte handicapé.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur l’orientation générale de la politique du Gouvernement à destination de nos concitoyens en situation de handicap.
Vous dites mener une politique d’inclusion des personnes handicapées dans la cité : les déclarations de principes, c’est bien ; leur concrétisation par des actes politiques, c’est mieux ! Or la réduction du taux de logements neufs accessibles votée par votre majorité lors de l’examen du projet de loi ÉLAN entre en contradiction avec vos orientations proclamées.
La politique inclusive recueille l’assentiment majoritaire des personnes handicapées, de leurs familles et de leurs associations de défense. Ainsi, il est tout à fait logique que les parents soient favorables à l’intégration de leur enfant handicapé en milieu scolaire « ordinaire », avec adaptation aux spécificités du handicap et recours aux auxiliaires de vie scolaire – si tant est que ces derniers puissent être respectés pour leur travail et rémunérés correctement.
Mais la réalité, parfois dure à entendre pour les parents, est que tous les enfants handicapés ne peuvent pas suivre une scolarité dans le milieu « ordinaire ». Certains risquent de ne pas trouver leur équilibre en cas d’intégration ratée ou à marche forcée.
De même, si certains travailleurs en situation de handicap souhaitent pouvoir s’orienter vers le milieu de travail « ordinaire », d’autres le refusent ; certains en rêvent, d’autres le craignent.
Je veux saluer la qualité du travail accompli par les entreprises adaptées et leur rôle essentiel dans l’accompagnement des personnes handicapées. Je rappelle d’ailleurs que, l’année dernière, le Gouvernement avait décidé de baisser les aides destinées à ce secteur, ce qui menaçait, en particulier, 700 emplois dans mon département du Pas-de-Calais. Seule une mobilisation de grande ampleur des acteurs du secteur et des élus a permis le gel de cette mesure, mais l’inquiétude demeure.
Je souhaite donc attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le fait que si l’avènement d’une société inclusive est évidemment plus que souhaitable, certaines personnes handicapées, plus fragiles, doivent bénéficier d’une intégration dans un milieu qui les protège davantage. Avez-vous conscience du travail mené par les professionnels du secteur protégé, et vous engagez-vous aujourd’hui à ne pas diminuer leurs moyens ?
Vous avez vous aussi, madame la sénatrice, abordé de nombreux sujets.
Concernant la loi ÉLAN, nous souhaitons instaurer des droits réels. C’est pourquoi nous avons décidé l’abaissement du seuil pour l’installation obligatoire d’un ascenseur à R+3 : cela permettra de doubler l’offre de logements accessibles. Je rappelle en outre que toute personne pourra accéder au salon et aux toilettes de tout appartement, ainsi qu’aux parties communes de tout immeuble : nous maintenons cette ambition d’accessibilité universelle. Cela étant, il convient de construire de façon évolutive pour répondre à toutes les situations de handicap.
Par ailleurs, l’école inclusive que Jean-Michel Blanquer et moi-même appelons de nos vœux est une école de la République qui fait du sur-mesure pour les enfants handicapés, au travers d’un projet personnalisé de scolarisation et de réponses diversifiées selon les besoins. C’est tout l’enjeu de la concertation que nous menons et de la mise en place des pôles d’inclusion scolaire. J’ai bien sûr tout à fait conscience du travail accompli par les professionnels : je souhaite qu’ils puissent apporter leur expertise pour accompagner le parcours des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire. Nous voulons que l’inclusion en milieu ordinaire soit le chemin pour tous, avec des adaptations et des réponses graduées selon les besoins. C’est cette école et cette société inclusives que nous promouvons.
Il en est de même pour le travail. Oui, certaines personnes ont besoin d’être plus encadrées pour accéder au travail, pour se construire. Pour autant, nombre d’entre elles aspirent à être accompagnées vers le milieu ordinaire. C’est pourquoi nous nous appuyons sur les dispositifs d’emploi accompagné et rénovons le financement des entreprises adaptées, en prévoyant un doublement des postes disponibles sur le quinquennat : leur nombre passera de 35 000 à 70 000. C’est aussi une passerelle vers le milieu ordinaire.
Nous changeons de paradigme, nous accompagnons les personnes là où elles veulent vivre, en aucun cas nous n’imposons quoi que ce soit.
Troisième intervenant, et troisième sénateur du Pas-de-Calais… C’est dire l’importance du handicap dans ce département !
Madame la secrétaire d’État, le 24 mai dernier, alors que je vous faisais part ici même de l’inquiétude des personnes en situation de handicap et de leurs familles, vous m’avez assuré de l’engagement plein et entier du Gouvernement sur le sujet.
Aujourd’hui, je constate que la hausse annoncée de 40 euros de l’AAH aurait été de 54 euros si le Gouvernement avait maintenu l’indexation sur l’inflation. Il en aurait été de même pour les pensions d’invalidité et les rentes dont bénéficient les accidentés du travail. Pourquoi un tel changement du mode de calcul, si ce n’est pour minorer le montant de la hausse ?
Dans ces conditions, la communication à outrance sur la revalorisation des allocations versées aux plus fragiles prend un caractère mensonger…
Que dire aussi de la situation des familles dont un enfant présente un trouble relevant du spectre de l’autisme – près de 1 % des enfants sont dans ce cas, selon différentes études scientifiques. Les parents de ces enfants s’inquiètent du manque de structures compétentes pour réaliser les diagnostics et du manque de dispositifs tels que les services d’éducation spéciale et de soins à domicile, pourtant si nécessaires pour une inclusion réussie dans le milieu scolaire.
Par ailleurs, les enfants présentant des troubles « dys », dont le nombre est estimé à 1 million dans notre pays, ne bénéficient pas à ce jour, dans notre système scolaire, d’une prise en charge et d’un accompagnement adaptés, sauf à débourser près de 1 000 euros par mois pour accéder à une structure privée telle que le Centre de référence pour l’évaluation neuropsychologique de l’enfant, le CERENE !
Je me fais ici le porte-parole de ces personnes et de ces familles qui attendent des actes, et non plus des discours : les engagements doivent avoir une portée concrète. La société inclusive n’est toujours pas une réalité, treize ans après la promulgation de la loi qui devait opérer un changement de regard sur le handicap et mettre fin aux inégalités persistantes dont souffrent les personnes en situation de handicap.
Je redis mon inquiétude et j’attends des engagements forts de votre part, madame la secrétaire d’État, et de celle du Gouvernement, à la hauteur des enjeux et des retards accumulés depuis tant d’années en matière d’offre de solutions adaptées et accessibles, pour tous et partout sur nos territoires, métropolitains et d’outre-mer.
Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que l’allocation aux adultes handicapés n’augmente pas : elle augmente de 40 euros ce mois-ci, et elle augmentera encore de 40 euros en novembre 2019, soit une progression de 13 %, pour un montant total de plus de 2, 5 milliards d’euros. C’est du jamais vu !
L’AAH atteindra ainsi 900 euros : la promesse du Président de la République est tenue ! Par conséquent, il est faux de dire que rien n’est fait pour revaloriser cette allocation, qui est servie à 1, 1 million de personnes et est le plus élevé des minima sociaux, assorti des conditions les plus favorables pour les bénéficiaires. Le Gouvernement s’engage donc concrètement, financièrement, et la solidarité nationale joue à plein au travers du budget de l’État.
Pour ce qui est des enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique, monsieur le sénateur, la stratégie nationale mobilise 340 millions d’euros : c’est du jamais vu, là encore ! Elle concernera aussi bien les 100 000 enfants autistes que les 600 000 adultes atteints de ces troubles, qui n’avaient jamais été pris en compte jusqu’alors. Tous les ministères sont mis à contribution, au titre de cette stratégie, pour agir dans les domaines de la recherche, de l’école, de l’accès aux soins, du logement…
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoit un « forfait d’intervention précoce », pour permettre une intervention avant que le diagnostic ne soit posé : cette génération sera ainsi sauvée et mise sur les rails de l’apprentissage. Je tiens à rassurer les parents : tous les enfants présentant des troubles relevant du spectre autistique sont concernés.
Enfin, les enfants présentant des troubles « dys » pourront eux aussi bénéficier de cette intervention précoce, car ces troubles font partie des troubles neurodéveloppementaux : nous ne choisissons pas entre les enfants selon le type de leur handicap.
Le changement de regard que j’ai évoqué est une réalité : on n’a jamais autant parlé du handicap, ni surtout agi concrètement – je vous en ai donné les preuves – que sous ce gouvernement.
Mme Catherine Fournier. Je serai donc le quatrième sénateur du Pas-de-Calais à m’exprimer sur le sujet !
Sourires.
Ma question porte sur l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, qui ouvre aux familles le droit à un bilan d’intervention précoce et de dépistage des troubles du neurodéveloppement de l’enfant.
Édouard Philippe a annoncé, le 6 avril dernier, la mise en œuvre d’une « stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement », qui était fortement attendue par les familles. Il semble que cette mesure, pourtant inspirée par les meilleures intentions, suscite des réactions fondées.
En ce qui concerne le champ retenu, tout d’abord, l’expression « troubles du neurodéveloppement » a l’avantage d’englober les formes diverses du handicap d’origine neurologique. Elle présente néanmoins le risque d’une assimilation contre-productive entre troubles relevant du spectre de l’autisme, troubles de l’apprentissage, troubles de l’attention et troubles liés à la déficience intellectuelle. Les âges de détection des handicaps et les réponses à leur apporter ne sont pas, par définition, les mêmes. L’article 40, en prévoyant une réponse trop globale, manque in fine son objectif.
En ce qui concerne la détermination de l’acteur chargé de l’organisation de ce bilan d’intervention précoce, ensuite, l’article 40 vise les centres d’action médico-sociale précoce, les centres médico-psychologiques, mais aussi les établissements de santé psychiatrique. Ce dernier point ne laisse pas d’inquiéter les familles, qui peinent encore aujourd’hui à faire reconnaître que le handicap neurologique ne doit pas être traité comme la maladie mentale. L’inquiétude et les craintes liées à l’histoire des pratiques en France, notamment le recours à la psychanalyse, resurgissent : je me réfère à l’excellent rapport élaboré par Valérie Létard en vue de la mise en place du plan Autisme, en 2011. Après l’abandon du vocable « psychoses infantiles », une stratégie qui nierait les spécificités des individus et de l’autisme constituerait un recul.
La création du « forfait bilan et intervention précoce » suscite d’immenses attentes chez les accompagnants. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous expliciter l’intention réelle qui sous-tend cet article 40 ? Comment son dispositif de positionne-t-il au regard de l’autisme ?
Madame la sénatrice, j’étais à Saint-Omer la semaine dernière, pour visiter un appartement représentant un lieu remarquable pour évaluer les besoins des personnes et définir la juste réponse à apporter.
Je tiens à rassurer l’ensemble des enfants concernés par l’intervention précoce et de leurs familles. Nous agissons avant le diagnostic. L’objectif est de pouvoir servir le plus grand nombre – l’autisme et les troubles du neurodéveloppement touchent respectivement 1 % et 5 %des enfants –, mais en ciblant les interactions qu’il est possible de relancer grâce à cette intervention précoce.
Les enfants ne naissent pas avec un diagnostic sur le front ; c’est bien toute la difficulté pour agir le plus précocement possible. Bien souvent, malheureusement, l’autisme s’accompagne d’une déficience intellectuelle, de troubles d’apprentissage, de troubles des fonctions cognitives, ce qui rend très difficile le diagnostic précoce : nous entendons retenir un périmètre large pour le dispositif du forfait d’intervention précoce pour qu’aucun enfant ne passe à travers les mailles du filet.
J’en viens à la seconde inquiétude que vous avez exprimée.
La loi précise d’abord que l’intervention des professionnels doit répondre aux recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé, la HAS. Ce sera là un gage de qualité, et je demande aux ARS de s’organiser en gardant cet impératif à l’esprit. Il est indispensable de toujours s’assurer que les professionnels respectent bien les recommandations de la HAS ; il s’agit là d’une grande attente de la part des familles.
Vous m’avez également interrogée sur les futures modalités de détection.
Le premier niveau d’alerte est constitué des médecins, bien sûr, mais aussi des assistantes maternelles et des personnels des crèches. Un énorme effort de formation devra être consenti en direction de ces professionnels. Nous élargissons de manière très importante ce premier niveau d’alerte.
La plateforme territoriale constitue le second niveau d’alerte : les territoires devront s’organiser avec les ARS, en se fondant sur les recommandations de bonne pratique, qui nous permettent de garantir aux familles la qualité des interventions.
Madame la sénatrice, vous pouvez compter sur notre détermination. Claire Compagnon et l’équipe de la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l’autisme sont totalement mobilisés face à cet enjeu essentiel !
Tout d’abord, qu’il me soit permis de remercier notre collègue Philippe Mouiller d’avoir proposé la tenue de cet utile débat.
Le financement de l’accompagnement des personnes handicapées atteint 30 millions d’euros, 11 millions d’euros provenant de l’État, 8 millions d’euros des départements, l’AAH représentant quant à elle 11 millions d’euros.
En 2005, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont l’initiative revient à Jacques Chirac, affichait l’ambition d’offrir aux personnes handicapées un monde plus ouvert, plus accessible. Cette question reste d’actualité. À présent, il est nécessaire d’aller vers l’inclusion des personnes handicapées.
Chez l’enfant, le repérage, sur la base de simples suspicions, de troubles du neurodéveloppement ou de troubles relevant du spectre de l’autisme – les TSA – devrait impliquer, à partir du 1er janvier 2019, un financement des intervenants. Il s’agit là d’un élément capital pour les familles qui ne peuvent assumer cette charge seules. Cela permettrait l’inclusion à l’école maternelle, avec des accompagnants des élèves en situation de handicap, ou AESH, dans certaines crèches ou encore auprès d’assistantes maternelles.
Ces solutions inclusives doivent être prolongées en faveur des adultes, qu’il s’agisse des TSA ou d’autres handicaps. Sur 600 000 personnes adultes présentant des TSA, 75 000 seulement sont aujourd’hui diagnostiquées. En d’autres termes, les personnes handicapées orientées par les MDPH vers certaines structures peuvent rester toute leur vie sans évoluer, alors que certains handicapés, notamment atteints de TSA, sont capables d’effectuer un travail avec un accompagnement, ce qui est pour eux un motif de fierté.
Il convient donc, avec les familles et les associations, de promouvoir l’évolution personnalisée vers l’inclusion, pour conduire au travail protégé au sein des établissements et services d’aide par le travail, ou ESAT, et des entreprises adaptées, en ménageant la possibilité de revenir, si nécessaire, en milieu protégé, via une passerelle. Je souligne que le doublement du nombre des places dans les entreprises adaptées va à cet égard dans le bon sens.
Il convient également de proposer d’autres places d’hébergement et de logement adaptés. En effet, pour l’heure, 6 000 de nos compatriotes sont placés en Belgique. Le maintien à domicile doit en outre être encouragé et financé grâce à l’aide aux aidants, à l’accès aux soins et au logement adapté prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Il convient par ailleurs de se préoccuper de la situation des personnes handicapées vieillissantes. Il peut être nécessaire d’envisager une orientation vers les foyers d’accueil médicalisés, les FAM, ou vers les unités spécifiques en EHPAD.
Madame la secrétaire d’État, à mon sens, trois principes doivent nous guider : repérer et traiter précocement ; accompagner davantage vers l’inclusion l’enfant et l’adulte ; améliorer le maintien à domicile et se préoccuper des handicapés vieillissants. Il convient de faire preuve d’ambition, mais aussi de mobiliser davantage de financements au niveau de l’État et d’instaurer une parfaite synergie entre ce dernier et les conseils départementaux, …
Monsieur le sénateur, vous avez abordé de nombreux sujets… Si vous me le permettez, je ciblerai ma réponse sur la situation des personnes handicapées vieillissantes, qui subissent aujourd’hui une forme de double peine. Je pense notamment à celles qui se trouvent en ESAT et qui, lorsqu’elles atteignent l’âge de soixante ans, doivent en même temps quitter leur logement et leur travail, le foyer étant souvent lié à l’ESAT. De telles situations sont très préoccupantes. Parfois, la seule offre qui leur est faite, c’est de rejoindre un EHPAD, où elles se retrouvent entourées de personnes beaucoup plus âgées qu’elles. Il n’est pas digne de notre société de traiter ainsi des personnes handicapées : on ne demande à personne d’autre de quitter en même temps son travail et son logement.
Il nous faut travailler de manière intelligente, comme nous le faisons déjà, en lien avec les départements. À ce titre, l’habitat inclusif constitue un levier : il s’agit de proposer des logements permettant l’accompagnement du vieillissement des personnes handicapées dans un environnement bienveillant, intergénérationnel, avec une mutualisation de services.
C’est tout l’objet de cette structure que le Premier ministre, Julien Denormandie et moi-même sommes allés visiter à Cergy. Il s’agit là d’un projet très intéressant : le maire de la commune s’est totalement emparé de l’enjeu du vivre ensemble. Ces logements adaptables permettent à leurs occupants de rester au milieu des autres, quels que soient leurs besoins spécifiques, de rester chez eux et d’y bien vieillir.
Telle est l’ambition qui doit nous animer. Un travail important doit être mené avec les ARS, les départements et les bailleurs sociaux. Il s’agit là d’un vrai sujet de société, car le vieillissement nous concerne tous. Il est très important que nous offrions, à nos concitoyens adultes handicapés, des réponses diverses et surtout différentes de celles d’aujourd’hui.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Ce sujet est extrêmement préoccupant, et nous y consacrons toute notre énergie, en lien avec les départements, dans le cadre du dispositif des territoires 100 % inclusifs.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les aides financières apportées aux aidants des enfants handicapés en bas âge.
Actuellement, les familles concernées perçoivent l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé, l’AEEH, d’un montant de 130 euros mensuels. Cette aide fait l’objet d’un complément déterminé par la commission départementale en fonction du niveau de handicap de l’enfant. Or, comme nous pouvons le constater – et la loi insiste sur ce fait –, il est parfois difficile d’évaluer le degré de handicap chez de jeunes enfants.
Certains enfants handicapés ont besoin qu’un aidant apporte à chaque instant une réponse à leur vulnérabilité, qu’il s’agisse de la toilette, des soins, de vigilance, du lien social ou d’une aide au développement.
Très souvent, c’est l’un des deux parents qui tient ce rôle. Celui-ci doit alors mettre son activité professionnelle entre parenthèses. Il est néanmoins essentiel pour ces parents, surtout dans le cas des familles monoparentales, de pouvoir reprendre une activité professionnelle. L’isolement et la rupture avec le monde professionnel sont des risques qui menacent au premier chef les aidants familiaux. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent leur permettre de conjuguer leur engagement personnel et leur vie professionnelle.
Pour ce qui concerne les aidants d’enfants handicapés, en cas de reprise d’activité professionnelle, le montant du complément d’allocation devient dégressif. Pourtant, l’enfant a besoin d’une personne extérieure pour l’accompagner, et cette présence doit être organisée même si l’aidant ne reprend que partiellement son travail.
Comment le Gouvernement entend-il procéder pour permettre à ces familles, déjà lourdement éprouvées, de bénéficier d’une aide complète tout en conservant une activité professionnelle ?
J’ajoute que cette question est indissociable de celle de la dépendance des personnes âgées, sujet que vous avez largement abordé dans votre réponse précédente. À mes yeux, les gouvernements successifs ont trop longtemps dissocié les politiques menées en faveur des personnes âgées de celles destinées aux personnes handicapées. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Dans un souci de simplification et d’efficacité, nous devons parvenir à travailler de manière concertée dans ces secteurs où les attentes, tant des professionnels que des familles, sont énormes. Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre durant ce quinquennat afin de mener une politique réellement concertée en matière d’accompagnement de la dépendance, quelle qu’elle soit ?
Monsieur le sénateur, les proches aidants, qu’ils interviennent auprès de personnes âgées ou de personnes handicapées, sont de 9 à 10 millions ; ils constituent un véritable pilier de notre société.
Jusqu’à présent, ces aidants ont fait l’objet, au fil du temps, de réponses très morcelées : don de jours de repos, accompagnement en matière de formation… Le temps est venu d’envisager de manière globale les besoins des aidants. Agnès Buzyn et moi-même avons inscrit cet enjeu sur notre feuille de route commune. Dans le cadre de la grande concertation consacrée à la dépendance, il fera l’objet d’ateliers spécifiques.
Comme vous l’avez dit, quelle que soit la personne aidée, il existe une véritable convergence quant à la dynamique à engager au bénéfice des aidants. Ceux-ci doivent pouvoir reprendre une vie professionnelle et la concilier avec leur engagement auprès de leur proche. La réforme des retraites est également un enjeu pour les aidants. C’est pourquoi Jean-Paul Delevoye est lui aussi mobilisé. La situation des aidants qui ont dû interrompre leur carrière doit être prise en compte de façon spécifique.
Vous avez raison, il est temps de s’emparer de ce sujet des aidants ; c’est bien pour cela que nous ouvrons, avec Agnès Buzyn, plusieurs chantiers. Au-delà du soutien qui doit être accordé aux proches aidants, il faut bonifier leur formation, leur permettre de travailler à distance – c’est précisément l’une de leurs demandes. Pour explorer ces pistes, nous pouvons notamment nous appuyer sur différents rapports, notamment celui de l’ancienne sénatrice Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, le CNCPH. Il s’agit d’une étude remarquable sur les moyens de concilier une vie professionnelle et un rôle d’aidant. Quant à la grande concertation sur la dépendance que j’évoquais, dans laquelle le CNCPH est très impliqué, elle livrera ses propositions d’ici au mois de mars prochain au plus tard. Notre réponse devra être à la hauteur de nos ambitions.
Le rapport de la mission d’information évoque une réduction de plus de 76 % de l’effort budgétaire pour la création de places en établissements médico-sociaux entre 2014 et 2018. Pour ce qui concerne plus précisément l’autisme, aucun des deux derniers plans n’a été respecté : 6 752 places devaient être réalisées, seulement 4 465 l’ont été !
La Haute Autorité de santé estime que 700 000 personnes sont atteintes d’autisme en France, dont 100 000 enfants. Seulement 27 % des enfants sont accueillis dans des structures, dédiées ou pas. Le taux d’accueil tombe à 10 % pour les adultes, ce qui est dramatiquement inférieur aux besoins.
Derrière ces chiffres, il y a les attentes et les souffrances des familles.
J’ai pris connaissance de la « stratégie nationale pour l’autisme » pour les années 2018-2022 : 1 500 places seront créées, mais il est précisé qu’elles serviront uniquement à l’achèvement du troisième plan Autisme, prévu pour 2017. Les créations de places sont donc figées.
Le comité interministériel du handicap assume, pour l’avenir, de « sortir d’une logique de places pour entrer dans une logique de parcours accompagnés », c’est-à-dire de transformer les places existantes au lieu d’en créer de nouvelles.
À l’instar de notre rapporteur, j’estime inapproprié ce « virage qualitatif » privilégié par le Gouvernement. Un tel changement de paradigme pourrait se comprendre si notre pays disposait d’un parc suffisant d’établissements d’accueil pour les autistes, or nous connaissons à cet égard une scandaleuse situation de manque.
Les parents s’épuisent à garder à leur domicile leurs enfants devenus adultes. Ils mènent un véritable parcours du combattant en multipliant les recherches et en enchaînant les échecs. Ils vivent avec la peur de disparaître avant d’avoir trouvé une solution pérenne, sans laquelle leur enfant serait placé dans un lieu totalement inadéquat, le plus souvent l’hôpital psychiatrique. Certains abandonnent leurs racines et leur réseau social pour s’expatrier dans un pays, la Belgique, qui s’est emparé bien avant nous de la question.
Madame la secrétaire d’État, je vous assure que la création de places est la priorité absolue pour les familles. Que comptez-vous faire pour répondre à leur attente ?
Madame la sénatrice, je n’ignore pas la détresse des familles. Chaque semaine, je reçois plus d’une centaine de courriers par lesquels ces dernières me demandent non des places, mais des solutions, des services d’accompagnement.
Je vous le garantis : les familles ne souhaitent plus confier leur enfant à un établissement ; elles veulent véritablement qu’il soit accompagné dans sa vie au milieu des autres. C’est là tout l’enjeu de la stratégie sur l’autisme, avec l’intervention précoce, les parcours de scolarisation, les unités d’enseignement en maternelle, où un adulte membre de l’éducation nationale est assisté de quatre à cinq équivalents temps plein relevant du secteur médico-social. Ces structures permettent d’assurer un accompagnement, un encadrement des enfants autistes au milieu des autres, dans la même logique que l’habitat inclusif. C’est ce que nous sommes en train de bâtir.
La création de places est un processus long, coûteux, et en définitive les structures en question sont peu adaptées aux besoins. C’est ce que les parents nous disent. Le reliquat de 53 millions d’euros du troisième plan Autisme sert à la création de places pour adultes. On voit encore émerger des projets de création de structures, mais, j’y insiste, ils n’aboutissent qu’après énormément de temps. Or il existe des solutions beaucoup plus rapides, souples et agiles. Je pense en particulier à la création de toutes petites structures en cœur de ville, d’habitats de proximité. Cela permet d’éviter des déplacements et des séparations douloureuses.
En outre, je rappelle que nous avons triplé les crédits destinés à éviter les départs d’enfants pour la Belgique. Cet exil forcé n’est plus de mise. Cela étant, certains parents demandent encore à pouvoir recourir à cette solution ; on ne peut pas le leur refuser.
Nous travaillons au quotidien avec les ARS, les départements et, plus largement, les collectivités territoriales pour mettre en place la réponse de proximité, la réponse accompagnée pour tous, en mobilisant des crédits, en particulier 180 millions d’euros dédiés à la transformation de l’offre médico-sociale. Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel pour le développement de cet habitat diffus de proximité, assorti de services permettant d’assurer un bon accompagnement.
Pour autant, il nous faut améliorer, notamment, la prestation de compensation du handicap, pour les enfants comme pour les adultes. Bien souvent, les parents ont du mal à obtenir une prise en charge du parcours éducatif. Bien sûr, nous vous tiendrons informés de l’avancement de ces chantiers de manière très régulière.
Madame la présidente, alors que vous vous apprêtez à quitter vos fonctions de vice-présidente du Sénat, je tiens à vous remercier de votre contribution à la bonne tenue de nos débats.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le financement du soin médical en structure médico-sociale : le caractère incomplet des dispositions réglementaires est dommageable aux personnes en situation de handicap.
Théoriquement, la réglementation en vigueur permet une couverture intégrale des dépenses engendrées par le handicap de la personne accompagnée. L’article R. 314-26 du code de l’action sociale et des familles dispose que la dotation médicale de chaque établissement ou service couvre uniquement les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et de laboratoire afférents aux soins qui correspondent aux missions de l’établissement ou du service. Il est complété par la disposition de l’article R. 314-122 du même code en vertu de laquelle tout soin complémentaire délivré à titre libéral à l’extérieur, donc indépendamment du forfait versé à la structure accompagnatrice, est pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de l’ayant droit dans les conditions de droit commun, si ce soin ne peut être assuré par la structure accompagnatrice.
Or, dans les faits, des différences d’interprétation de ces dispositions engendrent une hétérogénéité des pratiques des caisses primaires d’assurance maladie. Certaines s’appuient sur la rédaction de l’article R. 314-26 pour justifier le financement d’interventions de psychologues, d’ergothérapeutes ou de psychométriciens, d’autres pour refuser leur prise en charge, au motif qu’elles sont comprises dans le forfait global versé à la structure.
Ces désaccords entre couverture par le forfait versé à la structure, d’une part, et couverture par remboursement de la caisse, de l’autre, obèrent le fonctionnement du dispositif, créent sur le territoire national des disparités contraires au principe d’égalité et portent préjudice à un accompagnement médical global et efficient des personnes en situation de handicap, en particulier les enfants. Dans ses avis rendus en 2006 et 2008, la Cour de cassation elle-même s’est refusée à déterminer clairement le périmètre de la dotation aux structures.
Vous en conviendrez, madame la secrétaire d’État, cette situation n’a que trop duré. Pouvez-vous nous indiquer quand cette clarification réglementaire sera apportée ? Quelle sera l’orientation privilégiée par le Gouvernement : une couverture de ces soins par le forfait de la structure ou, comme le propose notre rapporteur, Philippe Mouiller, dont je tiens à saluer la qualité du travail, un recours facilité au remboursement au titre des soins de ville ?
Monsieur le sénateur, vous posez, en somme, la question de la fluidité du parcours de soins.
La prise en charge est trop morcelée pour nos concitoyens, qu’ils soient enfants ou adultes : il s’agit là d’un vrai sujet. Nous rouvrons précisément ce chantier, en nous appuyant sur l’excellent rapport que Philippe Denormandie a consacré au morcellement de l’accès aux soins. On renvoie constamment la prise en charge à une autre instance que l’établissement médico-social ou le centre d’action médico-sociale précoce, le CAMSP, qui accueille la personne. On voit se multiplier les demandes de prise en charge par les familles qui ne sont pas couvertes par des CAMSP et se trouvent dans une situation d’insécurité quant au remboursement par la sécurité sociale des dépenses exposées.
Il s’agit là d’un véritable frein à la mise en place de la société inclusive, au parcours de soins. Cette situation a nécessairement des répercussions sur la santé de nos concitoyens. Or il importe de garantir aux personnes handicapées un accès prioritaire aux soins, afin de prévenir le surhandicap, qui est une cause d’exclusion de la vie sociale ordinaire.
Comme annoncé lors du comité interministériel, nous rouvrons ce chantier, afin d’y voir beaucoup plus clair. Il faut faciliter la vie des personnes et éviter les ruptures dans l’accès aux soins. Vous pouvez compter sur notre détermination.
À titre préliminaire, je tiens à saluer la qualité des travaux menés par mon collègue Philippe Mouiller. Je m’associe pleinement aux préconisations formulées par son groupe de travail.
Madame la secrétaire d’État, ma question portera sur l’accompagnement des personnes handicapées vieillissantes et, plus particulièrement, sur les démarches administratives qu’il leur faut accomplir. Beaucoup de formulaires à remplir sont actuellement disponibles en version papier. Toutefois, l’heure est à la dématérialisation des procédures, qui, j’en suis sûre, s’étendra à l’ensemble de ces personnes. Or celles-ci rencontrent des difficultés pour utiliser les outils de communication modernes. Selon une étude menée par l’institut CSA en mars 2018, 39 % des personnes âgées de soixante-dix ans et plus estiment que les équipements comme les ordinateurs, les tablettes et les smartphones sont « plutôt difficiles » ou « très difficiles » à utiliser.
Diverses initiatives locales sont prises pour traiter cette problématique. À titre d’exemple, un bus numérique a été mis en place dans la région Centre-Val-de-Loire. La communauté de communes Somme Sud-Ouest a, quant à elle, mené une action d’initiation gratuite à l’utilisation des tablettes numériques.
Ces initiatives ont un point commun : elles ont pu bénéficier d’une subvention accordée par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d’autonomie. Cette instance a été mise en place par la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Elle constitue un levier d’accompagnement des actions individuelles ou collectives destinées aux personnes âgées de soixante ans et plus. En 2016, grâce à un budget de 127 millions d’euros, près de 90 000 actions ont ainsi été déployées dans ce cadre.
Toutes les personnes âgées sont visées au travers de ces initiatives locales, mais qu’en est-il, dans les faits, des personnes âgées se trouvant en situation de handicap ?
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les perspectives d’évolution du budget de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, qui verse aux départements deux concours financiers ? Peut-on imaginer que les missions de cette caisse soient revues afin de prendre davantage en compte la situation des personnes que je viens de citer ?
Madame la sénatrice, les actions relatives à l’accès au numérique peuvent en effet être prises en charge par la conférence des financeurs de la prévention et de la perte d’autonomie, au titre des objectifs de lutte contre l’isolement social et d’accès aux droits, s’il s’agit de personnes de plus de soixante ans, y compris handicapées.
C’est tout le sens de la société inclusive : les dispositifs créés en faveur des personnes âgées doivent pouvoir servir aux personnes handicapées vieillissantes.
Les actions en question peuvent également être financées grâce aux concours de la CNSA qui sont attribués aux départements. Une autre partie des concours de la CNSA peut servir à financer des actions de prévention dans les résidences autonomie, au profit des personnes handicapées qui y vivent.
Vous avez raison, nous devons prendre en compte cette dimension du sujet. Il ne faut pas que les personnes handicapées vieillissantes, qui, parfois, n’ont jamais utilisé les outils numériques, subissent une fracture supplémentaire. Pour autant, nous devons développer massivement l’usage de ces outils, notamment des tablettes numériques, en leur direction, car c’est par ce moyen qu’elles pourront formuler leur projet de vie, exprimer leurs besoins, même primaires. Cela devrait permettre de grands progrès en matière de bientraitance dans les établissements médico-sociaux.
En ce sens, les actions tendant à réduire la fracture numérique feront d’ailleurs l’objet d’un suivi particulier : il faut pouvoir capitaliser sur ces mesures et, surtout, les diffuser dans l’ensemble du territoire. On observe là encore souvent des iniquités territoriales.
La question de la prévention, des moyens qu’il faut y consacrer, des priorités à définir en la matière et donc des concours de la CNSA fait l’objet d’un atelier dédié au titre de la concertation « grand âge et autonomie » lancée le 1er octobre dernier avec Agnès Buzyn. Vous le voyez, nous veillons à ce que tous les sujets soient traités au cours de cette concertation, dans la perspective d’une convergence entre personnes en perte d’autonomie, personnes handicapées et personnes vieillissantes.
Enfin, je vous signale qu’un atelier « cadre de vie » a été créé et que le sujet de la fracture numérique pour les personnes âgées y est traité particulièrement.
Ma question porte sur la situation des auxiliaires de vie scolaire, les AVS, et des accompagnants des élèves en situation de handicap, les AESH.
En dix ans, le nombre d’élèves handicapés a triplé dans les établissements relevant de l’éducation nationale : il est passé de 100 000 en 2006 à 320 000 en 2017. Cette augmentation est l’une des conséquences de la loi du 11 février 2005, qui a rendu obligatoire l’inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap.
Les professionnels qui accompagnent ces élèves handicapés jouent un rôle fondamental pour leur intégration dans le système scolaire. Toutefois, le statut de ces « héros du quotidien » n’est pas à la hauteur de la tâche qui est la leur. Beaucoup sont employés à temps partiel, leur rémunération est calquée sur le SMIC et obtenir un CDI relève d’un véritable parcours du combattant.
Les premières victimes collatérales de cette précarité sont les enfants eux-mêmes. Cette question fait, aujourd’hui, l’objet d’une quasi-unanimité politique : le débat consacré à la proposition de loi relative à l’inclusion des élèves en situation de handicap, présentée par notre collègue député Aurélien Pradié, en est la meilleure illustration.
La rémunération ne doit pas être la principale motivation des personnes exerçant ce métier si particulier, nous en convenons. Mais, vous en conviendrez également, madame la secrétaire d’État, la rémunération ne doit pas être le principal frein à l’attractivité de cette profession.
Au travers du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement affirme sa volonté de mettre en place un bilan d’intervention précoce pour tout enfant atteint de troubles du neurodéveloppement et de recruter plus de 10 000 accompagnants supplémentaires pour l’année prochaine.
Quelles mesures complémentaires le Gouvernement entend-il mettre en œuvre afin de sécuriser le statut des AVS et des accompagnants des élèves en situation de handicap et, ainsi, d’améliorer durablement l’inclusion des élèves handicapés dans notre système scolaire ?
Madame la sénatrice, votre question me permettra d’évoquer la concertation que nous avons ouverte avec Jean-Michel Blanquer.
La moitié des 340 000 enfants handicapés scolarisés lors de la rentrée de septembre ont besoin d’être accompagnés. Vous l’avez rappelé avec raison, cet accompagnement doit être assuré par des professionnels reconnus, recrutés de manière pérenne, afin que leur rôle soit stabilisé auprès des enfants. En outre, les familles doivent pouvoir accéder plus facilement à eux ; c’est l’objet de la simplification des cycles scolaires.
Pour que la scolarisation des enfants handicapés dans l’école inclusive soit une réalité, il nous faut agir sur plusieurs leviers.
Tout d’abord, il nous faut former et outiller les enseignants ; c’est l’objet de la plateforme numérique qui sera développée au cours de cette année. Elle permettra une adaptation pédagogique selon les troubles, selon les retards d’apprentissage, quel que soit le type de handicap.
Ensuite, il nous faut adapter l’environnement scolaire aux besoins éducatifs particuliers de ces élèves, en proposant des réponses graduées et diverses : c’est l’objet des différents dispositifs de scolarisation qui sont développés, notamment les unités localisées pour l’inclusion scolaire, les ULIS, ou les unités d’enseignement.
Enfin, il nous faut déplacer les moyens médico-sociaux dans l’école et mieux organiser la gestion des ressources humaines – à ce titre, je pense à l’expérimentation des pôles d’inclusion scolaire.
Concernant le statut des accompagnants, pour la première fois, les emplois aidés ne représentent plus qu’un tiers du total par rapport aux contrats d’AESH. On observe donc une véritable accélération vers la professionnalisation. Toutefois, ces contrats d’AESH ne suffisent pas à sortir les accompagnants qui en bénéficient de la précarité financière : le temps scolaire ne leur permet pas d’atteindre les 35 heures hebdomadaires de travail.
Là est tout l’enjeu de la concertation : il faut organiser la porosité de l’accompagnement entre tous les temps de vie de l’enfant – à l’école, au centre de loisirs… – pour permettre aux accompagnants de jouer leur rôle pendant 35 heures hebdomadaires et de pouvoir vivre ainsi dignement de leur travail.
Cette concertation est menée avec les familles, les associations du secteur médico-social, les syndicats et les collectifs d’AESH. Nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction pour aboutir à une professionnalisation permettant aux accompagnants d’être présents durablement auprès des élèves.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse très éclairée ; je sais combien vous êtes attachée à cette politique, et je prends note des solutions que vous allez promouvoir, de concert avec le ministre de l’éducation nationale.
Pour ce qui concerne la scolarisation des enfants handicapés, la loi de 2005 nous oblige. Par le passé, certains de ces enfants restaient sans AVS à la rentrée scolaire, et il fallait attendre la Toussaint pour que ces situations se résorbent. Je compte sur vous pour mener à leur terme toutes les actions que vous envisagez.
Je souhaite tout d’abord remercier notre collègue Philippe Mouiller et les membres du groupe de travail de leur excellent rapport sur la question du financement de la prise en charge du handicap.
Pour ma part, je retiens de ce travail l’extraordinaire diversité des acteurs du monde du handicap. La mise en place d’une structure d’animation et de coordination s’avère nécessaire afin de rendre cohérente l’articulation de tous ces outils. C’est le sens, me semble-t-il, de votre proposition de création d’un service public de l’emploi unifié et dédié aux personnes handicapées, l’objectif étant de faciliter l’insertion, d’ancrer la notion de parcours dans l’accompagnement médico-social et de mettre en place des passerelles entre milieux ordinaire, adapté et protégé.
Les MDPH constituent, selon moi, des acteurs départementaux incontournables en raison de leur connaissance fine du territoire, qui les met en mesure de produire un véritable recensement qualitatif des besoins de la population, étape fondamentale en vue de la réalisation d’un diagnostic territorialisé et prospectif. Or, aujourd’hui, il faut bien l’admettre, leur rôle se réduit souvent à une gestion purement administrative des dossiers.
Parallèlement, les centres locaux d’information et de coordination gérontologiques, les CLIC, sont bien intégrés dans le paysage départemental depuis les années 2000. Ces guichets uniques d’information et d’accompagnement social dédiés aux personnes âgées, répartis au plus près des territoires, sont capables de rendre un véritable service de proximité. Ils ont acquis une expertise en termes de connaissance, à l’échelle des bassins de vie, des structures médico-sociales et des difficultés des personnes et de leur entourage. Depuis peu, ils sont identifiés comme des acteurs du handicap. Plutôt que de créer une structure supplémentaire, la plateforme territoriale du handicap, ou PTH, comme le propose notre collègue, pourquoi ne pas renforcer les structures existantes et leur octroyer les moyens de développer leurs compétences ?
Ainsi, la MDPH ne peut-elle être, dans le cadre des schémas départementaux et en étroite collaboration avec le réseau des CLIC, l’acteur central de coordination et d’animation attendu par le monde du handicap ? Cela conforterait la mission de solidarité territoriale qui échoit aux départements et serait conforme à la proposition du rapporteur visant à rendre aux conseils départementaux un rôle décisif en matière de planification de l’offre médico-sociale. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous donner votre sentiment sur cette proposition ?
Madame la sénatrice, je vous remercie de présenter la MDPH comme la maison des personnes handicapées.
Comme indiqué lors du comité interministériel du handicap, nous ouvrons le chantier de la gouvernance des MDPH. La simplification et l’octroi de droits à vie permettront d’alléger leur tâche administrative, qui consiste surtout en renouvellements de droits à l’identique et comporte donc peu de valeur ajoutée. Leurs équipes expertes, pluridisciplinaires, pourront ainsi se concentrer sur l’accompagnement de la personne, son orientation et l’aide à la décision. La valeur ajoutée des MDPH réside dans l’évaluation et l’accompagnement. Dans cette perspective, nous devons – je m’y suis consacrée dès ma prise de fonctions – accélérer le déploiement du système d’information commun des MDPH, afin de les libérer également de nombreuses tâches informatiques et de pouvoir bénéficier d’une vision beaucoup plus globale des places disponibles, avec ViaTrajectoire, ainsi que des besoins des personnes. Sur ce dernier point, nous naviguons pour l’heure à vue. Nous allons désormais pouvoir disposer d’un levier formidable pour connaître les besoins et, partant, pour mieux y répondre.
Enfin, nous avons mis en place, lors de la conférence nationale du handicap, un groupe de travail qui réunira tous les acteurs : les conseils départementaux, au premier chef, mais aussi les associations de personnes handicapées, à travers le CNCPH, le Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui est une source essentielle de propositions d’un haut degré d’expertise.
Vous avez évoqué le maillage des CLIC. Dans le département du Nord, par exemple, une expérience très intéressante a été menée avec la maison départementale de l’autonomie, s’appuyant sur les relais autonomie, pour offrir une réponse de proximité, sous gouvernance départementale de la MDPH. Il nous faut l’expertiser.
À l’occasion de ce débat, je voudrais aborder la question de l’emploi des personnes handicapées.
Aujourd’hui, le taux de chômage des actifs handicapés atteint 19 %, soit le double de la population active « ordinaire ». En théorie, depuis la loi du 10 juillet 1987, les entreprises ont l’obligation de compter 6 % de travailleurs handicapés dans leurs effectifs. En pratique, ce taux n’est que de 3, 5 %, les entreprises préférant payer une contribution plutôt que d’embaucher des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, la « révolution culturelle » que vous avez évoquée pour définir ce qui a permis l’émergence, dans les pays du Nord, d’une société plus inclusive doit être menée aujourd’hui en France. Il faut favoriser la rencontre entre l’entreprise et la personne handicapée, qui constitue bien souvent un choc positif pour l’entreprise, crée de la solidarité et permet d’accompagner les personnes handicapées vers l’indépendance. Il nous faut donc agir pour favoriser l’insertion dans le milieu professionnel ordinaire, même si les entreprises du secteur adapté font un travail remarquable, comme je peux le constater dans mon département de la Mayenne.
Le rapport de notre collègue Philippe Mouiller met en exergue plusieurs difficultés qui expliquent la réticence des entreprises du milieu dit « ordinaire » à embaucher des personnes handicapées. Par exemple, l’orientation et l’insertion professionnelle de ces dernières sont des missions de Pôle emploi, de Cap emploi et des missions locales, mais, bien qu’ils relèvent tous trois du service public de l’emploi, ces acteurs ne coordonnent pas nécessairement leurs actions.
Le rapporteur propose donc d’unifier les missions d’insertion et de maintien dans l’emploi des personnes handicapées autour d’un seul service public, dont le financement dépendrait directement du budget de l’État. Madame la secrétaire d’État, quel est votre avis sur ce sujet ?
Monsieur le sénateur, j’ai le même attachement pour l’entreprise inclusive que pour l’école inclusive, que nous avons déjà évoquée. De manière plus générale, la société inclusive est l’objet de la concertation que nous sommes en train de mener.
Nous disposons déjà de leviers d’action. Aujourd’hui, les entreprises ne peuvent plus avancer l’excuse d’une trop grande complexité administrative, puisque nous simplifions et automatisons la déclaration avec la déclaration sociale nominative, la DCN, au travers de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
Nous sommes en pleine concertation avec l’ensemble des acteurs. Vous avez raison, c’est aujourd’hui un maquis illisible, pour les entreprises comme pour les travailleurs. À qui un travailleur handicapé au chômage doit-il s’adresser : Pôle emploi ou Cap emploi ? Un jeune doit-il plutôt se tourner vers la mission locale ? Cette structure connaît bien les jeunes, mais moins le handicap. Voilà ce que vivent aujourd’hui les travailleurs handicapés.
Cap emploi a déjà fusionné avec les services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, les SAMETH, de sorte que les entreprises disposent maintenant d’un seul interlocuteur en matière d’accompagnement et de maintien dans l’emploi. Il nous faut aller plus loin. M. le sénateur Mouiller recommande ainsi d’organiser un service public de l’emploi beaucoup plus lisible. Comme pour l’école de la République, il faut instaurer une porte d’entrée unique pour tous les travailleurs, handicapés ou pas, en apportant des réponses variées. C’est l’objet de l’expérimentation que mène Pôle emploi dans treize départements pilotes en vue de mettre en ordre de marche tous ces dispositifs, y compris les centres de reconversion professionnelle, les CRP, qui font aussi un travail remarquable. La concertation est en cours avec tous les acteurs, entreprises, organisations syndicales et patronales, associations, afin de rendre cette offre plus lisible et beaucoup plus opérationnelle.
Nous n’avons pas évoqué l’emploi accompagné. Nous devons accélérer le développement de ce dispositif et mettre l’accent sur l’accompagnement du travailleur et du collectif de travail pour que l’embauche soit une réussite.
Nous n’attendrons pas trente ans pour passer de 3, 5 % à 6 % de travailleurs handicapés dans les entreprises, comme il a fallu attendre trente ans pour atteindre les 3, 5 %. Vous pouvez compter sur ma détermination pour accélérer ce mouvement.
Madame la secrétaire d’État, il faut effectivement rechercher la meilleure organisation, au service des personnes handicapées comme des entreprises, qui sont nombreuses, dans les territoires, à rechercher du personnel.
Madame la secrétaire d’État, le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées est un sujet majeur. Il constitue un levier pour la transformation de l’offre de services en faveur des personnes handicapées, qui doit s’inscrire dans une réflexion globale.
Cette réflexion nécessite une anticipation suffisante au vu des risques identifiés, dont celui de voir se développer des parcours stéréotypés, voire déshumanisants, reposant sur une classification des besoins de la personne ou des difficultés des structures, notamment de taille modeste, à faire face à ces réformes et à leurs répercussions…
L’excellent rapport d’octobre 2018 du sénateur Philippe Mouiller, présenté au nom de la commission des affaires sociales, dresse un constat plutôt mitigé « quant à l’amorçage de la réforme du financement des établissements et services accueillant des personnes handicapées ». Il est indiqué, plus loin, que « l’intention de départ, consistant à partir des besoins des personnes pour construire la nouvelle tarification, est parfaitement louable, mais le chemin que prend la réforme, loin de faire “tomber les murs” autour de la personne, ne paraît en fait que modifier leur agencement. L’ambition première de la réforme risque de se voir passablement émoussée par un tropisme […] consistant à voir dans la réforme tarifaire l’outil principal de restructuration de l’offre. »
Ainsi, de nombreuses inquiétudes se font jour face aux enjeux de la réforme du financement de l’accompagnement médico-social de la personne handicapée. Je souhaiterais relayer une interrogation majeure : où en sont les travaux de la mission SERAFIN-PH ? Quelle analyse est faite des résultats des enquêtes nationales de coûts ?
Au vu des préconisations contenues dans le rapport sénatorial, le calendrier de la réforme ne doit-il pas être revu, afin de se donner le temps d’analyser les incidences de ce nouveau modèle tarifaire et d’associer les acteurs à la définition des dispositifs transitoires ?
Enfin, comment prévenir les répercussions de ces réformes sur des structures, établissements et services, afin d’éviter que ceux-ci, et par voie de conséquence les personnes accompagnées, ne se trouvent en grande difficulté ?
Merci, monsieur le sénateur, de me donner l’occasion de faire un point sur la réforme SERAFIN-PH, très importante pour le virage inclusif, et de rassurer les professionnels, qui s’inquiètent à tort.
Le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, remis en octobre 2012, pointait le fait que les dotations des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées étaient, pour l’essentiel, le fruit de l’histoire. Nous avons engagé cette réforme précisément pour établir enfin un lien direct entre les modalités de l’accompagnement proposé, le public accueilli et le niveau de budget alloué. Notre intérêt collectif est bien de mettre fin à cette grande dispersion des coûts et de promouvoir un nouveau modèle de financement. Cette orientation a été confortée dans le cadre du lancement de la démarche « Une réponse accompagnée pour tous ».
Dans ce contexte, le projet SERAFIN-PH doit permettre d’apporter toutes les souplesses nécessaires pour ajuster le financement des établissements à la complexité de certaines situations individuelles.
Je voudrais vous rassurer sur la méthode de travail qui a été suivie. Ce projet est un chantier de long terme, qui a fait toute sa place à la concertation et à la coconstruction avec les différents acteurs, en particulier dans le cadre du groupe technique national. Il a été planifié pour se dérouler en trois phases et s’étendra sur plusieurs années.
La première phase, engagée en 2014, a pour objet de concevoir les outils qui permettent de rénover le modèle d’allocations. Il s’agit d’élaborer concrètement les nomenclatures de besoins et de prestations, qui ont été validées en 2016, et de mener des enquêtes et des études nationales de coûts. Deux enquêtes ont ainsi été réalisées, en 2016 et en 2017, et la première étude nationale sera engagée cette année.
Les phases 2 et 3 viseront à étudier et à définir de nouvelles modalités de tarification, puis à les déployer.
À ce stade, aucun choix n’a donc été prédéfini ni arrêté, et le projet ne vise en aucun cas à remettre en cause la qualité des accompagnements des personnes. Bien au contraire, tout l’enjeu des travaux en cours consiste à la faire progresser.
Encore une fois, je tiens à vous rassurer : nous avançons pas à pas, mais il n’est pas question de nous arrêter en chemin.
Je salue l’initiative de nos collègues de la commission des affaires sociales, qui nous permet d’aborder un sujet de société particulièrement important.
Madame la secrétaire d’État, vous avez fait référence à la loi de 2005. J’ai une pensée, à cet instant, pour notre ancien collègue Paul Blanc, qui a œuvré, notamment, pour la mise en place des MDPH.
L’aspect financier est important, certes, mais la question des moyens humains est fondamentale. La notion de solidarité tient une place centrale dans cette problématique, d’où l’implication de l’État, des collectivités territoriales, dont les départements, des entreprises, des associations et, plus généralement, de l’ensemble des acteurs du champ social.
Je souhaite aborder plus particulièrement la problématique des départements frontaliers. Dans le mien, les Ardennes, nous manquons malheureusement de places d’accueil pour les personnes handicapées. Nombre d’entre elles sont donc obligées de s’orienter vers des établissements belges, ce qui pose le problème de la coopération transfrontalière. Le nombre de places d’accueil va-t-il augmenter dans notre pays ?
Monsieur le sénateur, il est vrai que les parents veulent avant tout une solution de proximité, qui peut parfois se trouver de l’autre côté de la frontière… Je me rendrai la semaine prochaine dans votre département, et j’ai assisté récemment au comité de pilotage franco-wallon de ces établissements belges.
Nous avons triplé l’enveloppe destinée à éviter les départs contraints en Belgique. Pour autant, il y a une porosité entre la Belgique et la France, qui fonctionne dans les deux sens. Nous devons agir pour développer une réponse de proximité, mais la Belgique n’est pas la seule destination pour les personnes handicapées : malheureusement, des enfants vivent en Lozère ou dans le Lot-et-Garonne, loin du domicile de leurs parents. Notre devoir est de travailler à les ramener au plus près des familles, qui veulent par-dessus tout ne plus avoir à se déplacer pour voir leur enfant. C’est pourquoi nous consacrons 180 millions euros à la transformation de l’offre médico-sociale et triplons l’enveloppe destinée à éviter les départs forcés, dont le montant passe ainsi de 15 millions à 45 millions d’euros.
Cependant, la problématique majeure est celle du retour d’adultes qui, après avoir vécu vingt ans ou plus en Belgique, sont presque plus belges que français. Certains n’ont même plus de famille en France, et il est très difficile de les rapatrier. Pour être franche avec vous, nous n’avons pas trouvé la solution à ce jour, mais nous sommes totalement mobilisés pour prendre cette question à bras-le-corps : cela relève de l’un des cinq chantiers prioritaires annoncés lors du comité interministériel du handicap.
C’est un réel problème, qui se pose malheureusement depuis de nombreuses années. Des choses ont été faites, mais c’est une œuvre de longue haleine qui impose de mobiliser toutes les forces vives. La coopération transfrontalière existe déjà au niveau de l’ARS ou de l’assurance maladie. Je vous remercie des avancées déjà obtenues et de ce que vous pourrez faire à l’avenir.
Je tiens à féliciter notre collègue Philippe Mouiller et les membres du groupe de travail pour cet excellent rapport d’information.
Aujourd’hui, le contrôle par les pouvoirs publics de l’offre médico-sociale à destination des personnes handicapées relève de trois échelons territoriaux, dont les rôles sont parfois difficiles à distinguer pour les utilisateurs.
En premier lieu, l’État élabore un schéma pour les établissements ou services accueillant des catégories de personnes dont les besoins ne peuvent être appréciés qu’à ce niveau. La planification nationale prend la forme de grands plans pluriannuels, généralement annoncés par le chef de l’État dans le cadre triennal de la conférence nationale du handicap.
En deuxième lieu, le représentant de l’État dans la région, appuyé par les services de l’ARS, établit les schémas régionaux de l’offre médico-sociale relatifs aux établissements et services accueillant des personnes handicapées.
En troisième lieu intervient le conseil départemental. Ses compétences se sont réduites, à l’inverse de celles de l’État. En effet, détenteur d’une compétence générale en matière sociale depuis les lois de décentralisation, compétence qui a été confirmée par la loi du 27 janvier 2014, le département aurait dû naturellement prétendre à la coordination et à l’organisation de l’offre médico-sociale sur son territoire. Or, dans les faits, le conseil départemental n’a la main que sur les segments résiduels de l’offre, ceux qui n’entrent pas dans les compétences de l’État.
Voilà peu, Sébastien Lecornu, ancien président du conseil départemental de mon département et aujourd’hui ministre délégué chargé des collectivités territoriales, expliquait qu’il fallait développer le sur-mesure et non plus le prêt-à-porter, avec un « État maître tailleur » qui sache s’adapter aux territoires en partant de leurs attentes. Le schéma de l’offre médico-sociale du département est réellement complémentaire des schémas régionaux en matière de planification de l’offre. N’oublions pas que le département reste le premier à connaître les besoins exprimés et doit, à ce titre, être à l’origine de la décision de création de l’offre.
Prendrez-vous en compte, madame la secrétaire d’État, l’excellente proposition n° 5 du rapport de M. Mouiller, afin de rendre aux conseils départementaux un rôle décisif en matière de planification de l’offre médico-sociale ?
Madame la sénatrice, il existe effectivement une stratification de compétences. Pour autant, chacun des acteurs peut apporter un regard spécifique.
Vous avez évoqué le rôle des départements et des régions ; nous avons parlé précédemment d’iniquités territoriales. Les ARS ont un rôle très important à jouer à cet égard, en termes de répartition des moyens. Il nous faut donc vraiment conserver leur apport spécifique, qui peut nous aider à construire le parcours vers la société inclusive, en décloisonnant sanitaire et médico-social. C’est indispensable pour les personnes handicapées, leur accès aux soins, leur parcours de santé, et tout simplement leur parcours de vie.
Pour autant, il nous manque encore souvent des acteurs, d’où l’intérêt de pouvoir travailler sur les territoires 100 % inclusifs. C’est tout l’objet du lancement de cette démarche. Il nous faut pouvoir sortir du seul schéma géographique. Sébastien Lecornu a raison, il faut partir d’un schéma territorial souple et agile, fixer un cadre général tout en définissant précisément les compétences de chacun. C’est tout l’enjeu des territoires inclusifs. Je serai le 13 novembre dans la Manche pour lancer ce processus avec votre collègue Philippe Bas et le département.
Nous avons besoin de l’implication de chaque acteur. Pour l’heure, il manque par exemple celle du rectorat, pour ce qui concerne l’inclusion scolaire, ou celle des bailleurs sociaux, s’agissant de l’habitat inclusif. C’est une démarche à géométrie variable selon les besoins, mais les maisons départementales des personnes handicapées jouent un rôle indispensable pour orchestrer, évaluer, organiser ce parcours. Nous avons allégé leurs tâches administratives pour qu’elles puissent se concentrer sur ce rôle.
Ces compétences doivent être précisées et organisées dans un cadre souple, pour laisser l’agilité des territoires s’exprimer, car à mon sens c’est avant tout des territoires que les solutions émergeront.
Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, permettez-moi de vous souhaiter bon vent pour vos engagements futurs !
Il me revient de prononcer quelques mots de conclusion au nom de la commission des affaires sociales, qui a demandé la tenue de ce débat.
Je souhaite avant toute chose remercier notre collègue et ami Philippe Mouiller du rapport qu’il a récemment publié ; j’espère qu’il inspirera les politiques publiques du handicap à venir.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, des réponses que vous avez apportées à nos collègues et de l’accueil que vous faites régulièrement au travail parlementaire. J’aime à souligner que sa publicité n’est souvent pas à la mesure de son utilité !
Sourires.
Concernant le secteur hospitalier, je n’ai jamais fait mystère de mon scepticisme quant à la tarification à l’activité, dont l’application peut parfois nuire gravement à la pertinence des soins prodigués.
Or j’ai souvenir que, au moment du lancement de sa réflexion, le groupe de travail sénatorial sur le financement de l’accompagnement du handicap s’est longuement interrogé sur l’avenir d’une réforme tarifaire des établissements et services médico-sociaux accueillant les personnes handicapées engagée par le Gouvernement en 2014, mais dont l’aboutissement n’est toujours pas connu avec certitude : je veux parler de la réforme SERAFIN-PH. Bien qu’elle soit éclipsée par l’actualité, qui a récemment surtout mis en valeur le chantier tarifaire de la prise en charge de la dépendance, cette réforme n’en est pas moins très attendue. Elle a pour objet, je le rappelle, d’extraire l’attribution des crédits versés par le financeur d’une stricte logique de reconduction des dotations historiques et d’enfin faire correspondre les besoins réels des personnes handicapées admises dans des structures d’accompagnement et l’allocation de l’argent public qui finance ces structures.
Je note avec inquiétude que cette réforme, que tout le monde s’accordait à dire bien engagée, montre quelques signes d’essoufflement et prend une tournure différente de celle qui avait été initialement annoncée.
Les conclusions de notre rapporteur ont effet mis en lumière que les besoins en matière de santé somatique et psychique des personnes handicapées faisaient certes l’objet d’un repérage et d’une nomenclature affinée, mais que leurs besoins socio-éducatifs beaucoup moins précisément retracés. Or, madame la secrétaire d’État, la tarification à l’acte médico-social – si vous me permettez d’utiliser ce raccourci – n’a justement rien à voir avec la tarification à l’acte médical, dont il semble pourtant qu’elle se rapproche dangereusement.
Vous aurez l’occasion de revenir sur le sujet !
C’est tout l’enjeu de la société inclusive, dont il n’a cessé d’être question, que de démédicaliser l’accompagnement des personnes handicapées et de revaloriser fortement sa dimension humaine et sociale.
Je conviens que cette tâche est particulièrement ardue. Quantifier les besoins en santé a toujours été plus aisé que quantifier les besoins en suivi social. Cela n’en demeure pas moins, à mon sens, le principal enjeu du secteur pour l’avenir.
J’espère de tout cœur que le Gouvernement, qui a donné, madame la secrétaire d’État, un signal très fort en vous plaçant directement auprès du locataire de Matignon, sera au rendez-vous.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.
Nous en avons terminé avec le débat sur le financement de l’accompagnement médico-social des personnes handicapées.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 novembre 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l’information (n° 30, 2018-2019) et nouvelle lecture de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relative à la lutte contre la manipulation de l’information (n° 29, 2018-2019) ;
Rapport de Mme Catherine Morin-Desailly, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 75, 2018-2019) ;
Avis de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 53, 2018-2019) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 54, 2018-2019).
Projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (procédure accélérée) (n° 9, 2018-2019) ;
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission spéciale (n° 92, 2018-2019) ;
Texte de la commission (n° 93, 2018-2019).
Projet de loi portant suppression de surtranspositions de directives européennes en droit français (procédure accélérée) (texte de la commission, n° 10, 2018-2019) ;
Rapport de Mme Marta de Cidrac et M. Olivier Cadic, fait au nom de la commission spéciale (n° 96, 2018-2019) ;
Texte de la commission (n° 97, 2018-2019).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures trente.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.
Mmes Esther Benbassa, Annick Billon, Maryvonne Blondin, MM. Bernard Bonne, Max Brisson, François-Noël Buffet, Mmes Catherine Conconne, Catherine Deroche, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, M. André Gattolin, Mmes Marie-Pierre de la Gontrie, Véronique Guillotin, M. Olivier Henno, Mmes Corinne Imbert, Muriel Jourda, Françoise Laborde, Florence Lassarade, M. Martin Lé vrier, Mmes Michelle Meunier, Marie Mercier, Brigitte Micouleau, M. Stéphane Piednoir, Mme Laurence Rossignol, MM. Michel Savin, Jean-Pierre Sueur, Mme Dominique Vérien et M. Dany Wattebled.