Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, permettez-moi d’adresser mes remerciements au président Alain Milon pour la confiance témoignée au moment du lancement du groupe de travail sur l’accompagnement du handicap et à mes collègues de la commission des affaires sociales pour leur engagement au cours de ces dix mois de travail. Je remercie également Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État, pour les échanges de grande qualité que nous avons conduits à l’issue de ces travaux.
J’ai eu l’occasion de présenter un rapport intitulé Repenser le financement du handicap pour accompagner la société inclusive, lequel a été approuvé à l’unanimité par la commission des affaires sociales. Dans ce rapport, j’ai suggéré quarante propositions. Je ne peux pas les présenter toutes à cette tribune, mais je vous ferai part de deux grandes orientations qui sont à mes yeux particulièrement importantes.
La première a trait à la simplification de l’offre médico-sociale destinée aux personnes handicapées. Alors que nous entamerons, la semaine prochaine, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce sujet ne me paraît plus pouvoir souffrir de report.
Les acteurs de l’accompagnement et les personnes handicapées sont unanimes dans leur souhait de voir s’améliorer la situation pour éviter des parcours inutilement complexes, des contraintes administratives et financières empilées qui limitent l’épanouissement des personnes et leur intégration dans la cité.
Cette complexité, mes chers collègues, est le fruit de notre histoire.
On pourrait, à bon droit, me répondre que, depuis la loi du 11 février 2005, ce principe simple et distinct se nomme « société inclusive », désignant de ces deux mots forts l’ambition de faire à toute personne handicapée une place dans la société qui tient compte de sa situation particulière. Mais c’est à mon sens confondre la destination et la traversée. Si le cap est partagé, les difficultés que rencontrent les personnes handicapées dans leur vie quotidienne, dans leur accompagnement à domicile ou en établissement, n’ont pas connu, depuis 2005, d’atténuation particulière. Pis, la complexité de leur parcours s’est aggravée.
Le constat revient fréquemment : les parcours ne se mesurent pas à l’aune des personnes, mais à celles des structures.
Voilà plusieurs années que les gouvernements successifs ont pris conscience des écueils d’un modèle d’accompagnement qui se définit essentiellement par l’offre. Encore aujourd’hui, le principal déterminant d’une couverture territoriale, suffisamment étoffée, reste le nombre de places. Cet indicateur réduit l’accompagnement à la qualification d’un établissement ou d’un service unique et n’en traduit que très imparfaitement la pertinence.
Le pilotage par le nombre de places entretient par ailleurs un tropisme de la structure et maintient d’importants cloisonnements entre acteurs de l’accompagnement, là où l’on souhaite, au contraire, introduire plus de fluidité et de porosité.
Pour ce qui regarde le travail des personnes handicapées, je propose que l’ensemble des acteurs publics chargés de leur insertion et de leur maintien dans l’emploi soient réunis dans un seul et même service public de l’emploi.
Pour ce qui relève de l’accompagnement médico-social, il me paraît certes indispensable que les gestionnaires d’établissements et de services disposent d’une certaine liberté d’administration pour proposer des parcours plus modulaires. Toutefois, cette liberté doit être précisée au travers des instruments juridiques par lesquels ils contractualisent avec leur autorité tarifaire.
Pour rompre avec les travers d’une offre médico-sociale excessivement descendante, qui privilégie l’injonction statistique des bureaux centraux par rapport aux besoins réels du terrain, il est évident que la main doit être laissée à ceux qui accompagnent directement la personne.
Mais veillons à ce que ces parcours, construits au plus près des personnes concernées, ne les enferment pas dans de longs dispositifs intégrés, où les ruptures seraient certes moins fréquentes, mais où l’accompagnement s’éloignerait tout autant des attentes exprimées…
Cela m’amène au second point que je souhaitais soulever.
Le grand défaut de notre modèle réside dans l’écoute très insuffisante des besoins des personnes handicapées, qui devraient seuls guider la réponse que nous devons leur apporter. Or, en la matière, les progrès sont beaucoup trop timides. Les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui sont nos acteurs de première ligne, ne sont pas habilitées à porter un diagnostic circonstancié et territorialisé des besoins exprimés dans leur département. Elles ne sont là que pour rendre compte de la somme des besoins individuels qu’elles recueillent et qu’elles essaient de faire correspondre à une offre territoriale sur laquelle elles n’ont pas la moindre prise.
C’est pourquoi je suggère que soit créée une instance de proximité : une plateforme territoriale du handicap, ou PTH. Il me semble que son intervention viendrait combler un vide important ; une partie de la solution en dépend. Il s’agirait d’une structure territoriale dédiée, intervenant à l’échelon le plus pertinent, celui du bassin de vie, et réunissant l’ensemble des acteurs concernés par le parcours de vie d’une personne handicapée.
Trois missions lui seraient assignées.
Premièrement, après un recensement des besoins, la plateforme territoriale du handicap livrerait le produit de ses réflexions aux instances décisionnaires locales et nationales qui, chargées du redéploiement de l’offre, disposeraient alors d’une base quantitative et, surtout, qualitative suffisamment dense et circonstanciée pour prendre les décisions d’autorisation et d’implantation.
Deuxièmement, la PTH jouerait également un rôle d’animation et de coordination auprès de tous les acteurs du handicap intervenant sur le bassin de vie.
Troisièmement, elle serait dotée d’une mission de contrôle afin de s’assurer que le mécanisme descendant de la planification est atténué par une prise en compte des besoins du territoire.
Notre travail en appelle à une réforme du financement de l’accompagnement des personnes handicapées. Les élus qui siègent dans cet hémicycle sont particulièrement informés des inconvénients du cofinancement, par l’agence régionale de santé et le conseil départemental, d’un nombre important de structures chargées de cet accompagnement. Il n’est pas de réforme efficace de l’accompagnement sans respect scrupuleux d’un principe de financeur unique !
Au-delà de la concurrence des financeurs, c’est le financement des prestations par la personne elle-même qu’il est urgent de repenser et de rationaliser.
Le principal instrument de cette réforme à venir est incontestablement la prestation de compensation du handicap, la PCH. Cette dernière doit être profondément simplifiée et devenir le principal appui financier de toutes les dépenses d’accompagnement non médicales de la personne handicapée, essentiellement les aides humaines et les aides à l’aménagement du logement et du véhicule. Les aides techniques, qui relèvent actuellement de la PCH, alors que leur vocation est essentiellement médicale ou paramédicale, devraient à mon sens être financées par l’assurance maladie.
Outre une réduction certaine du reste à charge dont de nombreux usagers doivent encore s’acquitter, cette répartition simple et logique facilitera la vie financière des personnes handicapées qui, perdues entre les divers guichets, caisses et bureaux qui leur sont désignés, multiplient les démarches pour se faire rembourser les frais d’acquisition d’un fauteuil roulant, les frais d’installation de rampes d’accès, les frais de trajet entre domicile et établissement…
Tels sont, madame la secrétaire d’État, les vœux que formule la commission des affaires sociales à votre intention. Vous avez la responsabilité d’un ministère dont nos concitoyens en situation de handicap ont beaucoup attendu, sans toujours beaucoup recevoir. Les changements à apporter sont de très grande ampleur et la mise en place de la société inclusive, qui satisferait incontestablement les souhaits de tous, ne doit plus attendre. Nous devons agir avec méthode pour atteindre cet objectif que nous partageons tous.