Vous avez contribué à défendre les clauses de sauvegarde en adoptant, dans le cadre de la LPM, une disposition consistant à prendre en compte, dans le calcul du surcoût des OPEX, l'usure des matériels. Nous pourrons utiliser cette faculté nouvelle dès 2019 et échangeons avec Bercy pour en définir les modalités d'application : le périmètre des surcoûts OPEX évoluera conformément à la LPM. En revanche, la mesure n'est pas opératoire pour les surcoûts de l'année 2018. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit 458 millions d'euros de crédits pour le carburant opérationnel des armées sur le fondement d'une hypothèse d'un baril à 60 dollars et d'une parité à 1,10 euro pour un dollar. Néanmoins, le prix du baril peut fluctuer. En 2018 par exemple, il a franchi le seuil de 70 dollars, voire celui de 80 dollars. Afin de faire face à ces variations, nous comptabilisons le prix du carburant en coût moyen unitaire, ce qui permet de lisser le prix d'acquisition sur longue période. Nous pouvons également nous appuyer sur la trésorerie dont dispose le compte de commerce du service des essences des armées, ainsi que sur la clause de sauvegarde précitée de l'article 5 de la LPM.
Sur la période 2008-2017, le montant des contrats d'armements signés avec l'Arabie Saoudite s'est établi à 11 milliards d'euros, soit 13 % du total des commandes réalisées. Les ventes d'armes sont extrêmement encadrées : elles font l'objet d'une évaluation fort précise, qui prend en compte de nombreux critères comme la nature des matériels exportés, le respect des droits de l'homme, la préservation de la paix et de la stabilité régionale, et sont autorisées par une commission interministérielle placée sous l'autorité du Premier ministre. Cette activité d'exportation concourt à notre autonomie stratégique et nous ne pouvons faire abstraction de son impact sur nos industries de défense et nos emplois. S'agissant de l'affaire du journaliste saoudien qui, évidemment, nous inquiète, je puis vous dire qu'avec nos partenaires britanniques et allemands, nous avons demandé que toute la lumière soit faite sur les conditions dans lesquelles il a disparu et que des explications crédibles nous soient fournies.
M. Bockel a exprimé son sentiment sur la relation franco-allemande, entre scepticisme et volontarisme. J'insisterai davantage sur la seconde dimension, faute peut-être d'expérience... Vous avez toutefois raison de penser que nous nous trouvons sur une ligne de crête et qu'il faut agir énergiquement et collectivement pour que les Allemands basculent du bon côté. Nous savons d'où ils viennent, quelle est leur histoire et comprenons quelles peuvent être leurs préventions, mais ils sont également conscients que le monde change et que l'Europe est exposée à de nouvelles menaces. Les événements terribles auxquels ils ont été confrontés remontent à plus de soixante-dix ans et le travail sur leur propre histoire a été réalisé, il est donc temps de passer à une coopération résolue, concrète et volontariste. Je m'y emploie avec Mme von der Leyen, dont je salue l'engagement.
Il faut que les soutenants soient au service des soutenus et, à cet égard, nous n'avons pas l'intention de procéder à des réductions d'effectifs, comme cela fut le cas par le passé. Le service de santé des armées (SSA) s'est engagé depuis plusieurs mois dans le plan SSA 2020, qui vise notamment à assurer la cohérence de l'articulation du SSA avec le service public de santé qu'il intègre progressivement tout en conservant des spécificités militaires. Il est confronté, comme le service public de santé, à des difficultés liées à un nombre insuffisant de médecins. Le fait que des réservistes viennent appuyer le SSA en OPEX me semble extrêmement positif, d'autant qu'il s'agit d'un véritable effort de la part des médecins hospitaliers qui libèrent du temps à cet effet. Cela permet au SSA de bénéficier de spécialistes qui eux-mêmes se forment à d'autres techniques pendant leur temps de présence à nos côtés. Qu'il existe des tensions, nul ne le conteste, mais pas davantage que dans les hôpitaux civils. Le problème de la pyramide des âges n'est pas non plus spécifique au SSA. Il se mobilise en conséquence pour faciliter la rotation des médecins en OPEX. Je puis vous rassurer qu'en 2019, les effectifs du SSA seront stables. Sa directrice est, par ailleurs, mobilisée pour fidéliser le plus possible notre personnel.
En ce qui concerne les retraites, je reconnais que la perspective d'une réforme en profondeur du système crée nombre d'interrogations chez les militaires. Ils sont pour l'essentiel contractuels et n'effectuent pas la totalité de leur carrière au sein du ministère. Leur régime de retraite comprend diverses spécificités, notamment l'existence d'une pension à jouissance immédiate, qui participent à un modèle de gestion des effectifs : les flux de sortie sont importants, à un âge où les militaires peuvent entreprendre une seconde partie de carrière, à la différence d'un agent destiné à passer sa vie professionnelle dans la fonction publique. Le Président de la République lui-même a reconnu la légitimité de ces particularités et assuré de leur prise en considération par la réforme, lorsqu'il s'est adressé aux militaires le 13 juillet dernier. Toutefois, les modalités d'application de ladite réforme aux militaires ne sont pas encore connues. Nous en sommes encore aux balbutiements. Dans cette perspective, j'oeuvre à la sensibilisation du haut-commissaire en charge de la réforme des retraites.
Je vous indique, monsieur Cadic, que sur les 450 créations de postes prévus par le projet de loi de finances pour 2019, 199 concernent les services de renseignement. Sur ce total, 111 bénéficieront aux trois services du ministère - 55 postes pour la DGSE, 31 pour la DRSD et 25 pour la DRM - soit une augmentation d'1,2 % de leur l'effectif, et 88 créations de postes viendront renforcer la fonction renseignement dans les armées. Nous sommes également engagés dans un processus d'investissement à hauteur d'1,6 milliard d'euros sur la période de la LPM, afin de renforcer nos capacités techniques. Dans ce cadre seront lancés en 2019 des programmes d'achat d'avions de reconnaissance stratégique et de drones, ainsi que la rénovation de nos bâtiments Atlantique 2. Au total, les budgets des trois services de renseignement du ministère augmenteront, en 2019, de 15 %.
Monsieur Allizard, vous m'avez interrogée sur les menaces spatiales et sous-marines. La menace spatiale représente un enjeu essentiel. Nous allons définir une nouvelle doctrine en matière de gouvernance du spatial, actuellement trop disséminée, et renouveler l'ensemble de nos capacités, notamment en matière d'écoutes électromagnétiques, de satellites de télécommunications sécurisées Syracuse 4 et de satellites d'observation optique, dont le premier sera lancé à la fin de l'année 2018. Sur la durée de la LPM, 3,6 milliards d'euros seront consacrés à ces investissements. Comme je l'ai récemment annoncé, certains de ces satellites seront équipés de caméras de surveillance, afin de veiller sur nos capacités spatiales. Nous serons certainement amenés à prendre d'autres décisions dans ce domaine, qui seront annoncées dans les prochains mois. Pour ce qui concerne les menaces sous-marines, sera livré à l'été 2020 le premier sous-marin nucléaire d'attaque de génération Barracuda, qui sera suivi par cinq autres. Nous sommes également engagés dans un programme de systèmes de lutte anti-mines du futur qui devrait permettre d'assurer la sécurité de nos moyens navals.
Nous aurons également de nouveaux moyens pour la protection des ZEE, notamment au bénéfice des Antilles et de la Nouvelle-Calédonie.
La cyber défense européenne est évidemment nécessaire ; nous en discutons avec nos partenaires européens comme au sein de l'OTAN. Je suis donc quelque peu surprise d'entendre que la France ne s'y intéresserait pas, d'autant que nous avons accueilli la conférence de l'OTAN sur le sujet l'an passé à Paris. Je ne pourrai me rendre à Kiev les 7 et 8 novembre, retenue par les festivités du 11 novembre, mais suis disposée à évoquer cette question avec ma collègue ukrainienne.