Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, le débat budgétaire est toujours une occasion privilégiée, pour les parlementaires que vous êtes, de poser des questions sur la politique de défense, le budget, les programmes en cours. En l'occurrence, j'ai été servi ! Je vais donc essayer, dans toute la mesure possible, de respecter cette tradition et de répondre à vos principales interrogations.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, d'adresser un message d'amitié à Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lequel est l'un des parlementaires qui connaît le mieux ces questions et qui a souvent rédigé des rapports remarqués et remarquables.
Je vais tenter de regrouper vos questions et vos observations autour de trois thématiques que je souhaite développer devant vous.
Premièrement, il ne faut pas s'en cacher, notre outil de défense est à la veille d'une mutation stratégique majeure.
Deuxièmement, le budget pour 2008 contribue à la maîtrise des dépenses publiques - c'est apprécié sur certaines travées et reproché sur d'autres ; c'est apprécié sur certains points et moins apprécié sur d'autres - mais il permet la mise en oeuvre de la dernière année de la loi de programmation militaire et préserve l'efficacité de nos forces.
Troisièmement, et j'aborderai à cette occasion toute une série de programmes, la politique de défense s'inscrit dans l'ensemble des politiques publiques ou cherche à le faire.
S'agissant de notre outil de défense qui est à la veille d'une mutation majeure, je voudrais rappeler, tout d'abord, quelques éléments du contexte dans lequel nous évoluons.
La France a consenti, depuis 2003, un niveau d'engagement élevé de ses forces, tant sur le territoire national qu'à l'extérieur, avec plus de 35 000 hommes déployés en permanence hors de métropole : plus de 12 000 hommes engagés en opérations extérieures - pour cette année, le chiffre est même de l'ordre de 12 500 à 13 000 -, 17 000 dans les forces de souveraineté outre-mer et 6 000 dans les forces de présence. Chaque année, si l'on ajoute les relèves, ce sont ainsi près de 60 000 hommes et femmes qui partent effectuer des missions de deux à six mois.
Les opérations extérieures concernent des opérations majeures telles que l'Afghanistan, le Kosovo, le Liban, la République de Côte d'Ivoire et, demain, le Tchad et la République centrafricaine.
Comme M. Georges Othily l'a souligné, les forces de souveraineté dans nos départements et collectivités d'outre-mer jouent un rôle majeur dans la sauvegarde maritime, la protection de nos côtes, la lutte contre les trafics et l'immigration clandestine, la protection de nos voies commerciales.
Quant aux forces de présence, elles sont engagées dans certains pays d'Afrique, en vertu d'accords de coopération et de défense.
Voilà pour le contexte opérationnel.
Sur le plan capacitaire, la France appartient au club très restreint, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, des pays capables d'assumer le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation-cadre au sein d'une coalition. Nos armées, vous le savez, sont internationalement crédibles ; elles remplissent globalement leurs contrats opérationnels, il est vrai au prix de certains aménagements et en consentant quelques fragilités dans certains domaines.
Parallèlement à ce constat, l'état des lieux que j'ai fait réaliser lors de ma prise de fonction a montré que la trajectoire de dépenses associée à l'acquisition et au remplacement des capacités nécessaires pour atteindre le modèle 2015 dans laquelle nous étions inscrits était en effet, messieurs Yves Fréville et Didier Boulaud, une trajectoire difficile et assez problématique.
À contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient, en moyenne, supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007, comme M. Yves Pozzo di Borgo l'a souligné. La moyenne annuelle devrait ainsi passer d'environ 15, 5 milliards d'euros à près de 22 milliards d'euros : c'est ce que l'on appelle pudiquement « la bosse ». Celle-ci a une marche extrêmement élevée dès 2009, comprise entre 2 milliards et 3 milliards d'euros.
Sur ce sujet, messieurs les rapporteurs spéciaux, je voudrais dissiper toute équivoque.
La première cause de cette situation, monsieur Didier Boulaud, remonte à l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'équivalent d'une année a purement et simplement été rayé d'un trait de plume, la défense ayant servi de variable d'ajustement au budget de la France.