Séance en hémicycle du 3 décembre 2007 à 21h45

Résumé de la séance

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  • OTAN
  • militaire

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des affaires sociales.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- Mme Catherine Dumas membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Philippe Goujon, élu député ;

- M. Louis Pinton membre de la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par Daniel Bernardet, décédé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous reprenons l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Mes chers collègues, ayant entendu avant la suspension les deux rapporteurs spéciaux de cette mission ainsi que les différents rapporteurs pour avis de la commission de la des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous allons maintenant entendre les orateurs.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinquante minutes pour intervenir.

La parole est à M. Michel Guerry.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient aujourd'hui d'examiner et de voter les crédits de la mission « Défense », c'est-à-dire les crédits indispensables à la poursuite des missions de nos armées.

Il y va de la capacité de la France à remplir les missions qui lui échoient en tant que grande puissance mondiale, membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU, membre de l'Alliance atlantique et élément pivot de la défense européenne.

Toutefois, nous ne devons pas ignorer les interrogations portant actuellement sur les perspectives de notre politique de défense, notamment sur la possibilité de concilier nos ambitions en termes d'autonomie stratégique et de capacité d'action sur la scène internationale, tout en prenant en compte la contrainte financière pesant sur la modernisation de notre outil militaire.

La commission chargée de l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui poursuit actuellement ses travaux, devra parvenir à un tel équilibre, difficile à trouver, mais qui s'avère vital pour l'avenir de nos armées dans les prochaines années.

Pour la sixième année consécutive, ce projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, ce qui met définitivement un terme aux renoncements successifs dont les précédentes programmations avaient fait l'objet.

Le budget de la mission « Défense » s'élèvera en 2008 à 35, 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36, 8 milliards d'euros en crédits de paiement. Les crédits progressent ainsi de manière modérée, tout en permettant de préserver l'outil de défense.

Le ministère participe toutefois à la nécessaire maîtrise des dépenses publiques, grâce au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Sur les 320 000 agents qu'il compte actuellement, 6 000 postes, dont 4 800 militaires et 1 200 civils, seront donc supprimés.

Nous souhaitons que ces réductions ne touchent pas aux forces vives de l'armée et qu'elles portent plutôt sur les fonctions de soutien administratif et technique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

Le budget militaire de la France, hors pensions, est le cinquième du monde, loin derrière ceux des États-Unis et de la Chine, mais également derrière ceux de la Russie et du Royaume-Uni, à égalité avec le Japon.

L'effort de défense n'est pas seulement le garant de l'indépendance nationale et de la sécurité de nos compatriotes à l'étranger, c'est aussi un moteur de l'économie. Les masses financières qui y sont investies sont trop souvent considérées comme perdues, alors qu'une grande partie d'entre elles reviennent aux industries nationales, soit directement, soit par le biais de partenariats.

Ainsi, le chiffre d'affaires de l'industrie aéronautique et spatiale française s'est élevé, en 2006, à 32 milliards d'euros, dont 73 % à l'exportation, avec 48 milliards d'euros de prises de commandes au cours de l'année. Le carnet de commandes des entreprises du secteur représente plus de cinq années d'activités, le plus important d'entre eux étant celui d'EADS.

L'industrie aéronautique emploie 131 000 personnes en France, avec un flux de 10 000 recrutements par an, ce à quoi il faut ajouter 80 000 personnes employées par 4 000 sous-traitants. En 2006, le solde commercial de ce secteur a été de 12, 4 milliards d'euros, ce qui, au passage, représente à peu près le coût des 35 heures.

Les crédits du programme « Équipement des forces » s'élèveront à 9, 8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 10, 4 milliards d'euros en crédits de paiement.

Tous les grands programmes d'équipement seront ainsi menés conformément aux objectifs de la loi de programmation : les Rafale et les Tigre prévus seront disponibles à la fin de l'année 2008, ainsi qu'une frégate de type Horizon.

Les principales commandes porteront sur le Rafale, les véhicules blindés de combat d'infanterie, ou VBCI, et les hélicoptères NH90 pour l'armée de terre. Parmi les commandes passées, la première tranche conditionnelle du sous-marin nucléaire d'attaque de type Barracuda est la plus importante. Je tiens à le souligner, il est indispensable de commander les hélicoptères NH90 en 2008, afin de développer les aptitudes d'aéromobilité de l'armée de terre, lesquelles s'avèrent essentielles dans le cadre des OPEX.

Monsieur le ministre, notre principale préoccupation touche le programme de l'avion de transport A400M et les silences répétés d'EADS sur les retards constatés.

Aujourd'hui, on nous annonce des délais supplémentaires pour livrer le premier appareil, ainsi que des surcoûts importants. Est-il vraiment certain qu'il n'y aura pas de nouveaux dérapages ?

Pour notre part, nous restons très inquiets et nous vous demandons, monsieur le ministre, d'être extrêmement ferme à l'égard de l'industriel.

Mon observation suivante portera sur le lancement éventuel du programme de second porte-avions.

S'il appartient aux plus hautes autorités de l'État de procéder aux décisions majeures concernant ce programme, il est souhaitable que le Parlement puisse être associé à la réflexion du Gouvernement.

En ce qui concerne la dissuasion nucléaire, nous sommes très attachés à sa plénitude et à sa crédibilité.

Cette crédibilité suppose d'abord un système d'armes lui-même crédible - armes nucléaires fiables, missiles, SNLE, avions bombardiers, système de transmission et de renseignement sûrs, forces classiques d'accompagnement - et un processus d'engagement réactif, qui exclut que la décision soit soumise à plusieurs autorités politiques.

Cette crédibilité ne joue pas pour les seules forces affectées à la dissuasion. Il est important de rappeler que toutes les composantes des armées bénéficient de facto de tout ce qui a été consenti au développement de notre force de frappe et à son maintien à niveau, que ce soient en termes technologiques et industriels ou sur le plan opérationnel.

Si l'arme nucléaire n'est pas, plus qu'une autre, « la » réponse à toutes les menaces et à tous les risques, elle reste néanmoins, directement ou indirectement, un facteur essentiel de stabilité. Elle est une arme politique.

Là aussi, notre effort doit continuer et il ne peut pas y avoir de demi-mesure ou de mutualisation de la dissuasion. Eu égard à la prolifération actuelle au niveau mondial, préserver la crédibilité de notre dissuasion nucléaire est un impératif.

Les crédits destinés à la dissuasion nucléaire représentent 18, 4 % du programme. C'est beaucoup, et cela traduit la volonté constante de la France de disposer d'un arsenal autonome de dissuasion nucléaire. Nous nous en félicitons, tout en réaffirmant la nécessité de poursuivre l'effort nucléaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi maintenant de rendre hommage aux forces qui servent notre pays sur des théâtres extérieurs.

La multiplication des opérations extérieures au cours de ces dernières années a soulevé la question de leur financement. À la demande insistante du Parlement, le Gouvernement a décidé d'inscrire, dès la loi de finances initiale, une somme correspondant aux prévisions de dépenses relatives aux OPEX.

Cette somme fut d'abord symbolique, mais son augmentation a permis un certain rapprochement avec la réalité. Pour l'année 2008, il est prévu d'inscrire 375 millions d'euros à ce titre, soit un montant identique à celui de l'année précédente. La facture devrait toutefois dépasser 600 millions d'euros. Il faudra donc continuer nos efforts de budgétisation dans ce domaine.

Par ailleurs, je voudrais dire un mot sur l'Europe de la défense.

Un certain nombre de programmes menés en collaboration avec des alliés européens - Britanniques, Allemands, Italiens ou Espagnols - sont en cours de développement, voire arrivent à terme. Ils ont tous connu des difficultés de mise en oeuvre, en raison notamment des divergences stratégiques et tactiques entre les différentes armées concernées.

Aujourd'hui, nous sommes arrivés à un point crucial, où les futures collaborations vont toucher des fonctions éminemment stratégiques.

Je pense principalement à l'espace, qui constitue un sujet de très grande préoccupation, car les perspectives d'avenir ne sont pas des plus claires.

Avec la rédaction du Livre blanc et de la future loi de programmation militaire, 2008 sera l'année de choix décisifs quant à la place accordée à l'espace. À l'évidence, un effort dans le secteur spatial est nécessaire dans le cadre de notre autonomie de renseignement et de commandement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer à ce sujet sur vos intentions ?

Sur la relance de l'Europe de la défense, nos partenaires ne seront entraînés que dans la mesure où la France continuera à faire un effort significatif, notamment sur le plan budgétaire. Ils ne voudront peut-être pas tous se rallier à une « Europe puissance », mais ils ne comprendraient pas que la France ne soit pas au premier rang. En d'autres termes, il faut donner envie à nos partenaires de consacrer les moyens nécessaires à la défense européenne.

En outre, la question de notre relation avec l'OTAN constitue, à nos yeux, un axe de réflexion absolument majeur, dans la mesure où cette organisation est, aujourd'hui, un cadre essentiel de la politique de défense de notre pays.

Un quart des militaires français engagés en opérations extérieures le sont au titre de l'OTAN, et la France prend une part active aux réformes militaires en cours au sein de l'organisation.

Il importe donc, pour la France, de définir clairement ce qu'elle attend de l'Alliance atlantique, de proposer une articulation cohérente et crédible entre celle-ci et l'Europe de la défense, et de se donner les moyens de promouvoir ses idées dans une organisation où son rôle politique ne semble pas à la hauteur de sa contribution militaire.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai une ultime remarque : plusieurs exercices en cours auront une incidence sur les équipements de nos armées dans les années à venir.

Le Livre blanc et la revue des programmes redessineront le cadre décisionnel, le suivi et la nature des prochains programmes d'équipements militaires.

Les places et responsabilités respectives du chef d'état-major des armées, des différents états-majors d'armée et de la DGA devront être précisées.

De même, le suivi et le contrôle des industriels devront être resserrés.

Le Parlement ne doit pas être absent de ces réformes. Certes, des parlementaires sont associés aux travaux et à la rédaction du Livre blanc, et il faut s'en féliciter. Mais le rôle du Parlement doit se prolonger, au travers, par exemple, de missions d'information. Il me semble impératif que nous soyons présents sur le suivi des programmes d'armement.

En liaison avec les états-majors et les industriels, la création d'une mission d'information permettrait ainsi d'éviter de découvrir, par la presse, certains retards inexcusables, concernant, hier, le VBCI et, aujourd'hui, l'A400M. Cela contribuerait à renforcer la fonction de contrôle du Parlement, chère au président de la commission des finances et à son rapporteur général.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que le budget qui nous est présenté est réaliste et équilibré, le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense ».

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget, c'est la traduction financière d'une politique.

Or, manifestement, nous sommes, en matière de défense, dans une période de transition entre la fin de la loi de programmation, les réflexions du Livre blanc et la revue de programmes, éléments qui serviront de support à la prochaine loi de programmation militaire.

Avec le projet de budget que vous nous présentez pour 2008, vous ne gérez que les affaires courantes : vous êtes en attente des décisions que doit permettre de valider le Livre blanc.

Je dis « valider » car, sans contester la qualité du travail qui sera fourni par les membres de la commission de rédaction, je crains que les réponses et les conclusions du Livre blanc ne soient déjà contenues dans les questions posées par le Président de la République dans sa lettre de mission.

Il s'agit donc d'un budget virtuel, qui se contente de gérer l'existant sans proposer de mesures vraiment nouvelles. Nous retrouvons sans surprise les « fondamentaux » et les grands équilibres des années précédentes.

Vous maintenez grosso modo l'effort de défense, en y consacrant 1, 71 % du produit intérieur brut. Avec 36, 77 milliards d'euros de crédits de paiement et 35, 99 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, les crédits de la mission « Défense » semblent être en légère progression par rapport à l'année précédente.

Mais à y regarder de plus près, certains programmes - en particulier le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », qui paraît stable - connaissent en fait une baisse de leurs crédits de paiement. Il en va de même des dépenses d'équipement qui, compte tenu de l'inflation, ne sont pas vraiment celles qui sont inscrites en loi de programmation.

Je pourrais aussi parler des crédits consacrés à l'entraînement de l'armée de terre, qui ne garantissent que 88 jours d'activité, au lieu des 100 jours programmés, ce qui peut avoir quelques conséquences négatives, dont nous nous inquiétons, sur le niveau opérationnel de nos troupes. L'entretien de matériels vieillissants - dû aux retards successifs des plans d'équipement en matériel neuf -, qui entraîne des coûts très élevés de maintien en condition opérationnelle, a également des conséquences fâcheuses.

Les crédits concernant la recherche de défense sont stables, mais il faudra absolument que cet effort soit très nettement accentué lors de la prochaine loi de programmation militaire, tant il est vrai que la recherche et le développement sont l'un des moyens permettant de lutter contre les effets négatifs de la parité euro-dollar, en améliorant la compétitivité de notre industrie aéronautique et spatiale.

Cet effort est d'autant plus nécessaire à l'heure où certains dirigeants de notre industrie aéronautique prennent prétexte de la faiblesse de l'euro par rapport au dollar pour annoncer la délocalisation de certaines productions, qui constitue une fuite en avant et une solution de facilité. Cette question, qui est un réel problème, peut être résolue par d'autres moyens.

Il faudrait en particulier que notre pays intervienne vigoureusement auprès de la Commission de Bruxelles pour que celle-ci défende devant l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, l'outil des avances remboursables.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce qui se profile derrière cette situation que la parité euro-dollar fait exploser est très grave. L'industrie aéronautique est un pan déterminant et stratégique de notre potentiel industriel - plus de 100 000 salariés y travaillent - et des régions entières en vivent.

C'est une grande question d'actualité, qui en appelle une autre, celle du traité européen dit « simplifié », que l'on nous propose de ratifier dans notre pays sans débat populaire ni référendum.

Au coeur de cette crise en cours, convenez-en, se pose avec force le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE, que ce traité ne prévoit malheureusement pas de modifier, comme notre peuple l'avait pourtant souhaité en votant non lors du référendum sur le projet de Constitution européenne en 2005.

Si la Banque centrale européenne était davantage tournée vers le soutien à l'emploi et à la croissance et si elle pouvait agir sur la parité de notre monnaie en faveur du développement industriel, nous ne serions pas dans cet état d'impuissance dont les conséquences sont catastrophiques.

Monsieur le ministre, comment pourrez-vous expliquer que l'Europe avance, si elle est incapable de sauvegarder son potentiel industriel et ses emplois ?

Je veux enfin souligner une réelle sous-estimation de l'importance du spatial militaire, qui conditionne pourtant largement notre indépendance et notre autonomie de décision, grâce aux capacités de renseignement et d'observation.

Le montant des crédits de paiement figurant au programme 146 est inférieur à celui des années précédentes. Cela ne nous permettra ni de moderniser comme il conviendrait nos moyens spatiaux ni de jouer un rôle moteur en Europe dans ce domaine. C'est d'autant plus regrettable qu'un accord, certes fragile et très imparfait, vient d'être récemment trouvé avec nos partenaires européens sur le financement du système de radionavigation par satellite Galileo.

Les autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 15, 6 milliards d'euros, sont légèrement inférieures à celles de l'an dernier. Encore faut-il tenir compte, sur ces quelque 15 milliards d'euros, des 3 milliards d'euros provisionnés pour l'hypothétique commande d'un second porte-avions.

On peut s'interroger sur un tel provisionnement compte tenu, d'une part, des difficultés rencontrées dans la coopération avec les Britanniques, qui ne nous laisseront que la fabrication des systèmes d'armes, et, d'autre part, de l'incertitude qui pèse sur les conclusions du Livre blanc et sur les arbitrages que rendra le Président de la République sur ce projet.

Comme mesures nouvelles, je ne vois guère qu'un léger effort en direction de l'amélioration de la condition des hommes du rang et des jeunes sous-officiers, ainsi que pour la reconversion des militaires et la valorisation professionnelle des personnels civils. Cela se fait, malheureusement, sur fond de suppression de 6 037 emplois, au nom de la révision générale des politiques publiques, qui incite à ce type d'économies au détriment de l'emploi.

Enfin, j'approuve, au nom de la transparence et de la sincérité budgétaire, l'inscription de 375 millions d'euros, auxquels devraient s'ajouter les 100 millions d'euros promis par M. le ministre du budget, en prévision des dépenses liées aux opérations extérieures. Toutefois, nous n'approuvons, et n'approuverons, que celles qui sont menées dans le strict cadre d'opérations de maintien de la paix sous mandat du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est la raison pour laquelle nous nous interrogeons notamment sur l'opportunité du maintien de nos troupes en Afghanistan dans le cadre d'une opération de l'OTAN.

J'ai pris ces quelques exemples dans votre projet de budget, monsieur le ministre, pour montrer qu'au total vous gérez tout juste l'existant puisque vous ne pouvez anticiper ni le résultat de la revue de programmes ni les conclusions du Livre blanc.

Je suppose toutefois que ce que vous avez appelé « une trajectoire de dépense problématique » vous incitera, hélas ! à ne pas mener à leur terme tous les programmes engagés par la loi de programmation et à réduire certaines capacités militaires.

Dans ces conditions, nous considérons que votre budget n'est pas adapté à la réalité du monde d'aujourd'hui, aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces qui seront précisés dans l'analyse du Livre blanc, et sur lesquels je ne suis pas certaine que nous soyons tous d'accord.

Certes, pour rester une grande puissance crédible, il faut que notre outil militaire possède l'ensemble des grandes capacités. Cependant, nous n'approuvons pas la répartition des crédits de votre projet de budget.

Une part trop importante est accordée, en particulier, au développement de l'arme nucléaire. Nous comprenons qu'il faille assurer le niveau de crédibilité de notre dissuasion, mais nous pensons que la politique que vous menez en ce domaine n'est pas conforme au principe de stricte suffisance.

Les crédits destinés à la dissuasion représentent 18, 4 % du programme 146 « Équipement des forces ». C'est trop important. Mais, surtout, la répartition est tout à fait disproportionnée entre les crédits qui sont destinés à assurer la nécessaire crédibilité technique des systèmes d'armes - essentiellement la modernisation des vecteurs de l'arme nucléaire - ou encore la crédibilité opérationnelle des forces nucléaires et ceux qui concernent la simulation, laquelle permet de développer l'arme nucléaire en tant que telle.

Nous consacrons, en volume, plus d'un tiers des crédits d'équipement destinés à ce secteur pour perfectionner l'arme nucléaire. Je suis pourtant convaincue que nous n'avons pas besoin d'infléchir notre doctrine d'emploi, comme l'avait évoqué le Président Chirac dans son discours de l'Île Longue, car celle-ci n'est pas la bonne réponse aux nouvelles menaces, notamment terroristes. Le nucléaire est, en effet, inefficace pour lutter contre le terrorisme et les États qui le protègent.

Cette politique n'est pas non plus pertinente pour lutter contre la prolifération. Elle incite, au contraire, à la course aux armements quand celle-ci doit être combattue de façon multilatérale par la diplomatie, en prenant des initiatives fortes auprès d'instances internationales de concertation, comme le Conseil de sécurité de l'ONU, ou son organisme de contrôle, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.

Être vraiment efficace dans la lutte contre le terrorisme et la prolifération supposerait plutôt d'augmenter les crédits affectés à la recherche et à l'espace militaire afin de renforcer nos capacités autonomes de renseignement et d'observation.

La place de la dissuasion nucléaire dans notre outil de défense est un des sujets abordés par le Livre blanc, tout comme l'hypothèse du retour de notre pays dans la structure militaire intégrée de l'OTAN.

Dans ce projet de budget, monsieur le ministre, nous ne disposons pratiquement d'aucun élément d'appréciation sur cette hypothèse, alors que nous sommes pourtant l'un des tout premiers contributeurs de cette organisation. De même ne figure nulle part, en autorisations d'engagement, ce que pourrait nous coûter - très cher, vraisemblablement ! - la réintégration.

Nous marquons notre profond désaccord avec une politique de rapprochement, qui nous est fallacieusement présentée comme devant permettre de mieux influer sur l'OTAN et de faire progresser, dans le même temps, l'Europe de la défense. L'indépendance de la France est incompatible avec un retour au sein du commandement militaire d'une organisation dont l'existence même n'est justifiée que par la volonté hégémonique des États-Unis.

Il nous semble que c'est jouer là avec une contradiction et que, au contraire, cette posture mettrait en cause notre souveraineté et notre autonomie d'appréciation et de décision. Ce serait, en outre, donner un signal négatif à nos partenaires européens et affaiblir l'idée même de défense européenne, alors que la politique étrangère des États-Unis est souvent en échec et que l'OTAN elle-même se trouve dans une impasse en Afghanistan.

Nous pensons que le fait de réintégrer les structures de commandement serait perçu par nos partenaires comme l'abandon de tout espoir de voir, un jour, se construire une politique européenne de défense.

Nous regrettons que de tels sujets, décisifs pour notre avenir, ne donnent pas lieu à un véritable débat dans nos assemblées, en amont de la prochaine loi de programmation militaire.

De premières réflexions formulées dans le cadre du Livre blanc montrent pourtant qu'il est absolument nécessaire, au nom de la démocratie, d'impliquer et de mieux associer le Parlement aux affaires de défense.

Quand accepterez- vous enfin ce débat ?

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que je viens d'évoquer - notre désaccord sur les orientations de votre politique de défense et la répartition des crédits -, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre ce projet de budget.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le ministre, je voudrais saisir l'occasion de la discussion des crédits de votre ministère pour vous faire part de quelques observations se fondant sur ma science toute neuve de la défense, science que je dois à une excellente idée de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, grâce à laquelle je viens d'effectuer un stage en immersion dans les services de la direction du renseignement militaire.

Je commencerai d'ailleurs par remercier le commandant de Becdelièvre et l'ensemble des militaires qui m'ont reçue, en souhaitant qu'il me soit possible de continuer à être en relation avec la DRM tant j'ai tiré d'enseignements de ce premier contact.

Il semblerait ainsi, monsieur le ministre, que nous n'ayons pas de culture du renseignement dans notre pays, contrairement à nos amis Britanniques, alors que nos services sont sans aucun doute parmi les meilleurs du monde, notamment dans les domaines de l'imagerie et de l'écoute électromagnétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Aucune école militaire n'enseigne en effet « le renseignement ». Plus simplement, il n'existe pas de module d'enseignement de cette matière indispensable.

Il faudrait donc, monsieur le ministre, introduire cette matière sans délai à Saint-Cyr et à l'école navale, et la renforcer à l'école de l'air où, m'a-t-on dit, il existe déjà un enseignement résiduel, de façon que les militaires en formation y soient sensibilisés.

Il faudrait ensuite soutenir financièrement le Centre de formation interarmées au renseignement de Strasbourg, remarquable outil qui pourrait sans doute devenir - avec prudence, certes - interministériel ou européen, avec un tronc commun à déterminer pour que l'« équipe France » - militaires, diplomates et personnels en charge des postes d'expansion économique - fonctionne à l'étranger de façon cohérente, sujet que j'ai déjà abordé lors de l'examen, samedi dernier, des crédits du ministère des affaires étrangères, car il serait bon, en effet, que nos diplomates puissent bénéficier d'une formation au renseignement.

La DRM a donc pour mission le renseignement d'intérêt militaire ; ses membres coopèrent déjà avec les services de la DGSE, avec laquelle elle met en commun certains outils, mais les objectifs sont différents et ne doivent pas être confondus.

Toute proposition qui tendrait, par souci de rationalisation théorique ou comptable, à fusionner ces services serait incohérente.

La spécificité de cette mission - et c'est sans doute ce qui fait son efficacité - est le soutien à nos forces, raison pour laquelle la DGSE et la DRM sont des entités séparées, mais j'ai cru comprendre à la lecture d'un des rapports qu'il convenait peut-être d'envisager la fusion des services, raison pour laquelle je m'interrogeais.

Le second point sur lequel je souhaite rapidement intervenir, compte tenu du fait que je n'ai que cinq minutes de temps de parole, est l'Europe de la défense.

Arrêtons-nous quelques instants sur l'Union de l'Europe occidentale, dont la France prendra la présidence en janvier prochain, et sur son assemblée, dont le valeureux président siège, mes chers collègues, parmi nous ce soir.

La France contribue à hauteur de 2, 5 millions d'euros au budget, qui est d'environ 7 millions d'euros, de cette assemblée chargée des questions de défense mais qui a vu la totalité de ses missions dites les « missions de Petersberg » transférées au Parlement européen voilà plusieurs années.

Il faudra donc vraisemblablement réfléchir à une mutation de l'UEO pour en faire une assemblée de défense ragaillardie et dépoussiérée, car, certes, elle travaille, mais elle le fait dans l'indifférence générale.

En même temps que cette mutation, nous pourrions donc proposer, monsieur le ministre, la création d'une nouvelle assemblée européenne de défense qui serait distincte de l'assemblée parlementaire de l'OTAN et installée sur des bases légales solides.

Monsieur le ministre, j'attire donc votre attention sur les métiers du renseignement, sur la formation de nos troupes - à ces métiers notamment - et sur les espoirs que nous pouvons nourrir à propos d'une Europe de la défense européenne.

Surtout, je ne voudrais pas que vos très hautes fonctions vous détournent d'une autre mission tout aussi stratégique, je veux parler de la réunification de la Normandie, où, vous le savez, dans notre famille, nous vous sommes acquis.

Sourires et applaudissements sur certaines travées du RDSE. - M. Michel Guerry applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Philippe Nogrix applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

De l'UC-UDF ?... Nous, nous n'y comprenons plus rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Ici, pour l'instant, il n'y a pas de demande de modification officielle : c'est toujours l'UC-UDF !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Pasqua

M. Charles Pasqua. La clarification viendra bien assez tôt...

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on l'aura compris, car cela ressort des rapports et des différentes interventions, le budget de la défense pour 2008 est un budget de transition, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

...un budget de transition pour une défense à la croisée des chemins : la dernière loi de programmation militaire arrive à son terme et les évolutions budgétaires prévisionnelles sont parlantes dans un contexte international extrêmement incertain, notamment s'agissant de la Chine.

En l'état actuel des prévisions du ministère, le ministre nous a indiqué que les crédits d'équipement annuels devraient passer d'une moyenne de 15, 4 milliards d'euros, entre 2003 et 2007, à une moyenne de 21, 9 milliards d'euros entre 2009 et 2013, soit une augmentation de 42 % en volume sur la période, particulièrement marquée à partir de 2009, avec une « marche » de 2, 9 milliards d'euros pour 2008.

De telles sommes, qui pourtant constitueraient une programmation idéale, sont évidemment inenvisageables dans la situation budgétaire que nous connaissons, d'où la nécessité, d'une part, de faire urgemment des choix et, d'autre part, de faire franchement avancer le dossier de la défense européenne, ce qui constitue d'ailleurs aussi un choix.

Oui, l'heure est aux choix parce que, même en maintenant comme référence un effort de défense autour de 2 % du PIB, l'évolution des besoins est intenable dans le cadre actuel.

C'est tout le sens des trois grands chantiers qui seront engagés prochainement afin d'adapter l'outil de défense : le Livre blanc évidemment, mais aussi la revue des programmes et, enfin, la loi de programmation militaire qui devrait être soumise au Parlement au printemps 2008.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale définira un concept de défense globale et les contrats opérationnels assignés aux forces armées.

La revue des programmes d'armement menée au sein du ministère de la défense fournira tous les éléments techniques et financiers préparatoires aux arbitrages au vu des conclusions de ce Livre blanc, et l'on attend de cette revue qu'elle aide à réduire, voire à résorber, la « bosse » financière attendue à compter de 2009.

La situation de transition dans laquelle se trouvent nos armées, en attente des résultats des trois grands chantiers précités, explique les principales caractéristiques du budget de la défense pour 2008.

Je tiens à saluer certains des arbitrages de ce budget qui, sans concerner les grandes masses financières, relèvent à nos yeux d'une inspiration de bon aloi.

Il s'agit de l'effort fait en faveur de la condition des personnels, en particulier des militaires du rang et des jeunes sous-officiers. Il s'agit aussi des mesures en faveur du personnel civil, pour un montant supérieur à ceux des précédents exercices.

Par ailleurs, et je veux vous en féliciter, monsieur le ministre, le ministère de la défense participe à l'effort de réduction des effectifs avec le non-remplacement de la moitié des départs en retraite, ce qui est d'autant plus méritoire que ces réductions d'effectifs porteront uniquement sur les fonctions de soutien et d'administration, et non sur les forces opérationnelles.

Je m'insurge en revanche contre une « affaire » un peu délicate sur laquelle j'étais déjà intervenu l'an dernier ; je veux parler du transfert projeté, mais heureusement non encore arrêté, de l'état-major de l'armée de terre de la rue Saint-Dominique à l'École militaire.

En ma qualité d'élu du viie arrondissement de Paris et de sénateur membre de la commission de la défense, je me suis toujours opposé à ce projet qui, à mon sens, ne répond pas à un besoin évident de l'armée et que je considère comme inopportun et inadéquat. Je préférerais que l'on développe dans ce lieu historique une grande école européenne de défense, dans le cadre d'une vocation européenne de l'École militaire.

C'est un point sur lequel je reviendrai en présentant mon amendement, mais je tiens d'emblée à dire que c'est un problème que le général de Gaulle avait déjà connu dans ce même arrondissement puisque l'armée ne voulait pas quitter les Invalides. C'est Malraux qui a obtenu du général de Gaulle qu'elle le fasse pour faire de ce lieu un lieu de mémoire militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Les bâtiments de l'École militaire ont actuellement une vocation militaire. Cependant, je considère que le ministère de la défense doit, comme d'ailleurs tous les grands ministères, s'adapter aux évolutions : évidemment, il doit conserver tous ses lieux de pouvoir - notamment, bien sûr, l'ancien ministère des armées, dans le viie arrondissement -, mais que les états-majors dont les besoins sont un peu complexes devraient pouvoir être déplacés.

En attendant qu'une décision définitive soit prise au premier trimestre 2008, je proposerai donc un amendement visant à réduire les crédits aujourd'hui affectés à ce transfert.

Le niveau des crédits d'équipement sera inférieur de 250 millions d'euros à celui qui est prévu par la loi de programmation. Certes, cela doit être mis en perspective avec la levée de la réserve de 1, 15 milliard d'euros sur le budget de 2007, avec l'ouverture de crédits supplémentaires pour les frégates multimissions et avec la couverture intégrale en collectif budgétaire du surcoût des opérations extérieures de 2007.

Force est tout de même de constater que l'exécution de la loi de programmation militaire en cours a été perturbée par la nécessité de faire face à des besoins supérieurs aux prévisions, notamment sur le maintien en condition opérationnelle et le nucléaire, besoins qui se sont ajoutés au rattrapage des coupes opérées entre 1997 et 2002 et ont représenté plus de 13 milliards d'euros, soit l'équivalent d'une annuité complète des crédits d'équipement.

L'action de nos armées est entravée par l'existence de lacunes capacitaires, notamment en matière de projection de forces, de recueil de renseignements et d'aéromobilité, même si j'ai pu constater, lors du dernier voyage aux États-Unis et de la visite que nous avons effectué à l'ONU avec la commission des affaires étrangères, que notre pays avait une très bonne réputation en la matière et que les forces françaises apparaissaient comme les plus compétitives dans ce domaine. Néanmoins, nous avons pris bien trop d'engagements, des engagements intenables qu'il appartiendra au Livre blanc de trier.

Dans ce contexte, et dans la perspective du Livre blanc, le « diagnostic vérité » commandé par le Président de la République ainsi que par le Premier ministre et « mis en musique » par le ministre de la défense n'est pas un luxe. C'est, semble-t-il, au prix d'aménagements, voire de fragilités dans certains domaines, que les armées parviendraient à remplir globalement leur contrat opérationnel. Plusieurs matériels importants, comme les hélicoptères Puma et SuperFrelon ou les avions Transall C 160 ont été prolongés à l'extrême.

Les capacités en avions et hélicoptères de transport, en drones, en batellerie des bâtiments amphibies, en moyens de combat en zone urbaine et en interopérabilité des systèmes de commandement sont aussi insuffisantes.

Mais la question du matériel, si importante soit-elle, n'est, elle-même, qu'un symptôme, une conséquence. Il n'existe qu'un seul moyen de la régler. Ce moyen, et c'est un vieil « Européen » qui vous le dit, est la mutualisation européenne. Certes, c'est plus facile à dire qu'à faire...

Autrement dit, le coeur du problème est ailleurs : le coeur du problème, c'est que, dans le monde actuel, nous ne pouvons pas y arriver seuls. La défense est devenue collective et multilatérale.

Je le répète après d'autres, comparer l'outil de défense français avec ceux des autres pays d'Europe et des États-Unis est, à ce titre, très instructif.

La France consacre 1, 92 % de son PIB, gendarmerie incluse, à son effort de défense, contre 2, 08 % pour la Grande-Bretagne et 3, 8 % pour les États-Unis, où le taux atteint même plus de 4 % si l'on inclut l'effort budgétaire consacré à l'Irak et à l'Afghanistan, mais ce taux n'est en Allemagne et en Espagne, deux grands pays européens, qu'aux environs de 1 %.

En matière d'équipement, le budget américain est deux fois et demie supérieur au budget global européen : les États-Unis y consacrent 67 milliards d'euros, contre 11 milliards d'euros pour les Européens.

Dans l'Europe à vingt-sept, deux pays accomplissent 40 % de l'effort de défense : la Grande-Bretagne et la France.

Allons plus loin : le problème est que notre défense repose ou devrait reposer sur deux piliers, l'OTAN et l'Europe. Or ces deux piliers sont totalement déséquilibrés.

La question centrale, sous-jacente à toute la transition face à laquelle nous nous trouvons, celle qui sous-tend les trois chantiers du Livre blanc, de la revue des programmes et de la prochaine loi de programmation militaire, est la suivante : allons-nous nous donner les moyens de développer la défense européenne et de rééquilibrer les piliers de notre défense multilatérale ?

Quelques éléments nous permettent aujourd'hui de croire qu'un tel rééquilibrage est possible à court terme.

D'abord, monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que la priorité serait accordée à ce dossier. Un travail de réflexion est en cours et des contacts vont être établis avec nos partenaires en vue de préparer des propositions qui pourraient être examinées lors de la présidence de l'Union européenne par la France au second semestre 2008.

Ensuite, la relance de l'Europe de la défense bénéficie d'un contexte favorable à la suite du dernier sommet européen de Bruxelles, qui a été une réussite.

Enfin, le « traité simplifié » ouvrira de nouvelles possibilités de coopérations renforcées, notamment dans le domaine de la PESD.

Tout semble donc réuni pour que nous puissions, dans les années à venir, véritablement passer à la vitesse supérieure en matière de défense européenne.

Pourtant, comme la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'a très bien souligné dans son excellent rapport d'information de juillet dernier consacré aux enjeux des évolutions de l'OTAN, de très grandes incertitudes planent actuellement sur l'évolution et le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense.

En la matière, la position de la France a, jusqu'ici, manqué de lisibilité, tout simplement parce que l'avenir de la PESD est intrinsèquement lié à celui de l'OTAN. Nous n'avancerons pas en matière de politique européenne de défense sans clarifier notre position atlantique, et sans que l'OTAN clarifie sa position vis-à-vis de la PESD.

Les données du problème sont les suivantes : d'une part, seuls deux pays, la France et la Grande-Bretagne, financent véritablement la PESD ; d'autre part, tous nos partenaires européens, surtout ceux de l'Est et l'Allemagne, s'en remettent à l'OTAN pour la défense ultime depuis la création de cette institution en 1949 et ils ne sont donc pas disposés à l'abandonner au profit du système de défense collective européenne en gestation, qui va leur coûter beaucoup plus cher.

Certains de nos partenaires sont très méfiants vis-à-vis de la PESD. Ainsi, la création récente d'un état-major européen de planification a été jugée par certains comme redondante au regard des structures déjà existantes dans l'OTAN.

D'où le blocage de la PESD. D'où peut-être aussi le rapprochement que l'on peut observer avec bonheur de la France avec l'OTAN.

Pour sortir de l'impasse, certains ont récemment évoqué l'idée qu'une sorte de marché pourrait être conclu avec nos partenaires. D'un côté, la France se rapprocherait des structures atlantiques, voire les réintégrerait pleinement, même si je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour. De l'autre, en contrepartie, nous obtiendrions un engagement plus résolu de nos partenaires dans le développement de la politique européenne de défense. Tout cela fait évidemment progresser l'idée de capacité de défense.

La crise des euromissiles américains de Pologne est emblématique du blocage et de l'aberration de la situation. Elle souligne aussi une fois de plus, s'il en était encore besoin, la nécessité de développer la PESD. Il est tout de même fou que, officiellement, la question du bouclier antimissile américain ne soit véritablement discutée dans aucune enceinte multilatérale.

Les consultations que nous avons menées dans le cadre du rapport que nous avons rendu à la délégation pour l'Union européenne sur les relations Union européenne-Russie ont fait apparaître un refus ou une crainte d'aborder cette question tant au sein de l'Union de l'Europe occidentale que de l'OTAN. Cette dernière a d'ailleurs en fait rédiger un énorme rapport sur la défense antimissiles européenne, sans aborder le véritable problème du système des missiles antimissiles que les Américains mettent en place dans le monde entier.

Tout le monde nous dit que cette question ne concerne que la Pologne, la Tchéquie et les États-Unis. Or c'est une question éminemment européenne. Pour faire face à cette crise, une réponse européenne commune est nécessaire ! La Russie attend une telle réponse : elle souhaite trouver une voie d'entente avec l'Union européenne en matière de défense antimissiles. Son retrait du traité des forces conventionnelles en Europe est tout de même un signe. Il faut s'interroger. On ne peut continuer à ne pas aborder ce problème. J'imagine qu'il est évoqué au niveau des chefs d'État. C'est un problème que la représentation nationale doit connaître.

En conclusion, si ce budget est un budget de transition, ce vers quoi nous allons, il implique des choix qui ne sont pas encore faits. En revanche, ce qui paraît clair, c'est ce vers quoi nous devrions tendre. Nous devons profiter de cette période charnière pour développer substantiellement la politique européenne de défense.

Monsieur le ministre, sachez qu'à titre personnel je voterai votre budget et que mon groupe - UDF, Nouveau Centre et MODEM, le votera également.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous trouvons devant une situation particulière, voire paradoxale.

Le budget global de la défense s'élèvera en 2008 à 35, 9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 36, 8 milliards en crédits de paiement.

Par rapport à 2007, les crédits de la mission « Défense » ne progressent pas, ils stagnent.

Le ministère de la défense, qui n'échappe pas au dogme gouvernemental de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, prévoit la suppression de 6 000 postes, soit 4 800 postes militaires et 1 200 civils, sur un total de 320 000 personnes, qui se décompose lui-même en 246 000 militaires et 74 000 civils.

C'est une situation particulière parce qu'il s'agit du premier budget du quinquennat Sarkozy, ... et ce n'est pas un bon budget.

C'est une situation paradoxale, car, en réalité, vous êtes, monsieur le ministre, prisonnier d'un héritage. Il faut en parler. C'est l'héritage de votre prédécesseur, aujourd'hui au ministère de l'intérieur.

Cet héritage devient une contrainte supplémentaire sur un budget très serré. À force de fermer les yeux pendant cinq ans, il est difficile pour la majorité sortante et reconduite de regarder la réalité en face. Là encore, on cherche la « rupture ».

Faisons un effort : une revue des programmes - engagés et à venir - est en cours, les résultats, dit-on, seraient déjà dans le tiroir du ministre. Pourquoi les résultats de cette revue de programmes ne sont-ils pas pris en compte par cette dernière annuité de la programmation militaire ?

J'ai une réponse à vous proposer : il s'agit de maintenir la fiction d'une exécution parfaite de cette programmation irréaliste et conservatrice. Dans le théâtre d'ombres qu'est devenu le budget de l'État - d'un État en faillite -, il faut sauver les apparences et maintenir le mythe de la bonne programmation bien exécutée.

Votre prédécesseur était devenu une spécialiste de ce jeu de cache vérité. Malgré nos avertissements et nos analyses, elle a fait semblant de ne pas voir grandir et se développer la « bosse financière » dont tout le monde parle aujourd'hui. Je vous invite d'ailleurs à relire l'excellent rapport sur la programmation militaire pour les années 2003 à 2008 de notre collègue Serge Vinçon - pour lequel nous avons tous une pensée ce soir. Ce rapport est toujours extrêmement intéressant, même cinq ans après sa parution. Beaucoup des éléments qu'il comporte peuvent être pris en compte.

Si la programmation 2003-2008 a été si bien préparée, si bien respectée, si bien accomplie, pourquoi a-t-on dû procéder en catastrophe, dès le mois de décembre 2006, à une revue des programmes sur cette même loi de programmation militaire ?

Pourquoi alors une « opération vérité » - excusez du peu - demandée dès son arrivée par le nouveau ministre de la défense sur les comptes du ministère ?

La vérité dévoilée est apparue tout-à-coup, ex abrupto, aux yeux du nouveau ministre ? Ou alors, ce qui était vrai en 2006 est devenu faux en 2007, seulement parce que nous avons changé de gouvernement, même si on a gardé quelques ministres ?

Non, l'explication est plus prosaïque. D'une part, cette loi de programmation militaire basée sur un modèle d'armée caduc et sur un Livre blanc rédigé avant la professionnalisation de nos armées était déphasée et, d'autre part, la politique économique et sociale du gouvernement d'alors ne permettait pas d'atteindre les ambitieux objectifs fixés par la loi de programmation militaire.

Je n'aurai pas la cruauté de répéter les arguments que je vous ai exposés récemment - vous pouvez lire ou relire utilement le rapport Vinçon n° 370 et en particulier son annexe à laquelle j'avais contribué.

Cela ne met pas en cause la vaillance avec laquelle Mme Alliot-Marie a défendu bec et ongles ses budgets face aux offensives régulières de Bercy, dirigé un moment par un certain Nicolas Sarkozy. Sans cette défense, les crédits du ministère auraient connu un sort encore plus néfaste.

Ma critique était et reste une critique fondamentale sur l'essence même d'une loi de programmation mal préparée et inadaptée.

Aujourd'hui, cet héritage-là vous tombe sur la tête, accompagné en plus d'une autre mauvaise nouvelle : il faudra faire respecter, nous y veillerons, la promesse présidentielle d'un budget de défense atteignant 2 % du PIB.

Lors d'une conférence de presse sur son programme de politique internationale, le 28 février 2007, Nicolas Sarkozy avait estimé à 2 % du PIB le budget « minimum » en matière de défense. Il a même ajouté : « C'est le prix de notre indépendance nationale, de nos responsabilités internationales, et de notre sécurité. C'est là un devoir de l'État qu'il serait irresponsable d'opposer à d'autres politiques non moins essentielles à la nation comme l'éducation ou la recherche. ».

Nous sommes curieux de savoir comment vous allez vous y prendre pour tenir cet engagement présidentiel.

En tout cas, le budget 2008 ne prend pas le bon chemin. Le Gouvernement ne nous propose qu'un petit 1, 61 % du PIB, selon la référence OTAN, voire entre 1, 65 % et 1, 71 % selon d'autres sources.

Ainsi, le budget 2008 n'est pas très différent des budgets précédents. C'est aussi un budget de transition, car il est le dernier de la loi de programmation militaire en cours. Pour faire court, j'emprunterai les mots prononcés par le président de la commission de la défense et des forces armées de l'Assemblée nationale, Guy Teissier, qui a déploré, début octobre, des crédits en baisse sur « des points stratégiques » du budget 2008 de la défense, citant en particulier l'armée de terre et l'espace. II avait alors estimé dans un communiqué que la commission « ne peut souscrire » à « une diminution de crédits sur certains points stratégiques ». Nous non plus !

Pour le proche avenir, les sujets d'inquiétude et de réflexion ne manquent pas. Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le Livre blanc sur les affaires étrangères, ce sont des exercices nécessaires qui ne trouveront leur véritable raison d'être que dans une sorte de consécration démocratique : avec présentation, débat et vote au Parlement. Les dangers et les menaces auxquels nous sommes confrontés exigent que les moyens et les doctrines de notre défense soient clairement exposés sur la place publique. On a beaucoup glosé sur le « consensus national » entourant les questions de défense... Il serait temps de lui redonner du tonus démocratique !

Depuis quelques mois, il y a une course à l'OTAN qui ne me semble pas opportune. Le rapprochement avec l'OTAN est une chimère qui varie, qui évolue au gré des déclarations des responsables gouvernementaux, un jour c'est oui et un autre peut-être ! On aimerait y voir plus clair. Je considère pour ma part, que la défense européenne doit être notre priorité, ce qui n'exclut pas le travail avec nos amis américains. Mais, à force de vouloir se rapprocher de Washington et de vouloir intégrer l'OTAN, on obère nos capacités d'action autonome et on nous place dans une situation plus fragile, moins indépendante. Voulons-nous que notre politique étrangère et de défense ressemble à celle de la Grande-Bretagne ?

Des informations font état d'un futur renforcement, encore un, de nos forces en Afghanistan. Ainsi, la France pourrait fournir l'essentiel de la réserve tactique prévue par l'OTAN pour renforcer, si nécessaire, les forces de l'OTAN sur les théâtres extérieurs, en particulier en Afghanistan. Est-ce la bonne politique ? Cette intervention durant depuis plusieurs années, est-ce qu'on va en voir la fin ? A-t-on une idée de la sortie du conflit ? Nous devrions avoir un débat de fond sur cette question et je souhaite que, pour commencer, M. le ministre puisse nous apporter un bilan complet - politique et militaire - de l'intervention de la France en Afghanistan.

Je voudrais aborder un autre sujet d'actualité, il s'agit de questions posées par le projet de bouclier antimissiles. II y a quelques jours, les 21 et 22 novembre, l'ambassadrice américaine auprès de l'OTAN, Mme Victoria Nuland, a réaffirmé la nécessité du bouclier antimissiles proposé par les États-Unis, qui serait composé d'un système de détection radar basé en République tchèque, et d'une dizaine de missiles antimissiles en Pologne. Pour justifier ce déploiement sur le sol européen, Mme Nuland avance que « la menace vient non seulement d'Iran mais aussi de la Corée du nord, du développement de missiles balistiques par des agents ?voyous?, cette menace est réelle et va croissant ». Elle a ajouté qu'il s'agissait d'offrir une protection aux pays européens contre une frappe éventuelle en provenance des pays susmentionnés, elle a aussi estimé que cette « frappe avec des missiles » pouvait intervenir d'ici à l'an 2015.

On sait déjà ce qu'ont coûté d'autres brillantes analyses stratégiques de nos alliés américains sur les théâtres moyen-orientaux, en particulier quand on a brandi la menace des armes de destruction massive, qui n'ont pas encore été retrouvées ! Donc, prudence et réflexion avant d'embarquer notre pays et l'Union européenne dans une nouvelle course aux armements, ... même s'il s'agit d'armements « défensifs ».

Nous n'avons pas la même perception de la menace iranienne et encore moins de son caractère « imminent ». Nous devons aussi évaluer le coût et la rentabilité de l'investissement exigé par ce bouclier, surtout dans la mesure où son degré d'efficacité est inconnu.

Nous devons, dans le même contexte, soulever la question de l'utilisation militaire de l'espace et last but not least, nous devrions évaluer l'impact d'une stratégie qui incorporerait le bouclier antimissiles sur la crédibilité, l'efficacité et la pérennité de notre politique de dissuasion nucléaire.

La question du bouclier antimissiles, telle qu'elle est posée par les États-Unis aujourd'hui, entraîne une autre inquiétude : celle de voir se dessiner à long terme une alliance bilatérale les Etats-Unis et la Russie, ceux-ci pourraient relier leurs futurs systèmes respectifs pour faire face aux menaces balistiques... avec, au milieu, l'Europe prise en otage des conceptions stratégiques dont elle n'aurait pas la maîtrise... Scénario hypothétique certes, mais prenons garde à ne pas perdre, d'alignement en ralliement, notre marge d'autonomie stratégique et tentons, au contraire, de faire accroître cette capacité au sein de l'Union européenne au bénéfice de tous les européens, de la paix et de la sécurité collective.

J'aurais voulu vous parler, monsieur le ministre, de l'accord trouvé autour du projet Galileo, qui va dans le sens de la préservation de l'autonomie stratégique de l'Europe et du développement de ses capacités propres, mais le temps s'écoule, et je ne peux que me réjouir de l'aboutissement de ce projet extrêmement important. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les détails du contenu de l'accord annoncé vendredi dernier par la présidence portugaise ?

Je souhaite également vous interroger sur les discussions, les négociations devrais-je dire, qui ont lieu actuellement sur le « paquet Armement » que la Commission européenne devrait adopter le 5 décembre prochain. Ce paquet est constitué notamment d'une proposition de règlement sur les transferts intracommunautaires d'équipements de défense et d'une proposition de directive sur la coordination des marchés publics de la défense et de la sécurité.

Quelques mots enfin, avant de conclure, à propos du renseignement et de la recherche. Je me contenterai de reprendre mot pour mot l'excellente conclusion du rapporteur pour avis sur l'environnement et le soutien de la politique de défense : « en effet, bien que le projet de loi de finances pour 2008 couvre la dernière annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008, il eût été sans doute possible, et à l'évidence responsable, de faire un effort budgétaire tout particulier dès maintenant dans le domaine du renseignement extérieur et celui de la recherche qui, à n'en pas douter, seront des axes majeurs des aptitudes de notre futur outil de défense. La future loi de programmation devra mettre résolument en oeuvre ces choix, sauf à obérer gravement l'avenir de notre sécurité. En n'anticipant pas ce qui est désormais une évidence pour tout le monde, notre pays fait une pause inutile et préjudiciable, qu'il devra obligatoirement combler par un effort supplémentaire dès l'année prochaine. De tels enjeux ne sauraient être ignorés et sacrifiés sur l'autel de je ne sais quelle orthodoxie budgétaire. ».

Pour finir, je voudrais dire un mot sur les personnels de la défense, civils et militaires. D'abord, pour souligner le travail remarquable fait par celles et ceux qui, en France ou à l'étranger, mettent tout leur dévouement et leur énergie au service de la défense et dans les tâches multiples de la sécurité. Je veux ici les saluer et leur faire parvenir un message de solidarité et d'encouragement.

Souvent, quand on parle de la défense, de la sécurité, on parle longuement des matériels, des équipements, des stratégies et on oublie les personnels qui les servent. Je vous invite, monsieur le ministre, à poursuivre l'effort d'amélioration de la condition militaire. Cela est bien sûr également valable pour la gendarmerie. Par ailleurs, le recrutement et la fidélisation sont des chantiers cruciaux sur lesquels notre vigilance doit être constante.

Je crains, hélas ! que votre projet de budget ne soit pas à la hauteur des exigences. Nous constatons d'ailleurs qu'il n'avance aucune proposition concrète susceptible de faire progresser l'Europe de la défense. En outre, il fait peser une lourde hypothèque sur les budgets à venir, qui devront assumer l'inadéquation entre les crédits disponibles et les commandes à honorer, ce qui ne sera pas facile.

Le groupe socialiste votera donc contre ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

À l'Assemblée nationale, vos collègues socialistes l'ont voté !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. Ils avaient peut-être des informations que nous n'avons pas !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la séance d'ouverture du débat budgétaire, j'ai souhaité appeler l'attention sur la nécessité d'une politique maritime ambitieuse pour notre pays.

En effet, la mondialisation accentue la séparation entre les zones de production ou de construction et les aires de consommation, et par conséquent multiplie les échanges par voie de mer. L'acheminement par bateaux de nos approvisionnements et de notre énergie rend la France et l'Europe étroitement dépendantes vis-à-vis de ces échanges en flux tendus. La liberté de circulation et de mouvement dont nous profitons pour les activités de transport ou pour l'action extérieure de l'État bénéficie aussi aux trafics ou activités illicites, à la piraterie ou au terrorisme.

Dans le même temps, l'exploitation des richesses accessibles rend indispensable la préservation des ressources potentiellement utilisables dans l'avenir, qui seront demain l'objet des convoitises. Si la libre circulation sur les océans présente pour nous un caractère vital, les menaces contre cette liberté nous rendent d'autant plus vulnérables.

En réponse à mon intervention, M. le ministre du budget a relevé l'importance de cette question, qui intéresse l'ensemble du Gouvernement, et il a reconnu qu'elle méritait d'être largement débattue. Il s'agit de définir une politique nationale dans un domaine qui intéresse de nombreux secteurs d'activité relevant de différents ministères, tout en soutenant la volonté des pays européens de se structurer pour élaborer une véritable politique maritime commune.

En effet, c'est à l'échelle de l'Union européenne que nous serons véritablement puissants et efficaces, mais ce ne sera possible qu'à terme, car il faut, là encore, bâtir un cadre juridique et politique commun. Pour le moment, nous en sommes tout juste à regarder ensemble comment nous pourrions assurer un espace de surveillance commun, ce qui constitue déjà un pas considérable et même tout à fait essentiel.

L'enjeu, je le rappelle, c'est de ne pas passer à côté des avantages stratégiques que la mondialisation offrira aux pays qui en auront pénétré les principes. Notre responsabilité à nous, hommes politiques et élus, est de placer notre pays en situation d'acteur de cette évolution et non de spectateur, d'en inspirer les règles et non de les subir ou de les déplorer.

Or pour rester les acteurs de cet avenir mondialisé, il est essentiel, justement, de garantir notre sécurité maritime et de préserver notre liberté de circulation et d'action sur les océans, qui reposent sur les moyens maritimes de l'État, près de nos côtes comme au large.

Pour être efficace, nous devons en effet pouvoir agir près des points de départ et de passages obligés de nos approvisionnements vitaux, tels que les caps et les détroits, au plus près de la source des trafics ou dans les zones de piraterie, le long des côtes des pays où travaillent nos ressortissants et où se trouvent nos intérêts, dans les zones où germent des foyers de déstabilisation menaçant la paix de régions entières du monde.

Autour de nos côtes, la maîtrise des mers s'appelle la « sauvegarde maritime ». À la surveillance des abords de notre pays, qui est exercée depuis le large, s'ajoute l'action de notre marine, qui se coordonne avec les autres administrations possédant des moyens de patrouille en haute mer afin de mener des actions de police contre les trafics et de prévenir les catastrophes ou d'en limiter les effets.

La maîtrise des mers est affaire de présence là des crises peuvent surgir si nous ne sommes pas vigilants, là où des menaces sont susceptibles de s'exercer, par exemple dans les détroits dépendant de pays peu fiables. Ce sont, pour l'essentiel, des moyens militaires qui y concourent, car ils sont les seuls à conjuguer en haute mer endurance et polyvalence.

Pour manifester cette présence, il importe que les frégates soient en nombre suffisant, comme les sous-marins et les avions de surveillance, et il nous faut conserver la possibilité de renforcer ce dispositif, par l'envoi de forces supplémentaires, à chaque fois que la menace augmente.

Cette capacité de maîtrise des mers est indispensable pour sécuriser les voies commerciales, notre approvisionnement énergétique et nos approches maritimes, mais aussi pour assurer le déploiement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins.

Elle constitue une condition essentielle de la projection de notre puissance aérienne à partir d'un porte-avions ou de la projection et du soutien de nos troupes en application de la politique étrangère décidée par le Gouvernement, qu'il s'agisse de ramener la paix ou de défendre nos ressortissants ou nos intérêts.

La possession de deux porte-avions nous permettra d'ailleurs de restaurer notre capacité permanente de grande puissance et de participer de nouveau à des opérations interalliées en position de responsabilité. Nous retrouverons cette ambition de peser, à tout moment, sur le cours des événements à laquelle nous devons aujourd'hui temporairement renoncer.

Monsieur le ministre, ces efforts ne doivent pas occulter la nécessaire préservation de notre environnement : comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'ouverture du Grenelle de l'environnement, les questions environnementales constituent une préoccupation majeure de notre société.

À partir de ce constat, la protection de l'environnement prend une place essentielle dans l'action de l'État. Cette priorité réaffirmée appelle un changement de nos comportements individuels et collectifs face aux menaces qui pèsent sur l'homme et la planète.

Dans ce contexte, le ministère de la défense entend-il participer pleinement à cette politique ? C'est bien ce que j'ai constaté, monsieur le ministre, et je vous en félicite.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Othily

D'une part, le ministère, dans le cadre de ses attributions opérationnelles, exerce la police de l'environnement sur notre territoire à travers la marine et la gendarmerie nationale.

D'autre part, l'engagement de la défense en matière de développement durable n'est pas nouveau : le 9 juillet 2003, le ministère de la défense et celui de l'écologie et du développement durable ont signé un partenariat en faveur de la protection de l'environnement.

Comme vous l'avez annoncé dernièrement, quarante mesures seront menées en matière d'infrastructures, de gestion des déchets et des substances dangereuses, de gestion de l'eau, de déplacements et de politique d'achats, pour un coût estimé à 180 millions d'euros au cours de la période 2008-2010.

Ces mesures concerneront un large éventail de domaines, qu'il s'agisse de la gestion de l'énergie dans les bâtiments, de la réduction de la consommation des produits pétroliers ou de la gestion des déchets et des substances dangereuses. Les objectifs visés sont la diminution de la quantité de déchets produits, le développement du recyclage et l'amélioration de la gestion des centres de stockage. Pour les atteindre, le ministère a retenu un certain nombre d'actions, avec, notamment, la définition d'un schéma directeur national d'implantation des stockages de matériels déclassés et de déchets, la généralisation des passeports verts, une meilleure gestion de l'eau et la mise en oeuvre d'une politique d'achat durable.

Premier investisseur de l'État, le ministère de la défense se doit, en effet, de mener une politique d'achat écologiquement et socialement responsable.

La mise en oeuvre de toutes ces dispositions sera contrôlée par un dispositif de suivi spécifique : directement rattachée au haut fonctionnaire au développement durable, qui s'assure de la cohérence des actions menées par rapport à la politique définie à l'échelle nationale, une nouvelle structure a été spécialement créée, qui sera chargée d'élaborer, d'animer et de coordonner la politique du ministère de la défense dans le domaine de la protection de l'environnement.

Aussi, monsieur le ministre, tout nous incite - les quelques exemples que je viens d'évoquer en témoignent - à nous féliciter des mesures prises et des projets que vous souhaitez développer.

C'est pourquoi une large majorité de notre groupe vous soutiendra et restera attentive à la conduite de votre politique.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite saluer le président de l'assemblée parlementaire de l'UEO, l'Union de l'Europe occidentale, M. Jean-Pierre Masseret, puisqu'il se trouve présent parmi nous.

L'avenir de cette assemblée reste incertain, et peut-être vous intéresserez-vous à son sort, monsieur le ministre. En attendant, elle offre aux parlementaires nationaux qui représentent les vingt-huit États membres de l'UEO - et je ne suis pas la seule à être présente ce soir - non seulement un forum qui leur permet de discuter des questions de sécurité et de défense, ce qui constitue déjà un immense privilège, mais aussi la possibilité de se rendre sur le terrain pour réaliser des missions ou rédiger des rapports, et donc pour constater par eux-mêmes la réalité des problèmes qu'évoque la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Il va de soi, d'ailleurs, que ces discussions ne seraient pas les mêmes sans l'assemblée de l'UEO.

Monsieur le ministère, il nous serait agréable que la France s'intéresse un peu plus à cette assemblée, ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de nos collègues. L'assemblée plénière de l'UEO se tient ces jours-ci et nous recevons à Paris le ministre de la défense de la Turquie, celui du Portugal et la présidente du parlement géorgien. Autant vous dire que ces discussions sont d'un intérêt majeur. Nous espérons donc que, lorsque la France exercera la présidence de l'UEO, vous nous ferez l'honneur de venir assister à nos travaux, monsieur le ministre.

J'aborderai successivement les risques, les acteurs, les régions déstabilisées et les enjeux de la situation internationale, qui affectent naturellement notre défense et son budget.

Les risques sont, à l'évidence, nombreux et considérables. Parmi les acteurs, nous voyons tous monter la Chine, une puissance désormais présente partout.

Les régions déstabilisées ont déjà été évoquées. Il s'agit d'abord de l'Afghanistan, où se trouvent 2000 de nos hommes ; à mon tour, je salue les militaires que nous engageons sur les terrains extérieurs et rencontrons lors de nos visites. Il s'agit également de l'Irak et du Moyen Orient, où le conflit majeur est sans doute celui qui oppose Israël et la Palestine ; je le rappelle, 1650 soldats français servent au Liban, sous l'égide de la FINUL, la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

Le Caucase et la Géorgie, l'Abkhazie, l'Ossétie et surtout les Balkans constituent d'autres régions troublées. La France a engagé 1850 hommes au Kosovo, qui forment la troisième composante de la KFOR, la Force pour le Kosovo. De même, notre pays est partie prenante des opérations Althea en Bosnie et Concordia en Macédoine.

Tout à l'heure, l'un de nos collègues a affirmé que les budgets des OPEX, les opérations extérieures, étaient toujours sous-estimés. Ce sera le cas une fois encore, car les dépenses prévues initialement à 375 millions d'euros devraient atteindre environ 600 millions d'euros au final. Quoi qu'il en soit, la France se trouve présente sur tous ces terrains.

S'agissant des enjeux de la situation internationale, je voudrais évoquer la question de l'énergie, car je me suis rendue en Asie centrale, où j'ai pu sentir la force de la présence russe.

Mes chers collègues, la Russie a engagé la guerre de l'énergie, et je crois qu'elle en a gagné la première manche. En Asie centrale, où se trouvent d'importants gisements de gaz et de pétrole, la force de Gazprom est évidente. La Russie puise au Kazakhstan et au Turkménistan l'essentiel des hydrocarbures qu'elle revend ensuite à l'Europe, en maîtrisant à la fois les gisements, les réseaux et les prix.

La domination de cet espace et de cette énergie par la Russie est véritablement impressionnante. Les pays qui dépendent d'elles, à savoir l'Ukraine, la Moldavie, l'Allemagne et même l'Italie, doivent mesurer la faiblesse de l'Europe dans ce domaine. Il est évident que l'Union européenne, qui n'en finit pas d'élaborer son plan énergie, se trouve totalement absente de cet espace.

Monsieur le ministre, j'ai lu un certain nombre de vos déclarations sur la Russie. Celle-ci est effectivement un pays fier, arrogant et inquiétant, l'un des grands acteurs de la déstabilisation politique de l'Europe de l'Est. Elle fait sentir son influence dans le Caucase et en Géorgie, mais aussi, par l'intermédiaire de la Transnistrie, en Moldavie, un pays que je connais bien. Elle est présente dans tous ces conflits gelés, mais c'est surtout au Kosovo et dans les Balkans que son influence est aujourd'hui redoutable.

Le terme d'indépendance a été prononcé récemment à propos du Kosovo. C'est sans doute la solution vers laquelle nous nous acheminons, ou en tout cas celle que les Américains jugent préférable. Aussi, je crains vraiment que les Balkans ne se trouvent déstabilisés à brève échéance.

Les Russes se prononcent contre le bouclier antimissile, ce qui, après tout, est légitime, mais quand ils parlent de réarmement, c'est vers l'Europe de l'Ouest qu'ils orientent leurs missiles !

En Asie centrale, la Russie est un prédateur, ou en tout cas un acteur économique important. Au sein de l'Organisation de coopération de Shangai, la Russie et la Chine se partagent l'influence sur cet espace, où l'Europe est rigoureusement et redoutablement absente. Alors, oui, la Russie est inquiétante, et pas seulement Vladimir Poutine. À l'évidence, sa politique audacieuse et ambitieuse lui a permis de reconquérir un certain espace.

En face, les États-Unis sont en Irak un colosse aux pieds d'argile. Endetté, ce pays émet des titres en Chine pour financer sa dette. La politique du président des États-Unis est un fiasco dans tous les domaines, comme l'illustre le bouclier antimissile qu'il déploie en Europe.

Il semble que des radars et des intercepteurs soient - ou seront - installés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Pologne, en République tchèque et, a-t-on appris récemment, en Espagne, en Italie et en France. Alors je vous pose la question, monsieur le ministre : qu'en est-il de la France ?

Finalement, la menace majeure est sûrement le conflit israélo-palestinien. J'étais en Israël et en Palestine la semaine dernière, où personne ne croit à la conférence internationale d'Annapolis. L'intérêt de cette conférence est peut-être la présence de l'Arabie saoudite et de la Syrie. Peut-être présente-t-elle également l'avantage d'isoler l'Iran ? Il n'en demeure pas moins que ce conflit majeur est probablement, une fois de plus, dans l'impasse. On n'espérait pas grand-chose. Mais la situation est tout de même redoutable.

Concernant l'Iran, George Bush est démangé par l'envie d'attaquer l'Iran et ses sites nucléaires depuis longtemps. C'est une obsession pour les Israéliens. Alors oui, tout est possible et le risque est majeur. Face à cette situation, le monde entier se réarme, sauf l'Europe.

Les chiffres dans ce domaine sont impressionnants, en tout cas, ils m'impressionnent. En dix ans, les dépenses militaires ont augmenté de 37 %. En 2006, le budget global consacré à l'armement dans le monde s'élevait à 1, 2 milliard de dollars. La Chine a augmenté ses dépenses de 15 %, la Russie de 155 % ! Concernant la Russie, ce sont non pas les chiffres qui sont inquiétants - elle partait de tellement de loin -, mais son attitude.

Les ventes d'armes des cent plus gros vendeurs ont augmenté et elles atteignent 290 milliards de dollars. La part de l'Europe ne représente que 31 milliards de dollars, soit quelque 10 % du total. La part de la Grande-Bretagne représente 10, 5 %, celle de la France un peu moins de 4 %. L'Europe est dépendante de l'OTAN.

La puissance américaine est sans limites. L'équipement d'un soldat américain coûte 85 000 euros, contre 25 000 euros en Europe. Les Américains peuvent s'appuyer sur une armée comptant 1, 5 million d'actifs et 1, 2 million de réservistes. Ils ont envoyé 160 000 hommes en Irak, quand notre armée ne compte que 124 000 hommes. Depuis 2001, ils ont engagé 800 milliards de dollars dans la lutte contre le terrorisme, soit deux fois le budget qu'ils avaient consacré à la guerre de Corée !

Aujourd'hui, les impératifs sont stratégiques, mais aussi financiers. En outre, monsieur le ministre, il est impératif d'être cohérent.

Ainsi, au Moyen-Orient, le conflit israélo-palestinien doit être impérativement réglé. Or, lorsque l'on se rend dans cette région, on se dit que ce conflit ne le sera jamais ! Un règlement juste du conflit doit aboutir à deux états pour deux peuples. Or il faut avoir l'honnêteté aujourd'hui de dire que la Palestine n'existe plus. Et je ne parle pas seulement de Gaza et du Hamas. La Cisjordanie aujourd'hui, c'est 650 kilomètres de mur - 700 kilomètres supplémentaires sont en construction - et 80 zones colonisées. La Cisjordanie n'existe plus, pas plus que l'Autorité palestinienne et le gouvernement d'union nationale. Le Conseil palestinien ne se réunit plus, quarante-huit de ses parlementaires sont en prison.

Malgré tout, il faut aider la Palestine, ainsi que Mahmoud Abbas, même s'il ne représente plus rien. Il est toujours le président de l'OLP. C'est à ce titre qu'il a participé à la conférence d'Annapolis.

Les grands bailleurs de fonds de la Palestine sont essentiellement l'Europe, à hauteur de 500 millions d'euros, et les États-Unis, pour 300 millions d'euros. Il est assez cocasse de penser que des fonds sont attribués à l'Autorité palestinienne pour soutenir l'organisation d'élections.

J'étais en Palestine lorsque le Hamas a gagné les élections législatives. J'y étais également quand Mahmoud Abbas a été élu. La démocratie a un prix. Et elle comporte des risques. Or qu'a-t-on fait des principes démocratiques ? Si on ne voulait pas que le Hamas prenne le pouvoir, il aurait peut-être fallu décider au préalable quels mouvements n'avaient pas le droit de participer au processus démocratique, notamment les mouvements extrémistes politiques armés.

Il faudra un jour se pencher sur le problème du Hamas et du Hezbollah, car il est dommage pour le processus démocratique d'avoir à décréter que le résultat d'une élection n'est pas bon quand il ne convient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Nous étions nombreux à observer les élections et à les valider. Nous avons même payé !

Il faut aider la Palestine à mettre en place sa police, via la mission EUPOL COPPS, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Je termine, monsieur le président.

L'EUPOL COPPS est une bonne démarche. Permettez-moi de vous raconter une anecdote à ce sujet. J'ai rencontré le Premier ministre palestinien la semaine dernière. Il nous a expliqué ce qu'il parvenait à faire en termes de police à Naplouse et à Jéricho, ce qui y était efficace. Or, à la sortie de cet entretien, on lui annonçait que l'armée israélienne venait d'entrer dans Naplouse et que, par conséquent, le faible équilibre qu'il essayait d'y établir allait être immédiatement détruit !

Tous ces chantiers entraînent de nombreuses dépenses.

Pour conclure - je n'ai pas le temps de finir -, j'évoquerai le choix auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Il nous faut choisir entre une Europe de la défense autonome et une Europe de la défense intégrée à l'OTAN. Je crains malheureusement que le choix ne soit déjà fait. Pour défendre et la France et l'Europe, nous allons déléguer nos pouvoirs à un allié de référence, peut-être, en tout cas à une organisation internationale, l'OTAN, qui est une coquille vide.

Debut de section - PermalienPhoto de Josette Durrieu

Désormais, quand les Américains veulent intervenir, lorsqu'ils définissent la mission, en général, ils constituent simultanément une coalition et contournent l'OTAN.

J'espère que vous nous direz, monsieur le ministre, quelle est la stratégie de la France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Mes chers collègues, je vous prie de respecter le temps de parole qui vous est imparti. Il est très gênant d'avoir à faire des rappels à l'ordre !

La parole est à M. Pierre Laffitte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laffitte

Ma passion pour l'innovation me conduit à vous parler de la recherche et de l'innovation en matière de défense.

Les chiffres de votre budget à cet égard démontrent, monsieur le ministre, que la France est le bon élève de l'Europe, ce dont je me réjouis. L'agrégat « recherches et technologies » du projet de loi de finances pour 2008 s'élève à 3, 6 milliards d'euros. Il inclut non seulement la recherche et développement, mais également d'autres secteurs, tels les écoles militaires, les études à caractère technico-opérationnel, la recherche duale et le financement du Commissariat à l'énergie atomique.

Les chiffres publiés par l'Agence européenne de défense pour 2006 me paraissent un peu faibles. La France consacre 779 millions d'euros à la recherche et à la technologie, le Royaume Uni 654 millions d'euros et l'Allemagne 325 millions d'euros. Là encore, nous sommes les meilleurs !

En revanche, les États-Unis n'y consacrent que 10, 5 milliards. Ce montant est probablement très largement sous-évalué, surtout si l'on tient compte du fait que, aux États-Unis, le volume de la défense extérieure et celui de la défense intérieure sont à peu près identiques depuis le 11 septembre. Il s'agit de volumes considérables.

Dans la mondialisation actuelle, il faut penser France, mais également Europe. À et égard, j'ai entendu nos collègues du groupe CRC évoquer la nécessité d'une défense européenne. Je m'en étonne et je m'en réjouis, car, pour ma part, je souhaite une relance européenne par la France, axée sur une stratégie en amont, débattue en commun, de recherche et d'innovation, notamment avec les États les plus engagés, non seulement ceux que j'ai déjà cités, mais également l'Italie, l'Espagne et la Suède.

La relance européenne par le Président de la République pourrait être d'une grande aide. J'espère que la présidence française de l'Union européenne permettra une avancée considérable.

J'ai noté avec plaisir, monsieur le ministre, que vous êtes favorable à la recherche duale et à une participation des petites et moyennes entreprises, en sous-traitance, un peu comme aux États-Unis, dans le cadre du Small Business Act.

La recherche duale est indispensable et très utile, compte tenu des règles de l'OMC. Elle est d'autant plus importante que la vigilance extrême de la commission de la concurrence de Bruxelles à l'égard du principe de minimis limite considérablement les aides publiques aux entreprises et entrave notre compétitivité.

Il n'en est pas de même aux Etats-Unis, grâce à l'OMC et aux contrats du ministère américain de la défense. On connaît le débat entre Boeing et EADS à cet égard.

Les petites sociétés innovantes seront désormais fondamentales, notamment dans le cadre du programme Galileo. Ce projet requiert le développement d'une myriade d'applications. Il est donc impératif de coordonner une dynamique non seulement française, mais également européenne, afin que la règle de minimis ne s'applique pas à l'innovation. Galiléo et ses conséquences sont une révolution.

Je dirai maintenant quelques mots d'une autre révolution, qui me paraît amusante et intéressante : l'utilisation des espaces virtuels.

Vos services, monsieur le ministre, utilisent déjà très largement les possibilités qu'offrent les technologies de l'information, notamment en matière de simulation - de vol par exemple -, de formation de spécialistes ou, plus largement, pour tout programme de longue durée.

La naissance et le développement rapide d'Internet à trois dimensions, joints à la voix sur réseau IP et au développement de la téléphonie mobile, conduisent à une mutation importante de la société.

Les armées savent à quel point il est nécessaire de procéder à des manoeuvres et à des simulations de crises, qu'il s'agisse d'une crise extérieure, liée au terrorisme ou à la criminalité organisée, ou d'une catastrophe naturelle.

Vous connaissez l'engouement actuel pour les univers virtuels, dont les plus simples sont les tchats, ces discussions sur internet ou par téléphonie mobile. Les plus évolués sont du type de Second Life, cette utopie où chacun peut se fabriquer un avatar, acheter une île virtuelle pour y construire un palais des congrès, des salles de jeu ou de réunion, ou y fabriquer de l'argent, toutes transactions qui sont évidemment virtuelles, mais qui ont une interaction avec la vie réelle.

Cet univers initialement ludique sert désormais également aux entreprises et aux organisations. En maîtriser la pratique, notamment pour les militaires, me paraît essentiel, car il s'agit là d'une possibilité nouvelle.

Vos services, monsieur le ministre, ne pourraient-ils pas avoir recours à ces pratiques nouvelles, à ces méthodes de contact professionnelles, qui pourraient être efficaces pour des groupements ou des équipes d'intervention rapide ?

Les grandes manoeuvres du futur doivent être maîtrisées. Il faut évidemment s'y préparer. Les méthodes modernes permettent de réaliser plus de manoeuvres et de simulations pour un coût extrêmement modique. L'objectif doit être la préparation et l'emploi des forces, cette question étant majeure.

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP. - Mme Josette Durrieu applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelle est la politique de défense et de sécurité de la France ?

À l'écoute des interventions des principaux responsables politiques de notre pays ou à la lecture des analyses des principaux chefs militaires, bien malin qui pourrait se faire une opinion.

Prédomine l'impression que l'on affiche tour à tour, et au fil de l'eau, un certain nombre d'options. Un jour, l'accent est mis sur l'Europe de la défense, présentée comme une des priorités de la présidence française de l'Union européenne, avec des objectifs néanmoins encore flous. Le lendemain, il est mis sur le rapprochement avec l'OTAN, sans que le débat ait lieu, ne serait-ce qu'aux marges, avec la société, et sans que les implications concrètes, en termes de priorités stratégiques et de choix d'équipements, en soient précisées.

Plus généralement, des évolutions lourdes ont été décidées au cours des dernières années, sans que les Français en soient réellement conscients, faute d'un débat démocratique digne de ce nom. D'une armée de conscription, conçue comme un outil de cohésion nationale, nous sommes passés à une armée professionnelle. D'une armée de protection du territoire national, nous sommes passés à une armée d'interventions extérieures. D'une volonté d'autonomie stratégique, nous sommes passés à une démarche d'intégration, dont on ne sait pas très bien si elle donne priorité à la construction de l'Europe ou au dialogue transatlantique. Et n'oublions pas l'effet de ces évolutions, amplifié par la réalité budgétaire, sur l'industrie de défense, hier nationale, demain sans doute plus intégrée.

Quelles sont les menaces ? Quels sont les outils de notre sécurité ? Comment construire une paix durable ? Le comportement réel de la France est-il respectueux des principes que nous prétendons défendre ? Voilà les questions.

La commission chargée d'élaborer le Livre blanc, sous la présidence de Jean-Claude Mallet, apportera-t-elle des éléments de réponse ? Sans faire de procès d'intention, on peut se poser des questions au regard de sa composition largement « endogamique », qui se caractérise par une surreprésentation du ministère de la défense. Il n'y a qu'un seul représentant du ministère des affaires étrangères et européennes et aucune personnalité qualifiée issue de mouvements plus sensibles à la prévention des conflits, à la médiation, à la culture de paix !

Dans un autre registre, après la multiplication des « Grenelle », sur l'environnement, l'insertion ou la fiscalité locale, nous assistons à l'avalanche des « livres blancs », par exemple sur la défense, sur les institutions ou sur la politique étrangère. Quelle cohérence ? Quels arbitrages ? Quel rôle pour le Parlement ? Mystère...

On nous dit que le Livre blanc traduira une nouvelle approche, qu'il permettra de mieux prendre en compte le terrorisme ou la prolifération nucléaire, chimique, ou bactériologique. J'en accepte l'augure. Traitera-t-il des menaces nouvelles ? De la raréfaction des matières premières, et notamment des énergies fossiles ? De la multiplication des événements climatiques extrêmes, sur fond de changement climatique, d'une ampleur hier encore sous-estimée ? Du retour des tensions sur le marché des céréales ? Du risque de terrorisme informatique, ou de destruction de satellites, provoquant la désorganisation de pans entiers du fonctionnement de nos sociétés ? Nous verrons bien.

Je veux comprendre, et je vous pose deux questions.

Premièrement, à quelques encablures de la livraison du Livre blanc, et alors que l'on nous renvoie à son imminente publication à chaque questionnement, pourquoi avons-nous le sentiment que les décisions importantes ont déjà été prises ? Car, si rien n'est décidé, pourquoi les catapultes nécessaires à un second porte-avions ont-elles été commandées ? Pourquoi 3 milliards d'euros ont-ils été provisionnés au budget ? Et ce contre votre avis, monsieur le ministre, si j'ai bien suivi...

Deuxièmement, pourquoi ne pas admettre que la réponse aux nouvelles menaces n'est largement pas militaire ? Qui peut une seconde imaginer qu'agiter le chiffon rouge d'une défense antimissiles positionnée sur le sol européen sous le nez de Vladimir Poutine permette de renforcer la sécurité de notre continent ? Comment ne pas considérer la décision de la Russie, annoncée vendredi dernier en marge de la conférence annuelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de suspendre sa participation au traité de réduction des forces conventionnelles en Europe comme une réponse à ce qui apparaît comme une inutile et dangereuse provocation ? Comment lutter contre le terrorisme ? Qui espère qu'une victoire militaire contre la ou les têtes d'Al-Qaida - au demeurant, la plupart des observateurs jugent cette perspective improbable - suffirait à assurer la sécurité de notre population, de nos villes, de nos équipements et de nos approvisionnements en matières premières ?

Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part de quelques préoccupations, à commencer par la dissuasion nucléaire. C'est un sujet dont il reste difficile de débattre. J'en veux pour preuve le message adressé par le Président de la République à Jean-Claude Mallet, dans lequel il déclarait que la dissuasion restait « un impératif absolu ».

Pourtant, comme nous l'avons vu précédemment, le nucléaire ne nous protège d'aucune des menaces actuelles. Aujourd'hui, une vingtaine de pays sont au seuil et on considère qu'il y en aura deux fois plus dans une quinzaine d'années. Quel sera l'effet sur la sécurité du monde et sur la nôtre ? Poser la question, c'est hélas y répondre ! Qu'attend notre pays, qui présente volontiers le renoncement à la composante terrestre de sa dissuasion comme une mesure de désarmement, et ce en tordant un peu le cou à la réalité, pour prendre une initiative diplomatique forte ? Le moment n'est-il pas venu d'élaborer une convention sur le désarmement nucléaire sur le modèle de la Convention sur les armes chimiques, au lieu de finaliser le missile M51, de contourner de fait, par le développement de Mégajoule, les engagements pris par notre pays dans le cadre du traité d'interdiction complète des essais nucléaires et de préparer les esprits à une guerre contre l'Iran ?

Qu'en pensent nos principaux partenaires européens ? Si l'on en croit Der Spiegel, l'hebdomadaire de référence outre-Rhin, Nicolas Sarkozy a tenté de convaincre la chancelière allemande de l'intérêt qu'elle pourrait trouver à placer son pays sous la protection nucléaire française. Ce faisant, il a démontré une profonde méconnaissance de la situation politique et de l'opinion allemandes et il a irrité Angela Merkel. Aucun de nos partenaires européens ne se place dans la perspective hâtivement tracée par le président français. C'est là une réalité dont nous ferions bien de tenir compte. En revanche, tous s'interrogent. Que veut la France ? Réintégrer l'OTAN ou construire l'Europe de la défense ? Cette dernière perspective me semble, à tous égards, bien plus crédible et bien moins hasardeuse.

Je fais partie de ceux qui s'inquiètent de la perspective d'une réintégration complète de la France dans l'OTAN si elle ne s'accompagne pas de la reconnaissance de l'autonomie du pilier européen, de la restauration du débat stratégique entre alliés et de la redéfinition du champ d'action et de la doctrine d'intervention de l'organisation. D'abord, parce que le statut actuel de la France n'empêche pas la coopération. Ensuite, parce que, comme le souligne Hubert Védrine, dans le rapport qu'il a remis au Président de la République, le prix à payer pour un tel geste politique en direction des États-Unis serait élevé. Il donnerait à penser que la France n'a plus les moyens de son autonomie stratégique et opérationnelle. Il éroderait la capacité de notre pays à se faire entendre en Afrique ou au Proche-Orient, en donnant le sentiment que la France se rallie à l'idée d'un choc des civilisations.

Sur l'OTAN toujours, on trouve dans le projet de loi de finances la mention de la contribution française au budget de l'organisation. La France verse 106 millions d'euros à cette organisation, ce qui en fait le cinquième contributeur. Pas mal pour un pays qui, officiellement, n'est pas membre de cette structure ! En revanche, on ne trouve pas le montant total des dépenses, incluant les personnels et les matériels, liées à la participation française aux opérations de l'OTAN. Merci de nous renseigner sur ce point, monsieur le ministre.

Autre sujet de préoccupation : la politique française d'exportation d'armes

Monsieur le ministre, dans le rapport au Parlement sur les exportations d'armement de la France que vous venez de nous faire parvenir, vous prétendez, « dans un contexte où la concurrence internationale ne cesse de croître », faire du soutien aux exportations d'équipements de défense et de sécurité l'une des priorités de votre action pour les prochaines années. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas à vous de rassembler les industriels pour discuter des moyens d'accroître leur réactivité sur le marché mondial. C'est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, de le faire, dans l'hypothèse, que je conteste par ailleurs, où l'on considérerait que les entreprises de la défense sont des entreprises comme les autres. Ce n'est pas votre mission non plus d'alléger le contrôle sur les exportations d'armes. Écoutez votre directeur des affaires stratégiques, qui déclarait ceci : « On ne peut s'en remettre à la seule responsabilité des industriels », compte tenu des tentations toujours présentes. Il ajoutait également : « Le dispositif a au moins eu le mérite jusqu'à présent de ne pas exposer la France aux reproches que l'on peut faire à certains membres de l'Union européenne pour la diffusion de technologies sensibles dans des États proliférants. »

L'agrément préalable unique ou la délivrance d'autorisations globales pour les matériels les moins sensibles, mis en place selon les recommandations d'Yves Fromion, devront être sérieusement évalués et, si nécessaire, remis en cause, si l'objectif n'est pas seulement, ce que j'espère, de doper, quel qu'en soit le prix, les exportations d'armes.

En outre, la France continue à produire, à utiliser à et exporter des bombes à sous-munitions. Cette année encore, je me fais donc le relais du plaidoyer d'Handicap international en faveur de leur interdiction pure et simple.

Je souhaite également évoquer les conséquences écologiques des activités de défense. Pour mémoire, je mentionnerai simplement la question non seulement environnementale, mais également économique, du prix des carburants, dont tout indique qu'il sera demain beaucoup plus élevé encore qu'il ne l'est aujourd'hui. On peut espérer que le renouvellement des matériels permettra de progresser.

En revanche, je veux insister sur le démantèlement des navires de guerre - je pense au Clemenceau et au Colbert - et des sous-marins, qui pose des problèmes considérables s'agissant de la santé des travailleurs ou de l'environnement. En matière d'équipements militaires, pourquoi ne pas respecter la règle mise en place dans le domaine civil, c'est-à-dire la responsabilité des industriels du berceau à la tombe ?

Bien d'autres sujets mériteraient d'être évoqués. Je pense à la sous-évaluation du coût des OPEX, préoccupante alors que la France entend jouer un rôle important à l'est du Tchad et au Darfour, ou au retard pris par l'avion de transport militaire A400 M. Ces questions sont toutes importantes, mais elles ne doivent pas occulter une préoccupation toute politique. Comment le Parlement, qui sait consacrer des heures et des heures de débat à la sécurité des manèges forains ou à la réglementation des espèces canines, peut-il continuer à accepter chaque année des dépenses à hauteur de 48 milliards d'euros pour assurer la sécurité de notre pays, sans qu'on soit seulement en capacité d'en démontrer l'efficacité au regard du seul objectif valable, c'est-à-dire protéger la paix ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'année 2008 étant la dernière année d'application de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, le projet de loi de finances pour 2008 prévoit, s'agissant de la mission « Défense », un budget à la fois de transition et d'attente. Nous l'avons entendu pendant toute la soirée.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Ce n'est pas de mon fait !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

M. Jean-Pierre Godefroy. Mais ce n'était pas un reproche, monsieur le ministre.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

D'ores et déjà, le contexte financier de la prochaine loi de programmation militaire est incertain. En effet, les besoins de financement pour les programmes lancés, prévus ou annoncés depuis 2002 devraient passer de 15, 9 milliards d'euros en moyenne par an à 19, 1 milliards d'euros en 2009, pour atteindre 23 milliards d'euros en 2012.

Ainsi, la « bosse » financière des crédits de paiement qui s'annonce pour la prochaine loi de programmation militaire obère tout l'avenir budgétaire de la défense, ce dont nous avions à maintes reprises alerté votre prédécesseur, monsieur le ministre.

Vous reconnaissez vous-même l'impossibilité de tenir un tel niveau de dépenses. Vous avez ainsi déclaré ceci : « Certains programmes subiront des coupes, d'autres seront lancés en fonction des besoins opérationnels et des conclusions du Livre blanc, mais, à ce stade de l'exercice, il est impossible de le savoir avec précision. »

C'est de ces incertitudes financières que viennent mes inquiétudes pour un programme essentiel pour notre marine et la crédibilité de notre politique de défense, celui des sous-marins de type Barracuda.

Ces dernières années, j'ai régulièrement interrogé votre prédécesseur, Mme Michèle Alliot-Marie, sur ce sujet, et ce tant à l'occasion de l'adoption de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 que lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007.

Or, à la lecture des documents budgétaires de cette année, et au vu du débat à l'Assemblée nationale, je ne peux que manifester mon inquiétude.

Selon le « bleu » de la mission « Défense », 330, 36 millions d'euros de crédits de paiements et 253, 55 millions d'autorisations d'engagement sont inscrits au projet de loi de finances pour 2008, ce qui correspond grosso modo à la commande du premier sous-marin. Mais ce document ne donne aucune indication quant à la suite du programme Barracuda, qui, je le rappelle, concerne normalement la livraison de six sous-marins entre 2016 et 2027. D'ailleurs, nous avons déjà du retard. Le montant total est évalué à 7, 9 milliards d'euros, sachant que nous sommes dans les limites extrêmes pour renouveler notre flotte de sous-marins nucléaires d'attaque, les SNA.

À mon sens, monsieur le ministre, lorsque vous avez été interrogé sur ce sujet à l'Assemblée nationale, vous vous êtes montré beaucoup trop évasif. Vous avez seulement déclaré ceci : « Quant aux Barracudas, [...], ils représentent également un programme majeur. Nos SNA de type Rubis ont en effet déjà plusieurs décennies de service actif » - pour ma part, je les connais bien - « et il est évident que la France a besoin d'un nouveau programme de sous-marins nucléaires d'attaque. » Vous avez ensuite ajouté : « Il nous reste désormais à fixer précisément le nombre de sous-marins et la cadence de réalisation, sachant que nous ne disposons pas d'une grande marge de manoeuvre sur ce programme. » Je souhaiterais que vous puissiez m'expliciter cette dernière phrase.

En effet, monsieur le ministre, le nombre de sous-marins de type Barracuda a déjà été fixé par la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008. Il doit être de six. Ce chiffre n'est pas dû au hasard ; il correspond aux besoins de la marine pour remplacer les sous-marins de type Rubis actuellement en service.

Quant à la cadence, elle s'impose également à nous, au rythme du retrait du service actif des sous-marins actuels. Vous le dites d'ailleurs vous-même, monsieur le ministre, il n'y a pas de grande marge de manoeuvre sur ce programme qui est conditionné aux besoins de notre marine, sauf à prévoir des « trous »...

Cette dernière hypothèse serait, me semble-t-il, extrêmement dommageable pour l'efficacité et la crédibilité de nos forces navales. En effet, moins de SNA à la mer, c'est l'obligation pour le commandement de la marine de faire des choix entre la protection de nos sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, SNLE, et celle du groupement aéronaval, c'est-à-dire entre la dissuasion et la projection, ce qui risque d'affaiblir nos capacités de défense.

Il est vrai que le programme Barracuda représente un investissement important de la part de la nation, mais il me semble néanmoins qu'il n'y a aucune tergiversation à avoir sur ce sujet. Or les premiers échos qui nous parviennent des travaux sur le livre blanc de la défense nous interrogent, car ils laissent planer un doute. À cet égard, on peut se demander s'il ne s'agit pas de la fin programmée de la sanctuarisation des crédits de la défense dans les budgets de l'État ?

Il me paraît contestable, pour ne pas dire inacceptable, comme certains en avancent l'hypothèse, de conditionner le lancement du second porte-avions au consentement par la marine de sacrifices sur les frégates européennes multimission, les FREMM, ou les sous-marins de type Barracuda.

Sur le plan industriel, je rappelle que la réalisation des six sous-marins Barracuda est censée assurer, et ce théoriquement jusqu'en 2027, une part très significative de l'activité de DCNS, d'Areva TA, du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, et de plus d'une centaine de PME françaises, c'est-à-dire fournir du travail à plusieurs milliers de salariés tout au long de sa réalisation. Certes, cela ne signifie pas qu'il s'agit d'une obligation, notamment si la création des sous-marins allait à l'encontre d'impératifs stratégiques. Mais je ne vois pas en quoi ce serait le cas.

Je voudrais vous rappeler ce que je disais déjà l'année dernière à Mme Alliot-Marie. Les retards accumulés depuis 2005 par ce programme, notamment la notification tardive du contrat, qui n'est intervenu qu'à la fin du mois de décembre 2006, ont déjà des conséquences pour DCNS. Je ne reviendrai pas sur les propos de Jean-Marie Poimboeuf, qui nous expliquait l'année dernière que le décalage de ce programme pourrait être compensé par les établissements concernés, notamment par une solidarité entre les sites sur les autres projets, en particulier celui des FREMM, avec un système de sous-traitance.

J'ai bien noté, monsieur le ministre, que vous vous efforciez de démentir les rumeurs qui avaient pu naître quant à la diminution du nombre de FREMM.

Je souhaiterais pour conclure vous poser deux questions, monsieur le ministre : pourriez-vous être plus clair et plus précis sur l'avenir du programme Barracuda ? Pourriez-vous éclairer le Sénat sur l'ensemble de ces programmes importants pour notre marine nationale et les établissements industriels concernés ?

En tant que Normand, je ne voudrais pas terminer mon intervention sans rejoindre les propos de Mme Goulet : n'oublions pas, monsieur le ministre, ce combat essentiel qu'est la réunification de la Normandie !

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur le ministre, vous avez bien compris que notre assemblée attend vos réponses.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Sur la réunification de la Normandie ?

Sourires.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre de la défense

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, le débat budgétaire est toujours une occasion privilégiée, pour les parlementaires que vous êtes, de poser des questions sur la politique de défense, le budget, les programmes en cours. En l'occurrence, j'ai été servi ! Je vais donc essayer, dans toute la mesure possible, de respecter cette tradition et de répondre à vos principales interrogations.

Permettez-moi tout d'abord, monsieur le président, d'adresser un message d'amitié à Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lequel est l'un des parlementaires qui connaît le mieux ces questions et qui a souvent rédigé des rapports remarqués et remarquables.

Je vais tenter de regrouper vos questions et vos observations autour de trois thématiques que je souhaite développer devant vous.

Premièrement, il ne faut pas s'en cacher, notre outil de défense est à la veille d'une mutation stratégique majeure.

Deuxièmement, le budget pour 2008 contribue à la maîtrise des dépenses publiques - c'est apprécié sur certaines travées et reproché sur d'autres ; c'est apprécié sur certains points et moins apprécié sur d'autres - mais il permet la mise en oeuvre de la dernière année de la loi de programmation militaire et préserve l'efficacité de nos forces.

Troisièmement, et j'aborderai à cette occasion toute une série de programmes, la politique de défense s'inscrit dans l'ensemble des politiques publiques ou cherche à le faire.

S'agissant de notre outil de défense qui est à la veille d'une mutation majeure, je voudrais rappeler, tout d'abord, quelques éléments du contexte dans lequel nous évoluons.

La France a consenti, depuis 2003, un niveau d'engagement élevé de ses forces, tant sur le territoire national qu'à l'extérieur, avec plus de 35 000 hommes déployés en permanence hors de métropole : plus de 12 000 hommes engagés en opérations extérieures - pour cette année, le chiffre est même de l'ordre de 12 500 à 13 000 -, 17 000 dans les forces de souveraineté outre-mer et 6 000 dans les forces de présence. Chaque année, si l'on ajoute les relèves, ce sont ainsi près de 60 000 hommes et femmes qui partent effectuer des missions de deux à six mois.

Les opérations extérieures concernent des opérations majeures telles que l'Afghanistan, le Kosovo, le Liban, la République de Côte d'Ivoire et, demain, le Tchad et la République centrafricaine.

Comme M. Georges Othily l'a souligné, les forces de souveraineté dans nos départements et collectivités d'outre-mer jouent un rôle majeur dans la sauvegarde maritime, la protection de nos côtes, la lutte contre les trafics et l'immigration clandestine, la protection de nos voies commerciales.

Quant aux forces de présence, elles sont engagées dans certains pays d'Afrique, en vertu d'accords de coopération et de défense.

Voilà pour le contexte opérationnel.

Sur le plan capacitaire, la France appartient au club très restreint, avec la Grande-Bretagne et les États-Unis, des pays capables d'assumer le spectre complet des opérations et d'exercer le rôle de nation-cadre au sein d'une coalition. Nos armées, vous le savez, sont internationalement crédibles ; elles remplissent globalement leurs contrats opérationnels, il est vrai au prix de certains aménagements et en consentant quelques fragilités dans certains domaines.

Parallèlement à ce constat, l'état des lieux que j'ai fait réaliser lors de ma prise de fonction a montré que la trajectoire de dépenses associée à l'acquisition et au remplacement des capacités nécessaires pour atteindre le modèle 2015 dans laquelle nous étions inscrits était en effet, messieurs Yves Fréville et Didier Boulaud, une trajectoire difficile et assez problématique.

À contrats opérationnels inchangés, les besoins en crédits d'équipement de 2009 à 2013 seraient, en moyenne, supérieurs de 41 % en volume aux crédits ouverts entre 2003 et 2007, comme M. Yves Pozzo di Borgo l'a souligné. La moyenne annuelle devrait ainsi passer d'environ 15, 5 milliards d'euros à près de 22 milliards d'euros : c'est ce que l'on appelle pudiquement « la bosse ». Celle-ci a une marche extrêmement élevée dès 2009, comprise entre 2 milliards et 3 milliards d'euros.

Sur ce sujet, messieurs les rapporteurs spéciaux, je voudrais dissiper toute équivoque.

La première cause de cette situation, monsieur Didier Boulaud, remonte à l'exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, dont l'équivalent d'une année a purement et simplement été rayé d'un trait de plume, la défense ayant servi de variable d'ajustement au budget de la France.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Grâce à la ténacité de Michèle Alliot-Marie et à la détermination de Jacques Chirac, à qui je souhaite rendre hommage aujourd'hui, un effort constant, nécessaire et indispensable, a été accompli pour relever le niveau d'équipement et de disponibilité opérationnelle du matériel. Après les phases de lancement et d'étude de ces programmes d'équipement, nous en arrivons aux périodes de fabrication et de livraison, ce qui rend bien entendu l'exercice difficile. Mais nous saurons le relever.

Il est aussi exact que, malgré la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 sur le plan des ressources, il a fallu procéder à des ajustements très significatifs en termes de besoins. Comme l'a noté M. Yves Fréville, 7, 5 milliards d'euros ont dû être inscrits dans les budgets.

L'agrégat nucléaire a bénéficié d'un abondement de 1, 5 milliard d'euros pour faire face à la dérive des coûts de certains programmes.

Les crédits de maintenance - MCO - ont dû être augmentés d'un montant à peu près équivalent. Cela pose d'ailleurs la question de la conception des programmes d'armement. À l'avenir, la discussion d'un programme devrait associer, outre l'état-major des armées et la délégation générale pour l'armement, un troisième interlocuteur, qui pourrait être la direction des affaires financières du ministère, afin d'intégrer des problématiques de coût, d'analyse de la valeur, d'économétrie. Le séquençage des programmes d'armement nous permettrait de vérifier régulièrement leur adaptation à nos besoins, leur rapport coût-efficacité et leur faisabilité budgétaire. C'est en tout cas la proposition que j'ai faite au Président de la République.

Je souhaite, monsieur Yves Fréville, que cette nouvelle modalité de développement des programmes soit intégrée au sein d'un comité d'investissement, présidé par le ministre. La nécessité de chaque programme pourra ainsi faire l'objet d'une vraie discussion. Nous devons tenir compte des coûts à la fois d'acquisition et de développement, mais aussi de maintien en condition opérationnelle des programmes. Ces deux éléments font partie intégrante de la problématique du développement des programmes.

Pour en revenir aux ajustements, des besoins opérationnels nouveaux sont apparus, notamment la lutte contre les engins explosifs improvisés, ce qui nous a coûté 700 millions d'euros.

Par ailleurs, comme vous le savez, des besoins de trésorerie concernant le programme Rafale avaient été sous-estimés.

Au total, ce sont donc près de 7, 5 milliards d'euros de dépenses qui n'avaient pas été prévues dans la loi de programmation militaire.

Cette loi de programmation militaire, pour la première fois depuis une trentaine d'années, a cependant été appliquée en totalité, ce qui mérite d'être souligné.

Avec un niveau de ressources de l'ordre de 2 % du PIB, l'enjeu pour la défense sera à la fois de maintenir la cohérence d'ensemble de ses capacités, de garantir les normes d'activité et d'entraînement, et de continuer à améliorer la condition militaire.

Atteindre ces objectifs implique nécessairement de réévaluer nos choix capacitaires - c'est tout le travail de la revue des programmes d'armement - et de mener de nouvelles transformations de l'organisation et des implantations de nos armées, notamment en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles, comme l'a relevé M. Dulait en évoquant les schémas d'implantation de nos forces.

C'est tout l'enjeu et le sens des grands chantiers qui sont en cours : le Livre blanc, qui porte sur l'analyse des menaces, sur la stratégie de défense de notre pays, sur les missions de nos forces armées, sur le modèle et les moyens dont nous avons besoin ; la revue des programmes d'armement ; la révision générale des politiques publiques.

Le Président de la République a souhaité que la commission du Livre blanc travaille sans tabous ni préjugés. Je me permets de vous indiquer, madame Voynet, que seuls dix des trente membres de cette commission appartiennent au monde de la défense - je peux vous en communiquer la liste, si vous le souhaitez. Par ailleurs, c'est la première fois qu'une telle commission comprend des parlementaires de la majorité et de l'opposition, comme j'en avais pris l'engagement devant les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. MM. André Dulait et Didier Boulaud sont ainsi membres de cette commission du Livre blanc.

La revue des programmes d'armement consiste en une sorte de radiographie de la totalité des programmes, afin que nous disposions d'une boîte à outils parfaitement opérationnelle lorsque, le moment venu, nous serons amenés à faire des choix et des arbitrages pour la future loi de programmation. Il s'agit de connaître précisément la situation financière pour chaque programme. Nous connaîtrons ainsi le coût de ce programme, ce que nous avons déjà payé, ce qui nous reste à payer et les conditions financières dans lesquelles nous pouvons effectuer les choix, les arbitrages.

Enfin, la révision générale des politiques publiques, qui est un exercice commun à tous les ministères, nous permettra de faire des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions, dont certains sont essentiels à l'activité des forces, comme M. FrançoisTrucy l'a justement souligné au sujet du service de santé des armées, il s'agit de les rationaliser, de les moderniser, ce qui signifie que nous devons aller résolument vers « l'interarmisation » et la restructuration des forces de soutien.

Le ratioentre les forces opérationnelles et les forces de soutien et d'administration générale doit être amélioré. Il est certes toujours difficile de faire des comparaisons précises, mais le rapport serait, en Grande-Bretagne, de 65 % pour les forces opérationnelles, contre 35 % pour le soutien à l'administration générale. En France, nous serions à peu près à 50-50.

Ces travaux ont vocation à converger à la fin de l'année en vue de contribuer à l'élaboration de la future loi de programmation militaire, qui sera soumise au Parlement au printemps prochain.

Dans ce cadre, je voudrais rappeler trois préalables incontournables.

Le premier est bien entendu le maintien de l'effort de défense. C'est l'engagement du Président de la République, et c'est aussi le mien.

Le deuxième préalable repose sur la confirmation de notre autonomie de décision. La France ne peut pas déléguer son pouvoir d'appréciation et de décision à un allié de référence ou à une grande organisation internationale, ce qui nous impose notamment de posséder de solides capacités en matière de renseignement et de commandement.

Je considère donc, comme vous, madame Nathalie Goulet et monsieur Didier Boulaud, que le renseignement est une priorité. Au-delà des problématiques de formation dont vous avez parlé avec le Centre de formation interarmées de Strasbourg, qu'est-ce que cela signifie ?

Tout d'abord, il faut améliorer la coordination des différents services de renseignement, que ceux-ci dépendent du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense, tout en sachant que la DRM conserve l'aspect opérationnel et apporte un soutien aux forces et que la DGSE est chargée du renseignement. En cette matière, les plus hautes instances du pays doivent définir des orientations politiques claires.

Ensuite, il faut absolument développer des synergies, notamment en termes d'équipement et de programmes, afin que l'effort de modernisation des forces de renseignement serve autant aux uns qu'aux autres.

Le troisième préalable est que notre pays doit rester une puissance militaire crédible avec un appareil militaire possédant l'ensemble des grandes capacités. Il me semble inconcevable, impossible, que la France y renonce, ce qui n'empêche pas la coopération, et devrait même nous y inciter, puisque la coopération est d'autant plus facile que l'on est fort.

J'en viens au projet de budget pour 2008.

Cela ne me dérange pas que l'on qualifie ce budget de budget de transition ou d'attente, comme l'a fait Mme Michelle Demessine. À 250 millions d'euros près, il applique le dernier volet d'une loi de programmation militaire votée par le Parlement. En attendant les grandes décisions stratégiques que le Président de la République, chef des armées, prendra au début de l'année prochaine et dans la perspective de la future loi de programmation militaire, cet exercice est logique.

Le ministère de la défense procédera au non-remplacement de la moitié des départs à la retraite, à l'instar de la quasi-totalité des administrations. Cela représente un effort de 6 037 emplois, uniquement dans des fonctions d'administration et de soutien, car je souhaite ne pas affecter la capacité opérationnelle de nos forces.

Votre analyse, monsieur François Trucy, est exacte : la réduction du plafond ministériel d'emploi porte sur des emplois vacants non financés - que je qualifierai donc de virtuels - à hauteur de 7 500 pour l'ensemble du périmètre du ministère de la défense. Les seules réductions réelles d'emplois porteront donc sur ces postes. Il ne faut pas confondre les suppressions de postes liées à un budget et les postes inscrits dans les effectifs du ministère de la défense, mais non financés.

Nous aurons ainsi un personnel un peu moins nombreux, mais mieux payé. En contrepartie de cet effort, le projet de budget pour 2008 prévoit une revalorisation significative de la condition militaire, puisque l'enveloppe atteint un montant sans précédent de 102 millions d'euros. Il n'y a pas eu d'effort équivalent depuis dix ans !

Cela permettra de mettre en oeuvre les premières recommandations du Haut comité à l'évaluation de la condition militaire. En effet, le rapport commandé par Michèle Alliot-Marie à des personnalités indépendantes avait conclu, en février 2007, qu'il existait une disparité entre les fonctionnaires en tenue et les militaires. Pour y remédier, l'effort a été chiffré à 350 millions d'euros.

Cette année, nous entamerons la première partie de cet effort pour les militaires du rang et les sous-officiers, c'est-à-dire les sergents et les gendarmes. Les mesures ne s'appliqueront qu'à eux pour une seule raison : nous devons, pour les autres, modifier les statuts particuliers. À cet égard, des réunions interministérielles sont en cours. Nous allons aboutir à une solution, je l'espère, dans les jours à venir, ce qui permettra de pouvoir continuer cet effort pour les autres sous-officiers, officiers et officiers supérieurs.

Pour le personnel civil, le plan prévu est de 15, 9 millions d'euros. C'est là aussi le montant le plus élevé depuis plus de dix ans !

En dépit des réductions d'effectifs, le ministère de la défense demeure le premier recruteur de l'État avec près de 30 000 militaires et 2 000 civils recrutés chaque année.

Concernant les crédits d'équipement, vous avez été nombreux à m'interroger sur toute une série de programmes. Vous me pardonnerez donc si vous trouvez que ma réponse ressemble à un inventaire à la Prévert.

Messieurs Georges Othily et Michel Guerry, vous m'avez interrogé sur le porte-avions. Je le répète pour la dixième fois, les 3 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement permettront de financer le programme si la décision de lancer sa construction était prise à l'issue des travaux du Livre blanc. Ils ont donc été provisionnés dans un esprit « lolfien », cher au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. C'est le seul sens à donner à cette autorisation d'engagement.

S'agissant du NH 90, la commande de douze premiers appareils a été notifiée le 30 novembre dernier. L'affermissement de la tranche de vingt-deux appareils est prévu l'an prochain et figure à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2008. L'affermissement de la tranche suivante de trente-quatre appareils sera inscrit dans la prochaine loi de programmation militaire. Je vous le confirme, monsieur Xavier Pintat, le marché de rénovation des Cougar sera notifié dans les quinze derniers jours du mois de décembre.

Messieurs Yves Fréville et Xavier Pintat, notamment, vous m'avez interrogé sur le financement des frégates multimissions, les FREMM. Comme vous le savez, ce programme est financé à hauteur de six dix-neuvième de son coût en loi de finances initiale, le solde étant financé dans le collectif de fin d'année.

Le Gouvernement avait pensé initialement suivre cette voie encore pour la dernière année en 2007 avant de réintégrer l'intégralité du financement de ce programme dans la prochaine loi de programmation militaire. Au regard des effets induits par une telle procédure, notamment, comme vous l'avez souligné, des reports de crédits qu'elle génère inévitablement, puisque les crédits votés en collectif ne peuvent être dépensés immédiatement, il a été jugé plus rationnel d'y renoncer dès cette année. Notre prévision de report de crédits de 2007 sur 2008 est d'au moins du même montant que celui de 2006 sur 2007, soit 1, 5 milliard d'euros, sous réserve d'ajustements. Il aurait été peu judicieux d'y ajouter 339 millions d'euros au titre du financement des FREMM.

Cette décision de gestion financière n'a aucun impact sur le programme lui-même ; elle ne doit en aucun cas être interprétée comme une volonté de réduire le nombre de frégates, monsieur Jean-Pierre Godefroy. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de le dire. Le report de charges existe, en effet, monsieur Yves Fréville, car nous financerons bien évidemment les FREMM malgré l'absence de ces crédits, mais le volume de nos reports de crédits nous permettra d'y faire face dans le cadre des arbitrages qui seront à la base de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.

Le Barracuda, comme vous le savez, monsieur Jean-Pierre Godefroy, est destiné à remplacer sans rupture capacitaire les sous-marins nucléaires d'attaque de type Rubis. Pour l'instant, la loi de programmation militaire prévoit d'en réaliser six. La notification du premier marché a eu lieu le 21 décembre 2006. À partir de 2017, un bâtiment devrait entrer en service tous les deux ans.

Cela étant, compte tenu de l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation militaire, dans le cadre de la revue des programmes d'armement et dans l'attente des décisions du Président de la République et des conclusions du Livre blanc, il m'est impossible de vous dire précisément si nous allons en construire cinq ou six et à quel rythme. Mon souhait, en raison des contraintes capacitaires de ce programme, est que nous maintenions autant que possible les perspectives envisagées.

S'agissant de l'avion de transport A 400 M, messieurs Xavier Pintat et Philippe Nogrix, vous savez qu'EADS a confirmé un retard de six mois, avec un risque de glissement supplémentaire de six mois. Ces retards nous posent évidemment un problème majeur, car les armées ont besoin de ces avions pour assumer leurs contrats opérationnels en matière de transport tactique. Les solutions palliatives sont connues, et nous y avons d'ailleurs déjà recours dans un certain nombre de cas. Elles consistent en des contrats de location de capacités de transport gros porteurs à des opérateurs privés, mais ces solutions ne sont bien sûr pas extensibles à l'infini. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous serons très fermes sur le respect de ses obligations contractuelles par l'industriel. Reste qu'il y a des difficultés techniques importantes.

Quant au ravitailleur MRTT, la décision sera prise dans la future loi de programmation militaire.

Monsieur Xavier Pintat, vous m'avez interrogé sur l'espace.

Les crédits de paiement pour l'espace s'élèveront à 393 millions d'euros en 2008, soit moins que la loi de finances de 2007, mais plus que l'exécution réelle de ces dernières années. Les crédits effectivement consommés ont été de 370 millions d'euros par an, en moyenne, entre 2003 et 2006. Nous avons donc inscrit en loi de finances le montant des crédits que nous consommons généralement.

Dans ce domaine, notre effort de recherche technologique restera soutenu de manière à maintenir les compétences de nos industriels, qui comptent parmi les meilleurs au monde, comme vous le savez tous. Je peux vous assurer dès maintenant qu'il n'y aura pas de rupture capacitaire en matière d'observation spatiale.

Les travaux de préparation de la future capacité européenne d'observation spatiale, le programme MUSIS, sont actuellement menés en étroite collaboration avec nos partenaires. Lorsque je me suis rendu en Grèce, la semaine dernière, et en Belgique,

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

... il y a quinze jours, on m'a confirmé cette volonté de participer à ce projet. L'Espagne, l'Italie et l'Allemagne sont dans le même état d'esprit. L'une des priorités de la présidence française au deuxième semestre de 2008 sera de faire en sorte de développer une capacité d'observation - radar, optique, électromagnétique - la plus européenne possible afin de mutualiser ce programme.

Monsieur Didier Boulaud, vous m'avez interrogé sur l'accord communautaire relatif au financement de Galileo, qui est, comme vous le savez, un programme civil.

Mme Dominique Voynet s'exclame.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Je vous indique simplement que le financement complémentaire dû à l'acquisition patrimoniale - 2, 4 milliards d'euros - sera couvert par le budget communautaire moyennant, notamment, des redéploiements ne remettant en cause aucun autre projet européen. Je peux me réjouir de cet accord en tant qu'utilisateur futur de ce système.

Une attention particulière, monsieur Philippe Nogrix, sera portée au maintien de la disponibilité opérationnelle des matériels. C'est en effet un sujet majeur pour nos troupes, car cela conditionne beaucoup leur moral et leur enthousiasme.

Au-delà de la dotation de 3, 3 milliards d'euros, la démarche d'amélioration de l'efficacité de la dépense de maintien en condition opérationnelle sera poursuivie.

Des choses ont été faites, et vous les avez signalées - le MCO naval, la création du SIAé dont je viens de signer les arrêtés.

Il faut qu'un même effort soit entrepris au sein de l'armée de terre afin que nous ayons des services de maintien en condition opérationnelle qui soient interarmées et au service de l'ensemble du matériel.

Le chantier qui est devant nous est énorme. Il impose de mettre à plat les normes pour que les procédures soient identiques et que, d'une armée à l'autre, les approches soient les mêmes.

Je donnerai un seul exemple. Dans le cadre de l'interarmisation, j'ai demandé un rapport aux inspecteurs généraux des armées. J'ai constaté que lorsqu'un Puma de l'armée de l'air se posait à Villacoublay et que le mécanicien appartenait à l'armée de terre, ce dernier ne pouvait pas opérer sur l'appareil, car les procédures et les règles des deux armées ne sont pas les mêmes.

Ce genre de chose doit, à terme, disparaître pour que toutes les structures qui assurent le maintien en condition opérationnelle soient au service de l'ensemble de nos armées, quelle que soit la couleur de l'uniforme.

Concernant l'enveloppe des crédits pour la préparation de l'avenir, messieurs Pierre Laffitte et Didier Boulaud, nous maintenons nos crédits d'étude amont à hauteur de 640 millions d'euros.

En effet, l'effort entre l'Europe et les États-Unis est un rapport de un à six ; la France et le Royaume-Uni assurent à eux deux plus de 60 % de l'effort de recherche commun. Je puis au moins vous annoncer une bonne nouvelle : la semaine dernière, grâce au dialogue que nous avons entrepris avec nos amis britanniques, 6 millions d'euros supplémentaires ont été accordés à un nouveau programme de l'Agence européenne de défense, l'AED, concernant les drones.

Ce sujet sera un de ceux sur lesquels la présidence française pourra faire évoluer l'Europe de la défense, afin que nous soyons en mesure de maintenir notre base industrielle et technologique, que nous puissions, ensemble, européens, mener des programmes de recherche autour de l'AED pour que cette belle idée qu'a été l'accord de Saint-Malo entre Britanniques et Français puisse enfin trouver son envol.

Je veux répondre à Mme Michelle Demessine sur l'activité de l'armée de terre. Je ne sais pas d'où viennent ses informations, mais j'ai déjà répondu dix fois à cette question : la prévision de l'activité de l'armée de terre est de quatre-vingt-seize jours par homme, comme en 2006 et comme en 2007, dont quatre jours seront financés au titre des exercices multinationaux.

Messieurs Yves Fréville et Philippe Nogrix ont évoqué la problématique des carburants.

Nous devrions finir l'année 2007 sans trop de dommage grâce à un premier trimestre pendant lequel les cours étaient relativement bas et que les armées ont judicieusement mis à profit pour rehausser leurs stocks. Cependant, l'année 2008 s'annonce difficile si l'envolée des cours constatée depuis juillet se prolonge.

Monsieur Philippe Nogrix, l'année 2007 a confirmé la nécessité de disposer d'un instrument de couverture qui nous protège de la hausse des cours. Les courbes qui m'ont été remises sur ma demande montrent que le dispositif de couverture que nous avons mis en oeuvre nous sert aujourd'hui, compte tenu de la hausse des prix du brut.

Le maintien de l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, au-delà du 31 décembre 2008 est une condition indispensable à l'équilibre global du système.

S'agissant de l'externalisation, monsieur Philippe Nogrix, j'adopterai une attitude pragmatique. Je ne suis pas un adepte du « tout externalisation ». Un certain nombre de choses doivent être externalisées si c'est utile et si des économies peuvent être réalisées.

Ce type de formule a connu des réussites, comme l'enseignement au pilotage des avions de l'école de Cognac ou l'externalisation de la flotte des véhicules de la gamme commerciale.

Quoi qu'il en soit, en matière d'externalisation, je souhaite que l'on aborde l'ensemble des problématiques et que l'on ne se contente pas de reporter sur l'avenir un certain nombre de charges. Si nous décidons d'aller vers un peu plus d'externalisation, il faudra que nous puissions neutraliser les effets de la TVA, comme l'a fait le ministère britannique de la défense.

Je veux également aborder la question du financement des OPEX en loi de finances initiale.

Comme l'ont indiqué les rapporteurs spéciaux et un certain nombre d'orateurs - je pense à M. André Dulait -, nous avons inscrit cette année 375 millions d'euros dans le projet de budget pour 2008, auxquels s'ajouteront 100 millions d'euros décidés par le Premier ministre il y a huit jours et qui seront donc inscrits au moment de la seconde délibération. J'imagine que cette décision est en mesure d'être appréciée par M. le président de la commission des finances qui avait évoqué ce sujet lors de mon audition.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

J'aborderai également un certain nombre de sujets qui ont été évoqués par les différents intervenants.

Nous avons essayé d'inscrire la politique du ministère de la défense dans l'ensemble des politiques publiques. Vous avez parlé, par exemple, de l'environnement, et je vous remercie des précisions que vous avez apportées, monsieur Georges Othily. Nous avons décidé de nous inscrire dans une politique de développement durable, sans, bien entendu, remettre en cause les capacités opérationnelles de nos armées, car elles constituent le coeur de notre métier.

Nous disposons de tous les moyens nécessaires, pour le développement de l'éco-industrie, pour faire en sorte que nos commandes publiques soient davantage dédiées au développement durable et que, au travers de nos bâtiments, de nos casernements, de nos logements, nous participions aux économies d'énergie.

Dans ce cadre, quatre implantations de nos armées - l'École polytechnique et une implantation par armée - feront l'objet d'un bilan énergétique et environnemental complet au cours du premier semestre de 2008. Ensuite, un programme complet sera conduit pour montrer à l'ensemble du ministère de la défense que nous pouvons faire beaucoup en ce domaine et que nous pouvons donner l'exemple à l'ensemble du pays.

Le deuxième sujet abordé par M. Pierre Laffitte concernait les PME. Nous avons lancé un plan en leur faveur - je l'ai présenté ce midi même à la presse. Parmi les mesures de ce plan, figurent les délais de paiement.

Nous allons faire en sorte que les délais de paiement qui sont accordés aux grands donneurs d'ordre soient exactement les mêmes pour les PME lorsque ces grands donneurs d'ordre s'adressent à leurs sous-traitants.

Par ailleurs, nous allons rendre les plans d'étude amont beaucoup plus accessibles aux PME, qui sont souvent des trésors d'innovation, d'intelligence et de réactivité.

La question de l'égalité des chances a également été abordée.

C'est un sujet sur lequel nous mènerons un certain nombre d'expériences, en sachant que le ministère de la défense, monsieur André Dulait, est probablement l'institution où l'égalité des chances via la capacité de promotion est la plus importante. On oublie, en effet, souvent que 50 % des sous-officiers sont issus des militaires du rang et que 50 % des officiers sont d'anciens sous-officiers.

Il existe donc déjà au sein de l'armée française une vraie tradition d'ascenseur social. C'est probablement la dernière institution où, si l'on s'en donne la peine, on peut franchir des étapes et accéder à d'autres responsabilités.

J'ai néanmoins présenté un plan il y a trois mois. Un bilan a été fait la semaine dernière : tout se met en place comme nous le souhaitions.

Nous instaurerons, par exemple, un tutorat entre les élèves des grandes écoles militaires et les jeunes de lycées situés dans les zones sensibles et dans les zones rurales, là où l'idée d'accéder à une grande école militaire paraît absolument impossible.

Nous créerons des classes tampon dans les lycées militaires pour offrir à ces jeunes la possibilité d'accéder à un certain niveau de culture et d'acquérir les connaissances leur permettant de se présenter aux concours d'entrée des écoles préparatoires à égalité de chance avec les enfants de familles plus favorisées.

Même si nous maintenons la proportion des 70 % pour le personnel militaire, nous ouvrons les lycées militaires aux enfants de familles de condition modeste. Nous rouvrons également le lycée militaire de Strasbourg - qui avait été fermé en 1984 -, afin de permettre au personnel civil de la défense de passer le baccalauréat dans le cadre d'un parcours professionnel et de pouvoir progresser dans leur carrière.

Par ailleurs, nous avons décidé de développer les préparations militaires ainsi que les cadets de la défense, sorte d'encadrement notamment des activités sportives. Nous avons mené les premières expériences et les régiments qui se sont engagés dans cette voie le font avec beaucoup d'enthousiasme. Le chef d'état-major de l'armée de terre, avec lequel j'ai évoqué ce point la semaine dernière, m'a dit que tout se déroulait de façon remarquable.

Je profite de l'occasion pour indiquer à M. François Trucy que nous avons consacré 72 millions d'euros pour offrir des locaux aux établissements chargés de mettre en oeuvre la politique du dispositif « Défense deuxième chance ».

Je vous rappelle néanmoins que, malgré son nom, ce dispositif dépend non pas du ministère de la défense, mais du ministère de l'économie et des finances au titre des aides à l'emploi. Je n'entends pas que le budget de la défense, dont certains ont estimé qu'il était tendu, participe à ce qui ne relève pas directement du ministère de la défense.

Concernant les exportations d'armement, madame Dominique Voynet, je suis en contradiction totale avec vous.

Nous avons mis cinquante ans à construire une industrie de défense, qui figure parmi les plus remarquables au monde. C'est un trésor de technologie, une pointe de diamant exceptionnelle.

Cette industrie de défense, c'est l'effort d'un pays durant des décennies. Nous pouvons la maintenir et préserver les 250 000 à 300 000 emplois qu'elle représente seulement si nous sommes en mesure, dans un marché en extension - le monde entier se réarme à l'heure actuelle - de maintenir nos parts à l'exportation. Or nos parts sont en train de diminuer, en part relative j'entends, puisque nous sommes aujourd'hui quasiment devancés par les Israéliens.

Madame la sénatrice, on peut toujours rêver d'un monde sans armement, mais, malheureusement, ce monde idéal n'existe pas.

Il nous appartient de soutenir l'industrie de défense pour lui permettre, d'une part, de développer nos propres programmes - bien entendu, la vente de programmes à l'étranger diminue le coût de nos propres séries - et, d'autre part, de pérenniser l'effort industriel.

Pourquoi cette charge incombe-t-elle au ministère de la défense ? Tout simplement parce qu'il exerce la tutelle des établissements concernés. A priori, nous connaissons mieux que quiconque les programmes développés par l'industrie de défense. Nous connaissons éventuellement mieux les risques stratégiques qui pourraient découler de la vente de tel ou tel matériel à l'exportation.

Par ailleurs, un contrôle est assuré par une commission interministérielle présidée par le Secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, donc par les services du Premier ministre, et à laquelle participent le ministère des affaires étrangères, le ministère de la défense, le ministère de l'économie et des finances, ainsi qu'un représentant de l'Élysée.

En ce qui concerne la question des exportations d'armement, une administration ou un ministère est donc chargé de soutenir cette industrie de défense et le contrôle revient à une instance collégiale placée sous l'autorité du Premier ministre.

Il y a, en matière d'exportation, quatre sujets sur lesquels nous devons progresser.

D'abord, nous devons améliorer les délais d'instruction des autorisations d'exportation. Les PME françaises nous indiquent que nos délais sont largement plus longs qu'en Allemagne et au Royaume-Unis. Nous devons donc réfléchir sur les conditions des exportations au sein de l'Union européenne, notamment pour un certain nombre de pays.

Ensuite, il n'y a aucune raison que les règles et les procédures pour exporter du matériel au sein de l'Union européenne, parfois entre deux filiales d'un même groupe, soient les mêmes que lorsque nous exportons des produits dans des pays dits « sensibles ».

En outre, il nous faut aider davantage les PME dans leurs efforts à l'exportation.

Enfin, nous devons réfléchir à la nomenclature en matière d'exportation.

Lorsque vous décidez de vendre des essuie-glaces d'une 504 qui sont peints en vert parce qu'ils sont installés sur des véhicules Panhard, la commission interministérielle des exportations des matériels de guerre, CIEMG, est la même que lorsqu'il s'agit de vendre un programme d'armement complet.

C'est donc un sujet majeur, lourd, pour le soutien à l'industrie de défense française et j'entends bien m'y consacrer.

Enfin, je souhaite aborder deux sujets : la participation de la défense à la construction européenne et l'OTAN.

Sur la construction européenne, la priorité de la France est, dans le cadre de la présidence française, de donner un nouvel élan à l'Europe de la défense. Sur ce sujet, permettez-moi de vous livrer quelques-unes des pistes que nous avons présentées à nos partenaires européens.

Comme vous le savez, c'est non pas au moment de la présidence que les choses se font mais en amont. Au moment de la présidence, vous êtes dans le consensus. Il faut donc faire progresser vos idées avant d'assumer la présidence de manière qu'elles puissent ensuite aboutir.

Parmi les propositions que j'ai formulées, la première est de doter l'Europe d'un centre de planification et de commandement autonome. L'Europe doit pouvoir mener par elle-même des opérations qui la concernent directement ou qui se situent sur ses théâtres naturels d'intervention.

La deuxième piste dont j'ai parlé est le développement de capacités militaires européennes, je pense, par exemple, aux satellites d'observation.

Une troisième piste est l'engagement d'une politique de formation commune, dotée d'un tronc commun, un « Erasmus militaire », en quelque sorte.

Une quatrième idée a trait à la mise en place d'un plan d'évacuation des ressortissants des États membres, de manière à être mieux coordonnés et plus efficaces en cas de crise.

La priorité, c'est le développement de l'Europe de la défense. Il y a aujourd'hui, de toute évidence, un manque de souffle sur cette question et il est donc nécessaire de relancer ce projet. Toutefois, l'Europe de la défense ne pourra pas se construire contre l'OTAN. Si vous évoquez la question en estimant que l'Europe de la défense s'oppose à l'OTAN ou cherche à l'affaiblir, nous ne progresserons jamais sur ce sujet.

La position française est donc simple : nous voulons faire progresser l'Europe de la défense non pas en nous opposant à l'OTAN mais de façon complémentaire avec elle, afin que nos partenaires européens acceptent ce développement.

Pour la plupart de nos partenaires européens, l'Europe de la défense, dès l'origine, a souvent été vécue comme contradictoire ou en opposition avec l'OTAN. Dès lors que nous affichons clairement que l'OTAN est un système de sécurité collectif qui a ses responsabilités, qui permet d'assurer la stabilité et la sécurité du continent européen, nous pouvons progresser sur l'Europe de la défense. Si nous sommes perçus comme voulant opposer l'une à l'autre, nous n'y parviendrons pas. Il n'y a donc pas de « course à l'OTAN ». Il y a, au contraire, la volonté de faire en sorte que, par une clarification des positions, l'Europe de la défense puisse avancer.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission dont, je l'espère, vous allez tout à l'heure adopter les crédits, s'adresse aux hommes et aux femmes qui servent au ministère de la défense. Je suis certain que, comme moi, vous vous associerez, et la nation avec vous, à l'hommage que nous devons rendre à nos militaires qui ont fait le choix de servir la France, parfois au risque de leur vie.

En votant ce budget, vous apporterez votre soutien à une institution placée au coeur de la vie sociale, industrielle, économique de notre pays et qui nous rend un service indispensable : la défense, la sécurité, ainsi que la souveraineté de notre pays.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l'état B.

§(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Défense

Environnement et prospective de la politique de défense

Dont titre 2

498 411 666

498 411 666

Préparation et emploi des forces

Dont titre 2

15 142 211 280

15 142 211 280

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2

1 757 159 385

1 757 159 385

Équipement des forces

Dont titre 2

892 448 182

892 448 182

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° II-108, présenté par M. Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2

Préparation et emploi des forcesDont Titre 2

Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2

Équipement des forcesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Cet amendement, auquel j'ai fait allusion lors de la discussion générale, a pour objet de réduire les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de l'action 04 - sous-action 42 - du programme 212, qui prévoit le financement du transfert de l'état-major de l'armée de terre à l'École militaire de Paris.

J'avais déjà déposé un amendement similaire l'année dernière mais, devant la totale opposition de votre prédécesseur, monsieur le ministre, je l'avais retiré.

Je présenterai deux arguments, qui me paraissent justifier cette proposition et que j'exprime en tant qu'élu local de Paris.

Le viie arrondissement est celui des ministères, de Matignon. Ces ministères, Matignon lui-même, sont installés dans des hôtels particuliers très anciens appartenant à de vieilles familles qui ont fait l'Histoire. Outre leur beauté et leur intérêt historique, ces hôtels particuliers contribuent à l'image du pouvoir que les ministères représentent.

Depuis une trentaine d'années, compte tenu de l'éclatement des structures administratives, ces constructions ne sont plus suffisantes. De grands ministères ont pris conscience de cette situation. Ainsi, l'équipement a déménagé mais il a gardé dans le viie arrondissement son hôtel particulier, qui lui permet d'afficher sa puissance. Les affaires étrangères s'apprêtent également à s'excentrer.

Le ministère de la santé s'est installé de façon un peu brutale avenue de Ségur. Deux grands ministères n'ont pas bougé : celui de l'éducation nationale, auquel j'appartenais d'ailleurs avant d'être sénateur, et celui de la défense.

Le viie arrondissement, c'est le quartier de l'armée, plus que celui de Matignon. Les habitants en sont très fiers. L'axe qui part du Trocadéro, descend vers la tour Eiffel, le Champ de Mars et l'École militaire constitue un ensemble de lieux auxquels, depuis toujours, nous avons souhaité redonner leur vocation historique.

Malraux a voulu faire des Invalides un lieu de mémoire militaire. Il avait fallu insister auprès de l'armée pour qu'elle accepte de quitter ce lieu extraordinaire. Nous rencontrons actuellement le même problème avec l'École militaire. L'armée de terre, pour différentes raisons que je ne vais pas expliciter, souhaite investir ce lieu historique ; je crois même qu'elle veut édifier un bâtiment supplémentaire. Cette décision me paraît néanmoins inopportune.

À ce premier argument, s'ajoute un second.

Très peu de lieux à Paris sont susceptibles d'accueillir les grandes écoles. Nos grandes écoles civiles se sont affaiblies parce qu'elles ont quitté Paris. Elles restent de grandes écoles françaises mais non plus internationales parce qu'elles ont quitté ce lieu mythique qu'est Paris. Le problème est que les élites internationales viennent à Paris et non ailleurs, c'est malheureux, mais c'est ainsi. Si l'on souhaite, au sein du ministère de la défense, créer une grande école européenne de la défense - c'est bien sûr au ministre, au Président de la République et à l'armée d'en décider -, on a intérêt à conserver à ce lieu mythique qu'est l'École militaire sa vocation d'éducation.

Telle est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Cet amendement a pour objet de réduire de 10 millions d'euros les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de l'action 04 - sous-action 42 - du programme 212 et de contester la décision, incertaine selon son auteur, de transférer l'état-major de l'armée de terre de l'îlot Saint-Germain, qui est en cours de réorganisation, à l'École militaire de Paris.

La commission n'a pas examiné cet amendement. Cependant, il l'a été, ici même, dans des termes à peu près similaires l'année dernière. Il avait été dit que ce transfert permettait de conserver, d'une part, le caractère architectural de l'École militaire

M. Yves Pozzo di Borgo fait un signe de dénégation

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Monsieur le sénateur, je souhaite que vous retiriez votre amendement afin de préserver les 10 millions d'euros de crédits d'infrastructures dont le ministère de la défense a tellement besoin. Ce programme a été gelé sur ma décision dans l'attente des conclusions de la révision générale des politiques publiques. Il n'est donc pas question pour le moment que nous lancions des travaux.

Sans pouvoir vous en dire plus pour le moment, je souligne que d'autres hypothèses sont à l'étude et qu'elles sont de nature à vous rassurer pleinement, car il est probable que l'armée de terre s'installera dans un autre lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° II-108 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

La réponse de M. le ministre me donnant beaucoup d'espoir, je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° II-108 est retiré.

L'amendement n° II-29, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2

Préparation et emploi des forcesDont Titre 2

Soutien de la politique de la défenseDont Titre 2

Équipement des forcesDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Monsieur le ministre, il s'agit là d'une question de principe que la commission des finances avait déjà soulevée de la même manière l'an dernier.

En effet, en ce qui concerne le financement des OPEX - dont on a surabondamment parlé ce soir encore - une inscription de crédits est prévue, alors que rien n'est prévu pour le financement des OPINT. Bien entendu, il n'est pas question de comparer le volume des crédits des OPEX, qui sont évalués à 681 millions d'euros en 2007, avec celui des OPINT. Pourtant, il s'agit là de deux obligations qui, même si elles ne sont pas de même nature ni de même taille, sont tout aussi importantes.

L'inscription d'un budget de 90 000 euros au profit des OPINT que la commission des finances vous propose satisfait donc à une mesure de principe, puisque, dès lors qu'il existe une mission, il faut qu'il y ait des crédits. Tel est l'esprit dans lequel cet amendement a été déposé.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Je suis favorable à cet amendement afin d'aller dans le sens vertueux auquel, chaque année, le Sénat nous invite.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49 :

Nombre de votants328Nombre de suffrages exprimés327Majorité absolue des suffrages exprimés164Pour l'adoption201Contre 126Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

J'appelle en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels et qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° II-30, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les résultats des expérimentations menées pour la mise en oeuvre du nouveau régime dérogatoire d'avance de trésorerie dite avance « activité des forces », dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi.

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Défense

La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Les forces armées connaissent ce que l'on appelle les « dépenses à bon compte et fonds d'avance », dont le montant total s'élevait à 10, 5 milliards d'euros. C'est une procédure héritée de l'Ancien Régime : le colonel partait avec ses fonds, qu'il utilisait de manière assez souple et assez libre.

Aujourd'hui, cette procédure a été bien entendu modifiée : les avances de trésorerie pour la solde ont été régularisées, ainsi que les avances pour l'alimentation. Reste ce que l'on appelle le système des « masses », qui donne une certaine souplesse dans l'utilisation des fonds. Qui dit souplesse dit avantages, mais aussi inconvénients, y compris au regard de la LOLF.

Le ministère est en train de réformer ce système, de façon intelligente puisqu'il le fait essentiellement en suivant une méthode expérimentale. Nous avons d'ailleurs rendu visite à deux unités qui appliquent cette réforme.

Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous puissiez nous présenter un rapport sur les résultats de cette expérimentation, afin de vérifier que la LOLF est bien respectée, la souplesse obtenue et les contrôles nécessaires réalisés.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Une réforme du système est en effet en cours, sur la demande de la Cour des comptes. Nous la menons sous la forme d'une expérimentation qui aura lieu au cours de l'année 2008.

Je veux bien émettre un avis favorable sur cet amendement, mais je risque de ne pas pouvoir vous remettre un rapport avant le dernier trimestre de l'année 2008, puisque l'expérimentation ne se terminera qu'à la fin de l'année prochaine.

Monsieur le rapporteur spécial, si vous en étiez d'accord, nous pourrions convenir de nous rencontrer, afin que vous procédiez vous-même à l'évaluation de la situation, compte tenu des pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place qui sont les vôtres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Monsieur le ministre, je vous propose de rectifier mon amendement en remplaçant les mots : « dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi » par les mots : « à la fin de la période d'expérimentation ».

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Dans ces conditions, j'émets un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Je suis donc saisi d'un amendement n° II-30 rectifié, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

I. Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport présentant les résultats des expérimentations menées pour la mise en oeuvre du nouveau régime dérogatoire d'avance de trésorerie dite avance « activité des forces », à la fin de l'expérimentation.

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Défense

Je mets aux voix l'amendement n° II-30 rectifié.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 quater.

L'amendement n° II-31 rectifié, présenté par MM. Fréville et Trucy, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement transmet au Parlement chaque année, avant le 30 juin, l'état pluriannuel actualisé des besoins de financement dans le domaine des équipements de la défense.

La parole est à M. Yves Fréville, rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

La LOLF ne traite de la pluriannualité que sous un angle purement juridique. Or le Parlement a souvent besoin d'avoir une vision, sinon définitive, du moins indicative, de l'évolution des crédits d'équipement.

La commission des finances a apprécié l'effort qui a été accompli dans le « bleu » budgétaire de cette année, où la vision de l'échéancier des paiements en matière d'équipements est améliorée. Ces programmes d'équipement durent parfois une vingtaine d'années ; je pense par exemple au programme des FREMM.

L'année dernière, le Parlement avait voté un amendement présenté par la commission des finances, devenu l'article 104 de la loi de finances pour 2007, qui prévoyait que le Gouvernement informerait les commissions des finances de l'échéancier des paiements des grands programmes d'équipement dépassant un milliard d'euros - l'échelle était considérable -, sous réserve, bien entendu, du respect du secret-défense.

En 2008, nous souhaiterions aller plus loin et disposer d'un échéancier plus global, cette notion étant discutée avec les commissions des finances, de manière à avoir une vision de l'échéancier pluriannuel des dépenses d'équipement. À l'évidence, cet échéancier serait purement indicatif et n'aurait pas de valeur juridique, mais il apporterait aux commissions des finances et, par là même, à l'ensemble du Parlement, les éléments qui ont fait défaut cette année.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Monsieur le rapporteur spécial, nous allons vous donner plus que satisfaction sur cette question.

En premier lieu, je pense que nous devons évoluer vers une programmation glissante. En effet, il me paraît nécessaire de disposer d'une actualisation de notre loi de programmation au fur et à mesure de l'évolution des programmes, des nécessités opérationnelles, etc.

En second lieu - la question est encore en cours de discussion au sein du Gouvernement - je souhaite que nous nous orientions vers un budget triennal, c'est-à-dire que nous puissions disposer, dans le cadre du vote du budget annuel, d'une projection sur trois ans, qui nous donnerait une vraie perspective budgétaire.

J'espère présenter au Parlement, au printemps prochain, une loi de programmation glissante. J'espère aussi que le budget pour 2009, en conservant la construction annuelle qui résulte du cadre légal et constitutionnel dans lequel nous évoluons, comportera également une projection sur trois ans.

Compte tenu de tous ces éléments, il me semble que vous pourriez retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. Pour glisser, ça va glisser !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Monsieur Fréville, l'amendement n° II-31 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Fréville

Les propos de M. le ministre répondent à nos interrogations. Il est certain que si nous disposons d'une programmation glissante, d'une part, et d'une programmation par tranches de trois ans, d'autre part, cet amendement sera satisfait.

Par conséquent, si M. le président de la commission des finances en est d'accord, j'accepte de retirer cet amendement.

M. le président de la commission des finances fait un signe d'approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

L'amendement n° II-31 rectifié est retiré.

L'amendement n° II-62, présenté par Mme Rozier, MM. Barraux et Doligé et Mmes Henneron et Procaccia, est ainsi libellé :

Après l'article 41 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation aux dispositions du VI de l'article 108 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, la durée d'application des dispositions de l'article 244 quater N du code général des impôts est prorogée jusqu'au 31 décembre 2008.

Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Janine Rozier.

Debut de section - PermalienPhoto de Janine Rozier

L'établissement d'un crédit d'impôt en faveur des entreprises qui favorisent la participation à des activités de réserve opérationnelle s'est avéré constituer un élément déterminant d'incitation à ce partenariat, en apportant une contrepartie très attendue par les employeurs.

Pour pouvoir prétendre au bénéfice du crédit d'impôt, les entreprises doivent soit autoriser une absence pour activités militaires d'une durée annuelle cumulée de plus de cinq jours ouvrés, soit accepter un préavis d'absence inférieur à un mois.

Dans tous les cas, il faut que tout ou partie du salaire du réserviste soit maintenu, le crédit d'impôt accordé étant égal à 25 % de la différence entre le salaire brut journalier versé au salarié réserviste et la solde journalière qu'il perçoit de l'employeur militaire pendant la même période. Le montant du salaire brut journalier retenu pour le calcul est plafonné à 200 euros par salarié.

Cet amendement tend donc à insérer un article additionnel après l'article 41 quater, tout en sachant, bien sûr, que l'équilibre budgétaire serait respecté.

Debut de section - PermalienPhoto de François Trucy

Notre collègue a bien présenté le problème. Elle a raison sur deux plans.

Tout d'abord, il s'agit d'un soutien à la politique des réserves. Celle-ci fonctionne bien ; elle est essentielle comme complément de la professionnalisation.

Ensuite, il s'agit d'entretenir le lien armées-nation, qui a toujours besoin d'être soutenu.

La commission a donc émis un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je souhaite répondre à Mme Demessine, qui s'interroge sur la recevabilité de cet amendement au regard de l'article 40 de la Constitution.

Ma chère collègue, cet amendement est recevable parce que la déduction fiscale ne peut s'imputer que sur l'impôt dû. Il serait irrecevable s'il instaurait un crédit d'impôt, c'est-à-dire si certains contribuables, qui ne paieraient pas suffisamment d'impôt pour absorber ce crédit, devaient se voir rembourser la différence. Dans ce second cas, l'amendement créerait bel et bien une dépense budgétaire. Tel n'est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je reste à la disposition de votre groupe pour une séance pédagogique sur l'article 40 !

Sourires

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Madame Rozier, votre amendement me paraît tout à fait excellent. En effet, les réservistes jouent un rôle essentiel au sein de nos forces armées.

Nous avons un plan de développement des réserves. On compte aujourd'hui environ 68 000 réservistes, à raison de 25 ou 27 jours par an. Ils rendent des services irremplaçables, tant dans les opérations extérieures que sur le territoire national, et notamment dans la gendarmerie. Celles et ceux d'entre vous dont les départements comportent des zones de forte fréquentation touristique savent à quel point les réservistes constituent un appui essentiel pour le fonctionnement des forces de gendarmerie.

Le maintien de ce dispositif en 2008 me semble une très bonne initiative et je lève le gage, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Il s'agit donc de l'amendement n° II-62 rectifié.

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 41 quater.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- a) Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

- b) Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3711 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil introduisant des préférences commerciales autonomes pour la Moldavie et portant modification du règlement (CE) n° 980/2005 et de la décision 2005/924/CE de la Commission.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3712 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- a) Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'État d'Israël, d'autre part, concernant un accord-cadre entre la Communauté européenne et l'État d'Israël relatif aux principes généraux de la participation de l'État d'Israël aux programmes communautaires.

- b) Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole à l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et l'État d'Israël, d'autre part, concernant un accord-cadre entre la Communauté européenne et l'État d'Israël relatif aux principes généraux de la participation de l'État d'Israël aux programmes communautaires.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3713 et distribué.

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1207/2001 relatif aux procédures prévues par les dispositions régissant les échanges préférentiels entre la Communauté européenne et certains pays et destinées à faciliter la délivrance ou l'établissement, dans la Communauté, des preuves de l'origine et la délivrance de certaines autorisations d'exportateurs agréés.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3714 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Richert

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 4 décembre 2007, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (90, 2007-2008).

Rapport (91, 2007-2008) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.

Examen des missions :

- Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (+ article 41, 41 bis et 41 ter).

Compte spécial : développement agricole et rural.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 3) ;

MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau et Alain Gérard, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 93, tome I).

- Culture

Compte spécial : cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial (rapport n° 91, annexe n° 7) ;

MM. Philippe Nachbar et Serge Lagauche, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome III).

M. Serge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 92, tome IX).

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée le mardi 4 décembre 2007, à zéro heure quarante-cinq.