Intervention de Jean-Pierre Vial

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 31 octobre 2018 à 9h15
Contrat d'objectifs et de moyens de l'agence française de développement — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, co-rapporteur :

L'article premier de la loi de 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat prévoit que celui-ci conclut une convention pluriannuelle avec les établissements publics contribuant à l'action extérieure de la France.

Conformément à ce même article, le projet du troisième contrat d'objectifs et de moyens entre l'Etat et l'agence française de développement (AFD) nous a été transmis pour que nous puissions, dans un délai de six semaines, émettre un avis.

Je vais d'abord faire un point rapide sur la situation de l'AFD, qui a connu d'importantes évolutions ces dernières années.

Créée pendant la Seconde guerre mondiale, l'AFD est un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui contribue, d'une part, à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'Etat à l'étranger, d'autre part, au développement des départements et collectivités d'outre-mer.

L'AFD, qui est à la fois une banque de développement et une agence de coopération, est désormais le principal acteur de la politique française d'aide au développement. En effet, ses engagements financiers ont progressé de manière spectaculaire ces dernières années : de 1,8 milliard d'euros en 2004, ils sont passés à 10,3 milliards en 2017, soit quasiment une multiplication par 6 en 13 ans. Le groupe AFD a ainsi atteint une taille financière significative, puisque le total consolidé de son bilan s'élevait à près de 40 milliards d'euros à la fin de 2017, en progression de 55% par rapport au début du dernier COM, en 2013.

Cette progression considérable provient quasi-uniquement du développement de l'octroi de prêts.

En effet, les subventions et dons sont restés globalement stables, autour de 1 milliard d'euros annuels depuis 10 ans. Si l'on ne prend en compte que les « dons-projets », en excluant notamment des « contrats de désendettement et de développement » qui sont un instrument très particulier, ces dons-projets se montent à environ 280 millions d'euros annuels depuis 2013 : cela fait très peu pour chaque pays bénéficiaire ! Ces dons-projets sont toutefois passés à 400 millions d'euros en 2017 et vont encore beaucoup augmenter, nous y reviendrons.

Les prêts, pour leur part, ont progressé de 40% depuis le début du dernier COM. Plus précisément, tandis que les prêts bonifiés s'élèvent à 2,7 milliards d'euros, les prêts non bonifiés se montent à 2,9 milliards.

Or les prêts, qui plus est quand ils ne sont pas bonifiés, ne peuvent pas bénéficier aux pays les plus pauvres, mais seulement aux pays émergents.

Certes, en ce qui concerne la répartition géographique de l'activité de l'AFD, l'Afrique représente 50%. Mais si l'on va un peu plus loin dans l'analyse, l'ensemble des seize pays prioritaires définis par la France, tous situés en Afrique, ne représentaient en 2017 que 7,2% des engagements de l'AFD à l'étranger!

La liste des dix premiers pays d'intervention de l'AFD comporte ainsi surtout des émergents : ce sont dans l'ordre le Maroc, l'Indonésie, la Tunisie, le Mexique, la Colombie, l'Égypte, le Brésil, le Vietnam, le Cameroun, la Chine. L'Inde, la Turquie ou encore la Jordanie sont également bien placées.

L'AFD était donc jusqu'à aujourd'hui avant tout une banque de développement pour des pays à revenus intermédiaires. La forte remontée des dons va cependant permettre à l'agence de toucher davantage les pays pauvres, ce dont nous nous félicitons.

J'en viens au présent contrat d'objectifs et de moyens. Première remarque, on peut regretter que ce COM soit établi pour la période 2017-2019. On ne nous demande donc notre avis que pour la fin de 2018 et l'année 2019. Pourquoi cette situation paradoxale ? Deux raisons. D'abord, le nouveau Gouvernement issu des élections de juin 2017 a souhaité le modifier pour y intégrer ses nouvelles priorités. Ensuite, il a été décidé de procéder en deux temps : d'abord une mise à jour du précédent COM par le document que nous examinons aujourd'hui, puis un nouveau COM pour la période 2020-2022, qui tiendra compte de la nouvelle loi d'orientation sur le développement devant être présentée courant 2019.

Deuxième remarque, bien que nous l'ayons attendu longtemps, ce projet de COM ne semble malheureusement pas totalement abouti. Il comporte ainsi plusieurs indicateurs dénués de cible chiffrée, soit que les méthodes même d'évaluation soient encore en cours d'élaboration, soit que les chiffres ne soient pas encore arbitrés à ce jour, comme celui des effectifs de l'AFD en 2019. Enfin, la partie relative aux moyens dont disposera l'AFD de la part de l'Etat est bien trop succincte. Espérons que la discussion budgétaire nous permettra d'obtenir des éléments complémentaires !

Je souhaite enfin souligner que ce COM se présente davantage sous la forme d'une compilation un peu hétéroclite d'objectifs inspirés du consensus international sur l'aide au développement, que comme un document stratégique cohérent. Ceci vient du fait que le COM n'est en réalité que la mise en application d'autres textes, eux-mêmes peu stratégiques : la loi d'orientation et de programmation de 2014, mais surtout les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 mars 2018, ainsi que le plan d'orientations stratégiques de l'AFD qui vient d'être publié et qui, paradoxalement, détermine l'activité de l'agence jusqu'en 2022 alors que le COM s'arrête à 2019 !

Bref, l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui est assez formel ! Espérons que l'examen de la future nouvelle loi d'orientation et de programmation soit enfin l'occasion d'élaborer une doctrine claire et solide pour l'APD française.

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