Grâce à la ténacité de Michèle Alliot-Marie et à la détermination de Jacques Chirac, à qui je souhaite rendre hommage aujourd'hui, un effort constant, nécessaire et indispensable, a été accompli pour relever le niveau d'équipement et de disponibilité opérationnelle du matériel. Après les phases de lancement et d'étude de ces programmes d'équipement, nous en arrivons aux périodes de fabrication et de livraison, ce qui rend bien entendu l'exercice difficile. Mais nous saurons le relever.
Il est aussi exact que, malgré la bonne exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 sur le plan des ressources, il a fallu procéder à des ajustements très significatifs en termes de besoins. Comme l'a noté M. Yves Fréville, 7, 5 milliards d'euros ont dû être inscrits dans les budgets.
L'agrégat nucléaire a bénéficié d'un abondement de 1, 5 milliard d'euros pour faire face à la dérive des coûts de certains programmes.
Les crédits de maintenance - MCO - ont dû être augmentés d'un montant à peu près équivalent. Cela pose d'ailleurs la question de la conception des programmes d'armement. À l'avenir, la discussion d'un programme devrait associer, outre l'état-major des armées et la délégation générale pour l'armement, un troisième interlocuteur, qui pourrait être la direction des affaires financières du ministère, afin d'intégrer des problématiques de coût, d'analyse de la valeur, d'économétrie. Le séquençage des programmes d'armement nous permettrait de vérifier régulièrement leur adaptation à nos besoins, leur rapport coût-efficacité et leur faisabilité budgétaire. C'est en tout cas la proposition que j'ai faite au Président de la République.
Je souhaite, monsieur Yves Fréville, que cette nouvelle modalité de développement des programmes soit intégrée au sein d'un comité d'investissement, présidé par le ministre. La nécessité de chaque programme pourra ainsi faire l'objet d'une vraie discussion. Nous devons tenir compte des coûts à la fois d'acquisition et de développement, mais aussi de maintien en condition opérationnelle des programmes. Ces deux éléments font partie intégrante de la problématique du développement des programmes.
Pour en revenir aux ajustements, des besoins opérationnels nouveaux sont apparus, notamment la lutte contre les engins explosifs improvisés, ce qui nous a coûté 700 millions d'euros.
Par ailleurs, comme vous le savez, des besoins de trésorerie concernant le programme Rafale avaient été sous-estimés.
Au total, ce sont donc près de 7, 5 milliards d'euros de dépenses qui n'avaient pas été prévues dans la loi de programmation militaire.
Cette loi de programmation militaire, pour la première fois depuis une trentaine d'années, a cependant été appliquée en totalité, ce qui mérite d'être souligné.
Avec un niveau de ressources de l'ordre de 2 % du PIB, l'enjeu pour la défense sera à la fois de maintenir la cohérence d'ensemble de ses capacités, de garantir les normes d'activité et d'entraînement, et de continuer à améliorer la condition militaire.
Atteindre ces objectifs implique nécessairement de réévaluer nos choix capacitaires - c'est tout le travail de la revue des programmes d'armement - et de mener de nouvelles transformations de l'organisation et des implantations de nos armées, notamment en resserrant notre dispositif de soutien et d'administration au profit des unités opérationnelles, comme l'a relevé M. Dulait en évoquant les schémas d'implantation de nos forces.
C'est tout l'enjeu et le sens des grands chantiers qui sont en cours : le Livre blanc, qui porte sur l'analyse des menaces, sur la stratégie de défense de notre pays, sur les missions de nos forces armées, sur le modèle et les moyens dont nous avons besoin ; la revue des programmes d'armement ; la révision générale des politiques publiques.
Le Président de la République a souhaité que la commission du Livre blanc travaille sans tabous ni préjugés. Je me permets de vous indiquer, madame Voynet, que seuls dix des trente membres de cette commission appartiennent au monde de la défense - je peux vous en communiquer la liste, si vous le souhaitez. Par ailleurs, c'est la première fois qu'une telle commission comprend des parlementaires de la majorité et de l'opposition, comme j'en avais pris l'engagement devant les commissions de la défense de l'Assemblée nationale et du Sénat. MM. André Dulait et Didier Boulaud sont ainsi membres de cette commission du Livre blanc.
La revue des programmes d'armement consiste en une sorte de radiographie de la totalité des programmes, afin que nous disposions d'une boîte à outils parfaitement opérationnelle lorsque, le moment venu, nous serons amenés à faire des choix et des arbitrages pour la future loi de programmation. Il s'agit de connaître précisément la situation financière pour chaque programme. Nous connaîtrons ainsi le coût de ce programme, ce que nous avons déjà payé, ce qui nous reste à payer et les conditions financières dans lesquelles nous pouvons effectuer les choix, les arbitrages.
Enfin, la révision générale des politiques publiques, qui est un exercice commun à tous les ministères, nous permettra de faire des gains de productivité dans tous les domaines du soutien et de l'administration. Il ne s'agit pas de supprimer des services ou des fonctions, dont certains sont essentiels à l'activité des forces, comme M. FrançoisTrucy l'a justement souligné au sujet du service de santé des armées, il s'agit de les rationaliser, de les moderniser, ce qui signifie que nous devons aller résolument vers « l'interarmisation » et la restructuration des forces de soutien.
Le ratioentre les forces opérationnelles et les forces de soutien et d'administration générale doit être amélioré. Il est certes toujours difficile de faire des comparaisons précises, mais le rapport serait, en Grande-Bretagne, de 65 % pour les forces opérationnelles, contre 35 % pour le soutien à l'administration générale. En France, nous serions à peu près à 50-50.
Ces travaux ont vocation à converger à la fin de l'année en vue de contribuer à l'élaboration de la future loi de programmation militaire, qui sera soumise au Parlement au printemps prochain.
Dans ce cadre, je voudrais rappeler trois préalables incontournables.
Le premier est bien entendu le maintien de l'effort de défense. C'est l'engagement du Président de la République, et c'est aussi le mien.
Le deuxième préalable repose sur la confirmation de notre autonomie de décision. La France ne peut pas déléguer son pouvoir d'appréciation et de décision à un allié de référence ou à une grande organisation internationale, ce qui nous impose notamment de posséder de solides capacités en matière de renseignement et de commandement.
Je considère donc, comme vous, madame Nathalie Goulet et monsieur Didier Boulaud, que le renseignement est une priorité. Au-delà des problématiques de formation dont vous avez parlé avec le Centre de formation interarmées de Strasbourg, qu'est-ce que cela signifie ?
Tout d'abord, il faut améliorer la coordination des différents services de renseignement, que ceux-ci dépendent du ministère de l'intérieur ou du ministère de la défense, tout en sachant que la DRM conserve l'aspect opérationnel et apporte un soutien aux forces et que la DGSE est chargée du renseignement. En cette matière, les plus hautes instances du pays doivent définir des orientations politiques claires.
Ensuite, il faut absolument développer des synergies, notamment en termes d'équipement et de programmes, afin que l'effort de modernisation des forces de renseignement serve autant aux uns qu'aux autres.
Le troisième préalable est que notre pays doit rester une puissance militaire crédible avec un appareil militaire possédant l'ensemble des grandes capacités. Il me semble inconcevable, impossible, que la France y renonce, ce qui n'empêche pas la coopération, et devrait même nous y inciter, puisque la coopération est d'autant plus facile que l'on est fort.
J'en viens au projet de budget pour 2008.
Cela ne me dérange pas que l'on qualifie ce budget de budget de transition ou d'attente, comme l'a fait Mme Michelle Demessine. À 250 millions d'euros près, il applique le dernier volet d'une loi de programmation militaire votée par le Parlement. En attendant les grandes décisions stratégiques que le Président de la République, chef des armées, prendra au début de l'année prochaine et dans la perspective de la future loi de programmation militaire, cet exercice est logique.
Le ministère de la défense procédera au non-remplacement de la moitié des départs à la retraite, à l'instar de la quasi-totalité des administrations. Cela représente un effort de 6 037 emplois, uniquement dans des fonctions d'administration et de soutien, car je souhaite ne pas affecter la capacité opérationnelle de nos forces.
Votre analyse, monsieur François Trucy, est exacte : la réduction du plafond ministériel d'emploi porte sur des emplois vacants non financés - que je qualifierai donc de virtuels - à hauteur de 7 500 pour l'ensemble du périmètre du ministère de la défense. Les seules réductions réelles d'emplois porteront donc sur ces postes. Il ne faut pas confondre les suppressions de postes liées à un budget et les postes inscrits dans les effectifs du ministère de la défense, mais non financés.
Nous aurons ainsi un personnel un peu moins nombreux, mais mieux payé. En contrepartie de cet effort, le projet de budget pour 2008 prévoit une revalorisation significative de la condition militaire, puisque l'enveloppe atteint un montant sans précédent de 102 millions d'euros. Il n'y a pas eu d'effort équivalent depuis dix ans !
Cela permettra de mettre en oeuvre les premières recommandations du Haut comité à l'évaluation de la condition militaire. En effet, le rapport commandé par Michèle Alliot-Marie à des personnalités indépendantes avait conclu, en février 2007, qu'il existait une disparité entre les fonctionnaires en tenue et les militaires. Pour y remédier, l'effort a été chiffré à 350 millions d'euros.
Cette année, nous entamerons la première partie de cet effort pour les militaires du rang et les sous-officiers, c'est-à-dire les sergents et les gendarmes. Les mesures ne s'appliqueront qu'à eux pour une seule raison : nous devons, pour les autres, modifier les statuts particuliers. À cet égard, des réunions interministérielles sont en cours. Nous allons aboutir à une solution, je l'espère, dans les jours à venir, ce qui permettra de pouvoir continuer cet effort pour les autres sous-officiers, officiers et officiers supérieurs.
Pour le personnel civil, le plan prévu est de 15, 9 millions d'euros. C'est là aussi le montant le plus élevé depuis plus de dix ans !
En dépit des réductions d'effectifs, le ministère de la défense demeure le premier recruteur de l'État avec près de 30 000 militaires et 2 000 civils recrutés chaque année.
Concernant les crédits d'équipement, vous avez été nombreux à m'interroger sur toute une série de programmes. Vous me pardonnerez donc si vous trouvez que ma réponse ressemble à un inventaire à la Prévert.
Messieurs Georges Othily et Michel Guerry, vous m'avez interrogé sur le porte-avions. Je le répète pour la dixième fois, les 3 milliards d'euros inscrits en autorisations d'engagement permettront de financer le programme si la décision de lancer sa construction était prise à l'issue des travaux du Livre blanc. Ils ont donc été provisionnés dans un esprit « lolfien », cher au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. C'est le seul sens à donner à cette autorisation d'engagement.
S'agissant du NH 90, la commande de douze premiers appareils a été notifiée le 30 novembre dernier. L'affermissement de la tranche de vingt-deux appareils est prévu l'an prochain et figure à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2008. L'affermissement de la tranche suivante de trente-quatre appareils sera inscrit dans la prochaine loi de programmation militaire. Je vous le confirme, monsieur Xavier Pintat, le marché de rénovation des Cougar sera notifié dans les quinze derniers jours du mois de décembre.
Messieurs Yves Fréville et Xavier Pintat, notamment, vous m'avez interrogé sur le financement des frégates multimissions, les FREMM. Comme vous le savez, ce programme est financé à hauteur de six dix-neuvième de son coût en loi de finances initiale, le solde étant financé dans le collectif de fin d'année.
Le Gouvernement avait pensé initialement suivre cette voie encore pour la dernière année en 2007 avant de réintégrer l'intégralité du financement de ce programme dans la prochaine loi de programmation militaire. Au regard des effets induits par une telle procédure, notamment, comme vous l'avez souligné, des reports de crédits qu'elle génère inévitablement, puisque les crédits votés en collectif ne peuvent être dépensés immédiatement, il a été jugé plus rationnel d'y renoncer dès cette année. Notre prévision de report de crédits de 2007 sur 2008 est d'au moins du même montant que celui de 2006 sur 2007, soit 1, 5 milliard d'euros, sous réserve d'ajustements. Il aurait été peu judicieux d'y ajouter 339 millions d'euros au titre du financement des FREMM.
Cette décision de gestion financière n'a aucun impact sur le programme lui-même ; elle ne doit en aucun cas être interprétée comme une volonté de réduire le nombre de frégates, monsieur Jean-Pierre Godefroy. J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de le dire. Le report de charges existe, en effet, monsieur Yves Fréville, car nous financerons bien évidemment les FREMM malgré l'absence de ces crédits, mais le volume de nos reports de crédits nous permettra d'y faire face dans le cadre des arbitrages qui seront à la base de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.
Le Barracuda, comme vous le savez, monsieur Jean-Pierre Godefroy, est destiné à remplacer sans rupture capacitaire les sous-marins nucléaires d'attaque de type Rubis. Pour l'instant, la loi de programmation militaire prévoit d'en réaliser six. La notification du premier marché a eu lieu le 21 décembre 2006. À partir de 2017, un bâtiment devrait entrer en service tous les deux ans.
Cela étant, compte tenu de l'élaboration d'une nouvelle loi de programmation militaire, dans le cadre de la revue des programmes d'armement et dans l'attente des décisions du Président de la République et des conclusions du Livre blanc, il m'est impossible de vous dire précisément si nous allons en construire cinq ou six et à quel rythme. Mon souhait, en raison des contraintes capacitaires de ce programme, est que nous maintenions autant que possible les perspectives envisagées.
S'agissant de l'avion de transport A 400 M, messieurs Xavier Pintat et Philippe Nogrix, vous savez qu'EADS a confirmé un retard de six mois, avec un risque de glissement supplémentaire de six mois. Ces retards nous posent évidemment un problème majeur, car les armées ont besoin de ces avions pour assumer leurs contrats opérationnels en matière de transport tactique. Les solutions palliatives sont connues, et nous y avons d'ailleurs déjà recours dans un certain nombre de cas. Elles consistent en des contrats de location de capacités de transport gros porteurs à des opérateurs privés, mais ces solutions ne sont bien sûr pas extensibles à l'infini. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous serons très fermes sur le respect de ses obligations contractuelles par l'industriel. Reste qu'il y a des difficultés techniques importantes.
Quant au ravitailleur MRTT, la décision sera prise dans la future loi de programmation militaire.
Monsieur Xavier Pintat, vous m'avez interrogé sur l'espace.
Les crédits de paiement pour l'espace s'élèveront à 393 millions d'euros en 2008, soit moins que la loi de finances de 2007, mais plus que l'exécution réelle de ces dernières années. Les crédits effectivement consommés ont été de 370 millions d'euros par an, en moyenne, entre 2003 et 2006. Nous avons donc inscrit en loi de finances le montant des crédits que nous consommons généralement.
Dans ce domaine, notre effort de recherche technologique restera soutenu de manière à maintenir les compétences de nos industriels, qui comptent parmi les meilleurs au monde, comme vous le savez tous. Je peux vous assurer dès maintenant qu'il n'y aura pas de rupture capacitaire en matière d'observation spatiale.
Les travaux de préparation de la future capacité européenne d'observation spatiale, le programme MUSIS, sont actuellement menés en étroite collaboration avec nos partenaires. Lorsque je me suis rendu en Grèce, la semaine dernière, et en Belgique,