Intervention de Elisabeth Doineau

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 novembre 2018 à 9h05
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 — Examen du rapport

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau, rapporteure pour la branche famille :

Je vous indiquais l'an dernier que la branche famille renouerait avec l'équilibre de ses comptes en 2017, mais il faudra finalement attendre 2018. En effet, l'année 2017 s'est clôturée avec un résultat négatif de 0,2 milliard, et l'exercice 2018 devrait s'achever sur un solde positif de 0,4 milliard, ce que la branche famille n'a pas connu depuis dix ans, avec 50,5 milliards de recettes et 50,1 milliards de dépenses.

En 2013, en raison de la conjoncture économique défavorable, les comptes de la branche avaient atteint un déficit de 3,2 milliards. La résorption progressive de ce déficit et des suivants a dû se faire au prix d'importantes mesures d'économie au cours des cinq dernières années, dont la principale fut la modulation, à partir de 2015, des allocations familiales en fonction des revenus, une économie de 760 millions par an.

Le PLFSS que nous examinons aujourd'hui prévoit pour 2019 un excédent significatif pour la branche famille, s'élevant à 1,2 milliard. Pour les années suivantes, le texte prévoit un strict équilibre de la branche jusqu'en 2022, en raison des transferts de recettes à la Cades.

La principale mesure en dépenses concernant la branche famille figure à l'article 44 du PLFSS, qui prévoit une « sous-revalorisation » de 0,3 % pour un certain nombre de prestations sociales en 2019 et en 2020, soit une moindre dépense de 260 millions pour la branche famille en 2019. Toutes les prestations familiales, calculées en fonction de la base mensuelle des allocations familiales, seront concernées.

Compte tenu des prévisions d'inflation, estimées à 1,8 % pour 2018 et à 1,4 % pour 2019, cette « sous-revalorisation » constituera une baisse de leur montant en euros constants. Elle touchera en premier lieu les familles dont le pouvoir d'achat dépend le plus des prestations familiales : les familles modestes et les familles nombreuses. Je regrette ce choix de la « sous-revalorisation » des prestations comme instrument de maîtrise budgétaire.

Tout d'abord, cette mesure représente, une fois de plus, un effort pour les familles, alors qu'elles ont déjà été largement affectées par les dispositions successives visant à modérer les dépenses de la branche : l'effet cumulé des mesures d'économie pour la branche famille a représenté 1,48 milliard sur la période 2012-2017. La loi de financement pour 2018 a en outre harmonisé par le bas le barème et le plafond de ressources de l'allocation de base, de la prime à la naissance et de la prime à l'adoption sur ceux du complément familial.

Ensuite, les prestations familiales pourraient être revalorisées en fonction de l'inflation sans compromettre l'équilibre financier de la branche. La mesure d'économie est en effet chiffrée à 260 millions pour 2019, alors qu'un excédent de plus d'un milliard est prévu. Le choix est donc fait de réaffecter cet excédent aux autres branches, au détriment des familles - je répète là ce que disait Gérard Dériot...

Notons enfin que cette mesure intervient dans un contexte de dégradation du pouvoir d'achat de nos concitoyens, notamment en raison de la hausse du prix des carburants et du chauffage. Par conséquent, René-Paul Savary vous proposera, à l'article 44, un amendement visant à revaloriser les prestations familiales au niveau de l'inflation estimée pour 2019.

Les autres mesures en dépenses concernant la famille sont assez consensuelles et je vous proposerai de vous prononcer en leur faveur.

L'article 45 prévoit la majoration du montant du complément de mode de garde (CMG) pour les familles ayant un enfant en situation de handicap et qui bénéficient à ce titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). Notre commission avait déjà approuvé l'an dernier la majoration du CMG pour les familles monoparentales ; dans ce cas, il s'agit de soutenir les familles ayant un enfant en situation de handicap et pour lesquelles les coûts de garde d'enfants peuvent être plus conséquents. Il faut néanmoins souligner que la mesure aura un impact relativement limité car le montant du CMG est plafonné à 85 % du coût de la garde, et le nombre d'allocataires de l'AEEH au titre d'enfants de moins de six ans est assez faible, en raison de la reconnaissance souvent tardive du handicap chez l'enfant.

L'article 46 prévoit que le CMG sera attribué à taux plein pour les enfants ayant atteint l'âge de trois ans entre le 1er janvier et le 31 août de l'année et qui ne seront pas encore inscrits à l'école maternelle. Je rappelle qu'à partir des trois ans de l'enfant, et jusqu'à ses six ans, le montant du CMG est normalement réduit de moitié. Les familles pourront donc recevoir le CMG à taux plein au titre de leur enfant de trois ans né en début d'année, avant son entrée à l'école maternelle.

Cette mesure accompagnera l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire, annoncé dans le cadre du plan Pauvreté, et qui sera mis en oeuvre à la prochaine rentrée scolaire. Enfin, cet article ouvrira la possibilité d'un versement du CMG dit « structure » en tiers payant, pour éviter les avances de frais par les familles bénéficiaires, comme c'est déjà le cas pour le CMG dit « emploi direct ».

Cette année marque aussi la signature d'une nouvelle convention d'objectifs et de gestion (COG) pour la branche famille, pour les années 2018 à 2022. On peut saluer les efforts qui seront consacrés à développer l'accueil du jeune enfant pour les publics les plus fragiles. Des bonus seront ainsi versés pour l'ouverture de places dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et pour l'accueil en crèches d'enfants porteurs de handicap. L'objectif d'ouverture de 30 000 places de crèche reste toutefois limité : il correspond au nombre de places ouvertes lors de la précédente COG.

Ces objectifs seront en outre à réaliser dans un contexte contraint pour les caisses d'allocations familiales (CAF), alors que d'importants chantiers s'ouvriront dans les années à venir. D'une part, la progression du Fonds national d'action sociale (FNAS), qui finance principalement les places en crèches, est limitée par la nouvelle COG à 2 % par an. D'autre part, les CAF devront réduire leurs effectifs de 2 100 postes, sur 33 000, alors qu'elles éprouvent déjà des difficultés à remplir leurs missions, et elles devront diminuer leurs frais de gestion de 5 % par an.

Dans ce contexte, elles devront mettre en oeuvre la réforme des aides au logement, dont le calcul sera basé dès l'an prochain sur les ressources contemporaines des allocataires. Cette réforme pourrait ensuite s'étendre à d'autres prestations versées par les CAF, dont les prestations familiales. Le projet de fusion de prestations dans un revenu universel d'activité les concernera également.

Au total, on peut donc se féliciter d'un retour à l'équilibre de la branche, fruit d'importants efforts financiers. Ces efforts ont néanmoins limité le développement de la politique familiale, qui doit pourtant compenser financièrement les charges de toutes les familles, selon une logique de solidarité horizontale. Le nombre de naissances diminuant dans notre pays depuis 2011, on peut regretter que cette situation financière favorable ne soit pas l'occasion de soutenir davantage la politique familiale.

Compte tenu des mesures prévues concernant la branche famille et de la modification que nous vous proposerons pour revaloriser les prestations familiales, je vous invite à vous prononcer en faveur de l'objectif de dépenses de la branche fixé à 50,3 milliards d'euros pour 2019.

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