Je n'aborderai pas les thèmes qui nous occupent généralement - crises de sécurité, facteurs de déstabilisation, projet européen -, me contentant de souligner que l'année 2019 sera essentielle au regard de ces enjeux : crises syrienne et libyenne, montée en puissance de la force conjointe au Sahel, sans parler de la situation iranienne. 2019 sera également une année de vérité pour l'avenir du multilatéralisme dont les fondements sont attaqués, et enfin une année cruciale pour l'Europe. Pour relever ces défis, le budget que je m'apprête à présenter est essentiel et je ne partage pas votre regard pessimiste.
Vous l'avez rappelé, ce budget est de 4,89 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 3,19 % par rapport à la loi de finances initiale, recouvrant une baisse de 128 millions d'euros pour la mission « Action extérieure de l'État » et une hausse de 179 millions d'euros pour la mission « Aide publique au développement ». Les chiffres de la première mission ne tiennent pas compte d'évolutions de périmètre ; quant à notre aide publique au développement, elle entame une hausse significative en autorisations d'engagements comme en crédits de paiement.
L'ensemble des dotations de la mission « Action extérieure de l'État » est reconduit à périmètre constant à l'exception de deux postes. D'abord, l'enveloppe de l'organisation des événements internationaux est en hausse car les crédits du programme temporaire 347 consacré à la présidence française du G7 augmentent de 12 millions d'euros pour attendre 24 millions, tandis que l'enveloppe « Protocole » du programme 105 augmente de 8 millions d'euros pour la préparation du sommet Afrique-France et la présidence française du Conseil de l'Europe en 2019. À l'inverse, le coût des contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix est en diminution de 10 %, ce qui s'explique par une réduction du volume de ces opérations, par une baisse de la quote-part française, et enfin une gestion améliorée du risque de change car, pour la première fois, le ministère a pu budgéter au coût réel la contrepartie en euros de 80 % de ses prévisions de dépenses en devises.
J'attire votre attention sur certaines modifications liées à des changements dans les modalités de gestion. Ainsi les dépenses immobilières imputées sur le programme 105 sont en baisse de 92 millions d'euros à cause de l'abandon du mécanisme des loyers budgétaires, ce qui est indolore pour le budget du ministère car ces crédits virtuels étaient inscrits sur celui-ci pour être aussitôt repris. En revanche, les dépenses d'investissement relatives la sécurisation de nos emprises à l'étranger diminuent de 30 millions sur le programme 105, mais c'est une baisse principalement optique : elles sont en réalité disponibles pour un montant au moins équivalent sur le programme 723. Il en va de même pour les crédits de sécurisation des établissements scolaires à l'étranger : en apparence, la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminue de 14,7 millions d'euros sur le programme 185, mais une somme au moins équivalente se retrouve sur le programme 723.
Les moyens de nos postes diplomatiques sont maintenus, tout comme ceux de notre politique d'influence. Je vous confirme ainsi la préservation des moyens de l'AEFE. Nous engagerons les évolutions nécessaires à un développement plus ambitieux de l'enseignement français à l'étranger, ce qui répond au souhait formulé par le Président de la République devant l'Académie française de porter, d'ici à 2030, de 350 000 à 700 000 le nombre d'élèves scolarisés dans les établissements français. Le rapprochement de l'Institut français et de la Fondation Alliance française va dans le même sens : l'Institut français sera renforcé dans son rôle d'appui à ces deux réseaux, et sa co-localisation avec la Fondation Alliance française à Paris créera des synergies tout en préservant l'indépendance des Alliances françaises à l'étranger.
Je vous confirme également que l'enveloppe des bourses scolaires sera maintenue : le passage de 110 à 105 millions d'euros en loi de finances tient compte de la sous-consommation, chaque année, de cette enveloppe. La soulte accumulée par l'AEFE au cours des années précédentes grâce à cette sous-consommation permettra de répondre aux besoins qui dépasseraient ces 105 millions.
Le plan de sécurisation de nos ambassades et des lycées français sera poursuivi, voire accéléré : 100 millions d'euros, arrachés de haute lutte, seront disponibles en 2019 et en 2020 à cette fin. Cette somme sera disponible sur le Compte d'affectation spéciale (CAS) « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'Etat », indépendamment des lignes budgétaires antérieures. Je m'assurerai personnellement de la mobilisation effective de ces crédits au cours des deux prochaines années.
Les moyens du réseau de coopération et d'action culturelle seront sanctuarisés, pour promouvoir l'enseignement de notre langue, porter notre vision de la culture et défendre nos industries culturelles et créatives, nouer des partenariats dans tous les domaines scientifiques et renforcer notre attractivité universitaire. Cette stabilité est nouvelle, après un renforcement de 2 % obtenu l'année dernière qui suivait plusieurs diminutions successives.
Enfin, l'enveloppe des bourses destinées aux étudiants étrangers sera maintenue.
Stabilisé en 2019, le budget de l'action extérieure de l'État portera la marque de la réforme de l'État engagée par le Premier ministre. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères sera conforté dans le pilotage interministériel de cette action, en assumant seul la gestion des fonctions support et des crédits de fonctionnement des réseaux internationaux, ce qui mettra fin à l'effet silo dans la gestion des personnels de l'État à l'étranger. En contrepartie, le Premier ministre a fixé un objectif de réduction de 10 % de la masse salariale à l'étranger sur quatre ans, à partir de 2019, soit un effort, tous opérateurs confondus, de 110 millions d'euros d'ici à 2022. Pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, cela représente 13 millions d'euros sur le budget 2019. L'effort est donc très relatif, ce qui devrait contribuer à lever vos inquiétudes. Les ambassadeurs auront davantage de responsabilités, et il y aura une véritable unité d'action de gestion de l'ensemble des services de la France, y compris Atout France et Business France.
Les dépenses de personnel, qui représentent 23 % du budget du ministère, augmentent de 36,6 millions d'euros, soit 3,3 %, pour s'établir à 1,12 milliard d'euros tous programmes confondus. Cette masse salariale, comme nous l'avons constaté au cours de l'année 2018, était sous-budgétisée. De plus, nous sommes dépendants de l'inflation à l'étranger, qui s'élève en moyenne à 4 % par an.
Le ministère doit rendre l'an prochain 130 ETP sur ces effectifs ; le plafond d'emploi s'élèvera à 13 598 ETP travaillés, ce qui se traduit, budgétairement, par le transfert de 387 emplois des autres ministères vers le programme 105, et 11 millions d'euros de dépenses de personnel et 15 millions d'euros de crédits de fonctionnement associés. De plus, dans le prolongement de la réorganisation que j'ai évoquée, le ministère devient l'affectataire de l'ensemble du patrimoine immobilier de l'État à l'étranger, à l'exception des biens spécifiques comme les bases et cimetières militaires. 215 biens lui sont ainsi transférés.
Seconde mission budgétaire dont mon ministère est responsable, l'aide publique au développement se compose de deux programmes. Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », géré par le ministère de l'économie et des finances, représente dans le projet de loi 1,31 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,08 milliard en crédits de paiement, en augmentation. Il vise surtout les organisations internationales et les prêts bonifiés.
Le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui représente 2,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2 milliards en crédits de paiement, est sous ma responsabilité. Hors dépenses de personnel, les crédits de paiement s'établissent à 1,86 milliard d'euros, soit une augmentation de 290 millions d'euros ; pour les autorisations d'engagement, cette augmentation est de 1,37 milliard d'euros. Cette hausse nous place ainsi sur la trajectoire de l'engagement du Président de la République : passer de 0,42 % à 0,55 % de la richesse nationale consacrée à l'aide publique au développement d'ici à 2022. Selon les hypothèses de croissance actuelles, cette aide passera ainsi de 8,6 milliards d'euros en 2016 à plus de 15 milliards en 2022, alors qu'elle n'a jamais dépassé les 10 milliards au cours de notre histoire. Pour cela, il faut augmenter les autorisations d'engagement dès 2019 pour être en mesure de les décaisser en 2022.
L'augmentation de la dotation du programme résulte d'un apport de 100 millions d'euros en crédits de paiement, mais aussi de la budgétisation d'une partie des crédits extra-budgétaires de la taxe sur les transactions financières, à hauteur de 190 millions d'euros. Je connais les interrogations qu'a suscitées cette décision, et nous nous en sommes expliqués avec les ONG dans le bureau du Président de la République. Je suis très attaché à cette décision : si nous ne faisons pas passer par le processus budgétaire ces 190 millions qui devaient aller directement à l'AFD, nous serons dans l'impossibilité de mobiliser les autorisations d'engagement que nous avons prévues pour 2019 et de financer la hausse d'un milliard d'euros de l'aide-projet. Je crois que les ONG sont conscientes de cet enjeu.
La répartition de ces crédits suit les priorités détaillées par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) du 8 février 2018 : éducation et jeunesse, santé, fragilités et crises, climats, égalité entre les femmes et les hommes. Les choix géographiques sont assumés, avec 19 pays prioritaires dont Haïti et 18 pays africains.
L'action menée à travers le programme 209 répond à une triple logique. D'abord, le renforcement de l'action bilatérale, sur lequel je m'étais engagé devant vous. Notre action bilatérale nous permet de projeter dans le monde nos priorités géographiques et sectorielles et de peser sur les décisions de nos partenaires et des instances multilatérales. Ainsi, la forte augmentation des crédits de l'aide publique au développement ira, pour les deux tiers, à la coopération bilatérale et pour le tiers restant à la coopération multilatérale.
L'AFD devra donc rehausser sa trajectoire de croissance en augmentant son activité de 72 % en cinq ans pour la porter à 17,9 milliards d'euros en 2022, tous instruments confondus. Une application mécanique des règles actuelles augmenterait de 187 % la rémunération de l'AFD pour la porter à 99 millions. Ces règles ne sont pas adaptées ; il faut trouver un autre mode de calcul à long terme. J'ai déjà indiqué à l'AFD que sa rémunération serait inférieure à ce montant, et la différence sera entièrement reversée au Fonds de solidarité pour les partenariats innovants (FSPI) grâce auquel les ambassadeurs peuvent financer des projets de terrain d'un montant modeste, mais dans des délais très ramassés.
Deuxième choix, celui d'augmenter la part de notre engagement sous forme de dons.