Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 23 juin 2016, le Royaume-Uni a donc choisi de sortir de l’Union européenne. Il redeviendra un pays tiers le 30 mars prochain à minuit, faute d’avoir pu parvenir à un accord, malgré le travail de négociation dans la cohésion mené par Michel Barnier.
Nous voici contraints d’envisager les conséquences d’un no deal, à cent quarante jours de la fermeture des frontières. Dans cette hypothèse, la plus négative pour toutes les parties, il n’y aura donc pas de période de transition.
Pour tenter de se préparer, de préserver les acquis des Français et des Britanniques, d’assurer une continuité en matière de libre circulation des biens et des personnes dans les meilleures conditions possible et sous réserve de réciprocité, le Gouvernement nous propose aujourd’hui de l’autoriser à légiférer par ordonnances. Dans le contexte d’urgence que nous connaissons, le groupe Union Centriste apportera son soutien à ce projet de loi, qui bien sûr prendra en compte les amendements de notre commission spéciale.
Au-delà de ces considérations pragmatiques, l’essentiel est à venir, nous le savons tous. Les interrogations sont nombreuses et les enjeux décisifs. Il reste beaucoup à faire, madame la ministre, à la veille des élections, dans une Europe aujourd’hui fragilisée.
Les chefs d’entreprises français nourrissent de grandes inquiétudes, car la France fait partie des pays qui seront les plus affectés par le Brexit. Nos entreprises auraient perdu 4 milliards d’euros depuis le vote de 2016, et nos exportations sont d’ores et déjà affectées par une demande intérieure britannique en baisse, à cause de la chute de la livre sterling et de l’augmentation du coût du pétrole.
Les secteurs les plus pénalisés dans les mois et les années à venir devraient être l’automobile, avec un manque à gagner estimé à plus de 1 milliard d’euros, les outils et l’équipement, l’agroalimentaire ou la pharmacie.
On peut penser que les plus grandes entreprises disposeront de l’ingénierie nécessaire pour faire face aux difficultés que cette situation ne manquera pas de provoquer, mais qu’en sera-t-il de nos PME ? Entre 15 000 et 20 000 d’entre elles n’ont pas d’expérience d’exportation en dehors de l’Union européenne. Vous le savez, madame la ministre, elles devront impérativement être accompagnées par les filières, par les collectivités, mais surtout par l’État, notamment pour développer les compétences nécessaires et gérer les ruptures d’approvisionnement, ainsi que les certifications.
Chacun est bien conscient que les accords ultérieurs de libre-échange avec l’Union européenne seront déterminants, mais ils ne seront conclus que dans plusieurs années. Le gouvernement britannique est allé jusqu’à prévoir une bonne dizaine d’années pour mener à bien les diverses négociations déclenchées par le Brexit, même dans un scénario optimiste, qui verrait le Royaume-Uni discuter avec l’Union européenne d’un accord de libre-échange similaire à celui liant le Canada au bloc européen.
S’ouvre donc pour nous tous, Européens, une longue période d’incertitude, dont les conséquences seront lourdes pour les nombreuses entreprises françaises qui commercent avec le Royaume-Uni, mais aussi pour les produits britanniques, qui entreront désormais dans une nouvelle Union européenne.
Les coûts sont évalués à plus de 60 milliards d’euros, selon le président de la commission des affaires européennes, en cas de no deal, et autour de 30 milliards d’euros, essentiellement supportés par les pays de l’Union européenne, dans l’hypothèse où des accords de libre-échange seraient conclus.
Alors que l’Union européenne est déstabilisée et remise en cause dans sa gouvernance comme dans ses modes de fonctionnement, en raison de ce qu’il faut bien appeler ses non-choix, les signes d’éclatement que traduisent le Brexit et la montée des populismes fragilisent encore le projet de reconstruction porté par le Président de la République, qui est aujourd’hui bien isolé.
Votre tâche sera lourde, madame la ministre, mais les membres du groupe Union Centriste seront à vos côtés. Nous savons que les prochaines élections constitueront une étape décisive pour le destin de l’Union européenne du XXIe siècle.
Notre groupe, engagé dans le projet européen, tient à réaffirmer à cette occasion l’urgence, répétée maintes fois dans cette enceinte, de renouer la confiance avec les peuples et d’en finir avec une technocratie qui discrédite et qui disqualifie l’idéal européen.
Le Brexit, comme la montée des populismes, nous rappelle à nos responsabilités de politiques vis-à-vis des générations à venir. L’Union européenne doit être celle de la démocratie par et avec les peuples, disait le président Macron, sinon si elle prend le risque de ne plus être !