Intervention de Alain Richard

Réunion du 6 novembre 2018 à 21h45
Suppression de surtranspositions de directives européennes — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte constitue une nouveauté bienvenue. Cela faisait longtemps que, sur toutes les travées du Sénat comme dans les autres institutions publiques, on critiquait l’existence de surtranspositions. Cependant, c’est la première fois que nous sommes saisis d’un projet de loi sur ce sujet. Quelque chose a donc changé, et dans le bon sens.

Bien entendu, j’entends les propos de mes collègues qui déplorent les insuffisances de ce texte. Mais nous savons à quel point il est compliqué d’analyser, texte après texte, chaque surtransposition. §Nous sommes nombreux à nous réjouir de la suppression prochaine d’autres surtranspositions, y compris sur initiative parlementaire. Mais si nous nous y mettons, il faudra se retrousser les manches, car ce sont des affaires lourdes et compliquées.

En effet, il s’agit d’ouvrir le débat sur ce qui est en trop : où y a-t-il eu surprécaution ou surprotection ? Car, neuf fois sur dix, les bénéficiaires des surtranspositions sont les consommateurs, y compris les acheteurs publics, les épargnants, les investisseurs, les entrepreneurs et les domaines de l’environnement et de la santé. Aussi, dire, au regard de tel ou tel intérêt, qu’on en a fait trop est un pas qu’il n’est pas facile de franchir. Chaque fois, c’est une interrogation et un débat légitime.

Comme je l’ai dit en souriant lors d’une réunion de la commission, chacun de nous a sa surtransposition favorite, à laquelle il ne veut pas renoncer, comme le débat de ce soir en témoignera d’ailleurs.

Ce thème des surtranspositions a donc donné lieu à un travail approfondi du Gouvernement, au travers d’une mission inter-inspections regroupant tout l’éventail des inspections de l’État, et du Sénat, dans le cadre d’une commission spéciale puisqu’il s’agit d’un sujet multisectoriel de réflexion et de législation. J’en profite pour souligner l’excellent travail et le dialogue nourri auxquels a donné lieu la commission spéciale, grâce en particulier à son président et à ses deux rapporteurs.

Dans cette discussion, notre sujet de réflexion devrait être l’analyse des raisons ayant motivé les surtranspositions, lesquelles n’étaient donc pas nécessaires.

Permettez-moi d’évoquer quelques pistes de réponses, qui apparaissent d’ailleurs à la lecture du dossier. Une transposition est souvent un texte hâtif et tardif. §En France, alors que nous sommes toujours extrêmement fiers de notre contribution à l’Union européenne, ce qui est généralement justifié, nous ne sommes pas forcément les plus diligents des États membres pour transposer. Nous sommes souvent rattrapés par le délai limite, ce qui nous oblige à élaborer des projets de loi dans des conditions accélérées.

Je le précise, même si je n’ai pas cherché à établir un palmarès, nombre de transpositions ont également fait l’objet d’ordonnances. Moi qui suis l’un des rares défenseurs des ordonnances dans cette institution, je serais tenté de dire que la part de surtranspositions par ordonnance est probablement de même ampleur que celui qui résulte de lois adoptées par le Parlement.

Sans doute faut-il aller plus loin et rappeler que l’interprétation des directives est une tâche ardue. Le vocabulaire et la thématique normative des ordonnances sont souvent confus, dans la mesure où ces textes constituent l’aboutissement d’une longue négociation. En effet, quand tout va bien, la durée de négociation d’une ordonnance est d’environ deux ans. Et je ne parle pas des négociations qui échouent ! Ceux qui ont commencé à négocier ne sont pas toujours en charge quand la négociation s’achève.

Bien entendu, la France est à part, et il serait inconvenant pour l’Union européenne d’adopter des directives qui disconviennent à notre pays. Pour autant, n’oublions pas que nous sommes vingt-sept démocraties, donc vingt-sept gouvernements légitimes avec leurs administrations fidèles. Chacun veille au grain pour adopter la directive qui convient à ses intérêts et le texte final est fait pour concilier des intérêts largement contradictoires.

J’évoquerai un dernier point. En praticien, en révisant des textes dans d’autres fonctions, j’ai observé une équivalence parfois approximative des termes et des concepts juridiques entre les États parties. Ainsi, on a souvent du mal à catégoriser, dans différents domaines, le sujet traité.

Nous sommes donc devant un exercice de pathologie normative, ce que notre assemblée aime à faire. Parmi les fondements du bicamérisme et du Sénat, on trouve la recherche de la qualité de la loi. Aussi est-il normal que nous nous intéressions de près à ces projets. Selon moi, le travail mené en commission et en séance pour réaliser une bonne « dé-surtransposition » sera riche d’enseignements utiles. Je me réjouis d’avance que nous poursuivions cet exercice dans un aussi bon esprit que celui qui règne ce soir.

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