Intervention de François de Rugy

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 novembre 2018 à 17h00
Projet de loi de finances pour 2019 — Audition de M. François de Rugy ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Sans faire de commentaire sur ce qui a pu se passer depuis juillet 2017, je suis pour ma part très attaché au Parlement, au bicamérisme et aux relations que le Gouvernement, en tout cas mon ministère, entretient avec les parlementaires. Mon engagement politique et les mandats que j'ai exercés précédemment en témoignent. Comme je vous l'ai dit quand je vous ai reçu, la porte de mon ministère vous sera toujours ouverte pour des échanges constructifs, et je me tiendrai disponible pour les auditions ou les débats auxquels votre commission souhaitera que je participe. Le premier débat parlementaire dans lequel je suis intervenu en tant que ministre s'est d'ailleurs déroulé ici-même, au Sénat. Il portait sur l'énergie.

Laissez-moi vous rappeler en quelques mots le sens général de mon action, car je crois qu'il est important que je puisse dire comment je conçois ma mission sans pour autant rompre avec mes prédécesseurs. Je ne suis pas là pour me comparer à eux, mais pour développer une certaine vision de l'écologie que je porte depuis longtemps, que ce soit dans le cadre des mandats que j'ai exercés au niveau local, mais aussi au niveau national, dans l'opposition comme dans la majorité, et maintenant au Gouvernement. Je défends une écologie d'action qui se confronte aux réalités et qui cherche à les transformer. Car les beaux discours ne changeront rien, de celui qui vit hors du monde ou qui se dérobe à ses responsabilités. Depuis deux mois, j'entends certains faire de grandes déclarations sans jamais avoir exercé la moindre responsabilité ni avoir obtenu le moindre résultat. De mon côté, je veille à ce que mes discours soient en cohérence avec mon action.

Je m'efforce aussi de mobiliser les gens pour faire changer les choses, car il n'y a rien de pire que l'isolement en matière d'écologie. Plutôt que de se retrouver seul contre tous en cultivant la polémique, mieux vaut savoir rassembler en mobilisant les citoyens qui souhaitent obtenir des résultats dans la lutte contre le dérèglement climatique et la pollution de l'air, améliorer la qualité de l'eau et de l'alimentation, mieux prendre en compte les enjeux de santé et d'environnement, faire progresser les transports, ou encore gagner en qualité de vie quotidienne. Je suis convaincu que l'heure n'est plus à l'éveil des consciences, mais à la mobilisation pour l'action. Nous avons besoin que les citoyens s'engagent, car l'État, les pouvoirs publics et les entreprises ne peuvent pas tout faire. Il faut les y aider et savoir les récompenser quand c'est nécessaire : si la fiscalité et les dépenses publiques restent neutres, il n'y aura pas beaucoup de mobilisation.

L'une des exigences majeures de notre époque en matière d'écologie, c'est de changer d'échelle. Les solutions et les moyens existent, mais il faut leur donner suffisamment d'ampleur pour que l'écologie cesse d'être un mouvement marginal de pionniers à l'avant-garde et devienne l'affaire de tous.

Le lien avec les élus locaux est primordial, car beaucoup de compétences des collectivités locales sont au coeur des enjeux écologiques, qu'il s'agisse de l'eau, de l'assainissement, des transports urbains au niveau de la région, des routes au niveau du département, ou bien encore de l'énergie, des réseaux de chaleur, des déchets, etc. Il faut aussi mobiliser les entreprises, car écologie et économie doivent marcher main dans la main, même si des intérêts divergents compliquent la situation. On ne peut pas envisager une transformation écologique de l'économie sans les entreprises. Enfin, les associations environnementales sont une autre force de proposition et de mobilisation des citoyens, même si elles se montrent parfois très revendicatives et critiques.

Depuis quelques semaines, on entend tout et n'importe quoi sur la fiscalité écologique. Si les prix du pétrole étaient restés bas, voire avaient baissé, car ils ont diminué de 50 % depuis cinq ans et plus encore depuis dix ans, il aurait été plus facile de mettre en place une fiscalité sur le carbone. Tout le monde était d'accord sur le principe car il s'agit du premier levier pour protéger le climat. Dès que l'on a parlé de taxe, les soutiens ont changé de camp. Les prix du pétrole sont stabilisés depuis quelques semaines. La fiscalité écologique est un levier de transformation de l'économie. Il ne s'agit pas seulement de collecter des recettes, mais d'orienter l'économie.

Monsieur le président, vous nous dites que la fiscalité écologique ne va pas à l'écologie. Mais quand 34 milliards d'euros sont collectés au titre de la fiscalité écologique, le budget de mon ministère est de 34 milliards d'euros. Vous pourrez toujours dire que ce budget couvre aussi des coûts de personnel, mais sans ce personnel, on ne pourrait pas mener de politique écologique. Quant à l'opacité des dépenses réalisées, il y a surtout beaucoup de pédagogie à déployer sur l'utilisation des recettes. Des débats courent depuis longtemps : faut-il que les recettes soient affectées ou vaut-il mieux qu'elles aillent au budget général pour être redistribuées selon les choix politiques qui seront définis ? La question ne se pose pas quand il s'agit des recettes de l'impôt sur le revenu ou du reste de la fiscalité. Personne ne dit que la fiscalité sur le logement doit servir uniquement au logement, et la CSG ne sert pas qu'à financer la santé, mais aussi les retraites, le chômage, etc. Je suis tout à fait prêt à relever le défi de la transparence en matière de fiscalité écologique.

Il n'y a pas que l'argent public qui sert à financer la transition écologique. Chaque année, l'investissement privé est colossal dans le domaine de l'énergie, du logement ou des transports. Il faut l'orienter dans un sens écologique.

Il faut aussi accompagner les Français dans ce changement. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique finance le remplacement des chaudières au fioul à hauteur de 30 % du montant. À cela s'ajoutent le chèque énergie, les investissements dans les transports en commun, soit 13 milliards d'euros par Assemblée nationale, le soutien aux énergies renouvelables pour 5,5 milliards d'euros. Le soutien aux énergies renouvelables se traduit par l'inscription de 7,3 milliards d'euros dans ce budget 2019, car il faut combler la dette accumulée dans les années passées, avec des factures impayées à EDF.

Le chèque énergie est budgété à hauteur de 800 millions d'euros, ce qui est une évolution - ceux qui en bénéficient le savent bien. La transformation des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz en chèque énergie a été décidée en 2015, expérimentée en 2017 et généralisée en 2018 avec un élargissement au fioul. Pourquoi cet élargissement, qui paraît peu écologique ? Tout simplement pour créer un outil de solidarité qui aidera les ménages à passer le moment de la transition, puis disparaîtra. Si l'on veut à terme se débarrasser du chauffage au fioul, il faut aider nos concitoyens à faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, qu'elle résulte de l'évolution des marchés mondiaux ou de la mise en place d'une taxe. D'où le choix politique du transfert de fiscalité, opéré en 2017, avec la baisse de la taxe d'habitation et sa suppression à terme pour 80 % des ménages, mais aussi la baisse des cotisations sur le travail pour les entreprises, et en compensation l'augmentation de la taxe carbone. Là encore, tout le monde était d'accord sur le principe. Quand on l'a mis en oeuvre, certains n'ont plus regardé que les taxes qui augmentaient. Toutes les majorités politiques qui ont augmenté les impôts ont connu tôt ou tard une sanction électorale. Il serait plus facile de satisfaire tout le monde en baissant les impôts. Cependant, à un moment donné, nous devons faire le choix de la responsabilité budgétaire.

La prime à la conversion pour les véhicules, votée l'an dernier, a été mise en oeuvre dès le 1er janvier 2018. Elle fonctionne au-delà des espérances. Ceux qui en bénéficient sont les ménages non imposables à 70 % et les habitants hors de l'Ile-de-France à 95 %. Et les véhicules que l'on met à la casse sont à 80 % de vieux diesels. La cible visée a été atteinte au-delà des prévisions, et nous maintiendrons le dispositif l'an prochain.

Quant aux autres sujets que vous avez suggérés, Monsieur le président, je propose que nous en parlions dans le cadre d'un dialogue.

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