Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 7 novembre 2018 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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  • Énergie
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous sommes très heureux d'accueillir M. François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le ministre, c'est la première fois que vous venez devant notre commission depuis votre nomination, et nous n'avions pas eu le plaisir d'accueillir un ministre de la transition écologique depuis juillet 2017. C'est donc un événement rare. Espérons qu'à l'avenir vous penserez à venir nous voir plus régulièrement que votre prédécesseur.

Les rapporteurs pour avis vous interrogeront tout à l'heure sur le projet de loi de finances pour 2019, mais nous avons beaucoup d'autres sujets sur lesquels nous souhaiterions vous entendre. La COP24 se déroulera au mois de décembre en Pologne, avec comme objectifs la promulgation de l'ensemble des règles de l'accord de Paris, l'élévation des ambitions dans la perspective de 2020, et la garantie des financements climat. Il y a quelques semaines, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a présenté un rapport alarmant sur le réchauffement climatique. Lors de son audition au Sénat, Mme Masson-Delmotte a rappelé l'importance de limiter l'augmentation de la température à 1,5 degré tout en indiquant combien il serait difficile d'y parvenir.

Nous aimerions aussi vous entendre sur la mise en oeuvre du plan biodiversité qui a été annoncé par votre prédécesseur, mais avec des moyens modestes, puisqu'il n'y a que 10 millions d'euros inscrits dans le projet de loi de finances pour 2019. Le projet de fusion entre l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) est un autre sujet d'interrogation. Vous pourrez également nous dire comment vous envisagez le débat public sur le plan national de gestion des déchets et matières radioactives, et nous préciser votre position sur le projet de centre industriel de stockage géologique (Cigéo). Des membres de la commission se sont rendus récemment sur le site. Parmi les autres sujets, il y a le projet Montagne d'or en Guyane sur lequel vous vous êtes exprimé récemment, mais aussi l'économie circulaire et les Assises de l'eau.

En lien avec le projet de loi de finances, la question de la fiscalité écologique est au coeur de l'actualité. La table ronde que nous avons organisée ce matin a fait ressortir de manière unanime que l'essentiel de cette fiscalité n'allait pas à l'écologie, et que l'usage qui en était fait restait opaque. D'où le rejet de nos concitoyens qui n'y voient qu'un moyen de renflouer les caisses de l'État plutôt que d'assurer la transition écologique. La fiscalité écologique doit par définition faire évoluer les comportements. Or cela ne peut se faire si le choix n'est qu'entre la voiture individuelle et la voiture individuelle.

L'utilisation des fonds doit être transparente et pour cela il faut qu'une partie des recettes de l'augmentation de la taxe carbone aille aux collectivités locales. Nous avions voté un amendement en ce sens l'an dernier et nous en avons adopté un autre ce matin en commission. Les collectivités locales ont un rôle très important à jouer dans la transition écologique. Elles ne pourront pas assumer leurs responsabilités sans bénéficier d'une partie des recettes de l'augmentation de cette taxe qui a précisément été générée pour financer la transition écologique.

Dans le projet de loi de finances pour 2019, nous avons bien sûr observé l'augmentation des crédits demandés pour 2019, même s'ils diminuent pour certains programmes qui ne sont pas anodins, comme la biodiversité, l'eau et la prévention des risques. La baisse des crédits alloués à Météo-France nous inquiète aussi au moment où les risques climatiques s'accroissent. Il en va de même pour les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui joue un rôle majeur dans la transition énergétique. Enfin, nous avons noté que votre ministère est l'un de ceux où le nombre d'emplois diminue le plus fortement, avec 813 suppressions de postes en 2019 qui s'ajoutent aux 830 suppressions de 2018.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Sans faire de commentaire sur ce qui a pu se passer depuis juillet 2017, je suis pour ma part très attaché au Parlement, au bicamérisme et aux relations que le Gouvernement, en tout cas mon ministère, entretient avec les parlementaires. Mon engagement politique et les mandats que j'ai exercés précédemment en témoignent. Comme je vous l'ai dit quand je vous ai reçu, la porte de mon ministère vous sera toujours ouverte pour des échanges constructifs, et je me tiendrai disponible pour les auditions ou les débats auxquels votre commission souhaitera que je participe. Le premier débat parlementaire dans lequel je suis intervenu en tant que ministre s'est d'ailleurs déroulé ici-même, au Sénat. Il portait sur l'énergie.

Laissez-moi vous rappeler en quelques mots le sens général de mon action, car je crois qu'il est important que je puisse dire comment je conçois ma mission sans pour autant rompre avec mes prédécesseurs. Je ne suis pas là pour me comparer à eux, mais pour développer une certaine vision de l'écologie que je porte depuis longtemps, que ce soit dans le cadre des mandats que j'ai exercés au niveau local, mais aussi au niveau national, dans l'opposition comme dans la majorité, et maintenant au Gouvernement. Je défends une écologie d'action qui se confronte aux réalités et qui cherche à les transformer. Car les beaux discours ne changeront rien, de celui qui vit hors du monde ou qui se dérobe à ses responsabilités. Depuis deux mois, j'entends certains faire de grandes déclarations sans jamais avoir exercé la moindre responsabilité ni avoir obtenu le moindre résultat. De mon côté, je veille à ce que mes discours soient en cohérence avec mon action.

Je m'efforce aussi de mobiliser les gens pour faire changer les choses, car il n'y a rien de pire que l'isolement en matière d'écologie. Plutôt que de se retrouver seul contre tous en cultivant la polémique, mieux vaut savoir rassembler en mobilisant les citoyens qui souhaitent obtenir des résultats dans la lutte contre le dérèglement climatique et la pollution de l'air, améliorer la qualité de l'eau et de l'alimentation, mieux prendre en compte les enjeux de santé et d'environnement, faire progresser les transports, ou encore gagner en qualité de vie quotidienne. Je suis convaincu que l'heure n'est plus à l'éveil des consciences, mais à la mobilisation pour l'action. Nous avons besoin que les citoyens s'engagent, car l'État, les pouvoirs publics et les entreprises ne peuvent pas tout faire. Il faut les y aider et savoir les récompenser quand c'est nécessaire : si la fiscalité et les dépenses publiques restent neutres, il n'y aura pas beaucoup de mobilisation.

L'une des exigences majeures de notre époque en matière d'écologie, c'est de changer d'échelle. Les solutions et les moyens existent, mais il faut leur donner suffisamment d'ampleur pour que l'écologie cesse d'être un mouvement marginal de pionniers à l'avant-garde et devienne l'affaire de tous.

Le lien avec les élus locaux est primordial, car beaucoup de compétences des collectivités locales sont au coeur des enjeux écologiques, qu'il s'agisse de l'eau, de l'assainissement, des transports urbains au niveau de la région, des routes au niveau du département, ou bien encore de l'énergie, des réseaux de chaleur, des déchets, etc. Il faut aussi mobiliser les entreprises, car écologie et économie doivent marcher main dans la main, même si des intérêts divergents compliquent la situation. On ne peut pas envisager une transformation écologique de l'économie sans les entreprises. Enfin, les associations environnementales sont une autre force de proposition et de mobilisation des citoyens, même si elles se montrent parfois très revendicatives et critiques.

Depuis quelques semaines, on entend tout et n'importe quoi sur la fiscalité écologique. Si les prix du pétrole étaient restés bas, voire avaient baissé, car ils ont diminué de 50 % depuis cinq ans et plus encore depuis dix ans, il aurait été plus facile de mettre en place une fiscalité sur le carbone. Tout le monde était d'accord sur le principe car il s'agit du premier levier pour protéger le climat. Dès que l'on a parlé de taxe, les soutiens ont changé de camp. Les prix du pétrole sont stabilisés depuis quelques semaines. La fiscalité écologique est un levier de transformation de l'économie. Il ne s'agit pas seulement de collecter des recettes, mais d'orienter l'économie.

Monsieur le président, vous nous dites que la fiscalité écologique ne va pas à l'écologie. Mais quand 34 milliards d'euros sont collectés au titre de la fiscalité écologique, le budget de mon ministère est de 34 milliards d'euros. Vous pourrez toujours dire que ce budget couvre aussi des coûts de personnel, mais sans ce personnel, on ne pourrait pas mener de politique écologique. Quant à l'opacité des dépenses réalisées, il y a surtout beaucoup de pédagogie à déployer sur l'utilisation des recettes. Des débats courent depuis longtemps : faut-il que les recettes soient affectées ou vaut-il mieux qu'elles aillent au budget général pour être redistribuées selon les choix politiques qui seront définis ? La question ne se pose pas quand il s'agit des recettes de l'impôt sur le revenu ou du reste de la fiscalité. Personne ne dit que la fiscalité sur le logement doit servir uniquement au logement, et la CSG ne sert pas qu'à financer la santé, mais aussi les retraites, le chômage, etc. Je suis tout à fait prêt à relever le défi de la transparence en matière de fiscalité écologique.

Il n'y a pas que l'argent public qui sert à financer la transition écologique. Chaque année, l'investissement privé est colossal dans le domaine de l'énergie, du logement ou des transports. Il faut l'orienter dans un sens écologique.

Il faut aussi accompagner les Français dans ce changement. Le crédit d'impôt pour la transition énergétique finance le remplacement des chaudières au fioul à hauteur de 30 % du montant. À cela s'ajoutent le chèque énergie, les investissements dans les transports en commun, soit 13 milliards d'euros par Assemblée nationale, le soutien aux énergies renouvelables pour 5,5 milliards d'euros. Le soutien aux énergies renouvelables se traduit par l'inscription de 7,3 milliards d'euros dans ce budget 2019, car il faut combler la dette accumulée dans les années passées, avec des factures impayées à EDF.

Le chèque énergie est budgété à hauteur de 800 millions d'euros, ce qui est une évolution - ceux qui en bénéficient le savent bien. La transformation des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz en chèque énergie a été décidée en 2015, expérimentée en 2017 et généralisée en 2018 avec un élargissement au fioul. Pourquoi cet élargissement, qui paraît peu écologique ? Tout simplement pour créer un outil de solidarité qui aidera les ménages à passer le moment de la transition, puis disparaîtra. Si l'on veut à terme se débarrasser du chauffage au fioul, il faut aider nos concitoyens à faire face à l'augmentation des prix de l'énergie, qu'elle résulte de l'évolution des marchés mondiaux ou de la mise en place d'une taxe. D'où le choix politique du transfert de fiscalité, opéré en 2017, avec la baisse de la taxe d'habitation et sa suppression à terme pour 80 % des ménages, mais aussi la baisse des cotisations sur le travail pour les entreprises, et en compensation l'augmentation de la taxe carbone. Là encore, tout le monde était d'accord sur le principe. Quand on l'a mis en oeuvre, certains n'ont plus regardé que les taxes qui augmentaient. Toutes les majorités politiques qui ont augmenté les impôts ont connu tôt ou tard une sanction électorale. Il serait plus facile de satisfaire tout le monde en baissant les impôts. Cependant, à un moment donné, nous devons faire le choix de la responsabilité budgétaire.

La prime à la conversion pour les véhicules, votée l'an dernier, a été mise en oeuvre dès le 1er janvier 2018. Elle fonctionne au-delà des espérances. Ceux qui en bénéficient sont les ménages non imposables à 70 % et les habitants hors de l'Ile-de-France à 95 %. Et les véhicules que l'on met à la casse sont à 80 % de vieux diesels. La cible visée a été atteinte au-delà des prévisions, et nous maintiendrons le dispositif l'an prochain.

Quant aux autres sujets que vous avez suggérés, Monsieur le président, je propose que nous en parlions dans le cadre d'un dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Avant d'intervenir comme rapporteur pour avis sur le budget, je souhaiterais vous faire part de quelques observations générales. Le contexte climatique impose que nous changions les comportements. Pour cela, il faut mettre en place des stratégies à long terme et définir une vision claire, car la progressivité, la clarté et la transparence sont les seules voies qui nous permettront de faire accepter les changements à nos concitoyens. Le contexte fiscal imposé par le Gouvernement est perçu comme brutal et opaque sur le terrain. D'où les contestations, notamment des professionnels sur l'augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui semble relever d'une logique purement budgétaire, car les incitations au recyclage restent faibles. Le doublement du fonds chaleur ne figure pas au budget pour 2019, malgré la promesse du candidat Macron et alors que la chaleur renouvelable est une voie d'avenir.

Quant aux crédits du programme 113 consacré à la biodiversité, ils augmentent d'environ 20 millions d'euros cette année, dont 10 serviront à l'organisation du congrès mondial de la nature, organisé à Marseille et 10 autres financeront les actions extrêmement ambitieuses du plan biodiversité. Le financement restant modeste, comment comptez-vous être au rendez-vous des prochaines échéances, à savoir la réunion de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), à Paris, au printemps prochain ?

Rien ne figure dans le projet de loi de finances pour compenser la diminution des redevances cynégétiques qui représentent un manque à gagner de 20 millions d'euros pour l'ONCFS. Si l'office pourra faire face cette année, qu'en sera-t-il l'an prochain ?

L'acte II des Assises de l'eau s'ouvrira bientôt. Qu'en attendez-vous concrètement ? Le Parlement sera associé à ces assises sur le grand cycle de l'eau. Pouvons-nous espérer que la réflexion aboutira à des mesures législatives ?

Pourriez-vous aussi nous dresser le bilan de votre politique en matière de captages prioritaires ? Quels moyens souhaitez-vous y consacrer dans le prochain budget ?

Enfin, un projet de fusion de l'ONCFS et de l'AFB a été annoncé, alors même que l'agence fonctionne depuis à peine deux ans. Pourriez-vous nous préciser le calendrier et les motivations de cette fusion, « interdite », il y a trois ans, dans les débats parlementaires ? Quel impact aura-t-elle sur les missions de police de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

La fiscalité écologique se heurte à l'incompréhension des Français. Est-elle vraiment compréhensible ? Il faudrait la clarifier.

Sur 2 568 communes situées dans un territoire présentant un risque important d'inondation, 303 n'ont aucun plan de prévention des risques prescrit et 342 sont dépourvues de toute initiative. Pour les 303 communes du littoral identifiées après la tempête Xynthia comme présentant un risque particulier, seulement la moitié dispose d'un plan approuvé. Il est indispensable de renforcer le dispositif, et cela vaut aussi pour la construction d'ouvrages de protection pour lesquels les collectivités ont besoin d'un soutien financier fort de l'État. La décision prise par le Gouvernement, l'an passé, de plafonner les recettes du fonds Barnier à hauteur de 137 millions d'euros de recettes, issues d'une taxe affectée sur les contrats d'assurance, risque d'avoir un impact sur la politique de prévention des risques. On ne pourra pas maintenir le plafond pendant plusieurs années sans compromettre le niveau élevé d'intervention. Un amendement a été déposé à l'Assemblée nationale pour lever certaines contraintes dans la gestion des ressources du fonds, mais cela ne modifie pas l'enveloppe totale. Quels sont vos objectifs en matière de prévention des risques naturels, alors que le président de la République a annoncé des évolutions sur le sujet, lors de son déplacement à Saint Martin, au début du mois d'octobre ?

La baisse globale des effectifs se poursuit en 2019 avec 813 emplois de moins, schéma qui succède à celui de 2018 où il y avait 830 emplois supprimés. Votre ministère est l'un des plus touchés par les réductions d'effectifs. Lors de nos auditions, nous avons relevé des tensions importantes au sujet des effectifs des services de l'État et de ses opérateurs qui seraient moins présents dans les territoires, alors même que l'élaboration de projets innovants en matière environnementale nécessite un accompagnement accru de la part de l'État. Pouvez-vous nous indiquer si ces baisses font l'objet d'une répartition stratégique ? Quelles missions de votre ministère sont les plus affectées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nelly Tocqueville

J'ai récemment commis un rapport sur la pollution de l'air extérieur. Dans son édition du 30 octobre, le journal Le Monde a publié deux articles consacrés à ce sujet, mentionnant le nombre important de victimes, en particulier en France. L'Agence européenne pour l'environnement qualifie cette situation de « tueur invisible ». On recense 35 800 victimes en France, ce qui nous place en quatrième position des pays les plus touchés après l'Allemagne, la Pologne et l'Italie. Malgré une légère amélioration, la pollution atmosphérique dépasse toujours les limites fixées par l'Union européenne, dont les seuils sont pourtant inférieurs à ceux fixés par l'OMS. Le Conseil d'État a adressé une injonction à l'État français, à la suite de la procédure engagée par la Commission européenne, et le Gouvernement a choisi d'y répondre par l'élaboration de feuilles de route pour les douze régions concernées. Lors des auditions que j'ai menées dans le cadre de mon rapport, nous avons identifié que les causes majeures d'émissions de NO2 étaient la circulation et le chauffage. La hausse des taxes sur le carburant destinée à sensibiliser les usagers frappe les habitants des douze régions concernées d'une double peine : les effets de la pollution et la hausse des prix à la pompe. Qu'envisage le Gouvernement pour que notre pays ne soit plus considéré comme un des mauvais élèves de l'Union européenne ? Quelle pédagogie prévoyez-vous pour expliquer à nos concitoyens qu'ils doivent s'acquitter d'un impôt qui ne sera pas redistribué aux régions, en particulier à celles qui subissent les conséquences des mises en demeure de l'Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

La hausse des prix du carburant fait débat et la décision de procéder au rapprochement progressif de la fiscalité applicable à l'essence et au diesel fait couler beaucoup d'encre. A-t-on la certitude que le diesel pollue plus que l'essence ?

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) augmentera de 3,7 milliards d'euros et de 15,4 milliards d'euros entre 2017 et 2022. Que fera-t-on de ces recettes supplémentaires ? Seront-elles affectées au budget général de l'État ou serviront-elles à financer de nouvelles mesures pour la transition énergétique ? Vous avez commencé à répondre à cette question dont l'enjeu est essentiel, car beaucoup de gens sont dans le doute. Les agences de l'eau paient une taxe qui va directement dans le budget de l'État, alors qu'il faudrait soutenir ces agences dont le rôle est d'accompagner les collectivités dans leurs travaux. Il est primordial que nous ayons l'assurance que ces crédits seront bien affectés à la transition énergétique. Quel est votre avis sur notre proposition adoptée ce matin à l'unanimité d'affecter une partie de la hausse de la TICPE aux collectivités territoriales ? Les communautés de communes, les communautés d'agglomération, les EPCI, mais aussi les régions participent activement à la transition énergétique. Il est essentiel de leur donner des moyens.

Quelles mesures de compensation mettre en oeuvre pour aider les entreprises et les ménages à changer de comportement ?

L'augmentation de la TGAP entraînera un coût supplémentaire pour les collectivités locales de 104 millions d'euros en 2021 et 210 millions d'euros en 2025. Que pensez-vous d'un abattement de 50 % généralisé de cette taxe pour les résidus de tri issus de centres de tri performants ?

Pour ce qui est de la suppression du tarif sur la TICPE, il nous semble important de lisser le processus sur quatre ans. Certaines petites entreprises de travaux publics et de services qui ont des contrats avec les collectivités locales ont une clause de révision. Celle-ci sera-t-elle suffisante pour combler la hausse ? Les entreprises qui n'auront pas de clause de révision perdront de l'argent. Dans le premier cas, les collectivités locales seront financièrement pénalisées ; dans le second, ce sera le cas des entreprises. Sur le milliard d'euros de crédits supplémentaires attendus, ce sont 500 millions d'euros qui seront effectivement affectés.

La voiture électrique offre des perspectives très intéressantes mais il est primordial de mettre en place des filières de recyclage des batteries.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre de la transition écologique

Sur les Assises de l'eau, il est important de poursuivre la démarche initiée avant mon arrivée - la conclusion de la première phase a eu lieu deux jours après la démission de mon prédécesseur, en présence du Premier ministre. Je suis attaché à ce que les parlementaires soient représentés au comité de pilotage des Assises et au sein des quatre groupes de travail. J'ai saisi le président du Sénat pour qu'il désigne des sénateurs. En tant que président de l'Assemblée nationale, je m'étais battu sur ce point.

Les moyens en faveur de la biodiversité font l'objet d'un débat récurrent. Au-delà, c'est une question de pédagogie, plus que de transparence, sur les actions menées par le ministère, par ses opérateurs, notamment par les agences de l'eau, qui sont des établissements publics.

Il a récemment été question de recentraliser les agences de l'eau - j'aurais personnellement combattu cette orientation. Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Commissariat général au développement durable a conclu qu'il était plus intéressant de conserver le système actuel.

J'ai reçu les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau. Tous sont mobilisés pour que les politiques de l'eau et de la biodiversité aillent de pair. Nous avons estimé les dépenses au titre de la biodiversité dans les budgets des agences de l'eau à plus de 500 millions d'euros pour les cinq ans qui viennent.

J'en viens à la perte de recettes pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) : voilà un exemple de taxe affectée. Sauf à multiplier les permis de chasse- je n'y crois pas - la baisse liée à la réduction de leur prix, évaluée à 21 millions d'euros, sera financée l'an prochain grâce à la trésorerie de l'ONCFS, qui est de plus de 42 millions d'euros.

Vous avez évoqué le projet de fusion de l'ONCFS avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB). La nomination d'un préfigurateur est en cours. Le projet de loi préalable à cette fusion sera examiné prochainement par votre assemblée en première lecture, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2020. On disposera alors d'un outil plus important au service de la biodiversité, comprenant une police dotée d'agents multicartes. Les blocages du monde de la chasse contre la fusion, en 2015-2016 lors des discussions sur la loi instaurant l'Agence française pour la biodiversité, ont été levés. Ce projet de fusion n'a pas pour but principal de réaliser des économies, mais de disposer d'un opérateur plus puissant.

Toutes les communes n'ont pas encore rempli leurs obligations en matière de prévention des risques naturels. Longtemps élu de Loire-Atlantique, j'ai été sensible à la tempête Xynthia. À l'époque, le maire de la Faute-sur-mer s'était élevé contre les élucubrations des technocrates parisiens pour contester les préconisations du préfet. Ce n'est pas facile pour les élus locaux qui doivent savoir refuser des permis de construire. Le maire de Villegailhenc dans l'Aude, que j'ai rencontré après les inondations, me l'a dit : le plus difficile, pour lui, c'est de dire non.

Les programmes d'action pour la prévention des inondations (PAPI) ont des volets de prévention sur l'urbanisme et des volets d'investissement pour construire des digues et autres protections, pour les endroits où l'on construit au bord des rivières depuis des siècles.

Je souhaite qu'il soit mis fin au plafonnement du fonds Barnier. Les cotisations supplémentaires sur les polices d'assurance doivent aller à la protection des populations contre les catastrophes naturelles et à la réparation des dégâts. La lutte contre le dérèglement climatique ne consiste pas seulement à protéger la planète ou les habitants de pays lointains mais aussi à nous protéger, nous les Français. Ce dérèglement engendre une destruction de valeur. Cela a un coût. Si, demain, on veut augmenter les moyens de prévention des inondations et financer les réparations, il faudra sans doute accroître les sommes versées.

Il y a effectivement des réductions d'effectifs. J'assume de maîtriser les dépenses de fonctionnement. Dans mon ministère, le budget augmente et les dépenses de fonctionnement baissent, ce qui favorise la hausse des investissements. C'est un choix. Pour autant, 3 000 agents sont sur le terrain pour prévenir les risques. Des réorganisations internes sont nécessaires pour assurer une présence, non dans chaque département, mais à l'échelon local - il faudra trouver la bonne proximité.

Je suis mobilisé depuis très longtemps contre la pollution de l'air. On ne peut pas dire que les habitants subissent une double peine, celle de la pollution et celle des taxes sur les carburants. La fiscalité est un moyen de changer les choses dont l'effet n'est pas immédiat. Sur 32 millions de véhicules de particuliers, plus de 19 millions roulent au diesel et plus de 12 millions à l'essence, en raison des incitations en faveur du diesel. Le parc de véhicules diesel connaît une décrue. Il ne représente plus que 36 % des véhicules neufs contre 72 % il y a six ans. C'est l'effet de choix politiques mais aussi d'une prise de conscience après, notamment, le Dieselgate. La lutte contre la pollution de l'air est un combat de longue haleine. La fiscalité n'est pas le seul levier d'action. Il y a aussi les normes anti-pollution et les restrictions de circulation en ville.

Une bonne politique écologique comme une bonne politique sanitaire, par exemple contre le tabac, associe l'incitation à la contrainte. Dire qu'il est possible de réussir sans contrainte, c'est mentir. Nous, nous assumons. Nous avons réuni des maires et des présidents d'intercommunalités avec Mme Élisabeth Borne pour lancer les zones à faibles émissions. Mais celles-ci ne seront possibles que grâce aux restrictions de circulation, sans quoi il n'y aura pas de résultats.

En outre, le cadre change. Le parc automobile se renouvelle. Progressivement, nous voulons l'électrifier. Nous nous sommes battus pour des normes européennes exigeantes. Nous travaillons avec les constructeurs pour qu'ils proposent des offres plus diversifiées. Si vous vous êtes rendus au Salon de l'automobile, vous avez sans doute constaté un large choix et des prix en baisse.

Vous m'avez demandé si le diesel pollue plus que l'essence. Des études scientifiques prouvent qu'il émet des particules fines, ce qui n'est pas le cas de l'essence. Tendanciellement, la motorisation à essence consomme un peu plus. Il n'est pas question de désigner un carburant méchant et un gentil, mais pour réduire les émissions de particules fines, il faut réduire l'usage du diesel puis en sortir. Jusqu'à récemment, les bus utilisaient massivement du diesel. Dès 2001, la ville de Nantes a fait le choix des bus au gaz. Île-de-France Mobilités se met enfin aux bus au gaz et à l'électricité, ce qui diminuera la pollution de l'air.

Sur la TICPE et son affectation aux collectivités territoriales : aujourd'hui, plus de 12 milliards d'euros de fiscalité écologique vont aux collectivités territoriales, via les dotations. La fiscalité écologique alimente le budget général de l'État, source des dotations ; de plus, une part de la TICPE est affectée aux régions. Quant à octroyer une part supplémentaire à des projets écologiques, je rappelle que si l'on donne plus ici, l'on donnera moins là, sauf à augmenter les impôts tous azimuts. Or les Français trouvent qu'ils sont déjà trop élevés.

En évoquant les recettes fiscales, notamment de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), certains ont laissé entendre que rien n'évoluerait en cinq ans. Bien sûr que si ! Les Français ont déjà commencé à changer. Ils ne sont pas figés. Ce ne sont pas des Gaulois réfractaires. Le but de la TGAP sur les déchets est bien de réduire le volume d'ordures jetées dans les décharges, qui est encore de 30 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous avons voté ce matin un amendement pour qu'une part de la taxe carbone aille aux collectivités territoriales, en nous appuyant principalement sur la dynamique de l'augmentation annoncée de la TICPE puisqu'entre 2017 et 2022 elle va engendrer une recette supplémentaire de 15 milliards d'euros qui ira uniquement à l'État.

En outre, la part de la TICPE à destination des collectivités territoriales va aux régions et non au bloc communal, or ce dernier est particulièrement responsable en matière de transition écologique. On ne peut pas partager les responsabilités et les charges sans jamais partager la cagnotte. Pour parodier le Président de la République, il faut partager le pognon !

On comprend les contraintes réglementaires et financières si elles sont efficaces. Mais augmenter le prix du carburant pour des Français qui n'ont le choix qu'entre la voiture individuelle et la voiture individuelle ne les fera pas changer de comportement.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre d'État

La taxe carbone va augmenter et rapporter davantage avant que l'on constate un changement de comportement. Nous l'avons annoncé. Nous ne prenons personne en traître. Il s'agit de donner le signal-prix que tout le monde réclamait sur l'énergie en général et les énergies carbonées en particulier pour lutter contre le dérèglement climatique. Mais ce n'est pas possible de regarder uniquement le silo de la fiscalité écologique. Le budget français ne fonctionne pas ainsi. Il y a toujours eu une part de taxes affectées et une autre de taxes non affectées qui vont au budget général. Ensuite, on fait des choix politiques. Pour l'armée, la police, la justice, l'éducation nationale, la santé, le budget est en hausse. Il y a en effet 15 milliards d'euros de recettes supplémentaires, mais 11 milliards d'euros de pertes de recettes en raison de la suppression de la taxe d'habitation.

Les collectivités territoriales ont connu une forte baisse des dotations. Nous y avons mis un coup d'arrêt et proposé la contractualisation, qu'il faut bien financer. Et tout cela, nous le faisons avec un budget qui est encore en déficit et une dette qui continue à augmenter. On ne peut pas regarder la fiscalité par tranche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Il semble que 19 % de la hausse de la taxe sur les carburants soit affectée à l'écologie et 81 % à d'autres missions. Nous avons été échaudés par le cas de la sécurité routière. En effet, la Cour des comptes a précisé que 25 % du produit des amendes a servi au désendettement de l'État, contrairement à ce qui avait été dit.

Je voudrais également aborder l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER). Vous prévoyez de supprimer des centrales nucléaires. Le budget alloué aux collectivités territoriales dans le cadre de l'IFER est en baisse de 2 % alors qu'en 2009, il avait été précisé qu'il ne bougerait pas. Ce sont les communes et intercommunalités qui sont touchées. Nous n'avons aucune information concernant la part des départements. Quelle est-elle ?

Selon le rapport de la Cour des comptes du 18 avril dernier, la politique de soutien aux énergies renouvelables est incohérente, inefficace et extrêmement coûteuse. Le marché des éoliennes est un bazar sans nom. Tous les maires sont démarchés par des entreprises plus ou moins sérieuses, ils acceptent l'installation d'éoliennes pour gagner de l'argent, ce qui défigure le paysage. Que se passera-t-il quand des entreprises déposeront le bilan ? Il faut mettre en place des plans départementaux, comme pour le nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Comme vous, je me suis rendu au salon de l'automobile. Effectivement, l'évolution technologique est considérable.

Il y a quelques semaines, une personnalité du GIEC a appelé notre attention sur l'évolution climatique. On entend beaucoup parler de l'électrique et moins de l'hydrogène, mais si tout passait à l'électrique, quid de la production ? On ferme des centrales à charbon - c'est logique - et on a la volonté de fermer Fessenheim et même d'autres centrales. D'un côté, certains interlocuteurs disent que la production française est assez élevée, et de l'autre, EDF dit qu'il faut un ou deux EPR supplémentaires. Quelle est la position du Gouvernement ?

Ma dernière question, plus locale, porte sur la gestion des sédiments de la Rance. Ségolène Royal avait chargé le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) d'un rapport, qui a été rendu, mais le chantier peine à être mis en route.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le ministre, comment voyez-vous l'organisation de la police après la fusion de l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ?

Il y a un problème d'incompréhension de l'affectation des recettes de la fiscalité écologique. Quand vous dites qu'une part de la TICPE est affectée aux collectivités territoriales, je ne comprends pas.

Quelle est votre vision du partage de l'eau, notamment pour les agriculteurs ? Nos départements, comme la Dordogne, ont du mal à constituer des réserves.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je suis d'accord, la fiscalité peut changer les pratiques, et il faut les changer. Mais en zone rurale, ce n'est pas toujours possible. Il faut travailler sur les alternatives, ce qui demande des moyens et un accompagnement des collectivités territoriales qui sont au centre des changements.

Les contrats de territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), mis en place en 2015 par 550 territoires, avaient bien fonctionné. Leur bilan est positif, mais on a peu de visibilité sur la suite. Que prévoyez-vous pour aider les collectivités territoriales ?

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

La précarité énergétique augmente, les émissions de gaz à effet de serre également. Il faut passer à la vitesse supérieure. Le rapport du GIEC incite à prendre des mesures radicales. On ne pourra pas s'exonérer d'une grande remise à plat. Quelle est votre projet politique global ? Envisagez-vous des mesures radicales ? Pensez-vous à la pédagogie, qui est absolument nécessaire ? L'écologie ne doit pas être punitive ; chaque citoyen doit comprendre ce qui se passe. Pour éveiller les consciences, on pourrait diffuser des clips télévisés. On pourrait aussi mettre à profit l'intelligence et la créativité des jeunes et de leurs professeurs, en organisant un grand concours.

Une TGAP-amont ne serait-elle pas logique en ce qui concerne les déchets ? Les consommateurs sont captifs. Ce sont les entreprises qui suremballent. Il faut leur appliquer le principe du pollueur-payeur.

Le compostage n'existe toujours pas partout sur le territoire, or il serait facile à mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Le Sénat a voté l'augmentation de la trajectoire de la contribution climat énergie (CCE) à mon initiative et à celle de M. Ladislas Poniatowski - c'était consensuel - et son prix actuel n'est pas très différent de ce que nous avions voté dans la loi de transition énergétique.

Dès 2016, tous les réseaux de collectivités territoriales ont mis sur table une proposition commune de dotations additionnelles pour accompagner les compétences nouvelles créées dans la loi, les plans climat air énergie territoriaux (PCAET) obligatoires pour les intercommunalités et le volet climat des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET). Les compétences nouvelles obligatoires n'ont pas été accompagnées de financements supplémentaires. Trois ans plus tard, la plupart des territoires n'ont pas mis de PCAET en place, ni de volet climat. La France voit ses émissions de gaz à effet de serre augmenter puisque ce sont les territoires qui influent sur la vie quotidienne et qu'une large part des émissions de CO2 sont liées à cette vie quotidienne. Au-delà du débat sur les grandes masses financières, on voit bien qu'il y a un manque dans la stratégie nationale bas carbone. Dans un contexte de grandes fractures territoriales et d'inégalités vis-à-vis de l'augmentation de la CCE, il est urgent d'aller vers les territoires.

Tous les réseaux de collectivités sont unanimes pour que seules les intercommunalités et les régions reçoivent cette dotation, dans le cadre d'une contractualisation avec obligation de résultats. Monsieur le ministre, acceptez-vous de mettre en place le groupe de travail que tous les réseaux français de collectivités territoriales vous demandent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Léonhardt

Dans notre pays, des citoyens ne veulent ni ne peuvent plus attendre. Il y en a partout en France, qui réfléchissent, s'organisent, agissent en lançant des initiatives, parfois de grande ampleur. Ainsi, le navigateur Yvan Bourgnon écume les océans pour les nettoyer des millions de tonnes de plastique qui polluent les fonds marins.

Souvent, on attend tout de l'État. Parfois, celui-ci est bien plus efficace en accompagnant les initiatives citoyennes, pour renverser la vapeur afin que nos enfants aient un avenir sur notre planète.

Renverser la vapeur, c'est aussi changer de logique et se saisir des problèmes à la source. C'est faire porter la responsabilité sur les industriels, ceux qui fabriquent et qui mettent les produits sur le marché et non plus simplement sur les consommateurs. C'est par conséquent obliger les entreprises à se tourner vers l'économie circulaire en les contraignant à fabriquer des produits recyclables, le plus possible avec des matières recyclées.

Pour lutter efficacement contre le suremballage et faire en sorte qu'il devienne moins coûteux de fabriquer et de consommer des produits vertueux pour l'environnement, je propose d'arrêter de taxer les gestionnaires de déchets qui ne sont pas responsables de la non-recyclabilité des produits. Réduire la quantité de produits non recyclables sur le marché contribuerait à l'objectif gouvernemental de diminuer par deux le stockage des déchets.

Les recettes pourraient être consacrées au développement de l'économie circulaire et à l'accompagnement des politiques de réduction des déchets.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre d'État

Monsieur Fouché, nous avons déjà beaucoup évoqué la question de la hausse des taxes sur le carburant. Je le répète : nous allons améliorer les choses et les présenter de la façon la plus claire possible, concernant les recettes et les dépenses.

Concernant l'IFER et les pertes de recettes résultant pour les collectivités territoriales de la fermeture d'une grosse centrale, comme celle de Fessenheim, ou de centrales à charbon situées sur leur territoire, nous sommes totalement transparents avec les élus locaux. Nous avons prévu des dispositifs d'étalement des pertes dans le temps afin d'éviter des effets pervers entre communes et intercommunalités. Cela étant dit, nous ne pouvons pas garantir à vie des recettes liées à des installations qui disparaissent.

La Cour des comptes a dit de la politique de soutien aux énergies renouvelables qu'elle était incohérente, coûteuse et inefficace. Nous essayons d'y mettre de l'ordre. Un important travail a été réalisé par les services de l'État et les collectivités territoriales. Les éoliennes ne sont pas implantées n'importe où. Les schémas régionaux doivent être respectés.

Cela étant dit, quand on examine la carte de France d'implantation des éoliennes terrestres, on constate que des départements entiers n'en comptent pas une seule, soit parce qu'il n'y a pas de vent, soit parce que les contraintes sont très nombreuses. Pour ma part, je pense que les contraintes sont trop nombreuses. Nous avons procédé à des simplifications ces dernières années, mais la tentation est toujours grande d'en ajouter. Il y a donc des endroits où il est difficile d'implanter des éoliennes. Il n'y a ainsi vraiment pas beaucoup d'éoliennes dans le quart sud-ouest. Or un certain équilibre est nécessaire. Il faut aller de l'avant, car la production d'électricité est compétitive aujourd'hui. Nul besoin de subventions.

De même, on sait qu'il y a en France un potentiel pour développer l'énergie solaire photovoltaïque. Je rappelle que, dans ce cas, on utilise nos ressources au lieu d'importer de l'uranium, du pétrole ou du gaz, sachant que la facture pétrolière et gazière représente entre 50 et 70 milliards d'euros dans notre commerce extérieur selon les années, en fonction du prix du pétrole. Aujourd'hui, les centrales au sol permettent de produire de l'électricité à un coût compétitif.

M. Vaspart m'a interrogé sur les solutions hydrogène dans le secteur automobile. Or ce n'est pas dans ce secteur que l'utilisation de l'hydrogène sera la plus pertinente à court terme. Pour notre part, nous soutenons l'hydrogène au stade de la recherche et développement. Il existe deux façons de produire de l'hydrogène : à partir du méthane et de l'électrolyse de l'eau. Aujourd'hui, 95 % de l'hydrogène consommé dans le monde provient du méthane, cette technique étant malheureusement fortement émettrice de CO2. L'hydrogène issu de l'électrolyse de l'eau, qui est surtout utilisé dans l'industrie, est aujourd'hui deux fois plus cher que l'hydrogène issu du méthane. Nous soutenons donc cet hydrogène afin de réduire son coût et de le rendre compétitif. Si on applique une taxe carbone sur la production de l'hydrogène issu du méthane, l'hydrogène issu de l'électrolyse de l'eau devient plus compétitif. Tout se tient ! Il s'agit d'orienter la production d'énergie vers les solutions les moins émettrices de CO2.

L'hydrogène est également une solution pour les transports lourds, notamment le train. Nous y croyons. Un constructeur français, Alstom, développe actuellement cette solution, en Allemagne malheureusement, mais des projets verront le jour en France.

Ces solutions doivent toutefois être compétitives, sinon elles ne se développeront pas à grande échelle et on ne les subventionnera pas de façon monumentale.

Je ne m'attarde pas sur les questions de production d'électricité, sur les équilibres, car nous aurons l'occasion d'y revenir lors de la présentation du projet de loi de programmation annuelle de l'énergie dans les semaines à venir. Je serai évidemment disponible pour en débattre avec vous en commission. De même, nous reparlerons spécifiquement de la gestion des sédiments de la Rance, si vous le voulez bien.

Le partage de l'eau pose la question des usages de l'eau, tout simplement, et des réserves. Il faut arrêter de tourner autour du pot : c'est l'un des enjeux de l'adaptation au dérèglement climatique. On le voit, cette année, la sécheresse touche des départements qui n'avaient jamais connu ce problème auparavant. C'est typiquement une manifestation du dérèglement climatique. Les phénomènes de fortes précipitations sont également accentués. Pour gérer ces questions, nous avons commencé à travailler avec le ministère de l'agriculture. Dans son rapport, le préfet Bisch pose un certain nombre de principes, que nous allons mettre en oeuvre, y compris s'agissant des réserves, souvent combattues au sein de mon ministère.

Nous devons également changer les usages, sinon nous ne nous adapterons pas au changement climatique. C'est vrai en matière d'irrigation - ce n'est pas un gros mot dès lors qu'elle est gérée de manière responsable?! - ou d'alimentation en eau pour l'élevage. Cet été, une région comme le Limousin a connu des déficits en eau alors que ce n'était jamais arrivé auparavant.

Nous reviendrons sur la police de l'environnement dans le cadre de la fusion AFB-ONCFS. Il est évident que nous devons avoir des agents multifonctions qui puissent remplir ce rôle, à condition d'être détachés du monde de la chasse. La Fédération nationale des chasseurs en est d'accord.

J'en viens à l'alternative à la voiture individuelle.

Il est certain que le choix ne peut pas se faire entre la voiture et les transports en commun, ces derniers ne pouvant pas aller partout, en particulier à la campagne. Ce serait même une aberration écologique de mettre en place des bus ou des trains dans des endroits où il n'y a que quelques personnes à transporter.

En revanche, le covoiturage, par exemple, est un nouvel usage de la voiture qui n'est pas assez développé aujourd'hui, en tout cas pour les courtes distances et les trajets quotidiens. De nombreuses collectivités ont créé des aires de covoiturage qui marchent, mais il faut des applications. À Charleville-Mézières, une collectivité a mis en place un système de voitures électriques partagées permettant de répondre aux besoins en déplacements des gens n'ayant pas de voitures.

Les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ne seront pas poursuivis, comme l'avait d'ailleurs annoncé mon prédécesseur. Nous honorerons les engagements qui ont été pris, alors qu'ils n'ont pas toujours été financés, mais nous privilégions une politique différente, les contrats de transition écologique. Tout le monde ne porte pas tout à fait la même appréciation sur le bilan des TEPCV, entre effet de levier sur les territoires et effet d'aubaine?!

Monsieur Dantec, vous m'avez interrogé sur les plans climat air énergie territoriaux. Je vous remercie tout d'abord d'avoir rappelé que la taxe carbone avait fait l'objet d'un consensus. Pour ma part, je l'ai votée en 2009, lorsque le président Sarkozy a voulu l'instaurer. J'étais alors dans l'opposition, mais j'ai parfois eu l'impression de la défendre davantage que les députés de la majorité de l'époque. J'ai regretté que cette taxe ait été abandonnée, le Conseil constitutionnel l'ayant retoquée. Le gouvernement Fillon avait indiqué qu'il allait présenter un nouveau projet, mais il ne l'a jamais fait. J'ai également soutenu cette taxe lorsqu'elle a été adoptée en 2013, puis augmentée en 2017.

Ceux qui étaient favorables à une taxe carbone pensaient qu'elle allait permettre de taxer davantage l'électricité produite par du gaz, du fioul et du charbon et de soutenir le nucléaire. Il ne faut pas s'en cacher. Aujourd'hui, les mêmes déplorent que la taxe carbone s'applique aussi au fioul domestique et au carburant des voitures. La taxe ne s'applique pas à certaines émissions et pas à d'autres.

Seuls les agriculteurs et les industries électro-intensives sont exonérés de cette taxe. Elle n'est pas appliquée au gazole non routier pour les agriculteurs. C'est une niche fiscale, qui représente un milliard d'euros. Jusqu'à présent, les agriculteurs en payaient une partie qui leur était ensuite remboursée. Cette année, nous allons plus loin : ils n'auront même pas à faire cette avance, ce qui représentera une facilité de trésorerie de 250 millions d'euros. Quant aux électro-intensifs, ils bénéficient d'une exonération afin d'éviter la disparition pure et simple d'usines sur notre territoire. Cela étant dit, il faudra bien demain trouver des solutions pour les intégrer dans le système.

Je suis prêt à constituer un groupe de travail associant mon ministère, les associations de collectivités et le ministère de l'économie et des finances sur la contractualisation.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre d'État

Des décisions devront être prises en matière de gestion des déchets, mais de telles décisions ne sont jamais faciles à prendre. Je me souviens qu'il a été envisagé de généraliser la redevance incitative à la place de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Je crois même que cela a été voté. Pour ma part, je suis pour. Des collectivités, petites ou grandes, l'ont mise en oeuvre, et cela marche, mais je constate que, malgré cela, il y a encore des gens qui ne veulent pas en entendre parler, arguant que les poubelles finiront dans les fossés ou chez les voisins, ce qui est faux. J'ajoute que ceux qui ont mis en oeuvre cette redevance l'ont parfois payé cher lors des élections municipales suivantes.

Nous allons proposer des consignes pour les bouteilles en plastique, qui sont du reste beaucoup plus fines aujourd'hui qu'il y a dix ans, mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. Cela ne sera pas facile, mais nous allons le faire, y compris par la contrainte.

Madame Préville, vous souhaitez qu'on passe à la vitesse supérieure, que l'on prenne des mesures radicales. Si cela signifie s'attaquer aux problèmes à la racine, j'y suis prêt, mais si cela veut dire le faire de manière brutale ou du jour au lendemain, je dis non. Nous privilégions plutôt des choses progressives, ce qui n'est pas facile pour autant.

Une campagne de communication en faveur des économies d'énergie est en cours, la campagne FAIRE. On s'est rendu compte que beaucoup de gens ne mesuraient pas l'intérêt pour eux-mêmes - même pas pour la planète - d'effectuer des travaux de rénovation énergétique alors qu'ils refont, quand ils en ont les moyens, leur cuisine, leur salle de bains ou les peintures pour améliorer leur confort ou pour des raisons purement esthétiques. Les travaux de rénovation énergétique, avant d'être une amélioration pour la planète et une source d'économies d'énergie, augmentent également le confort, ceux qui ont fait de tels travaux peuvent en témoigner. Il faut s'appuyer sur leur expérience.

J'ai déjà répondu à la question des suremballages, laquelle sera traitée lors de la transposition de la directive Déchets. Nous verrons alors si nous introduirons des dispositions supplémentaires, comme la consigne des bouteilles en plastique.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le ministre, j'espère qu'il n'y aura plus de bouteilles en plastique au Sénat la prochaine fois que vous y viendrez. Notre commission a demandé à l'unanimité la mise en oeuvre de solutions alternatives. Notre commission, et c'est bien normal, est pionnière sur ces sujets. Elle a ainsi été la première, bien avant l'Assemblée nationale, à pratiquer l'examen dématérialisé des amendements en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le ministre, la vallée de l'Arve figure parmi les zones françaises pointées par la Commission européenne pour ses taux élevés de particules fines et fait tristement et régulièrement la une de certains médias. Chaque année, 550 000 poids lourds la traversent. Elle compte de nombreuses industries polluantes et des milliers de vieilles cheminées, dont les fumées ne se dissipent pas malgré les fonds Air Industrie et Air Bois.

J'en appelle à une véritable ambition des pouvoirs publics en matière de qualité de l'air, justifiée par des préoccupations sanitaires et non par la crainte de contentieux.

Comptez-vous agir sur d'autres leviers que la restriction de la circulation, qui est insuffisante, pour lutter contre la pollution, sachant que les principales sources de pollution sont les cheminées et que la vallée de l'Arve se caractérise par sa configuration géographique ? Selon quel calendrier ? Comptez-vous venir dans la vallée de l'Arve ?

Enfin, comme vous, je tiens à saluer l'ensemble des élus locaux qui oeuvrent au quotidien et proposent des solutions. Face à la pression de la population, ils ont besoin d'être soutenus par les parlementaires, par les ministres et les pouvoirs publics d'une façon générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Monsieur le ministre d'État, je tiens d'abord à dire que je partage les propos d'Alain Fouché sur l'organisation de l'éolien sur le territoire français. Pour ma part, je vous interrogerai sur le photovoltaïque.

Les entreprises françaises de production de panneaux photovoltaïques, comme le groupe Armor à Nantes, rencontrent des difficultés face aux entreprises chinoises ou étrangères dont les coûts sont extrêmement bas. Si la Commission de régulation de l'énergie ne fait pas d'efforts pour favoriser les entreprises françaises, nous risquons une fois de plus de voir disparaître ces pans de l'industrie française.

Par ailleurs, ne pourrait-on pas installer des panneaux photovoltaïques le long des lignes à grande vitesse afin de réduire leurs nuisances sonores ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

La levée de boucliers que provoque l'augmentation du coût du carburant et de l'énergie est préjudiciable à l'idée même de fiscalité écologique. C'est peut-être une bonne idée sur le fond, mais, sur la forme, c'est perçu comme une mesure punitive. Au mois de février dernier, votre prédécesseur avait indiqué que l'un des principes devant guider la mise en place de taxes destinées à changer les comportements était celui de la progressivité. En l'occurrence, ce principe n'est visiblement pas respecté. Le dispositif retenu est contraire à l'équité et manque singulièrement de lisibilité.

Le rapport de la Commission nationale du débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie est limpide : les catégories sociales ayant des revenus inférieurs sont beaucoup plus affectées que les autres par la hausse de la fiscalité environnementale. En effet, ce sont les ménages les plus modestes qui sont les plus frappés par la précarité énergétique, parce qu'ils habitent loin des centres-villes et n'ont pas accès aux transports publics. Le projet de loi de finances manque cruellement de mesures d'accompagnement en leur faveur. Où en est la structuration du service public de la performance énergétique de l'habitat ?

Des expériences positives ont été menées sur les territoires. Vous avez indiqué que certains dispositifs allaient être abandonnés. Je pense à des aides à destination des collectivités territoriales qui permettaient d'avoir des politiques vertueuses. Quel prolongement comptez-vous donner à ces démarches ? Les collectivités territoriales et les citoyens ont besoin de visibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Boyer

Voilà quelques années, il y avait des mesures incitatives pour acheter des véhicules diesel. J'avais d'ailleurs moi-même été séduit par les arguments d'associations de consommateurs montrant que le filtre à particules permettait d'avoir un diesel beaucoup moins polluant que l'essence. Quelles sont aujourd'hui les études scientifiques sérieuses qui permettent d'affirmer que le diesel pollue plus que l'essence ?

Nous adoptons des mesures en France, et nous essayons d'être exemplaires. Mais ne faut-il pas replacer cela dans le contexte européen ? Sinon, c'est une goutte d'eau dans l'océan. Regardons ce qui se pratique en Allemagne, en Italie, en Espagne ou en Belgique pour réduire effectivement les émissions de CO2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Nous demandons qu'une part de la taxe carbone aille aux collectivités territoriales non pas pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, mais bien pour accompagner ces dernières sur des actions précises, à l'instar des contrats de transition écologique.

La concertation qui a été menée par la Commission nationale du débat public sur la PPE a permis à bon nombre de nos concitoyens de mieux appréhender l'ensemble des enjeux énergétiques sur le renouvelable. Toutefois, je crains que les arbitrages ne soient rendus en fonction de considérations budgétaires de court terme, au détriment du choix de la constitution de véritables filières industrielles nationales : la renégociation des appels d'offres pour l'éolien en mer posé et la renonciation aux fermes commerciales dans l'hydrolien en sont des signes avant-coureurs. Avez-vous des informations à nous communiquer à cet égard ?

La création d'un fonds de compensation horizontale pour l'accompagnement de la fermeture de centrales thermiques et nucléaires figure dans le projet de loi de finances. Ce choix est très pertinent. Mais allez-vous nous livrer un bilan du coût de cette fermeture ? Je pense évidemment à l'indemnisation des exploitants, mais également à l'accompagnement des salariés et des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Les Français n'ont pas compris la hausse des taxes sur le carburant. Lorsque vous êtes venu dans le Gard, vous avez visité deux communes, Bagnols-sur-Cèze et Villeneuve-lès-Avignon, assez bien dotées en transports en commun. Mais, dans d'autres communes de mon département, nombre de personnes, notamment des jeunes, sont obligées de se rendre sur leur lieu de travail en prenant leur voiture, qui est souvent un véhicule d'occasion, pour des raisons de coût, d'autant qu'elles ont subi la baisse des aides personnalisées au logement (APL). Quelles réponses leur apportez-vous ? Le chèque énergie ne changera rien ; elles devront toujours prendre leur véhicule. De même, les retraités de ces communes, qui subissent la disparition des services publics et des médecins, doivent se rendre dans des communes plus importantes et n'ont pas d'autre solution que de prendre leur voiture. Ce n'est certainement pas avec la hausse des prix du carburant que vous allez résoudre leurs problèmes. Je pense sincèrement qu'une fiscalité de type bonus-malus serait mieux acceptée. Vous avez évoqué les rénovations de façade. J'ai moi-même souhaité en faire une avant d'y renoncer ; les dispositifs fiscaux ne sont pas incitatifs.

J'ai bien noté qu'il n'était pas possible d'affecter la totalité de la fiscalité écologique à de telles dépenses. Mais ne pourrait-on pas envisager d'élargir le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », afin d'avoir une véritable politique énergétique ?

Enfin, j'aimerais entendre M. le ministre sur le projet Cigéo, ainsi que sur la réduction des déchets nucléaires par l'investissement sur de nouveaux types d'installations.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

On a beaucoup souligné que la lutte contre le changement climatique reposait sur de la pédagogie et devrait s'appuyer sur la jeunesse. J'ai donc une proposition. Pourquoi ne pas faire du service universel obligatoire qui sera mis en place pour les jeunes un service universel environnemental ? Ce serait une bonne manière de les mobiliser sur ces enjeux.

Vous avez évoqué le fonds Barnier. Qui le gère ? Qui décide que tel ou tel particulier y est éligible ? C'est un peu kafkaïen. Je suppose que vous suivez le dossier de l'immeuble Le Signal à Soulac-sur-Mer, en Gironde. Des personnes sont en souffrance. Elles ont été évacuées de l'immeuble, que l'on en est train de désamianter. Nous avons toujours été confrontés à des gouvernements peu réactifs. Avez-vous une solution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Le Président de la République, que j'ai pu interroger lundi à Pont-à-Mousson sur la nécessité d'un fléchage, d'une plus grande lisibilité et de mesures d'accompagnement comme le chèque énergie, m'a indiqué ne pas être favorable à tout ce qui peut rigidifier la globalité budgétaire de l'État. Ayant présidé un exécutif local, je comprends ce que cela signifie. Mais, à ce titre, quand je paye mes taxes sur le carburant, j'ai un peu le sentiment de compenser fiscalement, par exemple, la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune. Le Premier ministre a évoqué la possibilité de compenser la baisse de la taxe d'habitation en affectant des recettes de la fiscalité écologique. Cela m'inquiète beaucoup. Une telle mesure ne permettrait pas donner des moyens supplémentaires aux collectivités territoriales pour agir. Or la transition énergétique se fera dans les territoires et reposera sur les communes et les EPCI.

Je vous ai déjà sollicité sur la faiblesse du Fonds chaleur. Des industries importantes de mon département - l'une produit du bicarbonate de soude - sont très consommatrices d'énergie et visent à utiliser des combustibles solides de récupération, ou CSR. Nous ne savons pas comment financer d'aussi gros projets.

Une harmonisation européenne des transports est nécessaire. Qu'en est-il d'une fiscalité sur les poids lourds traversant notre pays pour faire le plein à moindre coût au Luxembourg, qui pratique un dumping fiscal très choquant ? Je m'étonne également de l'exonération de TVA sur le transport aérien alors qu'il est moins cher de traverser la France en avion low cost qu'en train. Enfin, pourquoi ne pas équilibrer le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, par l'affectation de recettes de la TICPE ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

En tant que rapporteur pour avis sur les crédits consacrés aux transports routiers et du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres », je me réjouis de la hausse de la prime à la conversion, qui passera de 122 millions d'euros à 306 millions d'euros en 2019. Mais la nouveauté est que le dispositif sera limité à l'achat de véhicules de prix inférieur à 60 000 euros. Instaurer un tel plafond, c'est un peu retirer la planche au milieu du gué. Le bonus écologique concerne non seulement les véhicules électriques à batteries, mais aussi les véhicules à l'hydrogène, qui coûtent très cher.

Des entreprises privées et des collectifs ont déjà commencé à investir. Par exemple, un syndicat mixte de transports a construit des bâtiments et des stations pour pouvoir acheter des bus à hydrogène. Aujourd'hui, il n'y a plus de problème de recyclage des batteries : l'autonomie est supérieure à 600 kilomètres ou 700 kilomètres, avec une recharge en moins de trois minutes, comme pour un véhicule classique. La société de taxis parisienne Hype, qui a acheté vingt-cinq Toyota Mirai au mois de juillet, a obtenu les 6 000 euros par véhicule. Avec le nouveau plafond, ce ne sera plus possible pour les prochains véhicules achetés. Je proposerai donc à mes collègues d'adopter un amendement tendant à supprimer ce plafond, faute de quoi nous risquons de bloquer des collectivités territoriales qui voudraient s'engager dans cette direction. Monsieur le ministre, j'aimerais avoir votre soutien sur ce dossier, même si je sais que la décision appartiendra peut-être plus à Bercy.

Debut de section - Permalien
François de Rugy, ministre d'État

J'ai eu à connaître du dossier de la pollution de l'air dans la vallée de l'Arve bien avant d'être ministre. Les trois facteurs de pollution ont été rappelés : l'industrie, les chauffages au bois, qui sont mal réglés ou déficients, et le trafic routier. C'est sans doute la région de France la plus touchée, avec, à certaines périodes, des pics de pollution pendant plus de trente jours consécutifs. Je suis tout à fait déterminé à agir contre la pollution de l'air, même si le sujet est parfois un peu éclipsé par celui du climat. La problématique est spécifique. Le chauffage au bois est souvent perçu comme positif dans la lutte contre le dérèglement climatique - d'ailleurs, c'est effectivement une alternative au chauffage au fioul, notamment en milieu rural, ce que le gaz n'est pas toujours -, mais il peut être à l'origine de particules fines, donc de pollution, s'il est mal réglé. J'ai été sollicité par des députés pour venir travailler sur place.

Mais les solutions ne pourront pas être sans contrainte. Or les contraintes ne passent jamais comme une lettre à la poste. Les industriels expliquent que, pour faire face à leurs concurrents étrangers, lesquels ne sont pas soumis aux mêmes contraintes, ils vont devoir délocaliser ou fermer leurs usines. Paradoxalement, c'est peut-être un peu plus facile d'agir sur le transport routier. Lors du conseil des ministres européens du mois d'octobre, nous avons évoqué les normes sur les émissions de CO2. Heureusement d'ailleurs qu'il y en a ! Mais, dès qu'il s'agit d'imposer des contraintes, on nous explique qu'il ne faut pas le faire trop vite ou trop fort. Certes, pour progresser, il faut se fixer des objectifs réalistes. Il est irréaliste d'imaginer que toutes les voitures, ou même seulement les voitures neuves seront électriques dans cinq ans. Mais la norme que nous avons adoptée est pour 2030, c'est-à-dire dans douze ans. L'industrie a donc du temps pour réaliser des investissements.

M. de Nicolaÿ a évoqué le photovoltaïque. Avec le Président de la République, nous avons réuni les industriels français de la production d'énergie, de l'automobile, ainsi que les fournisseurs de services. Tous sont d'accord pour être plus offensifs et investir. Mais ils voudraient que l'Europe se protège un peu, parce que la Chine le fait, par exemple en fixant des clauses d'équipement en batteries pour ses voitures. Si l'Europe n'en fait pas autant, nous disent-ils, il faudra aller s'équiper en Chine, au Japon ou en Corée. J'ai pris l'exemple des batteries pour l'automobile, mais le raisonnement vaut aussi pour le photovoltaïque.

Je prends toujours le TGV qui passe par la Sarthe pour me rendre à Nantes. Le bruit est l'une des nuisances auxquelles les Français, notamment ceux qui vivent en ville - je pourrais évoquer le bruit des avions, le bruit routier, le bruit industriel sur son lien de travail -, sont les plus exposés. Nous devons lutter avec détermination pour améliorer leur qualité de vie.

Monsieur Bigot, je ne comprends pas bien cette histoire de fiscalité punitive. Personne n'est content de payer des impôts. Certains ont bien le droit de voir l'ISF dans les vapeurs d'essence... Pour ma part, je préfère songer à ceux qui ont bâti l'État-providence et la sécurité sociale en France, ce dont il faut les remercier ; on aurait aussi pu leur dire que leur démarche était punitive, puisque les cotisations sur les salaires, c'est du salaire en moins. Il me semble important d'avoir une protection sociale et des services publics. Certes, il faut trouver le bon niveau d'investissements publics. Je pense d'ailleurs qu'on peut le faire en essayant globalement de maîtriser les dépenses publiques. Je réagis un peu vivement sur cette expression, car elle est employée par l'une des personnes m'ayant précédé. Là, c'est un comble ! C'est tout de même bien elle qui a fait voter une telle disposition dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte en 2015 ; si cela constituait pour elle un cas de conscience insupportable, il fallait qu'elle démissionne !

Les taxes sont un bon levier pour faire changer les comportements, précisément parce que nos concitoyens n'aiment pas en payer. De même, les mesures de crédit d'impôt ont souvent beaucoup de succès. J'observe d'ailleurs que cela choque moins d'enrichir les pays producteurs de pétrole. J'aimerais que nous soyons plus offensifs et que nous consommions moins de pétrole, afin de moins les enrichir. Les taxes que l'on paye à l'État, elles, restent en France et sont réinvesties dans notre pays.

J'en viens à la question de la progressivité. En matière de fiscalité écologique, plus on consomme, plus on paye ; moins on consomme, moins on paye. On évoque souvent les ménages modestes. Certes, quand le budget est faible, la contrainte de chaque poste budgétaire, à commencer par le logement, pèse lourd. Mais, toutes les statistiques le démontrent, ce sont les plus riches qui consomment le plus d'énergie - ce sont eux qui achètent les plus grosses voitures et les plus grands logements, qu'il faut bien chauffer - et qui payeront donc le plus de taxe carbone. Les ménages qui, en proportion, consomment le moins de voitures sont les ménages les plus modestes ; dans l'agglomération nantaise, c'est au sein des quartiers d'habitations à loyer modéré (HLM) que le taux de possession de voitures est le plus faible. Et c'est logique : avoir une voiture coûte cher ; ceux qui n'en ont pas les moyens n'en achètent pas.

Certes, madame Bories, il y a évidemment des ménages modestes qui ont besoin d'une voiture pour aller travailler. Mais nous faisons des propositions ; nous n'avons pas attendu la hausse des prix du carburant sur le marché mondial. Pendant une campagne électorale, je me suis battu en faveur de la prime à la conversion. Ce n'est pas seulement pour passer le mauvais moment de la hausse des prix du carburant. C'est une mesure durable. Une voiture qui pollue moins est une voiture qui consomme moins. La prime à la conversion ne concerne pas que les voitures électriques, hybrides ou au top niveau de la faible pollution. Elle s'applique aux voitures qui polluent moins en général, y compris les voitures d'occasion. C'est la première fois dans notre pays. Jadis, les primes à la casse visaient uniquement à l'achat de voitures neuves, afin de relancer le marché de l'automobile face à une crise, comme en 2008. En l'occurrence, le dispositif que nous avons décidé concerne aussi les voitures d'occasion. Ainsi, 70 % des bénéficiaires sont des ménages non imposables ; ils toucheront 2 000 euros, voire 2 500 euros pour un véhicule électrique.

Le chèque énergie, c'est de la redistribution sociale pure, et non de l'écologie. Autrefois, il y avait les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz. Cela a été transformé en chèque énergie. Le dispositif a été élargi au fioul, car il y avait un sujet particulier pour les chaudières au fioul. Mais nous subventionnons par ailleurs le remplacement des chaudières au fioul par le biais du crédit d'impôt. L'objectif à terme est évidemment de permettre aux gens de ne plus se chauffer au fioul, afin de ne plus subir les hausses des prix, qu'elles soient liées au marché mondial ou aux taxes. L'idée est d'avoir des chaudières à bois, des chaudières à gaz ou des pompes à chaleur électrique.

Le service public de la performance énergétique était prévu dans la loi de 2015. À l'époque, les régions voulaient être opératrices et avaient beaucoup poussé en ce sens. Aujourd'hui, on se rend compte que le dispositif a un coût. Nous allons donc retravailler avec elles pour que le service soit mis en place d'une façon ou d'une autre, en partant de l'existant, par exemple les points Information Énergie ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Nous allons réunir les différents acteurs autour de la table pour permettre aux Français d'accéder à des informations fiables.

Monsieur Boyer, le diesel avec filtre à particules émet moins de particules que le diesel sans filtre à particules, mais il en émet tout de même ; elles sont d'ailleurs potentiellement plus toxiques, car plus fines. Ce n'est pas le cas des moteurs à essence. À une époque, nous étions dans le tout diesel. Il ne faut pas basculer dans l'extrême contraire non plus. Mais le fait est que le marché a évolué - tous les constructeurs automobiles vous le diront -, pour des raisons d'image : le diesel a aujourd'hui une mauvaise image, à cause des fumées noires qui sortent de beaucoup de pots d'échappement et du scandale de la triche. Des enquêtes judiciaires sont en cours : certains constructeurs automobiles ont triché sur les logiciels installés dans les voitures, parce qu'ils n'arrivaient pas à respecter les normes européennes.

Je souhaite qu'il y ait plus de coordination européenne en matière énergétique. Si nous fermons nos centrales à charbon, c'est évidemment aussi pour convaincre nos voisins, comme l'Allemagne ou la Pologne, d'en faire autant.

La Commission nationale du débat public a effectivement beaucoup travaillé sur la programmation pluriannuelle de l'énergie. Les 400 citoyens qui ont été tirés au sort ont fourni un travail très intéressant, que je vous invite à regarder. L'une des craintes soulevées est que la transition écologique ne soit pas suffisamment solidaire.

Le débat entre les technologies les plus matures et la filière industrielle à construire a été abordé. Beaucoup ont poussé pour que l'on investisse massivement dans ce qui est à la fois fiable technologiquement et compétitif économiquement. Je suis très attaché à ces deux critères, que vous m'entendrez souvent reprendre. Ils doivent s'appliquer à tous les modes de production d'électricité. C'est à cette aune que j'évalue l'EPR, sur la base de chiffres, et non de paris ou d'espoirs. L'EPR a été vendu au Royaume-Uni. L'opérateur EDF s'est engagé sur un prix, environ 100 euros le mégawattheure, même si cela varie un peu en fonction du taux de change entre l'euro et la livre. En France, le prix du marché est de 60 euros, autant que pour l'éolien terrestre ou le solaire photovoltaïque de grande taille au sol. Voilà quelques années, c'était moins de 40 euros. Vous le voyez, on peut varier aussi sur l'électricité ; il n'y a pas que le pétrole.

L'éolien est aujourd'hui une filière industrielle en France. Cela représente 15 000 emplois. Orano, qui fabrique le combustible nucléaire, c'est 16 000 emplois, dont 12 000 en France. Nous allons faire en sorte que la filière de l'éolien flottant puisse se développer en France. Ce n'était pas gagné. Certains voulaient attendre que le secteur devienne compétitif avant de s'engager dans cette voie. Certes, nous ne pouvons pas développer en France des filières qui sont très loin d'être économiquement compétitives dans tous les domaines. Il faut donc faire des choix, notamment dans la recherche et le développement.

La question du coût de la fermeture des centrales a été soulevée. Vous avez sans doute vu que le décret relatif à la fermeture de la centrale de Fessenheim avait été annulé. Sans doute la personne qui a signé ce décret un mois avant les élections savait-elle qu'il le serait... C'est tout de même problématique. Faisons les choses dans l'ordre. Au risque de décevoir ceux qui auraient des doutes, je vous confirme que la fermeture de Fessenheim aura bien lieu. Nous avons réuni les élus et les acteurs de terrain, qui se préparent à l'après-centrale. Certes, ce n'est pas facile, d'autant que Fessenheim permettait d'avoir des recettes fiscales. Mais le processus est enclenché, et la fermeture se fera.

La programmation pluriannuelle de l'énergie risque de prévoir d'autres fermetures de centrales. En revanche, que ce soit clair : les conditions qui ont été décidées à la va-vite en 2017 juste avant les élections ne seront pas duplicables sur toutes les centrales. Quant aux centrales à charbon, il n'a jamais été question qu'elles fassent l'objet d'une indemnisation, d'autant que nous refusons de tomber dans un jeu de dupes, car nous savons très bien que certaines d'entre elles sont exploitées de manière déficitaire. Nous assumons la décision politique qui a été prise pour le CO2, mais il ne faut pas nous faire porter le chapeau pour les éventuelles difficultés économiques qui s'ensuivraient. Je l'ai déjà dit dans un entretien à un journal : je veux sortir de la guerre de religion entre le tout nucléaire et le zéro nucléaire, qui relève davantage de la passion ou de la foi que du rationnel. L'Autorité de sûreté nucléaire, juge de paix en matière de sécurité a déjà arrêté des centrales, et elle ne l'a pas fait parce qu'elle voulait sortir du nucléaire, mais parce qu'il y avait des consignes de sécurité à respecter. Personne n'a envie de plaisanter ou de badiner sur la sécurité nucléaire, quand bien même on serait pro-nucléaire. C'est un sujet que l'on traite avec sérieux en France. J'en veux pour preuve que l'on augmente le nombre des postes à l'Autorité de sûreté nucléaire. Plusieurs visites décennales sont prévues d'ici 2022. S'il y a des centrales qui ne répondent plus à un certain nombre d'obligations de sécurité, elles seront mises à l'arrêt.

Quant à la voiture électrique, il est dommage qu'elle soit associée à l'urbain, et réservée à des trajets courts en ville. C'est une idée qui remonte à l'époque où les voitures électriques avaient très peu d'autonomie et où l'on pensait qu'il fallait surtout réduire la pollution de l'air en ville. Les voitures électriques qui sont sur le marché sont beaucoup plus performantes. Et nous pouvons être fiers qu'elles soient produites par un constructeur français, en France, qui est le leader mondial de la voiture électrique. Ces véhicules sont désormais plus adaptés à un usage à la campagne qu'en ville. Et il sera plus facile d'amortir l'offre sur de longs trajets de 100 kilomètres par jour. Je vais d'ailleurs aller saluer l'initiative pertinente qui a cours depuis plusieurs années en Vendée. Et s'il faut donner des noms, la Zoé est plus adaptée à la campagne qu'à la ville. Une publicité de Renault l'annonce à 109 euros par mois, avec 1 100 euros d'apport initial qui sont pris en charge par la prime à la conversion. Sur les sites d'annonces on trouve des Zoé électriques à moins de 10 000 euros par centaines. On est loin de la Tesla à 70 000 euros.

Pour ce qui est de la voiture à hydrogène, il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas d'effet d'éviction. Le bonus-malus sera de toute façon maintenu. On constate malheureusement que le malus rapporte plus que prévu et que les gens achètent des voitures même avec du malus. L'argent est intégralement réinvesti dans le bonus et dans la prime à la conversion.

Nous reviendrons sur le sujet de Cigéo lorsque nous discuterons de la programmation pluriannuelle. Il faut être rationnel. Même si l'on abandonnait le nucléaire en fermant toutes les centrales, comme l'a fait le Japon, il restera toujours des déchets de vie longue, et l'on parle de milliers d'années. Nous devons trouver une solution et la France s'est engagée dans le développement de ce laboratoire souterrain. Tenons-nous en aux règles et prenons nos décisions dans ce cadre.

Mon ministère participe au comité de mise en place du service national universel et je souscris à votre idée sur le sujet.

En ce qui concerne l'immeuble du Signal et le recul du trait de côte, la loi fixe un cadre et certaines décisions relèvent du ministère. Aucune indemnisation n'a été prévue sur le fonds Barnier. En revanche, le désamiantage est à la charge de l'État qui n'a pas abandonné les propriétaires victimes du recul du trait de côte. Il faudrait quand même analyser les défaillances qui ont conduit à cette situation, afin d'éviter que cela se reproduise.

Je suis d'accord avec vous au sujet du dumping fiscal du Luxembourg. C'est un sujet qu'il faudrait traiter au niveau européen, en fixant un niveau minimal sur les carburants sur le modèle de ce qui a été fait pour la TVA.

Nous gagnerions à instaurer une vignette pour les poids lourds. Malheureusement, une ministre de l'écologie a supprimé le système de la taxe sur les poids lourds, alors qu'il était vertueux. Nous ne pouvons pas y revenir, et je le regrette, car j'avais voté en faveur de cette mesure quand j'étais dans l'opposition à l'Assemblée nationale. Lorsque l'idée de la vignette a été lancée, certains responsables professionnels mais aussi politiques ont hurlé en brandissant la TICPE. Il suffit d'un chiffre pour les mettre en garde : les camions étrangers représentent 35 % du trafic et seulement 8 % de la contribution sous forme de taxe. Pourquoi ce déséquilibre ? Parce qu'il suffit de faire le plein en Espagne ou au Luxembourg pour utiliser les routes françaises sans avoir à payer aucune taxe, hormis les péages sur les autoroutes.

Élisabeth Borne vous l'expliquerait mieux que moi, mais il faudra mettre sur la table à un moment donné le financement de l'entretien de notre réseau routier. On sait bien que les projets non financés n'aboutissent pas. Or en France on a tendance à ne pas arrêter les chantiers en cours. Dès lors, on se retrouve à chercher 250 millions d'euros de plus par an pour le Grand Paris Express, et la LGV Tours-Bordeaux souffre d'un déficit annuel de 300 millions d'euros que l'État se retrouve à payer pour ne pas abandonner ni fermer la ligne. Pour l'entretien des routes, le besoin de financement a été chiffré à 500 millions d'euros. Si on ne les trouve pas dans le budget, il faudra recourir à la fiscalité. Il faut être sérieux. Beaucoup de routes françaises sont dégradées. Sans vouloir agiter le syndrome de Gênes, un audit a montré qu'un certain nombre de ponts pourraient être fermés. Dans certains territoires, fermer un pont obligerait à de sacrés détours. Voilà un exemple concret de ce pour quoi nous devons trouver des financements.

Dans d'autres endroits, c'est le réseau routier national non concédé qui doit être remanié, alors qu'il ne produit pas de recettes. Certains proposent de basculer vers un réseau routier concédé, comme en Lorraine avec un projet entre Thionville et Luxembourg. Ce genre d'initiative reste rare. Il n'y a qu'à voir la route Centre Europe Atlantique, si accidentogène, à cheval sur deux départements, sur laquelle on a commencé par refuser d'installer des péages, avant d'y avoir recours, car c'est encore le meilleur moyen de faire payer les camions.

Les financements à trouver pour investir dans le transport aérien sont un autre sujet que nous aurons à traiter. Sans vouloir me défausser, le débat sur la compensation de la taxe d'habitation ne relève pas entièrement du champ de mon ministère. Le Gouvernement réfléchit avec des associations de collectivités à créer d'éventuels relais fiscaux, en prenant sur la fiscalité écologique, la TVA, la CSG, etc. Il faudra trancher et je le ferai en restant attaché à ce que les collectivités locales bénéficient de ressources pérennes, liées au territoire. Je ne parle pas d'autonomie fiscale ou budgétaire, car on ne peut pas remplacer les dotations de l'État par la fiscalité locale. Cependant, il faut des ressources liées au territoire. C'est important, y compris d'un point de vue démocratique, car les élus doivent rendre des comptes sur les impôts qu'ils prélèvent, aux citoyens qui les portent au pouvoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le ministre, nous vous remercions pour cet exposé et ce débat très complets. Les sujets sont nombreux, et nous aurons l'occasion de vous inviter à nouveau très prochainement.

La réunion est close à 19 heures 30.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.