Sur les Assises de l'eau, il est important de poursuivre la démarche initiée avant mon arrivée - la conclusion de la première phase a eu lieu deux jours après la démission de mon prédécesseur, en présence du Premier ministre. Je suis attaché à ce que les parlementaires soient représentés au comité de pilotage des Assises et au sein des quatre groupes de travail. J'ai saisi le président du Sénat pour qu'il désigne des sénateurs. En tant que président de l'Assemblée nationale, je m'étais battu sur ce point.
Les moyens en faveur de la biodiversité font l'objet d'un débat récurrent. Au-delà, c'est une question de pédagogie, plus que de transparence, sur les actions menées par le ministère, par ses opérateurs, notamment par les agences de l'eau, qui sont des établissements publics.
Il a récemment été question de recentraliser les agences de l'eau - j'aurais personnellement combattu cette orientation. Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Commissariat général au développement durable a conclu qu'il était plus intéressant de conserver le système actuel.
J'ai reçu les présidents des comités de bassin et les directeurs des agences de l'eau. Tous sont mobilisés pour que les politiques de l'eau et de la biodiversité aillent de pair. Nous avons estimé les dépenses au titre de la biodiversité dans les budgets des agences de l'eau à plus de 500 millions d'euros pour les cinq ans qui viennent.
J'en viens à la perte de recettes pour l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) : voilà un exemple de taxe affectée. Sauf à multiplier les permis de chasse- je n'y crois pas - la baisse liée à la réduction de leur prix, évaluée à 21 millions d'euros, sera financée l'an prochain grâce à la trésorerie de l'ONCFS, qui est de plus de 42 millions d'euros.
Vous avez évoqué le projet de fusion de l'ONCFS avec l'Agence française pour la biodiversité (AFB). La nomination d'un préfigurateur est en cours. Le projet de loi préalable à cette fusion sera examiné prochainement par votre assemblée en première lecture, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2020. On disposera alors d'un outil plus important au service de la biodiversité, comprenant une police dotée d'agents multicartes. Les blocages du monde de la chasse contre la fusion, en 2015-2016 lors des discussions sur la loi instaurant l'Agence française pour la biodiversité, ont été levés. Ce projet de fusion n'a pas pour but principal de réaliser des économies, mais de disposer d'un opérateur plus puissant.
Toutes les communes n'ont pas encore rempli leurs obligations en matière de prévention des risques naturels. Longtemps élu de Loire-Atlantique, j'ai été sensible à la tempête Xynthia. À l'époque, le maire de la Faute-sur-mer s'était élevé contre les élucubrations des technocrates parisiens pour contester les préconisations du préfet. Ce n'est pas facile pour les élus locaux qui doivent savoir refuser des permis de construire. Le maire de Villegailhenc dans l'Aude, que j'ai rencontré après les inondations, me l'a dit : le plus difficile, pour lui, c'est de dire non.
Les programmes d'action pour la prévention des inondations (PAPI) ont des volets de prévention sur l'urbanisme et des volets d'investissement pour construire des digues et autres protections, pour les endroits où l'on construit au bord des rivières depuis des siècles.
Je souhaite qu'il soit mis fin au plafonnement du fonds Barnier. Les cotisations supplémentaires sur les polices d'assurance doivent aller à la protection des populations contre les catastrophes naturelles et à la réparation des dégâts. La lutte contre le dérèglement climatique ne consiste pas seulement à protéger la planète ou les habitants de pays lointains mais aussi à nous protéger, nous les Français. Ce dérèglement engendre une destruction de valeur. Cela a un coût. Si, demain, on veut augmenter les moyens de prévention des inondations et financer les réparations, il faudra sans doute accroître les sommes versées.
Il y a effectivement des réductions d'effectifs. J'assume de maîtriser les dépenses de fonctionnement. Dans mon ministère, le budget augmente et les dépenses de fonctionnement baissent, ce qui favorise la hausse des investissements. C'est un choix. Pour autant, 3 000 agents sont sur le terrain pour prévenir les risques. Des réorganisations internes sont nécessaires pour assurer une présence, non dans chaque département, mais à l'échelon local - il faudra trouver la bonne proximité.
Je suis mobilisé depuis très longtemps contre la pollution de l'air. On ne peut pas dire que les habitants subissent une double peine, celle de la pollution et celle des taxes sur les carburants. La fiscalité est un moyen de changer les choses dont l'effet n'est pas immédiat. Sur 32 millions de véhicules de particuliers, plus de 19 millions roulent au diesel et plus de 12 millions à l'essence, en raison des incitations en faveur du diesel. Le parc de véhicules diesel connaît une décrue. Il ne représente plus que 36 % des véhicules neufs contre 72 % il y a six ans. C'est l'effet de choix politiques mais aussi d'une prise de conscience après, notamment, le Dieselgate. La lutte contre la pollution de l'air est un combat de longue haleine. La fiscalité n'est pas le seul levier d'action. Il y a aussi les normes anti-pollution et les restrictions de circulation en ville.
Une bonne politique écologique comme une bonne politique sanitaire, par exemple contre le tabac, associe l'incitation à la contrainte. Dire qu'il est possible de réussir sans contrainte, c'est mentir. Nous, nous assumons. Nous avons réuni des maires et des présidents d'intercommunalités avec Mme Élisabeth Borne pour lancer les zones à faibles émissions. Mais celles-ci ne seront possibles que grâce aux restrictions de circulation, sans quoi il n'y aura pas de résultats.
En outre, le cadre change. Le parc automobile se renouvelle. Progressivement, nous voulons l'électrifier. Nous nous sommes battus pour des normes européennes exigeantes. Nous travaillons avec les constructeurs pour qu'ils proposent des offres plus diversifiées. Si vous vous êtes rendus au Salon de l'automobile, vous avez sans doute constaté un large choix et des prix en baisse.
Vous m'avez demandé si le diesel pollue plus que l'essence. Des études scientifiques prouvent qu'il émet des particules fines, ce qui n'est pas le cas de l'essence. Tendanciellement, la motorisation à essence consomme un peu plus. Il n'est pas question de désigner un carburant méchant et un gentil, mais pour réduire les émissions de particules fines, il faut réduire l'usage du diesel puis en sortir. Jusqu'à récemment, les bus utilisaient massivement du diesel. Dès 2001, la ville de Nantes a fait le choix des bus au gaz. Île-de-France Mobilités se met enfin aux bus au gaz et à l'électricité, ce qui diminuera la pollution de l'air.
Sur la TICPE et son affectation aux collectivités territoriales : aujourd'hui, plus de 12 milliards d'euros de fiscalité écologique vont aux collectivités territoriales, via les dotations. La fiscalité écologique alimente le budget général de l'État, source des dotations ; de plus, une part de la TICPE est affectée aux régions. Quant à octroyer une part supplémentaire à des projets écologiques, je rappelle que si l'on donne plus ici, l'on donnera moins là, sauf à augmenter les impôts tous azimuts. Or les Français trouvent qu'ils sont déjà trop élevés.
En évoquant les recettes fiscales, notamment de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), certains ont laissé entendre que rien n'évoluerait en cinq ans. Bien sûr que si ! Les Français ont déjà commencé à changer. Ils ne sont pas figés. Ce ne sont pas des Gaulois réfractaires. Le but de la TGAP sur les déchets est bien de réduire le volume d'ordures jetées dans les décharges, qui est encore de 30 %.