Le budget de la mission « Aide publique au développement (APD) » pour 2019 doit être replacé dans le contexte de la progression annoncée des moyens consacrés à cette politique au cours des quatre prochaines années.
En juillet 2017, le président de la République a en effet annoncé que l'aide française atteindrait 0,55% du revenu national brut (RNB) en 2022, contre 0,43% actuellement, soit une progression de 11 à environ 15 milliards d'euros.
La progression annoncée ne concerne pas seulement la mission budgétaire « Aide publique au développement », qui ne représente qu'un tiers de l'APD française. Les prêts de l'AFD ou les frais engagés pour les étudiants issus des pays en développement au sein des universités françaises, par exemple, entrent également dans l'APD totale. La mission budgétaire doit cependant contribuer de manière importante à la progression prévue.
En 2019, la progression sera ainsi de près de 300 millions d'euros en crédits de paiement.
En réalité, cette augmentation comprend un changement de périmètre. En 2018, un montant de 270 millions d'euros en provenance de la taxe sur les transactions financières (TTF) avait été directement affecté à l'AFD par un amendement des députés. Cette année, ce montant de TTF est reversé au budget général tandis qu'une somme identique a été imputée à la mission budgétaire « aide publique au développement ». L'augmentation réelle n'est donc que de 130 millions d'euros environ.
En revanche, en autorisations d'engagement, la mission progresse de plus de 1,8 milliard d'euros, soit une progression de 67%.
Au total, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. À moitié vide si l'on observe que l'APD stagnera à 0,43% du RNB en 2019. Un peu comme pour la programmation militaire, l'effort devra donc être beaucoup plus important les années suivantes pour atteindre les 0,55%. À moitié plein, si l'on considère que les crédits de l'aide au développement augmenteront tout de même de manière significative alors que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devra au contraire faire des économies.
J'en viens au détail de la progression des crédits au sein des programmes 209 et 110.
Au sein du programme 209, l'augmentation prévue vient notamment abonder les capacités dont dispose l'AFD pour faire des dons. En effet, l'AFD recevra un milliard de crédits supplémentaires en autorisations d'engagement, soit environ 1,32 milliard d'euros au total. C'est considérable.
En 2022, l'AFD devrait consacrer un quart de ses engagements annuels, qui seront alors de 18 milliards d'euros, à des dons, alors qu'aujourd'hui ce n'est que 15% de 10 milliards, le reste étant des prêts. C'est un véritable changement de modèle. Ce nouveau modèle sera, à n'en pas douter, plus coûteux. Au cours des dix dernières années, en effet, la diminution des crédits budgétaires consacrés à l'aide au développement a été masquée par l'augmentation des prêts de l'AFD, avantageusement comptabilisés en tant qu'aide publique au développement par l'OCDE. C'était un modèle peu dépensier, mais aussi sans doute peu efficace pour aider les pays les plus pauvres. Ceux-ci ne pouvaient pas bénéficier, en effet, des prêts de l'AFD, même les prêts bonifiés.
Désormais, la France va se rapprocher progressivement du modèle allemand et surtout du modèle britannique, qui consacrent beaucoup plus de moyens aux dons. Le contrôle et l'évaluation devront en être d'autant renforcés.
Ceci devrait notamment redonner des marges de manoeuvre pour des projets dans les secteurs sociaux, alors que les prêts de l'AFD se concentrent actuellement en majorité sur des projets d'infrastructure dans les pays émergents.
Au sein de cette augmentation des dons, nous nous félicitons plus particulièrement de l'intensification de l'aide en matière d'éducation de base. Alors que la contribution française au Partenariat mondial pour l'éducation (PME) s'est montée à seulement 8 millions d'euros en 2016 et 2017, elle s'élèvera à 26 millions d'euros en 2019. L'intérêt pour nous du Partenariat mondial pour l'éducation réside notamment dans les effets de levier avec les subventions de l'AFD, ce qui contribue à la préservation de notre dispositif bilatéral d'éducation dans nos pays prioritaires. L'AFD est ainsi délégataire de fonds du PME pour des montants très significatifs au Burkina Faso, au Burundi, au Sénégal et elle s'apprête à l'être au Niger. Notons également que le partenariat mondial pour l'éducation a engagé plus de 250 millions de dollars dans les pays du G5 Sahel depuis 2013.
Il était incompréhensible que la France sorte de ce secteur qui représente à la fois un des instruments essentiel de sortie de la pauvreté et un levier pour notre influence, en particulier dans les pays francophones.
Autre point positif, le doublement du montant de la Facilité « Vulnérabilité et réponse aux crises », dont nous avions souhaité la création en 2016, qui va passer de 100 à 200 millions d'euros. C'est un élément important de la fameuse « approche globale » car elle doit permettre de mettre en place des projets rapides au plus près du terrain dans les pays en crise, notamment au Sahel. En réalité, cette nouvelle enveloppe n'est pas la « solution miracle ». Nous nous heurtons toujours au problème du financement de la défense et de la sécurité des pays pauvres. Bien qu'essentiels à la stabilité des pays, donc à leur développement, les financements en matière d'aide militaire n'entrent pas, c'est compréhensible, dans la comptabilisation de l'aide au développement. En revanche, il faudrait financer davantage de sécurité intérieure. Comme le dit l'OCDE dans un rapport sur ce sujet : « Actuellement, peu d'organismes oeuvrant dans le domaine du développement possèdent des compétences adéquates concernant les questions de sécurité ». Or nous avons la chance d'avoir un organisme, Expertise France, qui possède des compétences reconnues dans ce domaine. Il nous paraît donc impératif qu'Expertise France puisse continuer à agir dans ce secteur une fois qu'elle sera rattachée à l'AFD.