Un point essentiel, pour débuter : la France est une grande nation en matière de recherche et d'enseignement supérieur. Tenir notre rang dans la compétition internationale, jouer un rôle déterminant dans l'élucidation des grandes questions scientifiques, favoriser l'innovation, améliorer nos performances économiques, mieux former et mieux diplômer nos étudiants sont les éléments fondamentaux de mon engagement. Le budget de la mission « recherche et enseignement supérieur » est le vecteur de cette ambition, que nous partageons tous.
Hors remboursement des intérêts de la dette, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, la MIRES, est l'un des trois postes de dépense et d'investissement les plus importants du budget général.
Composée de neuf programmes, elle constitue un périmètre interministériel dont mon ministère est le principal maître d'oeuvre. Elle finance plus de la moitié des opérateurs de l'État : derrière le terme « organismes divers d'administration centrale », on trouve ainsi les 73 universités, les centaines d'écoles structurant et animant notre territoire, ainsi que nos organismes de recherche, reconnus à l'échelle européenne et mondiale.
La MIRES, au travers du financement de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est fondamentalement tournée vers la préparation de notre avenir commun. Considéré comme une priorité stratégique par le Gouvernement, ce budget a vu ses crédits augmenter de 5,3 % en deux ans, dans un contexte financier que chacun connaît.
En 2019, avec l'accord du Parlement, le budget du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation atteindra près de 25,1 milliards d'euros, soit une progression de 549 millions d'euros par rapport au budget de 2018. Sur le périmètre global de la mission, la hausse - 500 millions d'euros au total - est également significative.
Chaque programme directement piloté par mon ministère bénéficiera de l'effort collectif consenti par la nation en vue de la préparation de son avenir.
Le programme Enseignement supérieur, doté de 13,6 milliards d'euros, enregistrera une hausse de 166 millions d'euros. Le programme Vie étudiante, intégrant les aides directes ou indirectes à destination des étudiants qui en ont le plus besoin, sera stabilisé à 2,7 milliards d'euros, soit une hausse de 7 millions d'euros, et ce sans tenir compte de la suppression de la cotisation au régime de sécurité sociale des étudiants et de la création de la contribution vie étudiante et de campus, la CVEC.
Pour la recherche, le programme 172 progressera de 171 millions d'euros pour s'établir à 6,9 milliards d'euros et le programme 193 atteindra 1,8 milliard d'euros, en augmentation de 205 millions d'euros.
L'objectif affiché dans la loi de programmation des finances publiques d'une MIRES dépassant les 28 milliards d'euros à l'horizon de 2020 est pour l'heure respecté. Si l'on y ajoute le programme d'investissements d'avenir, le PIA, et les investissements importants de nos collectivités territoriales et du monde socio-économique en faveur de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, on n'a jamais autant investi dans notre avenir qu'en ce moment !
Derrière ces masses financières considérables se trouvent des enjeux et des chantiers qui occuperont mon ministère au cours des prochains mois.
S'agissement du financement de la recherche, l'effort consenti - progression du budget de 2,5 % cette année et de 8 % en deux ans - souligne le caractère stratégique de la recherche pour notre pays.
La France demeure une grande nation scientifique, comme en témoignent la récente attribution du prix Nobel de physique à Gérard Mourou et la réussite, en septembre dernier, du centième tir d'une Ariane 5. Toutefois, nous faisons face à une concurrence accrue, liée aussi bien aux performances des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Allemagne qu'à l'émergence de nouveaux acteurs de la recherche, dont l'Inde et la Chine.
Dans ce contexte, il faut continuer à soutenir la recherche fondamentale, mobiliser les forces scientifiques pour répondre aux grands défis sociétaux, consolider le partenariat entre universités et organismes de recherche. Pour cela, j'entends renforcer les écosystèmes territoriaux organisés autour des universités développant leur signature en matière de recherche et d'innovation, mais aussi les missions nationales des organismes de recherche, en leur confiant des programmes prioritaires de recherche à cette échelle. Cela devra se faire en encourageant l'excellence scientifique de demain, notamment grâce au recrutement de 300 nouveaux doctorants par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) d'ici à 2020.
Dans cette compétition mondiale, où la recherche devient plus que jamais un enjeu de souveraineté, il ne faut pas opposer le financement sur projet au financement dit « de base ». Il faut faire les deux, et il faut le faire au bon niveau, indépendamment du vecteur.
Afin de faciliter le travail des chercheurs au quotidien, j'ai donc décidé de reconduire le financement direct « de base » supplémentaire aux laboratoires de 25 millions d'euros. La rémunération des personnels des organismes sera revalorisée à hauteur de 28 millions d'euros, dans le cadre du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).
Le redressement du financement de l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, se poursuit, avec près de 33 millions d'euros supplémentaires inscrits pour 2019 en autorisations d'engagement et des crédits de paiement s'établissant à 86 millions d'euros. Au-delà de ce vaisseau amiral du financement de la recherche sur projet, nous continuerons de soutenir les initiatives vertueuses permettant d'associer le meilleur de l'initiative privée et de la recherche publique. Ainsi, nous maintiendrons l'abondement de 5 millions d'euros au profit des instituts Carnot.
Après avoir régularisé la situation de la France auprès des organisations scientifiques internationales à hauteur de 300 millions d'euros en 2018, dont plus de 170 millions d'euros hors secteur spatial, mon ministère restera pleinement engagé dans le financement des très grandes infrastructures de recherche, avec des crédits en hausse de 23 millions d'euros. Ces choix, lourds, exigeants, sont néanmoins fondamentaux pour repousser la frontière des connaissances.
À cet égard, le Gouvernement a à coeur de relever certains grands défis scientifiques et technologiques particulièrement structurants : près de 29 millions d'euros, issus de la MIRES et du PIA, financeront le volet recherche du plan intelligence artificielle et, dans le secteur spatial, dans un contexte d'émulation liée à l'arrivée de nouveaux acteurs comme l'américain SpaceX et de finalisation du programme Ariane 6, le budget du programme 193 progressera de 13 % pour atteindre 1,8 milliard d'euros.
Enfin, dans le but de répondre aux enjeux sanitaires, cliniques et épidémiologiques des pathologies frappant nos concitoyens, nous renforcerons le financement des plans santé, principalement pilotés par l'INSERM, par un effort de 17 millions d'euros en gestion.
La recherche étant une entreprise fondamentalement humaine, j'ai travaillé à consolider le statut des chercheurs, en obtenant, en mars dernier, l'inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles et en oeuvrant, avec Bruno Le Maire, à la rénovation du statut de chercheur-entrepreneur dans le cadre de la loi PACTE (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises).
S'agissant de l'enseignement supérieur, l'année 2019 sera celle de la montée en puissance du plan Étudiants, évoqué lors de mon audition du 23 octobre dernier.
Un budget légèrement supérieur à 123 millions d'euros sera consacré au financement des parcours personnalisés de réussite et aux mesures indemnitaires permettant de soutenir et valoriser l'engagement des équipes pédagogiques.
Le PIA continuera à soutenir la rénovation des cursus universitaires. Les nouvelles dispositions organisant les enseignements du premier cycle selon des principes de modularité et de capitalisation seront pleinement mises en oeuvre. La réforme des études de santé s'inscrira, bien évidemment, dans cette démarche d'ensemble, avec la disparition de la première année commune aux études de santé, la PACES, dans son format actuel et la suppression, à l'horizon de 2020, du numerus clausus. Agnès Buzyn et moi-même travaillons de concert pour pouvoir proposer au Parlement un train de mesures législatives au cours du premier semestre 2019.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
L'année 2019 nous permettra également de renouveler notre approche territoriale de la question de la répartition de l'offre de formation. Les expériences de la mise en oeuvre de Parcoursup et de la réforme du master ont mis en évidence des disparités, parfois importantes, entre régions ou académies, voire à l'échelle intra-territoriale. Pour y remédier, nous expérimentons plusieurs dispositifs avec les régions Île-de-France, Bretagne, Occitanie et Grand-Est.
Parcoursup a montré que certaines filières, saturées à l'échelle nationale, disposent toujours de places vacantes dans certains territoires. Le fonds d'aide à la mobilité étudiante qui sera instauré en application de l'article 78 du PLF pour 2019 aura pour objectif premier de les valoriser. Au vu de la très forte demande de formations courtes et professionnalisantes, la licence professionnalisante à l'université sera progressivement déployée, l'enjeu étant dans l'immédiat de rapprocher l'offre locale de formation des bassins régionaux d'emplois et des priorités stratégiques définies par les collectivités territoriales.
L'année 2019 sera déterminante en matière de vie étudiante. Pour la première fois, nous avons réduit significativement le coût de la rentrée universitaire, par la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants et la mise en place du paiement à date des bourses. Pour la première fois, aussi, la CVEC a été collectée : à cette date, nous ne connaissons pas le montant du produit consolidé de la campagne 2018/2019, mais cette contribution, je le confirme, n'a pas vocation à financer le désendettement de l'État. L'argent de la vie étudiante restera bien à la vie étudiante !
Nous profiterons également de l'année 2019 pour pousser plus loin l'autonomie des universités. Avant la fin de l'année, nous publierons l'ordonnance sur les regroupements expérimentaux en application de la loi pour un Etat au service d'une société de confiance (ESSOC), afin que chaque université qui le souhaite puisse développer son projet et sa signature personnelle ; c'est un outil indispensable pour permettre aux différents sites de réussir dans un environnement de plus en plus concurrentiel, notamment au plan international, mais aussi de rayonner dans leur environnement local et de contribuer à l'attractivité du territoire. Dans ce cadre, j'expérimente depuis la rentrée un dialogue stratégique de gestion avec neuf universités, dialogue ayant vocation à être élargi dans les meilleurs délais à toutes les universités.
Autre outil incontournable pour ancrer les universités dans leur environnement immédiat, le patrimoine immobilier. À l'occasion de la loi de finances pour 2018, nous avons élargi le principe de spécialité, afin de permettre aux universités de mieux valoriser leur patrimoine. Nous irons plus loin cette année, en finalisant une deuxième vague de dévolution qui concerne les universités de Bordeaux, Marseille, Caen et Tours. Parce qu'il s'agit d'une forme d'aboutissement du principe d'autonomie, je souhaite lancer dès 2019 une vague continue de dévolution, afin que chaque établissement puisse se saisir des opportunités liées à la valorisation de son patrimoine avant la fin de l'année 2022.
Enfin, l'Europe joue un rôle fondamental dans le rayonnement international de notre système d'enseignement supérieur. Imaginer l'université de demain à l'échelle de l'Europe, c'est travailler à l'attractivité de nos universités, mais aussi à l'excellence scientifique. Pour cela, nous devons projeter nos politiques et nos pratiques à cette échelle, dans le cadre de la préparation du programme Horizon Europe, plus important programme mondial en matière de recherche. J'ai engagé un travail sur ce sujet car les acteurs français ne s'investissent pas suffisamment dans ces programmes européens.
Imaginer l'université de demain à l'échelle de l'Europe, c'est aussi renforcer l'identité européenne de la jeunesse par une université inclusive, en donnant à chaque jeune l'opportunité de construire son avenir à l'échelle du continent. Je me félicite du lancement de l'appel à propositions « Universités européennes » - 30 millions d'euros pour 6 projets pilotes -, qui permettra à des consortiums d'établissements issus d'au moins trois pays européens de bâtir les premiers projets pilotes de ces universités européennes. J'appelle tous les établissements français qui le souhaitent à s'engager dans ce nouveau projet. La France apportera son soutien à la construction de ces projets, à hauteur de 100 millions d'euros au moins sur dix ans.