Intervention de Éric Bocquet

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 novembre 2018 à 9h05
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « solidarité insertion et égalité des chances » et articles 82 et 83 - examen du rapport spécial

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet, rapporteur spécial :

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles, est dotée de 21,1 milliards d'euros de crédits de paiement en 2019. Ces crédits progressent de 7,5 % par rapport à 2018, soit une augmentation de près de 1,5 milliard d'euros.

Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d'intervention, qui représentent 93 % des crédits de la mission, mais s'explique également par les revalorisations, dites exceptionnelles, de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) : pour la prime d'activité, cela correspond à une augmentation de 20 euros par mois du montant forfaitaire à partir d'octobre 2018, puis à la création d'un bonus individuel de 20 euros à compter d'octobre 2019 ; pour l'AAH, il s'agit d'une hausse de 41 euros par mois à partir du 1er décembre 2018, puis de 40 euros en 2019 pour porter son montant à taux plein à 900 euros.

Par ailleurs, dans une moindre mesure, la hausse des crédits de la mission est également liée à des mesures positives de transferts et de périmètre.

L'augmentation des crédits de la mission, qui comprend la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH que nous saluons, masque néanmoins, comme lors du précédent projet de loi de finances, des réformes paramétriques qui viennent minorer, voire neutraliser dans certains cas, les revalorisations annoncées.

En effet, parallèlement aux revalorisations annoncées, sont prévues ou ont déjà été mises en oeuvre les mesures suivantes.

S'agissant de la prime d'activité, l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte a été réduit de 62 % à 61 %, conformément à un décret d'octobre dernier. Ainsi, d'après nos simulations, sur les 20 euros de revalorisation forfaitaire annoncés, une personne au SMIC sans enfant gagnerait seulement 8 euros ! Autre réforme paramétrique : l'exclusion des bénéficiaires de rentes AT-MP et de pensions d'invalidité de la prime d'activité, dont Arnaud Bazin vous reparlera plus tard. Enfin, deuxième mesure, la suppression de la revalorisation annuelle du 1er avril pour 2019 et 2020 de la prime et de son bonus, indexés jusque-là sur l'inflation.

En ce qui concerne l'AAH, plusieurs réformes de paramètres sont prévues ou ont déjà été mises en oeuvre. Le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple, dont un des membres perçoit l'AAH, sur celles d'un couple au RSA a déjà débuté avec la publication d'un décret, fin octobre, qui abaisse le plafond de ressources à 1,89. Ce plafond sera abaissé à 1,81 en 2019. L'article 83 rattaché à la mission contient une autre mesure qui atténue la revalorisation annoncée dont Arnaud Bazin vous explicitera les détails : il s'agit de la suppression d'un des deux compléments de l'AAH, le complément de ressources, qui atteint aujourd'hui un montant de 179 euros par mois. Dernière mesure paramétrique, la revalorisation annuelle de l'AAH, comme celle de la prime d'activité, qui ne sera plus indexée sur l'inflation : elle sera nulle en 2019 et limitée à 0,3 % en 2020.

Ainsi, il y a certes un effort budgétaire d'ensemble, que nous reconnaissons, mais il doit être nuancé par l'impact de toutes ces mesures paramétriques, qui ne semblent d'ailleurs pas vraiment maitrisées par le Gouvernement.

Outre le fond, c'est aussi la méthode qui est critiquable : le Gouvernement a su communiquer abondamment sur ces coups de pouce, en oubliant d'évoquer les nombreux coups de ciseaux qui seront autant de mauvaises surprises pour les bénéficiaires...

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