Nous examinons ce matin les principaux éléments de l'équilibre sur le projet de loi de finances pour 2019.
Vous connaissez bien cet exercice autour du tome 1 du projet de loi de finances, qui commence par une présentation du scénario macroéconomique et des principaux équilibres du budget de l'année à venir. Toute une sémantique s'y attache généralement : plausible, atteignable...
Cette année, c'est le mot « crédible » qu'il faut employer pour le scénario macroéconomique.
Depuis le début de l'année, l'économie française croît deux fois moins vite que l'an passé. Ce ralentissement, qui a surpris par son ampleur, tient à la fois à la dégradation du contexte international - avec un ralentissement de la demande adressée à la France et une hausse des prix du pétrole - et à la sous-performance de la consommation des ménages. Le Gouvernement est contraint de revoir à la baisse son scénario de croissance : les nouvelles hypothèses de croissance sont de 1,7 % pour 2018 et 2019, contre respectivement 2,0 % et 1,9 % précédemment. Malgré cette révision importante, l'hypothèse du Gouvernement se situe dans la fourchette haute des estimations disponibles pour 2018, à 0,1 point au-dessus du consensus des économistes. L'enjeu n'est toutefois pas significatif sur le plan budgétaire. À défaut d'être prudent, le scénario de croissance du Gouvernement demeure donc « crédible », ainsi que l'a souligné le Haut Conseil des finances publiques. Les autres hypothèses sous-jacentes à la trajectoire du Gouvernement apparaissent en revanche raisonnables, voire prudentes.
S'agissant de l'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB - forte l'an dernier, et donc source de rentrées fiscales importantes -, le Gouvernement maintient sa prévision à 1,1 pour 2018, en cohérence avec les encaissements de recettes observés à ce stade de l'année. Pour 2019, il retient en revanche une élasticité égale à l'unité, ce qui paraît raisonnable après trois années au cours desquelles l'élasticité s'est établie à un niveau supérieur à sa moyenne historique.
S'agissant de la remontée des taux d'intérêt, le Gouvernement table sur une hausse au rythme moyen de 75 points de base par an tout au long du quinquennat. Cette hypothèse apparaît particulièrement prudente, le Consensus forecasts retenant un rythme de remontée des taux deux fois plus lent. À court terme, le scénario retenu apparaît même conservateur, avec par exemple une remontée des taux longs de 60 points de base d'ici la fin de l'année, loin des prévisions des conjoncturistes. Il ne faudrait pas cependant que la prévision de charge d'intérêts constitue une forme de « réserve de budgétisation » cachée qui échapperait au contrôle du Parlement !
Ce scénario reste toutefois entouré de fortes incertitudes. Certes, la prévision économique est un art périlleux. Les économistes, dit le proverbe que je cite souvent, ont été inventés pour que les météorologistes se sentent moins seuls... Vous trouverez dans le rapport une étude rétrospective qui le confirme empiriquement : au cours des 20 dernières années, le Gouvernement, le FMI et les instituts privés de conjoncture se sont ainsi trompés, en moyenne, de 0,9 point sur la croissance française ! Cela permet de relativiser certains de nos débats sur la prévision de croissance...
L'exercice de prévision apparaît cette année particulièrement difficile, dans la mesure où le scénario de croissance est affecté « d'un degré d'incertitude plus fort que les années précédentes », ainsi qu'a tenu à le souligner le Haut Conseil dans son avis. S'agissant de l'environnement international, de nombreux facteurs de risque sont susceptibles de se matérialiser : guerre commerciale avec les États-Unis, remontée brutale du pétrole, Brexit, situation budgétaire italienne... Nous avons tenté, dans le rapport, de modéliser l'impact des différents chocs macroéconomiques.
Sur le plan interne, il existe par ailleurs une incertitude sur la reprise de la consommation des ménages. Après la panne observée au premier semestre, liée aux effets calendaires de la politique fiscale du Gouvernement, le rebond au troisième trimestre a été de 0,5 %, contre 0,7 % escompté par l'Insee. Comme en témoigne l'évolution de l'indicateur de confiance, les ménages ne semblent pas avoir anticipé la hausse de leur pouvoir d'achat au dernier trimestre. Et l'on ne peut exclure que les craintes liées au prélèvement à la source et aux augmentations des prix et de la fiscalité des carburants prolongent leur attentisme...
Aussi, deux scénarios macroéconomiques alternatifs ont été élaborés à partir des estimations les plus optimistes et les plus pessimistes des instituts de conjoncture. Dans le scénario pessimiste, la sensibilité de la trajectoire budgétaire du Gouvernement au scénario retenu apparaît importante : la France se retrouverait ainsi sous la menace de l'ouverture d'une nouvelle procédure pour déficit excessif, et la dette se rapprocherait du seuil de 100 % du PIB.
Le Gouvernement a donc été contraint de revoir à la baisse ses ambitions en matière de redressement des comptes publics par rapport à ce qui était annoncé dans le débat d'orientation des finances publiques. Pour la première fois depuis 2009, le déficit public augmenterait l'an prochain, de 0,2 point de PIB. M. Darmanin arguerait sans doute de l'effet mécanique de la révision du scénario de croissance et du reclassement de la SNCF au sein des administrations publiques, mais il faut aussi faire une place dans l'explication au relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense, dont la croissance serait supérieure de 0,2 point à l'objectif initial.
Les comparaisons européennes en la matière sont en outre assez cruelles : certes, le surcoût temporaire lié à la transformation du CICE pèse à hauteur de 0,9 point de PIB sur l'exercice 2019, mais même en neutralisant cette mesure exceptionnelle, la France fait figure d'exception au niveau européen. Hors surcoût lié à la transformation du CICE, le déficit s'élèverait à 1,9 % du PIB en 2019, alors que le reste de la zone euro serait, d'après les prévisions du FMI, pratiquement à l'équilibre. L'effort de redressement des comptes publics prévu par le Gouvernement apparaît d'ailleurs très éloigné des règles budgétaires européennes. M. Moscovici, qui viendra nous rendre visite en décembre, nous expliquera sans doute que les règles ont été mises en place pour éviter que des divergences économiques majeures ne surviennent dans la zone euro...
Vous connaissez malheureusement trop bien l'évolution du ratio d'endettement en France et en Allemagne depuis 2006 : nous étions alors au même niveau ; la dette publique allemande a commencé à baisser en 2011-2012, tandis que la nôtre flirte à présent avec les 100 %. Plus grave : le montant des intérêts payés par la France à ses créanciers sera en 2022 de 31 milliards d'euros supérieur à celui que paiera l'Allemagne : c'est énorme, et c'est une dépense improductive. Songez à tout ce que nous pourrions faire avec 31 milliards d'euros ! C'est davantage que le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'Allemagne disposera ainsi, contrairement à la France, de marges de manoeuvre budgétaires.
Aussi modeste soit-il, le redressement des comptes publics prévu par le Gouvernement suppose la mise en oeuvre d'environ 14 milliards d'euros d'économies, compte tenu des baisses de prélèvements obligatoires prévues par ailleurs. Pour ce faire, le Gouvernement revient à des mesures de « bouclage budgétaire » très classiques, qui ne sont pas sans rappeler le précédent quinquennat. D'abord, le rabot sur les pensions et les prestations sociales, pour un rendement de 3,5 milliards d'euros. Ensuite, des « fusils budgétaires à un coup » : le report au mois d'octobre de certains allègements de cotisations sociales prévus pour compenser la disparition du CICE permet ainsi une économie temporaire de 2,3 milliards d'euros, tandis que le renforcement du cinquième acompte ponctionne 1,5 milliard d'euros sur la trésorerie des entreprises. Enfin, des mesures structurelles d'ampleur limitée en matière de logement ou d'emploi, qui s'inscrivent très largement dans la continuité du précédent budget. J'y reviendrai dans l'analyse par sous-secteur.
L'État et ses groupements porteraient ainsi la totalité du besoin de financement des administrations publiques pour la troisième année consécutive. Pour la sphère sociale, l'assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite représenteraient 70 % de l'amélioration du solde attendue l'an prochain. Le Gouvernement se repose ainsi sur l'amélioration du contexte macroéconomique et les économies dégagées par les réformes des partenaires sociaux pour assurer le respect de sa trajectoire de redressement des comptes sociaux. Il renonce en revanche aux économies structurelles, puisque l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) croît de 2,5 %, soit une dépense supplémentaire de 400 millions d'euros par rapport à ce qui était initialement prévu.
S'agissant de la sphère locale, se pose tout d'abord la question de l'ampleur du rebond des dépenses d'investissement, porté par le cycle communal électoral. Si le Gouvernement anticipe une hausse des dépenses d'investissement de 4,9 % en 2019 hors Société du Grand Paris, la progression pourrait être plus rapide encore, compte tenu de la chute enregistrée entre 2014 et 2016. Par ailleurs, l'effet de la méthode de la contractualisation sur le besoin de financement de la sphère locale reste incertain, comme l'a récemment rappelé la Cour des comptes. Les premières données d'exécution transmises par le Gouvernement tendent néanmoins à confirmer la pleine détermination des collectivités territoriales à participer à l'effort collectif de redressement des comptes publics. On souhaiterait que l'État en fasse autant et nous allons pouvoir constater que les efforts restent à produire pour une large part...
J'en viens précisément au budget de l'État. Le déficit budgétaire reste ancré à un niveau très préoccupant. En 2018, avec 81,3 milliards d'euros, le déficit s'est aggravé par rapport à 2017, où il était de 67,7 milliards d'euros, même si l'aggravation est un peu moins forte que prévu dans la loi de finances initiale. La reprise de la croissance fin 2017 a ainsi produit ses effets sur les recettes fiscales en 2018. Le solde bénéficie aussi, sur un plan purement comptable, du retard de comptabilisation des droits d'enregistrements qui, à hauteur de 1,5 milliard d'euros, n'avaient pas été pris en compte fin 2017. L'État connaîtra son 45e déficit budgétaire consécutif. J'entends encore Jean-Pierre Fourcade nous dire ici même qu'il avait été le ministre du dernier budget à l'équilibre en 1974... Ce sera le plus élevé de tous si l'on excepte les deux années qui ont suivi la crise financière de 2008, avec un niveau prévisionnel de 98,7 milliards d'euros.
Il faut reconnaître que l'aggravation par rapport à 2018 est d'abord due à un effet transitoire, avec la bascule entre le CICE et les cotisations dont j'ai déjà parlé, qui compte pour 20 des 25 milliards d'euros de baisse de prélèvements obligatoires. Il faut aussi compter avec le décalage d'un mois du prélèvement à la source : les encaissements commenceront au mois de février pour les revenus du mois précédent, donc l'impôt sur le revenu ne produira des encaissements que sur onze mois l'an prochain.
En sens inverse, la contribution des participations financières de l'État, l'extinction des dépenses liées au contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes et l'évolution spontanée des recettes fiscales portée par la croissance contribueront positivement au solde.
Vous pouvez constater, sur le graphique, que la charge de la dette a un effet presque imperceptible sur l'évolution du déficit mais cette ligne risque d'être beaucoup plus épaisse dans les années à venir, comme nous venons de le voir.
Le Gouvernement communique sur le fait que le déficit budgétaire, « hors mesures de trésorerie », serait inférieur en 2019 à son niveau de 2018. Même si l'on veut neutraliser les effets transitoires de la double charge représentée en 2019 par l'application du CICE et des allégements de charge qui le remplacent ainsi que du décalage d'un mois du prélèvement à la source, il faut aussi tenir compte de l'augmentation du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés et de l'absence de compensation intégrale par l'État des allégements de charge imposés aux administrations de sécurité sociale. On aboutit alors à un déficit budgétaire « à périmètre constant » comparable à celui de 2018. Mais c'est bien le déficit total de 98,7 milliards d'euros qui pèsera sur le besoin de financement de l'État.
S'agissant des recettes, le projet de loi de finances n'apporte pas de réel infléchissement. Les recettes fiscales nettes diminueraient en 2019 parce qu'une fraction de TVA - pour un montant de 32 milliards d'euros - est transférée aux administrations de sécurité sociale afin de compenser les mesures d'allègements de charges. Sans cet effet, les recettes fiscales nettes augmenteraient de 18 milliards d'euros environ, principalement sous l'effet de l'évolution spontanée des recettes liée à la croissance. L'impôt sur le revenu devrait voir son produit baisser de 2,6 milliards d'euros, malgré la croissance économique, en raison du décalage d'un mois du prélèvement à la source ; l'impôt sur les sociétés, lui, progresserait, malgré la poursuite de la baisse de son taux normal ; j'évoquerai le cas spécifique de la TICPE dans un instant ; et j'ai déjà indiqué que la baisse substantielle du produit de la TVA résulte d'un transfert vers la sécurité sociale. Mais aux incertitudes sur le niveau du PIB il faut ajouter celles relatives à l'élasticité de chacune de ces recettes à la croissance du PIB.
J'en viens à la fiscalité écologique. Le projet de loi de finances pour 2019 ne contient pas d'article sur la hausse de la TICPE puisque celle-ci résulte du projet de loi de finances pour 2018, qui rendait plus raide la pente de notre trajectoire carbone. Nous avions alors refusé une hausse pluriannuelle déconnectée du coût de l'énergie. Malheureusement, la conjoncture nous donne raison. La TICPE vise d'une part à assurer la convergence des fiscalités du gasoil et de l'essence ; autrefois celle de l'essence baissait et celle du gazoil augmentait, désormais elles augmentent toutes les deux, l'une plus vite que l'autre. L'augmentation est de 3,7 milliards d'euros en 2018 par rapport à 2017 et elle atteindra 6,5 milliards d'euros en cumulé en 2019. Bref, si les gens manifestent déjà cette année, ils vont adorer l'année prochaine ! Le cumul des prélèvements supplémentaires d'ici à 2022 atteindra 46 milliards d'euros en cinq ans. Cela risque de ne pas être bien accepté.
Le Gouvernement dit assumer cette hausse au nom de la transition énergétique. On peut se réjouir d'un tel signal-prix, et certains acteurs ont les moyens de se reporter vers d'autres modes de transport, mais cette fiscalité dite écologique a essentiellement, disons-le, un objectif de rendement. Interrogée ici même à trois ou quatre reprises sur la part des 37,7 milliards d'euros de TICPE qui sera nouvellement affectée à la transition énergétique, Mme Wargon n'a pas su nous citer d'autres mesures que celles qui existent déjà... Ni l'Agence de financement des infrastructures de transport, ni les collectivités territoriales, ni le compte d'affection spéciale « Transition énergétique » ne percevront de recettes de TICPE supplémentaires : le surplus, qui passe de 13,3 à 17 milliards d'euros, ira intégralement au budget général de l'État. Notre commission n'est pas forcément favorable à la fiscalité affectée, mais il n'est pas honnête de dire que la TICPE aidera les Français en matière de conversion énergétique. Surtout, même au sein du budget de l'État, on ne note pas vraiment de dispositif nouveau ni de renforcement de mesures existantes pour soutenir les actions des ménages et des entreprises en faveur de la transition écologique : pour les principales dépenses fiscales, le CITE est divisé par deux, le coût du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les travaux d'amélioration thermique reste contenu à 1,1 milliard d'euros environ. Les dépenses relatives au « chèque énergie » n'augmentent quant à elles que très légèrement...
Les dépenses fiscales baissent légèrement en valeur nominale, à 98,2 milliards d'euros, mais augmentent si on les rapporte au montant total des recettes fiscales nettes. La loi de programmation des finances publiques a fixé une trajectoire de baisse qui ne constitue guère une contrainte, et rien ne montre la volonté de ne pas céder à la tentation des niches fiscales.
La trajectoire de baisse des dépenses est toujours aussi peu perceptible. Un point positif cependant : la budgétisation des différentes missions de l'État est plus sincère. En particulier, le taux de mise en réserve au niveau de chaque programme hors dépenses de personnels, qui s'élevait à 8 % lors des exercices précédents, n'est que de 3 %. Toutefois le Gouvernement augmente considérablement les crédits non répartis, qui atteindront 850 millions d'euros en 2020. Le Gouvernement indique enfin que la réserve de précaution ne devrait pas être entièrement utilisée : nous vérifierons tout cela.
La loi de programmation des finances publiques a défini, je le rappelle, deux nouvelles normes de dépenses : la norme de dépenses « pilotables » recouvre les dépenses sur lesquelles l'État dispose d'une véritable marge de manoeuvre. Sur le quinquennat il est prévu qu'elle diminue de 1 % par an en volume. Or dès 2019 la cible devrait être dépassée de 600 millions d'euros environ. La norme de dépenses « totales » inclut également les prélèvements sur recettes, la charge de la dette, les investissements d'avenir, les pensions et d'autres dépenses qui dépendent moins directement des décisions prises chaque année par l'État. Cette cible devrait être atteinte en 2019, notamment par l'effet d'un prélèvement sur recettes en faveur de l'Union européenne à un niveau moins élevé que prévu ; mais les objectifs relatifs à la norme de dépenses totales sont moins ambitieux que ceux qui concernent les dépenses pilotables.
J'en viens aux grandes masses du budget de l'État. Le premier poste est l'éducation nationale, qui représente 73 milliards d'euros. Il est assez frappant de constater que, malgré l'augmentation du budget de la Défense et le niveau historiquement bas des taux d'intérêt depuis plusieurs années, la charge de la dette est presque égale aux crédits de la mission « Défense », qui représente 44 milliards d'euros.
La plus grosse augmentation concerne la mission « Défense », conformément à la loi de programmation militaire. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » bénéficie quant à elle de la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à hauteur de plus de 500 millions d'euros et de la prime d'activité pour plus de 700 millions d'euros, ainsi que de la mise en oeuvre de la nouvelle stratégie de lutte contre la pauvreté. Une dépense n'est toutefois pas intégrée à ce budget, ni à la programmation pluriannuelle : le service national universel, qui coûtera entre 2 et 4 milliards d'euros, et dont nul ne sait quel sera le financement.
Les baisses de dépenses concernent les missions « Travail et emploi » et « Cohésion des territoires » qui ne font pourtant pas partie des missions les plus fortement dotées du budget général. Outre des effets de périmètre, ces baisses correspondent à l'extinction des mesures du plan d'urgence pour l'emploi, en particulier l'aide temporaire à l'embauche dans les PME - en diminution de 1 milliard d'euros - et les contrats aidés - qui représentent une baisse de 850 millions d'euros. La mise en place du versement des aides personnelles au logement contemporain aux revenus devrait également réduire les dépenses d'environ 900 millions d'euros en 2019.
Le Gouvernement annonce une diminution de 4 164 emplois, les principales baisses concernant les ministères de l'action et des comptes publics et de l'éducation nationale. Des emplois sont en revanche créés aux ministères de l'intérieur, de la justice et des armées. Des efforts restent à faire au regard des objectifs annoncés sur le quinquennat. Cette diminution est notable par rapport à la très légère baisse de 1 600 emplois en 2018, mais demeure très insuffisante pour dessiner une véritable de trajectoire de réduction des effectifs de l'État : on ne voit pas comment l'objectif de diminution de 50 000 emplois sur cinq ans pourra être atteint. D'ailleurs, la masse salariale augmente de 1,35 milliard d'euros, soit 1,6 %, par la combinaison des mesures catégorielles, de l'impact du glissement vieillesse technicité et de l'effet des créations d'emploi antérieures. Manquent toujours de vraies réformes de structure de l'État. Le rapport du programme « Action publique 2022 » finira sur une étagère, comme je le craignais, puisque le Gouvernement a déjà refusé de le publier.
J'en viens à la question du pouvoir d'achat, puisque c'est la bannière sous laquelle le Gouvernement le présente - même si je doute que la formule ait pris dans l'opinion.
Il s'agit d'une préoccupation tout à fait légitime, dans la mesure où le pouvoir d'achat des Français stagne depuis dix ans. Le Gouvernement a ainsi mis en avant le gain de pouvoir d'achat que représenterait la baisse de 6 milliards d'euros des prélèvements obligatoires sur les ménages prévue l'an prochain. Or cette présentation est trompeuse : les deux tiers de cette baisse correspondent à l'effet décalé de la compensation du manque à gagner lié à la hausse de la CSG. De plus, la présentation du Gouvernement ne tient pas compte des effets des mesures décidées par les partenaires sociaux, ni de l'effet des baisses de prestations sociales. Le quasi gel des allocations et des retraites, c'est pourtant bel et bien du pouvoir d'achat en moins ! En tenant compte de ces différents biais, l'OFCE et l'Institut des politiques publiques (IPP) s'accordent sur le fait qu'après une « année blanche » en 2018, les ménages ne bénéficieront que d'un gain de pouvoir d'achat très limité l'an prochain, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. En réalité, la politique gouvernementale revient pour l'essentiel à transférer du pouvoir d'achat d'une catégorie de ménages à une autre.
L'Assemblée nationale en a demandé une à l'Institut des politiques publiques sur les gagnants et les perdants du budget. Les anciens assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune - mauvais impôt au demeurant - ou les ménages imposés au prélèvement forfaitaire unique sont gagnants. Les perdants sont les retraités, les ménages modestes, et une partie des classes moyennes supérieures.
Mme Wargon a beau nous dire que le prix de l'alimentation baisse, le principal moteur du pouvoir d'achat reste le retour de la croissance. D'autres pays, y compris dans le sud de l'Europe, ont fait le choix de conduire les réformes nécessaires pour y parvenir : c'est plus efficace que les transferts entre les différentes catégories de population.
Nous discuterons mercredi prochain de la loi de finances rectificative qui nous est soumise en milieu de PLF, et des articles du PLF pour 2019, qui prennent parfois d'une main ce qui a été donné d'une autre.
Certains responsables de l'OCDE, que j'ai rencontrés, sont revenus sur leur optimisme : ils parlent désormais de 1,4 % ou 1,5 % de croissance pour la France en 2018, et autour de 1,5 % en 2019. Bref, de mois en mois ou de trimestre en trimestre, les prévisions sont de plus en plus négatives. À ce rythme, on nous annoncera bientôt des gels de crédits, avant même qu'ils soient votés ! Je ne crois pas du tout à la hausse du prix du pétrole malgré la crise actuelle, car les pays de l'OPEP ont décidé d'augmenter massivement leur production. Cessons d'ailleurs d'incriminer le marché du pétrole : le problème de la France, c'est le manque absolu de confiance des investisseurs internationaux à son égard. Tant que l'État ne restaurera pas son crédit, la croissance ne reviendra pas. On nous avait dit il y a un an, en plein Brexit, que les investisseurs allaient se battre pour entrer chez nous : ils se battent peut-être, mais pas pour cette raison ! Faut-il continuer à se dire que 1,6 % ou 1,7 % de croissance, ce n'est pas si mal ? Nous pourrions aussi être à zéro, certes, mais tout de même, à ce niveau, on sait pourtant bien qu'on ne crée pas d'emplois ! Nos voisins, eux, ont une certaine continuité dans leur politique économique, ou mènent une franche politique d'attractivité fiscale, ou ont su restaurer la confiance. À défaut de les imiter, nous n'aurons que des miettes.
Je veux vous féliciter, monsieur le rapporteur général, pour cette présentation annuelle, toujours très bien faite, et dont la continuité formelle d'une année sur l'autre permet de s'y retrouver aisément.
Je vous trouve très modéré dans l'analyse des hypothèses... En somme, vous n'avez rien à dire sur ce chapitre ! Vous avez certes eu du mal à vous remettre du PLF pour 2017, dont vous jugiez les hypothèses impossibles et inatteignables - je rappelle que l'objectif du Gouvernement était 1,5 %, que vous prédisiez 1,2 %, et que l'on a fait 2,2 % : ce fut une claque ! C'est peut-être pourquoi, depuis deux ans, vous ne vous risquez plus à faire le moindre commentaire.
Un point me chagrine toujours : vous insistez systématiquement sur le redressement des comptes publics, mais jamais sur le moyen de faire entrer des recettes. Or l'an dernier, nous avons perdu définitivement au moins 5 milliards d'euros, du fait des réformes de la fiscalité du patrimoine, peut-être davantage compte tenu des effets à retardement du prélèvement forfaitaire unique. Avant d'en trouver de nouvelles, il est souhaitable de ne pas se priver de recettes, surtout lorsque l'on ne va pas très bien... En outre, et sans vouloir faire du mauvais Éric Bocquet - qui est toujours remarquable -, il serait bon de faire apparaître quelque part, en pointillés le cas échéant, les 70 ou 75 milliards d'euros de fraude fiscale qui nous manquent. Pour le faire, il faudrait renforcer les systèmes de contrôle fiscaux, ce que vous pourriez d'ailleurs proposer. Créer dans ces services des postes de fonctionnaires serait non pas une charge mais l'assurance de recettes futures ! Sait-on seulement quel est le niveau de fraude fiscale en Allemagne et dans les autres pays voisins ? Voilà un sujet qu'il serait intéressant d'expertiser et qui rééquilibrerait le débat.
Sur le budget du pouvoir d'achat, votre démonstration est pertinente.
Je ne m'explique pas le décalage de trésorerie d'un mois s'agissant du prélèvement à la source. Le mois de janvier 2019 sera pourtant prélevé.
Certes, mais l'impôt du mois de janvier 2019 ne sera reversé à l'État qu'au mois de février. De même, l'État ne percevra qu'au mois de janvier 2020 l'impôt sur le revenu prélevé en décembre 2019. Dès lors, les recettes fiscales de l'année 2019 seront amputées d'un mois en comptabilité budgétaire.
La fiscalité écologique me semble plutôt constituer un moyen d'augmenter les recettes du budget général. En outre, les dispositifs destinés à la transition énergétique, peu motivants, n'apparaissent pas des plus efficaces. Le diesel fait l'objet de virulentes critiques ; pourtant, il ne pollue pas davantage que l'essence. Le ministre de la transition écologique a récemment annoncé devant notre commission une subvention de 30 % sur le changement des cuves à mazout - il me semble qu'il s'agit plutôt des chaudières - mais je ne suis pas certain que cette mesure modifie la consommation des Français. Soyons, par ailleurs, réalistes : les véhicules électriques, coûteux, ne sont pas idéalement adaptés aux déplacements dans les zones rurales. Nous avons installé, au prix d'un effort important, une centaine de bornes en Ardèche, mais leur utilisation demeure rare. Du reste, le développement du véhicule électrique nécessite une production d'électricité à un niveau que seul offre actuellement l'industrie nucléaire, qui ne plaît guère à l'opinion publique. Nous avons également installé des éoliennes et cherchons à développer les équipements photovoltaïques, mais nous nous heurtons aux complications générées par l'État et par la commission de régulation de l'énergie (CRE). Alors que le Gouvernement augmente la taxation des carburants, il supprime les aides aux territoires pour les énergies positives, qui constituaient pourtant un instrument efficace de développement des énergies renouvelables. Quel sera enfin le coût des mesures de compensation, qui nécessiteront des contrôles ? Les collectivités territoriales ne doivent pas payer pour les erreurs de l'État !
Le projet de loi de finances pour 2019 s'inscrit dans la continuité du précédent. Nous évoquons fréquemment le problème de la dette publique, mais trop rarement celui de la dette privée des ménages et des entreprises à laquelle, pourtant, l'État est confronté. Lorsque les crédits à la consommation explosent ou que les entreprises rencontrent des problèmes de solvabilité, l'État rachète en partie des dettes contractées. Notre commission devrait, il me semble, mieux appréhender les conséquences de la dette privée. Auprès de qui l'État se finance-t-il ? Selon qu'il s'agisse des marchés ou de la banque centrale, les résultats peuvent varier.
Le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) axera sa contribution sur les recettes de l'État, dont la logique, en réalité, ne fonctionne pas. À titre d'illustration, la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) n'a entraîné que 0,1 % d'investissements nouveaux dans les petites et moyennes entreprises au regard de leur valeur patrimoniale. La politique fiscale doit être jugée sur ses effets réels... De même, l'allègement de 50 milliards d'euros de cotisations sociales ne semble nullement provoquer une croissance de la consommation des ménages. Si nous voulons éviter tout excès de populisme, il faut expliquer aux Français le fonctionnement et l'utilisation de la TICPE : 7,2 milliards d'euros servent au financement de mesures destinées à la transition énergétique pour les ménages et les entreprises, 12,3 milliards d'euros bénéficient aux collectivités territoriales - l'enveloppe est stable, alors que leurs charges augmentent - et 17 milliards d'euros sont versés au budget de l'État et, partant, participent au financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et des allègements de cotisations sociales. Ayons un débat contradictoire public, signe d'une démocratie vivante, au lieu d'attiser la colère populaire.
Je partage l'analyse de Roger Karoutchi : malgré une croissance de 1,5 %, l'attractivité de la France demeure en berne et son positionnement recule dans les classements internationaux. Le fossé se creuse par rapport aux pays qui se sont réformés en profondeur ou qui, comme l'Allemagne, ont conservé une industrie puissante.
Claude Raynal, notre commission s'intéresse au sujet de la fraude fiscale, mais je reste prudent en matière d'estimation. Comme j'ai pu le constater en rencontrant certains services fiscaux dans le cadre de mes travaux sur la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, le phénomène concerne principalement la TVA, dont le rendement annuel s'élève à 180 milliards d'euros. Hélas, la volonté du Gouvernement de lutter contre la fraude à la TVA n'apparaît pas toujours évidente ; il n'est que de voir le sort de certains amendements que nous présentons, même si nous sommes parvenus à avancer sur la responsabilité solidaire des plateformes en ligne par exemple. Notre groupe de suivi sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales a entendu des représentants de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Direction générale des finances publiques (Dgfip), qui n'ont pas nécessairement fait preuve d'un grand enthousiasme pour faire évoluer les choses s'agissant des arbitrages sur dividendes.
Je partage l'analyse de Jacques Genest : l'augmentation de la fiscalité énergétique - 46 milliards d'euros d'ici 2022 - bénéficiera principalement au budget de l'État. La part réservée au compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » - achat d'énergies renouvelables et dette d'EDF - apparaît stable. Cela étant, certaines dépenses à finalité écologique sont prises en charge par le budget général de l'État, à l'instar du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), dont le coût diminue, compte tenu de son recentrage, pour s'établir à 880 millions d'euros en 2019, ou le « chèque énergie ». En réalité, les dépenses relatives à la transition énergétique tendent à stagner voire à diminuer et la fiscalité dite écologique augmente, surtout pour financer les dépenses du budget général : la présentation du Gouvernement n'est guère honnête, d'autant que le signal prix ne fonctionne que si les Français disposent des moyens de changer de véhicule.
Comment expliquer que les milliardaires français aient vu leurs revenus croître de 30 % l'an passé ? Selon les chiffres publiés par le Gouvernement pour le déficit de l'année 2018, il apparaît que 4,5 milliards d'euros ressortent de l'annulation de la taxe sur les dividendes. Parallèlement, la France est devenue championne de la distribution de dividendes... Votre constat, excellent, manque hélas d'une vision prospective. Si d'aventure le poste de ministre de l'économie et des finances vous était confié, quelles seraient les trois mesures que vous prendriez en priorité ?
À la lecture de votre rapport, il apparait que le déficit de l'État ne cesse de croître sur la période 2017-2019, plus encore si le déficit issu des organismes divers d'administration centrale, qui en constituent un démembrement, y est adjoint. De même, alors que les différentes branches de la sécurité sociale tendent vers l'équilibre, les hôpitaux, pilotés par les agences régionales de santé (ARS), affichent des déficits abyssaux. Les collectivités territoriales, souvent critiquées pour leur gestion, apparaissent, quant à elles, à l'équilibre.
La notion de norme de dépenses pilotables m'intrigue quelque peu. Les pensions de retraite ne seraient-elles pas pilotables ? Il s'agit davantage, à mon sens, de dépenses que l'État ne souhaite pas piloter... Quoi qu'il en soit, en 2018, il n'a pas respecté cette norme. L'annonce d'un déficit pour l'année 2018 amélioré d'1,3 milliard d'euros s'entend-elle par rapport à la loi de finances pour 2019 ou par rapport à la loi de finances initiale ?
Le développement des véhicules électriques présente des difficultés dont nous avons tous fait l'analyse dans nos territoires. Ces véhicules sont en général acquis pour une durée de trois ans. A l'heure du renouvellement, les aides qui ont permis le premier achat ne peuvent plus être sollicitées. Dès lors, le parc pourrait s'en trouver réduit dans les prochaines années, d'autant que ces véhicules, coûteux, ne sont pas adaptés à tous les usages, notamment en milieu rural. Nous devrions, à mon sens, centrer notre réflexion sur le second véhicule des familles.
D'aucuns affirment que les recettes fiscales diminuent lorsqu'est réduit le taux d'imposition. Je crois l'inverse ! Prenez la diminution progressive du taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %, annoncée sous la présidence de Jacques Chirac mais tout juste mise à exécution alors que la même mesure a été appliquée en quinze jours aux États-Unis : le premier palier - un taux de 28 % en 2019 - devrait entraîner une croissance de 23 % des recettes de l'impôt. De la même manière, le prélèvement forfaitaire de 34 % sur les dividendes va certainement conduire à une augmentation des recettes de l'impôt sur le revenu au titre des dividendes car les entreprises rapatrieront en France certains dividendes.
La présentation du rapporteur général était claire, complète et pédagogique ; je l'en remercie. Je suis, pour ma part, effaré de constater l'ampleur du déficit budgétaire de l'État - 100 milliards d'euros en 2019. Il faudrait en afficher le montant sur la façade de Bercy ! Selon vous, le prélèvement à la source permettra-t-il d'améliorer le recouvrement de l'impôt sur le revenu ?
Disposez-vous d'éléments précis sur les recettes par taxation des sociétés d'autoroutes, qui semblent diminuer en 2019 alors que l'activité économique desdites sociétés apparaît florissante ?
Je suis surpris par la véhémence du débat sur la TICPE depuis une quinzaine de jours. Je rappelle qu'en matière budgétaire, la règle applicable est celle de la non affectation des taxes. N'oublions pas le caractère comportemental de la politique fiscale, à l'instar de celle appliquée au tabac. Notre commission a-t-elle prévu de travailler prochainement sur les dépenses énergétiques ?
Le niveau de la TICPE et son évolution sont absolument terrifiants ! Les sommes atteintes sont considérables ! La volonté politique en la matière apparaît difficilement compréhensible : le débat sur la transition énergétique s'établit sur le registre de l'incantation sans prendre en considération les conditions de vie de nos concitoyens. La révolte politique semble inévitable, compte tenu du nombre élevé d'automobilistes et de la conscience qu'ont les Français du caractère exemplaire de leur pays en matière d'émissions de carbone. En outre, des niches demeurent préservées : le kérosène des avions, par exemple, n'est pas soumis à la TICPE - peut-être pour préserver la compétitivité de la France dans la perspective de la privatisation d'ADP ? Qu'en est-il, dans ce cadre, de la SNCF, alors que de nombreux trains régionaux roulent au gasoil ?
La solution électrique ne peut être universelle et fait, par ailleurs, la fortune des fabricants chinois de batteries. Les incantations du Gouvernement ne changeront rien à l'absence d'industrie européenne dans ce secteur. Du reste, si des industriels s'établissaient dans nos territoires, ils risqueraient fort de ne pas survivre à la compétitivité chinoise, comme ce fut le cas dans l'industrie photovoltaïque. La meilleure solution consisterait, à mon sens, à rajeunir le parc thermique car les véhicules consomment de moins en moins de carburant. Hélas, la brutalité du Gouvernement pour parvenir à ses fins méconnaît la réalité et nos concitoyens qui roulent le plus ne profitent pas des aides allouées au rajeunissement du parc automobile. En Allemagne, que jouxte ma région, la société est bien moins punitive envers les automobilistes... Notre commission devrait effectivement se pencher sur la politique de transition énergétique, afin de la rendre plus respectueuse des réalités économiques et sociologiques. Nos concitoyens ne peuvent tous se déplacer en trottinette sur les trottoirs des métropoles !
Plusieurs collègues ont évoqué la problématique de la fiscalité énergétique. Effectivement, Didier Rambaud, la règle habituelle est celle de la non affectation des taxes, mais je vous rappelle que l'argument a été utilisé par le Gouvernement, souvenez-vous de l'audition de Mme Wargon... En outre, les dépenses liées à la transition énergétique diminuent globalement : la TVA à 5,5 % sur les travaux d'habitation demeure dans une enveloppe stable, le CITE recule à 880 millions d'euros en 2019, la prime à la conversion progresse mais c'est un dispositif autofinancé par le malus et seul augmente le montant dévolu au chèque énergie. Certes, le signal prix peut être entendu, mais seulement par les Français qui en ont les moyens ! Les véhicules les plus propres sont si coûteux... En l'absence d'alternative crédible proposée à nos concitoyens, la révolte gronde, et je ne vois guère comment l'augmentation de la TICPE prévue d'ici 2022 pourrait s'avérer supportable. Les alternatives au gasoil non routier sont, par exemple, souvent inexistantes : il n'y a ni tractopelle ni goudronneuse électrique. Nos entreprises vont donc perdre en compétitivité et la construction de routes deviendra plus coûteuse pour les collectivités territoriales. Il serait effectivement intéressant de réaliser une étude sur la politique de transition énergétique.
Je partage l'analyse de Jean-François Rapin et de Gérard Longuet sur les véhicules électriques, d'autant qu'après avoir incité pendant des années les Français à rouler au diesel, le revirement paraît brutal ! Le sujet est différent pour les avions car la convention de Chicago interdit depuis 1944 la taxation du kérosène sur les vols internationaux. Quant aux vols intérieurs, une telle taxation serait dommageable, notamment pour les destinations difficilement accessibles en train. Il m'est arrivé de payer plus cher un billet en vol intérieur que pour Tokyo ! La SNCF échappera, comme les agriculteurs, à la suppression de la niche sur le gasoil.
Dans votre hypothèse, Éric Bocquet, je commencerais par revenir sur la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, parfois déresponsabilisante, pour inciter les administrations à réaliser des économies ; je supprimerais les doublons s'agissant des missions de l'État par rapport à ce qui a été transféré, notamment dans les domaines du social, du tourisme et des routes ; je privilégierai enfin l'emploi dans les services publics de terrain au détriment des effectifs des administrations centrales.
Effectivement, Claude Nougein, selon la courbe de Laffer, le rendement de l'impôt diminue au-delà d'un certain taux. Figurez-vous que j'ai rencontré Arthur Laffer il y a quelques années : il considérait que la France représentait le laboratoire d'application parfait de sa théorie. De fait, lorsque la déclaration au forfait applicable pour la rémunération des employés à domicile a été supprimée, les recettes ont diminué, certains ayant adapté leurs comportements.
S'agissant de la taxe sur les sociétés d'autoroutes, Arnaud Bazin, il me semble que c'est son affectation qui est modifiée en 2019 davantage que son rendement. Les dépenses non pilotables ont été contenues normalement, tandis qu'en matière de dépenses pilotables, la norme a été dépassée de 600 millions d'euros.
S'agissant de la dotation intercommunale, la commission a-t-elle reçu les simulations promises ? Qu'en est-il, par ailleurs, du chantier de la contractualisation avec les grandes collectivités territoriales aux fins de limiter leurs dépenses ? Elles ont déjà réalisé des efforts importants dans ce domaine. Enfin, quel est l'état du débat sur le déficit structurel ?
Je n'ai rien lu dans votre rapport sur le déficit du commerce extérieur de la France. Cela signifie-t-il qu'il n'a guère de conséquences sur le déficit de l'État ?
Certes, il peut sembler louable de vouloir changer les comportements automobiles des Français, mais sans solution alternative crédible, l'augmentation de la TICPE ne conduit qu'à creuser les inégalités sociales et territoriales.
Dans quelle mesure la croissance des recettes de l'impôt sur les sociétés en 2019, après un recul en 2018, peut-elle être liée au passage du CICE aux allègements de cotisations sociales ?
Après la détérioration de 2018 et alors que les prélèvements obligatoires atteignent des sommets, le solde budgétaire prévisionnel de 2019 m'inquiète. La question des taxes affectées n'est pas si manichéenne, comme l'a montré un récent rapport, mais, en tout état de cause, le Gouvernement a lui-même fait le lien entre la TICPE et les dépenses énergétiques. Hélas, même si les élus portent un message raisonnable sur le sujet, ils sont débordés par les réseaux sociaux. Je soutiens, comme beaucoup de Français, la transition énergétique, mais la rupture imposée me semble trop brutale et violente, pour nos concitoyens comme pour nos industries. Les conséquences sur le climat ne doivent pas être confondues avec la pollution. Le diesel, par exemple, est, pour le climat, meilleur que l'essence et, pour les plus récents modèles de véhicules, moins nocif pour la santé. Par ailleurs, le transport maritime, pour la régulation duquel aucune action n'est engagée, pollue bien davantage que les automobiles, notamment dans des zones fragiles comme l'Arctique. Le risque d'un cataclysme politique existe à l'occasion des prochaines élections européennes. L'Europe devrait se saisir du sujet et le Sénat, dans sa grande sagesse, entamer un dialogue sur la fiscalité énergétique avec le Gouvernement.
Cela a été dit, mais il faut le rappeler, la hausse de la TICPE ne date pas du gouvernement actuel, mais découle d'abord des engagements pris par la France dans le cadre de la COP 21. C'est dans ce contexte général qu'il faut clairement expliquer aux gens que cette augmentation n'est pas une mesure de transition énergétique ; elle vise d'abord à modifier les modes de transport et de consommation.
Si nous sommes tous favorables à la transition écologique et énergétique, il est vrai que les mesures liées à cette transition posent la question de leur acceptabilité, d'autant que les personnes concernées ne peuvent pas toujours se tourner en pratique vers une solution alternative - c'est par exemple le cas dans le secteur des travaux publics ou pour le chauffage en milieu rural. Quand il n'existe pas d'alternative, taxer davantage ne peut pas, par définition, modifier les comportements.
Les décideurs publics doivent absolument prendre en compte cette question de l'acceptabilité. Sinon, une bonne mesure risque d'être rejetée massivement. La gronde qui monte peut être violente et nous amener au-delà de ce qui est souhaitable en termes de politique publique. C'est pourquoi nous devons mesurer nos critiques.
Qui plus est, je rappelle que les efforts qui sont demandés aux Français et qui ont des conséquences importantes dans leur vie quotidienne ne représentent que 0,9 % des émissions de carbone dans le monde, soit un niveau marginal pour la planète ! Cela renforce le caractère difficilement acceptable d'une telle mesure.
Comme cela est indiqué dans le document de présentation du rapporteur général, les intérêts de la dette sont le troisième poste de dépenses dans le budget de l'État, le déficit atteint un niveau record et les prélèvements obligatoires comme les dépenses publiques sont toujours aussi élevés. On entend parfois dire que ce gouvernement est libéral, voire ultralibéral ; en fait, il n'y a aucune rupture par rapport au quinquennat précédent ! Nous sommes toujours dans une tendance sociale-démocrate.
La France reste le pays, en particulier en Europe, où les citoyens sont les plus imposés, l'État le plus dépensier, les contraintes et normes les plus fortes. Le Premier ministre parle de réforme de l'État, mais on ne voit rien dans le projet de loi de finances à ce titre, ni dans votre intervention, monsieur le rapporteur général. J'ai l'impression que l'interventionnisme étatique est un acquis dans notre société, ce qui n'est pas satisfaisant. Quelles sont les solutions réellement différentes, qu'une majorité de droite pourrait mettre en place ?
Le rapport écrit contient évidemment des développements plus conséquents sur plusieurs sujets qui ont été évoqués.
J'y regrette notamment l'abandon de la réforme de l'État : aucune des pistes du Comité « Action publique 2022 » n'a été véritablement explorée à ce stade ! De telles réformes ne peuvent fonctionner que s'il existe une réelle appropriation politique du processus, ce qui fut le cas dans tous les pays qui avaient un niveau de dépenses très élevé et qui ont réussi à moderniser l'État - je pense à l'Allemagne, au Canada ou à la Suède. En France, ces sujets restent malheureusement à un niveau technocratique.
La première question que nous devons nous poser est celle du périmètre des missions de l'État - il ne doit pas s'occuper de tout ! Certaines missions sont très bien assurées par d'autres acteurs, par exemple les collectivités territoriales. Il existe une forme de contradiction : l'État est omnipotent, alors que les Français ont le sentiment que le service public est de moins en moins présent et efficace ! Je rappelle que la France bat deux records cette année : le niveau des dépenses publiques - premier pays au sein de l'OCDE - et celui des prélèvements obligatoires - premier pays au sein de l'Union européenne. Or je ne suis pas certain que les Français aient l'impression que le service public est mieux rendu qu'il y a dix ans ! Les administrations centrales ont grossi, tandis que la présence de l'État sur le terrain se réduit.
Par ailleurs, 228 collectivités locales ont signé une convention avec l'État et, parmi celles qui étaient concernées par ce dispositif, une centaine ne l'a pas fait. Selon les indications qui nous ont été fournies, l'objectif de maîtrise de la dépense de fonctionnement devrait être atteint en 2018, voire dépassé.
Philippe Adnot, il est vrai que le commerce extérieur est un facteur important de croissance et que nous connaissons un différentiel important avec l'Allemagne sur ce sujet. Le Brexit ne devrait pas améliorer les choses, puisque le Royaume-Uni constitue aujourd'hui notre premier excédent commercial.
En ce qui concerne la fiscalité énergétique, le sujet est en effet dangereux. Il est vrai que la France a pris des engagements, mais ils ne peuvent pas être complètement décorrélés des cours du pétrole, dont l'évolution est évidemment impossible à prévoir sur le moyen terme. Or le Gouvernement nous a demandé de voter des évolutions sur cinq ans !
En outre, comme cela a été dit, il n'existe pas toujours d'alternative au pétrole ; dans cette situation, augmenter la TICPE ne constitue qu'une taxation supplémentaire pour les secteurs économiques ou les personnes concernés. Je pense moi aussi aux travaux publics ou à la question du chauffage en zone rurale.
Bernard Delcros, l'impôt sur les sociétés devrait connaître un surcroît de recettes d'environ deux milliards d'euros du fait de la transformation du CICE en baisse de charges et de 1,5 milliard d'euros du fait du cinquième acompte.
La commission donne acte au rapporteur général de sa communication.
La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles, est dotée de 21,1 milliards d'euros de crédits de paiement en 2019. Ces crédits progressent de 7,5 % par rapport à 2018, soit une augmentation de près de 1,5 milliard d'euros.
Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d'intervention, qui représentent 93 % des crédits de la mission, mais s'explique également par les revalorisations, dites exceptionnelles, de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) : pour la prime d'activité, cela correspond à une augmentation de 20 euros par mois du montant forfaitaire à partir d'octobre 2018, puis à la création d'un bonus individuel de 20 euros à compter d'octobre 2019 ; pour l'AAH, il s'agit d'une hausse de 41 euros par mois à partir du 1er décembre 2018, puis de 40 euros en 2019 pour porter son montant à taux plein à 900 euros.
Par ailleurs, dans une moindre mesure, la hausse des crédits de la mission est également liée à des mesures positives de transferts et de périmètre.
L'augmentation des crédits de la mission, qui comprend la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH que nous saluons, masque néanmoins, comme lors du précédent projet de loi de finances, des réformes paramétriques qui viennent minorer, voire neutraliser dans certains cas, les revalorisations annoncées.
En effet, parallèlement aux revalorisations annoncées, sont prévues ou ont déjà été mises en oeuvre les mesures suivantes.
S'agissant de la prime d'activité, l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte a été réduit de 62 % à 61 %, conformément à un décret d'octobre dernier. Ainsi, d'après nos simulations, sur les 20 euros de revalorisation forfaitaire annoncés, une personne au SMIC sans enfant gagnerait seulement 8 euros ! Autre réforme paramétrique : l'exclusion des bénéficiaires de rentes AT-MP et de pensions d'invalidité de la prime d'activité, dont Arnaud Bazin vous reparlera plus tard. Enfin, deuxième mesure, la suppression de la revalorisation annuelle du 1er avril pour 2019 et 2020 de la prime et de son bonus, indexés jusque-là sur l'inflation.
En ce qui concerne l'AAH, plusieurs réformes de paramètres sont prévues ou ont déjà été mises en oeuvre. Le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple, dont un des membres perçoit l'AAH, sur celles d'un couple au RSA a déjà débuté avec la publication d'un décret, fin octobre, qui abaisse le plafond de ressources à 1,89. Ce plafond sera abaissé à 1,81 en 2019. L'article 83 rattaché à la mission contient une autre mesure qui atténue la revalorisation annoncée dont Arnaud Bazin vous explicitera les détails : il s'agit de la suppression d'un des deux compléments de l'AAH, le complément de ressources, qui atteint aujourd'hui un montant de 179 euros par mois. Dernière mesure paramétrique, la revalorisation annuelle de l'AAH, comme celle de la prime d'activité, qui ne sera plus indexée sur l'inflation : elle sera nulle en 2019 et limitée à 0,3 % en 2020.
Ainsi, il y a certes un effort budgétaire d'ensemble, que nous reconnaissons, mais il doit être nuancé par l'impact de toutes ces mesures paramétriques, qui ne semblent d'ailleurs pas vraiment maitrisées par le Gouvernement.
Outre le fond, c'est aussi la méthode qui est critiquable : le Gouvernement a su communiquer abondamment sur ces coups de pouce, en oubliant d'évoquer les nombreux coups de ciseaux qui seront autant de mauvaises surprises pour les bénéficiaires...
Au-delà de la question des revalorisations et des mesures paramétriques, la mise en oeuvre du budget de la mission est entourée, en 2019, d'un certain nombre d'incertitudes.
En ce qui concerne le financement des mineurs non accompagnés, l'aide exceptionnelle aux départements pour la prise en charge partielle des dépenses d'aide sociale à l'enfance est reconduite, mais l'incertitude demeure sur son montant. En effet, il semblerait que le niveau des dépenses prises en charge par l'État diminuera de 30 % à 15 %, mais le Gouvernement n'est malheureusement pas en mesure de nous le confirmer... Cela est d'autant plus regrettable qu'une enveloppe est bien budgétée pour 2019. Sur ce sujet, qui relève à notre sens de la politique nationale d'immigration, nous estimons que l'État doit prendre ses responsabilités, en assumant les dépenses d'évaluation et de mise à l'abri et en augmentant l'aide versée aux départements pour les dépenses d'aide sociale à l'enfance.
Un autre sujet nous semble entouré d'incertitudes : le plan pauvreté. Nous ne pouvons que saluer les objectifs de cette stratégie et le travail mené par le délégué interministériel, que nous avons reçu en audition. Néanmoins, la majorité des crédits inscrits sur la mission repose sur une contractualisation avec les départements. La mise en oeuvre de ce plan semble ainsi, en l'état actuel des choses, compromise et conditionnée au résultat des négociations en cours.
Dernier sujet sur lequel le Gouvernement n'est pas capable de nous apporter de précisions pour le moment : la suppression de la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité dans le calcul du droit à la prime d'activité. Cette mesure avait été adoptée en loi de finances initiale pour 2018, contre l'avis de notre commission des finances, pour une application au 1er janvier 2018. Elle n'a finalement été appliquée que temporairement et avec retard, au 1er juin 2018. Le Gouvernement a ensuite « fait machine arrière », en suspendant l'application de la mesure au vu de ses conséquences, dommageables, sur les bénéficiaires - conséquences que nous avions pointées lors de l'examen de la dernière loi de finances. Des pertes ont ainsi été constatées chez les bénéficiaires, majoritairement des familles monoparentales, s'échelonnant entre 60 et 200 euros par mois. On ne peut que regretter la mise en oeuvre chaotique de cette mesure, qui n'a fait l'objet d'aucune publicité auprès des bénéficiaires, que ce soit sur la suppression de ce droit ou, ensuite, sur le versement du rappel. Comme nous l'a rapporté la représentante de l'Association des paralysés de France (APF) France Handicap en audition, les bénéficiaires s'en sont aperçus en consultant leur compte bancaire le 5 du mois...
Sur ce sujet, il semblerait qu'un amendement gouvernemental qui viserait à instaurer un régime transitoire soit en préparation. Nous serons attentifs au débat sur cette mission qui se tiendra demain matin en séance publique à l'Assemblée nationale, mais nous souhaitons rappeler ici notre opposition de principe à cette mesure.
S'agissant du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, ses crédits sont stables à l'euro près, ce qui masque des situations contrastées. Ainsi, les crédits liés à la lutte contre la prostitution diminuent ; bien que cette diminution soit moins importante que celle de l'année dernière, nous tenions à rappeler que le maintien de financements aux associations est essentiel, puisque d'elles dépend la mise en oeuvre de la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et des parcours d'accompagnement de sortie de la prostitution.
Enfin, s'agissant du programme 124, qui porte l'ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l'État au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS), ses crédits diminuent de près de 2,5 %. Les ministères sociaux, faisant partie des ministères non prioritaires, sont ainsi touchés significativement depuis plusieurs années par des mesures d'économie budgétaire. La réduction du schéma d'emplois et la rationalisation des « fonctions support » se poursuivent. Toutefois, ce processus de rationalisation semble avoir atteint ses limites et des réflexions s'engagent dorénavant sur les modifications de périmètre des directions et opérateurs de ces ministères.
Au vu de l'ensemble de ces observations, je vous propose, malgré les insuffisances que nous venons de pointer, d'adopter les crédits de la mission, que nous proposons cependant de modifier par l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 83 rattaché. S'agissant des mesures paramétriques que nous déplorons, elles constituent pour la plupart des mesures de nature réglementaire, qui ne relèvent donc pas du législateur.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à l'adoption des crédits de la mission, mais je soutiendrai l'amendement visant à maintenir l'existence du complément de ressources.
Nous en venons maintenant à l'examen des deux articles rattachés à la mission. L'article 82 vise à créer une seconde bonification intégrée au calcul de la prime d'activité, dont nous avons parlé précédemment. Elle sera versée à chaque travailleur membre d'un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 SMIC. Son montant maximal sera atteint à 1 SMIC, puis décroîtra ensuite. Le montant maximal de la bonification s'élèvera à 20 euros au 1er août 2019, puis sera revalorisé chaque année par tranche de 20 euros jusqu'à atteindre 60 euros au 1er août 2021. Cette mesure ayant pour finalité l'incitation au maintien ou à la reprise d'activité des travailleurs modestes, nous vous proposons d'adopter cet article sans modification.
Pour illustrer le caractère ambivalent des mesures prises par le Gouvernement, nous avons inséré dans notre rapport un tableau qui récapitule les montants en question. S'agissant de la prime d'activité, les mesures « positives » pour les bénéficiaires ont un coût, pour l'État, de 795 millions d'euros tandis que les mesures « négatives » prises permettent de générer une économie estimée à 474 millions d'euros.
S'agissant maintenant de l'article 83, il vise, d'une part, à supprimer le complément de ressources pour les bénéficiaires de l'AAH et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) et, d'autre part, à instaurer un régime transitoire pour les bénéficiaires ayant des droits ouverts à ce complément avant le 1er novembre 2019, qui continueront de le percevoir pendant dix ans.
Le complément de ressources constitue, avec la majoration pour la vie autonome, les deux compléments, non cumulables, de l'AAH. Sont éligibles à ces aides les personnes handicapées qui ont un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 %. Le complément de ressources, d'un montant de 179 euros par mois, bénéficie à 67 000 personnes et la majoration pour la vie autonome, qui s'élève à 104 euros mensuels, à près de 150 000 personnes.
Le Gouvernement justifie la suppression du complément de ressources par le manque de lisibilité et de simplicité du dispositif dû à la coexistence de ces deux dispositifs aux modalités d'attribution proches.
Nous considérons que cet argument est infondé pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, ce complément de ressources constitue une avancée permise par la loi du 11 février 2005, qui avait mis en place une garantie de ressources pour les personnes les plus sévèrement handicapées.
Ensuite, bien que ces deux compléments à l'AAH aient des similarités, ils disposent aussi de caractéristiques propres : le complément de ressources a pour objectif de compenser l'absence durable de revenus d'activité des personnes qui sont dans l'incapacité de travailler et, pour en bénéficier, les allocataires doivent présenter une capacité de travail inférieure à 5 %. La majoration pour la vie autonome permet, quant à elle, de favoriser l'accès à un logement autonome. Pour en bénéficier, les allocataires doivent ainsi percevoir une aide personnelle au logement.
Enfin, le nombre de bénéficiaires, 67 000 personnes, ne peut être considéré comme constitutif d'un surcroît de travail pour les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, qui gèrent plus de 4 millions de demandes par an et traitent automatiquement et simultanément les demandes de complément de ressources et d'AAH.
Ainsi, la suppression du complément de ressources priverait, « au mieux », ses bénéficiaires de 75 euros par mois, s'ils sont éligibles à la majoration pour la vie autonome, et « au pire » de 179 euros mensuels, s'ils sont, par exemple, logés à titre gratuit, ne pouvant donc pas bénéficier de la majoration pour la vie autonome.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons un amendement de suppression de l'article 83 rattaché à la mission.
Je salue la présence du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
Permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité du rapport d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, dont je rejoins tout à fait les conclusions.
Voilà plusieurs années que la prime d'activité s'est installée dans le paysage des prestations sociales et que les chiffres suffisent à justifier son maintien. L'interrogation que j'avais soulevée il y a deux ans reste pourtant entière : la prime d'activité relève-t-elle d'un minimum social stricto sensu, visant à lutter contre la pauvreté, ou est-ce un instrument d'incitation financière de retour à l'emploi ? J'avais conclu l'an dernier que la prime d'activité remplissait davantage sa mission de soutien au pouvoir d'achat, dans les cas où le foyer bénéficiaire n'a pas d'enfant à charge, et ce au détriment de l'incitation financière de retour à l'emploi. Inversement, les foyers qui bénéficient déjà d'allègements fiscaux et de majorations liées aux enfants dont ils ont la charge se trouvent davantage incités à la recherche d'un emploi plus rémunérateur par la prime d'activité.
Selon la composition du foyer, le même dispositif, parce qu'il a été insuffisamment pensé en complémentarité avec les instruments de la politique familiale, peut donc avoir des effets radicalement différents, sans que le Gouvernement ne juge pour autant utile d'en redéfinir les principes.
En ce qui concerne l'AAH, nous avons été très nombreux l'an dernier à alerter sur le danger des mesures paramétriques annoncées par le Gouvernement. Même si l'administration nous assure qu'elles ne concerneront que les nouveaux entrants dans le dispositif et qu'a fortiori les droits acquis se maintiendront, nous restons tout de même vigilants quant aux impacts de la baisse du coefficient multiplicateur du plafond pour les couples, ainsi qu'au sujet de l'abrogation du complément de ressources. J'approuve donc l'amendement de suppression de l'article 83 présenté par les rapporteurs spéciaux.
Da façon plus générale, ce rapprochement progressif des conditions d'attribution de l'AAH de celles du droit commun pose de nombreuses questions quant à sa nature. Bien que les associations considèrent l'AAH comme une mesure de compensation d'un éloignement du marché du travail en raison d'un handicap, les pouvoirs publics préfèrent la maintenir dans le champ de la solidarité nationale.
Ainsi, l'importante augmentation des crédits de l'AAH n'est pas cohérente avec le principe d'une société plus inclusive, qui veut que, même dans le milieu ordinaire de travail, les personnes handicapées aient leur place. C'est là un chantier décisif auquel nous devons continuer de travailler.
Par ailleurs, je ne peux que regretter, comme vous, les incertitudes concernant le financement des dispositifs relatifs aux mineurs non accompagnés.
Enfin, la commission des affaires sociales a fait le choix de faire une analyse approfondie des annonces gouvernementales relatives au plan de lutte contre la pauvreté. Accoutumés en la matière aux mesures isolées et ponctuelles, mal diffusées et sans impact profond, nous nous montrerons attentifs à ce que cet outil ait des effets réels. L'annonce d'un revenu universel d'activité, d'un service public de l'insertion et d'un accès plus simple et plus rapide pour les bénéficiaires méritera particulièrement que nous nous y penchions.
Ce rapport met clairement en évidence le décalage qui existe entre les annonces et la réalité ! Alors que le Gouvernement met en avant des augmentations de la prime d'activité et de l'AAH, il prend en fait d'autres décisions qui sont contestables en termes de redistribution. J'hésite entre deux expressions : poudre aux yeux ou trompe-l'oeil ! Il en est de même pour le plan pauvreté, ainsi que pour le programme relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont les crédits baissent nettement, alors que le Gouvernement entend faire de ce sujet une grande cause nationale. Que de contradictions !
Par conséquent, le groupe socialiste soutiendra la proposition des rapporteurs spéciaux de supprimer l'article 83 rattaché à la mission et sera défavorable à l'adoption des crédits.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission, ainsi que de l'article 82 rattaché à la mission.
L'amendement de suppression de l'article 83 est adopté à l'unanimité. La commission décide donc de proposer au Sénat de supprimer cet article.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comporte trois programmes assez indépendants les uns des autres. Les crédits s'élèvent à 2,8 milliards d'euros, répartis entre le programme 307 qui finance les missions du réseau préfectoral avec 1,7 milliard d'euros, le programme 216 qui est une sorte de fourre-tout pour 975 millions d'euros et un programme auquel nous sommes évidemment attachés, le programme 232, qui finance la vie politique et mobilise 207 millions d'euros.
Les dotations progressent, mais le budget est globalement sans grande évolution. L'augmentation est due aux scrutins programmés en 2019, en particulier les élections européennes, qui coûteront 111 millions d'euros. Hors élections, les crédits sont stabilisés en niveau.
Ce résultat, qui confirme que cette mission n'est pas prioritaire au sens de l'ancienne loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, peut apparaître un peu paradoxal au vu de la réduction des emplois subie par une mission qui est, avant tout, une mission de personnel. Les schémas d'emplois prolongent une forte diminution engagée depuis la réforme de l'administration territoriale de l'État (RéATE). Le ministère de l'intérieur recourt de plus en plus à des contractuels, qui sont plus flexibles et surtout moins coûteux, mais les mesures catégorielles contrebalancent une partie des économies réalisées sur le volume d'emplois, il en va de même du glissement vieillesse-technicité, le GVT.
Dernière observation liminaire, l'information budgétaire est particulièrement défectueuse. Je relève que le projet annuel de performances ne permet plus d'identifier la destination finale des crédits, alors que la mission est largement une mission « réservoir », qui alimente des politiques publiques relevant d'autres missions.
Par ailleurs, la structure budgétaire doit être modernisée. Elle ne rend pas assez compte de deux grandes missions confiées aux services : l'accueil des étrangers et la délivrance des titres sécurisés. Il me paraît souhaitable de mieux identifier les moyens dévolus à l'accueil des étrangers, qui sont aujourd'hui noyés dans une action qui les confond avec les moyens mis en oeuvre pour délivrer des permis de conduire ou des cartes grises. À tout le moins, les moyens correspondants devraient être retracés dans une action spéciale et faire l'objet d'un document de politique transversale.
Je préconise également que la délivrance des titres sécurisés soit retracée dans un compte d'affectation spéciale qui permettrait de mieux percevoir les enjeux financiers. Aujourd'hui, du fait des modalités de financement - beaucoup de taxes affectées, un peu de crédits budgétaires et le recours à un opérateur -, ce sujet manque de clarté.
J'en viens à quelques observations plus fondamentales. La programmation budgétaire du programme 307 d'administration territoriale confirme le lent retrait de l'administration préfectorale des territoires. Cette administration a perdu plus de 11 % de ses personnels depuis dix ans, évolution qui fait écho à la chute spectaculaire des emplois déployés par l'État dans ses services déconcentrés, du moins dans les services sur lesquels les préfets exercent un certain pilotage. Le budget pour 2019 prolonge cette tendance. Elle n'est sans doute pas sans lien avec le sentiment qui se répand d'un abandon de certains territoires par l'État, non plus qu'avec le constat, vérifié année après année, des difficultés persistantes à atteindre les objectifs fixés par un programme de performances, pourtant peu exigeant et peu éclairant. Le contrôle de légalité, malgré son rétrécissement, fournit une illustration, parmi d'autres, des sous-performances manifestes. Cela ne peut être que préoccupant, alors même qu'il s'agit d'une mission constitutionnelle des préfets et d'une mission utile à certaines collectivités territoriales.
Mais, au-delà de la maquette de performances, ce sont bien les missions du réseau préfectoral qui sont en cause. Pour traiter le problème, le précédent gouvernement avait lancé un plan Préfectures nouvelle génération, le PPNG, à la dénomination quelque peu emphatique au vu des ambitions. Il s'agissait d'ajouter aux suppressions d'emplois de la période précédente 1 300 suppressions d'emplois de plus en trois ans, de 2016 à 2018, et de mettre en oeuvre quelques priorités autour de l'idée générale d'une présence stratégique de l'État dans les territoires par redéploiement d'emplois : le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales, la coordination des politiques gouvernementales et la lutte contre la fraude documentaire.
Le PPNG entendait s'appuyer sur les gains de productivité réalisés grâce au numérique dans l'activité de délivrance des titres. J'y reviendrai. Les choses ne se sont pas passées exactement comme prévu. Les problèmes rencontrés dans le cadre de la dématérialisation de la délivrance des titres sécurisés ont obligé à conserver plus d'emplois que prévu dans cette mission. Surtout, le PPNG avait fait l'impasse sur les tensions exercées sur la société française par les graves problèmes de sécurité qu'elle subit et par les flux migratoires.
Le bilan de tout cela aujourd'hui, c'est que, si les suppressions d'emplois ont été effectuées, le renforcement des missions prioritaires a dû être révisé à la baisse, si bien qu'il faudra attendre pour que se concrétise le projet, quelque peu rhétorique jusque-là, d'un État stratège. Entretemps, ce qui se poursuit, c'est l'étiolement du réseau préfectoral à l'échelon infrarégional, dans les départements et arrondissements : 58 sous-préfectures avaient au plus dix équivalents temps plein en 2017, elles seront 76 en 2018.
Il existe donc une certaine perplexité quant à la plus-value apportée en pratique par l'administration générale de l'État dans les territoires. Si, dans les périodes de crise, chacun sent bien que l'État conserve son rôle régalien, pour les affaires plus courantes, la perception est moins favorable.
Il faut donc en revenir à ce que pourraient être les termes d'un débat de fond, qui doit envisager la capacité de l'État à assurer les missions qu'il entend mettre en oeuvre au niveau des territoires et, partant, porter sur son organisation territoriale.
À cet égard, il semble que nous soyons au pied d'un mur, dont les contours doivent être clarifiés. Les préfets de région ont reçu l'instruction d'élaborer des schémas territoriaux de réorganisation des services. Les résultats de cette revue ne sont pas connus. Ceux sur lesquels avait débouché la réorganisation de l'échelon régional, objet d'un renforcement très discutable, avaient été peu probants.
Le projet de budget pour 2019 comporte une innovation peu apparente, mais qui appelle une certaine attention. Il s'agit du transfert des emplois d'administration centrale du programme 307 vers le programme 216 de gestion générale des moyens. Ce transfert est présenté comme la préfiguration d'une évolution, qui verrait la fusion du programme avec le programme 333 rattaché aux services du Premier ministre. Rappelons également la recommandation du Comité action publique 2022 de construire un corps d'administrateurs territoriaux de l'État.
Tout cela fleure bon le renforcement de la déconcentration administrative. Je n'y suis pas opposé et j'entends que la mutualisation, mais aussi la mobilité géographique et fonctionnelle, pourraient en sortir améliorées.
Cependant, ces délices de gestionnaires ont leurs limites. Il y a lieu d'attendre des réformes moins optiques. La clarification de la répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales doit être reprise afin d'éliminer les doublons. Une meilleure articulation des forces d'administration des territoires intégrant la diversité des capacités déployées au niveau des collectivités territoriales s'impose aussi. Il faut revenir à un État animateur de l'aménagement du territoire.
Quelques mots sur la délivrance des titres sécurisés, qui est au coeur des remaniements mis en oeuvre. La numérisation s'est traduite par la fermeture de la plupart des mairies comme points d'accès au système et elle a connu, cette année, un accident industriel avec les cartes grises acheminées avec un délai moyen supérieur à 35 jours pour celles, peu nombreuses en proportion, qui passent encore par le système géré par l'État. Les problèmes rencontrés sont allés si loin que le Défenseur des droits s'est ému de la situation. L'État prélève beaucoup d'argent à travers cette activité. Il importe d'améliorer la situation au plus vite et d'être en mesure d'offrir aux Français qui ne disposent pas d'un accès facile au numérique des solutions alternatives plus classiques.
Le Défenseur des droits a également beaucoup critiqué les conditions d'accueil des étrangers. Je trouve, dans le renforcement significatif des emplois destinés à traiter les dossiers, un point de relative satisfaction. Il était grand temps d'adapter les effectifs aux flux de demandes, en particulier au regard des problèmes de traitement des dossiers de mineurs non accompagnés. Un premier pas est franchi.
J'en viens au programme 232, qui finance l'organisation des élections et notre infrastructure de financement de la vie politique.
Je relève que le budget pour 2019 enregistre les effets de la non-dématérialisation de la propagande électorale pour les élections européennes. Elle a un coût élevé. On peut dire que c'est le coût de la démocratie. On peut également penser que le Gouvernement n'a pas prévu les expérimentations auxquelles le scrutin européen aurait pu se prêter.
L'enveloppe des subventions aux partis politiques reste inchangée, comme d'habitude. En revanche, sa répartition appelle deux remarques. Sa sensibilité aux résultats des élections nationales est extrême et sans nuance. Le parti socialiste perd 75 % de sa subvention et En Marche est subitement enrichi de 22 millions d'euros. D'autres modalités de répartition pourraient être envisagées. La subvention ne sera pas versée en totalité : 2,5 millions d'euros sont retranchés au titre de la parité. Je suggère que le Gouvernement réfléchisse à les consacrer à la politique en faveur des droits des femmes.
Enfin, je suis en train de conclure un rapport sur les crédits destinés au financement de la vie politique et je m'interroge sur les moyens réservés à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. L'apurement des élections de 2017 a pris un certain temps, au point que les subventions versées aux partis ont été reportées. Par ailleurs, certains événements montrent que si l'on ne souhaite pas judiciariser certaines élections, la commission doit être en mesure d'assurer son rôle administratif en amont. Je l'avais dit au président de cette commission, lorsque je l'avais auditionné.
Quelques observations pour conclure sur les frais généraux du ministère de l'intérieur. Des arbitrages peu satisfaisants doivent être signalés ; je pense au renforcement des personnels d'administration centrale dans un contexte de réduction des effectifs locaux, à la baisse des moyens d'un fonds interministériel de prévention de la délinquance, par ailleurs sollicité par de nouveaux objectifs, et au maintien des ressources du conseil national des activités privées de sécurité.
Enfin, il convient d'appeler à une meilleure maîtrise opérationnelle de certains processus, qu'il s'agisse de la gestion immobilière, de la conduite des projets informatiques, de la maîtrise de la fonction juridique - les dépenses de contentieux restent trop élevées - ou encore des besoins liés à certains transferts d'activité. Je pense en particulier à la commission du contentieux du stationnement payant, qui risque de réserver bien des surprises au vu des flux de litiges.
Malgré les zones d'ombre et les remarques que je viens de formuler, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.
On pourrait considérer que la diminution du personnel dans les sous-préfectures correspond au transfert de compétences vers les collectivités territoriales. Pourtant, l'État maintient des postes sur des sujets qui sont censés être transférés ! Je pense par exemple au tourisme. Dans le même temps, il existe un sentiment de sous-administration étatique en zone rurale et la présence de l'État devrait y être plus forte.
Parallèlement, est-ce que tous les départements, par exemple en Île-de-France, ont besoin d'autant de sous-préfectures ? Ne serait-il pas intéressant de différencier la présence de l'État selon la nature du territoire, zone rurale ou métropole ? Sincèrement, les sous-préfectures servent peu dans les métropoles. Évidemment, l'État n'est pas très enclin à une évolution de ce type, parce qu'il devrait redéployer des emplois de hauts fonctionnaires, en particulier d'énarques...
Roger Karoutchi m'enlève les mots de la bouche... Je vois, dans les documents qui nous ont été distribués, que 127 préfets et 111 sous-préfets n'exercent pas leurs fonctions dans le réseau, ce qui peut tout de même poser certaines questions...
Je voudrais surtout intervenir sur la question du financement de la vie politique en France. Il reste le monopole des grands partis, est très peu redistribué au niveau territorial - c'est au bon vouloir des partis... - et ne tient pas compte des initiatives individuelles ou locales. Comment faire évoluer ce système ? Comment améliorer le taux de reversement des financements vers le niveau local ?
L'an passé, j'avais déposé un amendement pour permettre de reverser au budget général de l'État la part de financement décidée par un parlementaire, lorsque celui-ci ne se retrouve pas dans l'un des onze partis officiels. Le ministre de l'intérieur semblait intéresser par cette proposition. Qu'en est-il ?
J'attire l'attention du rapporteur spécial sur les grandes difficultés rencontrées par les Français pour obtenir une carte grise. C'est tellement compliqué que certaines officines se font payer pour cela.
En ce qui concerne les cartes d'identité, l'État a décidé de prolonger leur validité au-delà de la date initialement prévue et qui est inscrite dessus. Cela pose des problèmes pour les gens qui voyagent en Europe, car les autorités de ces pays ne sont évidemment pas au courant de cette mesure.
Je suis moi-même choqué par la prolifération des sociétés privées qui facturent des prestations pour réaliser des démarches administratives, en utilisant des sigles officiels, voire le drapeau tricolore. Ce phénomène révèle la défaillance du service public. Le calcul de la taxe de séjour est si compliqué que certaines collectivités font appel à de telles entreprises, ce qui est tout de même aberrant. Parfois, c'est l'administration elle-même qui utilise des numéros surtaxés !
Les préfets de région ont reçu une lettre de cadrage pour qu'ils proposent des modifications d'organisation dans le but affiché de retrouver de la proximité. Cela pose un certain nombre de questions, par exemple sur le contrôle de légalité ou sur les liens avec les élus. Je rejoins l'intervention de Roger Karoutchi, pleine de sagesse, en faveur d'une différenciation de l'organisation de l'État selon les territoires.
Je m'interroge sur la mise en place du plan « préfectures nouvelle génération », parce que, au moins dans les départements ruraux, le nombre des agents n'est plus à la hauteur des ambitions. Comment mettre ce plan en oeuvre dans ce contexte - 200 nouveaux postes vont être supprimés en 2019 ?
Même si je suis favorable à la dématérialisation, le bug des cartes grises a eu des incidences terribles. Dans la Creuse où la population est vieillissante, on parle d' « illettrisme numérique ». Cette mission de service public prévoit-elle un accompagnement des personnes les plus fragiles ? La fracture numérique est une réalité à laquelle nous devons faire face, notamment dans les zones rurales et périurbaines.
J'ai attentivement écouté le président de la République lors du Congrès de Versailles, en juillet dernier. J'ai été surpris de l'entendre dire qu'il ne voulait plus baisser les effectifs de l'État sur le terrain, rompant ainsi avec une vieille habitude. Monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous confirmer la mise en adéquation de cette promesse avec ce budget ?
Le ministère de l'Intérieur a-t-il un schéma directeur de sa carte territoriale ? Ou, pour reprendre la question de M. Karoutchi, aura-t-on une nouvelle carte des sous-préfectures ?
Je n'ai pas interprété le discours de Versailles de la même manière que Jérôme Bascher. Sur les 120 000 suppressions de postes annoncées par le président Macron, on en prévoit 50 000 sur le champ de l'État. Le programme de François Fillon était encore plus drastique. Ces dernières années, on a créé un certain nombre de doublons, puisqu'il y a eu transfert des compétences aux collectivités territoriales. Dans quels secteurs pourrait-on supprimer des postes ? On a eu plutôt eu tendance à les conserver, ces dernières années, ce qui se justifiait notamment dans les zones rurales. Cependant, si l'on veut préserver les services publics dans les zones rurales, où peut-on faire des économies ?
Les lettrés du numérique ont vu avec satisfaction qu'un certain nombre de démarches administratives pouvaient désormais s'effectuer en ligne. Les illettrés du numérique, expression que je n'aime pas plus que cela, ne se trouvent pas tous en zone rurale, mais aussi dans certaines zones urbaines denses. La rationalisation de l'État et la baisse de la dépense publique justifient la fermeture de certains points de proximité, de sorte que les préfectures et les agences seront à terme remplacées par les maisons de services au public (MSAP). A-t-on développé des formations adéquates pour que les fonctionnaires jusque-là spécialisés sur des missions précises, comme l'accueil ou l'orientation dans un service, puissent devenir des agents polyvalents, capables d'aider les gens à effectuer leurs démarches en ligne ?
Quand une démarche administrative est réalisable de manière numérique, vérifie-t-on qu'une alternative est possible ? Pour une demande de naturalisation, la prise de rendez-vous doit obligatoirement s'effectuer en ligne, et les rendez-vous sont distillés au compte-goutte, à un horaire aléatoire. Je ne suis pas certaine que les demandeurs aient la possibilité de rester connectés toute la matinée et plusieurs jours durant pour avoir la chance d'obtenir un rendez-vous.
Le rapport Cap 2022 indique clairement que certains des services pourraient devenir payants pour nos concitoyens, comme l'obtention d'une carte grise pour laquelle La Poste demande 30 euros. Les personnes taxées d'illettrisme numérique ou d'illectronisme pourraient se retrouver en difficulté.
L'État privilégie la mise en oeuvre des MSAP en apportant une subvention par l'intermédiaire des sous-préfets. Cependant, y a-t-il eu une coordination des MSAP ? L'article 3 du projet de loi de finances précise qu'il pourrait y avoir des conventions avec les MSAP pour qu'elles informent le public, notamment sur le prélèvement à la source. C'est du moins l'objet d'un amendement qui a été voté tout à l'heure à l'Assemblée nationale.
Toutes les remarques vont dans le sens de mon rapport. Les sous-préfectures ont un rôle à jouer en milieu rural, mais à condition qu'elles en aient les moyens. Parfois, elles peuvent fonctionner avec sept ou huit personnes. Cela dépend beaucoup de la personnalité du sous-préfet.
Les doublons de compétences ont été le grand raté de la décentralisation. On a créé des services relevant des départements et des régions sans jamais oser supprimer les services de l'État. À cela s'ajoutent les agences que l'on a créées en nombre, qui coûtent très cher et servent peu. Qu'il s'agisse des agences de bassin ou de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la politique pourrait être gérée directement par les services de l'État, plutôt que par des fonctionnaires détachés.
Le transfert des services au privé est inquiétant. Il n'y a qu'à voir les reportages télévisés sur la privatisation du système des PV de stationnement : le nombre de contestations est effrayant. Le contrat des nouveaux agents fixe un objectif chiffré. Ce n'est pas admissible.
Philippe Dominati, peut-être 20 % des préfets n'exercent-ils pas leurs fonctions dans la préfectorale. Pour ce qui est du financement des partis politiques, la méthode est trop brutale et devrait être lissée, car elle a des répercussions sur des hommes et des femmes et ne tient pas compte de la représentation locale des partis.
Quant à la délivrance des cartes d'identité et des passeports, ma petite commune a eu la chance d'obtenir la compétence, et cela fonctionne très bien. Les gens sont contents de venir, car il y a moins d'attente qu'ailleurs. En revanche pour les cartes grises, c'est une catastrophe. Tout le monde se plaint des retards. On nous dit que c'est parce qu'il y a beaucoup trop d'opérateurs mais aussi des problèmes d'instrumentation.
Les cartes d'identité françaises sont désormais valables quinze ans. Cependant, certains pays comme l'Angleterre ne les reconnaissent pas comme documents de voyage. Il faut pouvoir fournir une attestation de voyage ou bien utiliser un passeport.
L'idée des maisons de service au public peut être intéressante. Il y a trente ans, dans ma commune, j'avais créé un poste d'écrivain public avec une petite subvention. Cela a bien fonctionné grâce à la personnalité de celui qui occupait le poste. Cependant, en ce qui concerne les MSAP, encore faut-il que ceux qui habitent dans les campagnes aient le moyen de s'y rendre. Le système ne sera probant qu'à condition d'avoir des gens qualifiés.
Il n'y a pas que les illettrés de l'internet. Il y a aussi ceux qui n'ont pas l'internet. En Ardèche, nous venons de faire une conférence de presse pour protester contre l'absence des opérations de très haut débit. Les cinq parlementaires se sont mobilisés, toutes tendances confondues. Des communes entières n'ont pas l'internet et ne sont pas raccordées au réseau de téléphonie mobile. Le territoire n'est pas suffisamment couvert. Les MSAP ont leur rôle à jouer, notamment pour ceux qui n'ont pas l'internet.
Il faut aussi développer des solutions alternatives ; la voie du papier n'est pas honteuse.
Je suis contre l'idée de faire payer des interventions de l'administration. La Caisse des dépôts et consignations doit bientôt prendre une part importante dans le capital de La Poste. Je resterai vigilant, car si le réseau postal tient encore, c'est parce que l'Association des maires de France avait signé une convention avantageuse avec La Poste.
Nous sommes tous conscients qu'il y a un malaise dans l'organisation de l'administration de l'État, même dans les territoires plus urbains.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Article 71 bis (nouveau)
Cet article introduit en première lecture par l'Assemblée nationale demande un rapport. Il pourrait sans doute être utile qu'il précise les modifications des conditions juridiques des emplois mobilisés par le ministère de l'Intérieur, à la suite de la mise en oeuvre du Plan Préfectures nouvelle génération. Il serait souhaitable que le rapport aborde les conditions dans lesquelles la compensation aux communes accueillant des stations de recueil de données a été mise en oeuvre. Enfin les résultats acquis du fait de la réorientation de certains emplois méritent d'être exposés. Je vous propose de l'indiquer au ministre lors de l'examen de l'article.
Au-delà du fond, les demandes de rapport sont toujours accueillies avec circonspection dans notre commission.