Permettez-moi tout d'abord de saluer la qualité du rapport d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, dont je rejoins tout à fait les conclusions.
Voilà plusieurs années que la prime d'activité s'est installée dans le paysage des prestations sociales et que les chiffres suffisent à justifier son maintien. L'interrogation que j'avais soulevée il y a deux ans reste pourtant entière : la prime d'activité relève-t-elle d'un minimum social stricto sensu, visant à lutter contre la pauvreté, ou est-ce un instrument d'incitation financière de retour à l'emploi ? J'avais conclu l'an dernier que la prime d'activité remplissait davantage sa mission de soutien au pouvoir d'achat, dans les cas où le foyer bénéficiaire n'a pas d'enfant à charge, et ce au détriment de l'incitation financière de retour à l'emploi. Inversement, les foyers qui bénéficient déjà d'allègements fiscaux et de majorations liées aux enfants dont ils ont la charge se trouvent davantage incités à la recherche d'un emploi plus rémunérateur par la prime d'activité.
Selon la composition du foyer, le même dispositif, parce qu'il a été insuffisamment pensé en complémentarité avec les instruments de la politique familiale, peut donc avoir des effets radicalement différents, sans que le Gouvernement ne juge pour autant utile d'en redéfinir les principes.
En ce qui concerne l'AAH, nous avons été très nombreux l'an dernier à alerter sur le danger des mesures paramétriques annoncées par le Gouvernement. Même si l'administration nous assure qu'elles ne concerneront que les nouveaux entrants dans le dispositif et qu'a fortiori les droits acquis se maintiendront, nous restons tout de même vigilants quant aux impacts de la baisse du coefficient multiplicateur du plafond pour les couples, ainsi qu'au sujet de l'abrogation du complément de ressources. J'approuve donc l'amendement de suppression de l'article 83 présenté par les rapporteurs spéciaux.
Da façon plus générale, ce rapprochement progressif des conditions d'attribution de l'AAH de celles du droit commun pose de nombreuses questions quant à sa nature. Bien que les associations considèrent l'AAH comme une mesure de compensation d'un éloignement du marché du travail en raison d'un handicap, les pouvoirs publics préfèrent la maintenir dans le champ de la solidarité nationale.
Ainsi, l'importante augmentation des crédits de l'AAH n'est pas cohérente avec le principe d'une société plus inclusive, qui veut que, même dans le milieu ordinaire de travail, les personnes handicapées aient leur place. C'est là un chantier décisif auquel nous devons continuer de travailler.
Par ailleurs, je ne peux que regretter, comme vous, les incertitudes concernant le financement des dispositifs relatifs aux mineurs non accompagnés.
Enfin, la commission des affaires sociales a fait le choix de faire une analyse approfondie des annonces gouvernementales relatives au plan de lutte contre la pauvreté. Accoutumés en la matière aux mesures isolées et ponctuelles, mal diffusées et sans impact profond, nous nous montrerons attentifs à ce que cet outil ait des effets réels. L'annonce d'un revenu universel d'activité, d'un service public de l'insertion et d'un accès plus simple et plus rapide pour les bénéficiaires méritera particulièrement que nous nous y penchions.