Intervention de Yvon Collin

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 7 novembre 2018 à 14h35
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « aide publique au développement » et article 72 et ccf « prêts à des états étrangers » - compte rendu de leur déplacement dans le cadre de leur contrôle budgétaire sur le système multilatéral de l'aide publique au développement - examen du rapport spécial

Photo de Yvon CollinYvon Collin, rapporteur spécial :

L'aide multilatérale est traditionnellement à la fois moins connue et plus critiquée que l'aide bilatérale, y compris par les parlementaires. En effet, elle offre, sur le terrain, moins de visibilité à la France et, si nous participons à la prise de décision, nous ne la maîtrisons pas totalement, si bien que les financements accordés peuvent ne pas correspondre à nos priorités. Toutefois, nous sommes revenus convaincus de l'importance de cet outil, qu'il ne faudra pas négliger dans le mouvement actuel d'augmentation de notre aide.

Le hasard du calendrier nous a menés aux États-Unis au moment où avait lieu le G7 au Canada, que certains ont qualifié de « G6 + 1 » tant l'unilatéralisme américain s'y est illustré. Cette crise du multilatéralisme a été omniprésente dans nos entretiens. Les institutions multilatérales mises en place après la Seconde Guerre mondiale sont de plus en plus contestées, tant par des États qui l'ont toujours fait - la Russie, la Chine - que, désormais, par les États-Unis, qui les ont pourtant largement mises en place.

Les Américains se placent en retrait : ils ont ainsi déjà supprimé plusieurs contributions importantes, par exemple au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Parfois, ils s'opposent même directement à nos valeurs où à nos intérêts. Il est ainsi devenu extrêmement difficile de parler d'environnement ou de commerce international avec eux. Dans ce contexte, on observe également que la Chine essaie d'occuper le vide laissé par les Américains, en particulier sur les financements relatifs au climat. Il en résulte une attente particulière à l'égard de la France : nous pouvons devenir les champions du multilatéralisme.

Cela dit, il est difficile de répondre à cette attente sans moyens financiers. Notre siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, notre expertise en matière de maintien de la paix, la francophonie et le succès de la COP 21 sont autant d'atouts pour la France, mais le niveau de nos contributions volontaires est parfois ridiculement bas.

Nous sommes ainsi le trente-sixième contributeur au PNUD, pour ce qui concerne les contributions volontaires. De façon générale, nous sommes souvent classés entre la dixième et la vingtième place, quand nos voisins Britanniques se situent autour de la cinquième place. De même, à la Banque mondiale, nous sommes largement distancés par le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon ou encore les pays nordiques en matière de contributions volontaires.

Une stratégie efficace consiste à investir massivement sur quelques fonds. C'est par exemple le cas sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France est le deuxième contributeur après les États-Unis. Néanmoins, si nous voulons être les champions du multilatéralisme, il nous faut accroître ces moyens, et sachez que la hausse annoncée de notre APD est très attendue à New York et à Washington.

J'ajoute qu'il ne faut pas sous-estimer notre capacité à défendre nos intérêts dans le système multilatéral et en particulier à promouvoir nos priorités sectorielles. Par exemple, avant la COP 21, la France a obtenu que 30 % des financements de la Banque mondiale soient consacrés à des sujets climatiques, ce qui a facilité la négociation du volet financier des accords de Paris.

De même, les institutions multilatérales peuvent venir renforcer notre aide bilatérale : par exemple, le Fonds vert pour le climat a annoncé, voilà quelques jours, qu'il contribuerait à hauteur de 280 millions de dollars à un programme de l'AFD.

En définitive, nous considérons que l'état actuel du monde nous donne encore plus de responsabilités dans la défense du système multilatéral dans son ensemble, et donc également dans la défense des institutions de développement. Cette responsabilité implique un effort financier, qui pourra être mis en oeuvre dans les années qui viennent. Le projet de loi de finances pour 2019 met l'accent sur la hausse de l'aide bilatérale, mais il ne faudra pas oublier cette deuxième jambe de notre politique de solidarité.

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