Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 7 novembre 2018 à 14h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Photo de Eric Jeansannetas

C'est le travail du rapporteur spécial que de faire ce rapport.

L'article 71 bis (nouveau) n'est pas adopté.

La réunion est close à 12 h 20.

- Présidence de Mme Fabienne Keller, vice-présidente, puis de M. Vincent Éblé, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Outre celle de nos rapporteurs spéciaux, je salue la présence de plusieurs rapporteurs pour avis, de la commission de la culture, de l'éducation et de la formation et de la commission des affaires étrangères et de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La mission « Action extérieure de l'État », dont les crédits s'élèvent à près de 2,9 milliards d'euros, a déjà réalisé des efforts budgétaires conséquents. Si d'autres missions en avaient fait autant, la situation du budget de l'État serait bien meilleure... En autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, la baisse prévue pour 2019 est d'environ 4,3 % par rapport à 2018, à périmètre courant. Il n'en va pas de même à périmètre constant, où la baisse est d'environ 2 %.

Les efforts ont été nombreux depuis dix ans : la mission a perdu 12 % de ses effectifs, passant de 13 502 à 11 520 équivalents temps plein travaillé (ETPT) de 2007 à 2017. Toutefois, dans cet intervalle, la masse salariale a progressé de 23 %...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Et cela continue, en raison du glissement vieillesse-technicité, de certaines revalorisations et de la hausse des indemnités de résidence à l'étranger (IRE), en raison de l'inflation mondiale.

Après l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) cette année, nous avons prévu avec Rémi Féraud de nous pencher l'an prochain sur les dépenses de personnel du ministère, dans le cadre de nos travaux de contrôle. Les effectifs d'un certain nombre d'ambassades pourraient faire l'objet d'une rationalisation, en particulier dans les plus grands postes.

Le Gouvernement a demandé une baisse de 10 % de la masse salariale des ministères et opérateurs de l'État à l'étranger d'ici 2022. On peut s'interroger sur la crédibilité de cet objectif. Les ambassadeurs doivent remettre leurs propositions de réduction d'effectifs d'ici mi-novembre au ministère.

La politique immobilière est un élément important du budget de la mission, les travaux de sécurisation devant être financés, à terme, par la vente des biens immobiliers. En devenant affectataire de l'ensemble des biens de l'État à l'étranger, le ministère récupère un patrimoine de 215 bâtiments dont la valeur est estimée à 80 millions d'euros environ, et qui est essentiellement composé de logements de fonction. Il sera financé par des avances du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », pour un montant de 100 millions d'euros versé sur deux ans, qui devront être remboursées par le produit de futures cessions.

La baisse du budget est liée à la réduction de notre participation aux contributions internationales, ainsi que de notre contribution aux opérations de maintien de la paix, puisque notre part dans le PIB mondial baisse. Il y aura moins d'opérations de maintien de la paix en 2019 qu'en 2018.

Pour le programme 105, la présidence du G7 est organisée l'an prochain à Biarritz, pour un coût évalué à 36,4 millions d'euros, dont 24,4 millions d'euros en 2019. À titre de comparaison, le G8 organisé à Deauville en 2011 a coûté 31,3 millions d'euros, soit un coût actualisé de 33,2 millions d'euros en tenant compte de l'inflation.

Je vous présenterai quelques amendements pour réduire certaines dépenses liées à ces sommets et des dépenses protocolaires qui augmentent de 10 millions d'euros environ, par rapport à 2018. Un amendement concerne Atout France et un autre la soulte gérée par l'AEFE pour les bourses.

Pour ma part, je proposerai d'adopter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Les programmes 151 et 185 portent respectivement sur l'administration consulaire et les Français de l'étranger, d'une part, ainsi que sur la diplomatie culturelle et d'influence et l'enseignement français à l'étranger, d'autre part. Après plusieurs années de baisse, la stabilité réelle de ces crédits, proposée par le Gouvernement, doit être soulignée.

L'Institut Français se verra attribuer deux millions d'euros supplémentaires, à la suite des annonces du Président de la République sur le « plan langue française » de mars dernier. Les subventions des autres opérateurs seront reconduites à moyen constants, tout comme leurs emplois. Atout France voit sa subvention maintenue, ce qui est justifié, au regard de l'objectif de 100 millions de touristes étrangers d'ici 2020, souhaité par le Gouvernement. Même si la loi NOTRe de 2015 a prévu de donner aux régions la compétence tourisme, je ne partage pas la proposition de Vincent Delahaye de baisser la subvention à cet organisme, car c'est, au-delà de l'aspect budgétaire, une remise en cause de notre politique touristique, qui relève d'un débat de fond.

La diminution des crédits de l'AEFE de 14,7 millions d'euros est liée aux nouvelles modalités des dépenses de sécurisation ; la réalité est une stabilité des crédits conforme à la promesse du président de la République, avec tout de même une augmentation des frais de scolarité de 23,5 % depuis 2012 et la suppression de 166 postes de détachés en 2019. Ces difficultés budgétaires se heurtent à l'objectif de doublement du nombre d'élèves scolarisés dans le réseau d'ici 2030.

Le budget des bourses scolaires est évalué dans le PLF 2019 à 105 millions d'euros, contre 110 millions en 2018 : cette diminution est contraire aux engagements du Président de la République, mais nos auditions ont montré que la consommation de ces crédits en 2018 devrait atteindre, au maximum, 102 millions d'euros. Le barème actuel n'ayant pas été revu à la baisse, les 105 millions d'euros inscrits au budget seront suffisants pour satisfaire la demande de bourses.

Je ne partage pas l'amendement de Vincent Delahaye qui vise à reprendre la soulte, d'autant que celle-ci est destinée à faire face à des risques de change, favorables ces dernières années, qui peuvent devenir défavorables dans les prochaines années. Je suggère de ne pas aller au-delà de la réduction de crédits proposée par le Gouvernement.

Enfin, pour les réseaux culturels composés des alliances françaises locales et des Instituts Français, on peut noter le maintien des subventions et du personnel expatrié. Le Gouvernement a travaillé à la résorption du conflit entre la Fondation Alliance française et l'Alliance de Paris, en impliquant l'Institut Français, afin de mutualiser les moyens immobiliers à Paris, sans remettre en cause l'indépendance des réseaux sur le terrain, ce qui va dans le bon sens.

Il est trop tôt pour dresser un bilan du mécanisme de remplacement de la réserve parlementaire. Nos collègues représentant les Français de l'étranger étaient très attentifs à cette question. Le Gouvernement a mis en place un dispositif nommé « STAFE » (fonds de soutien du tissu associatif des Français à l'étranger) doté d'un budget de 2 millions d'euros en 2018, reconduit en 2019. Il semble que la distribution des crédits en 2018 se déroule tout à fait convenablement, notamment pour financer des projets éducatifs. Nous pourrons en juger l'an prochain, en espérant que l'ensemble des crédits pour 2019 pourront être consommés, parce que la campagne d'examen des demandes de subventions commencera plus tôt.

L'administration consulaire mène plusieurs chantiers de modernisation, sources d'économies et d'efficacité. Nous nous sommes beaucoup interrogés, avec Vincent Delahaye, pour savoir pourquoi la délivrance des documents d'identité était plus rapide pour les Français de l'étranger que sur le territoire national. Cela tient à une dématérialisation menée tout à fait convenablement.

Le budget pour l'organisation des élections européennes, de 3,5 millions d'euros, correspond à celui de 2014, ce qui ne doit pas poser de difficultés, pas davantage que la mise en place future du vote électronique. Les crédits supplémentaires, destinés à la sécurisation du vote, de 250 000 euros, sont maîtrisés.

Pour ma part, je préconise un vote d'abstention sur l'ensemble des crédits de la mission. La rapporteure à l'Assemblée nationale a déclaré et écrit que le « pronostic vital » était « engagé », pour le ministère des affaires étrangères. La forte réduction des emplois du ministère, inscrite dans la loi de programmation des finances publiques, est appelée à se poursuivre. Ce rythme n'est pas totalement calé avec la volonté d'avoir de grandes ambitions diplomatiques et une vocation universelle. Nous attendons encore des propositions de l'ensemble des ambassadeurs pour réduire les emplois dans leurs postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Sur le budget, je partage les constats et les craintes des rapporteurs spéciaux. Je suis frappé du décalage entre les ambitions, notamment celles du « plan langue française » et plurilinguisme annoncé par le Président de la République à l'Institut Français le 30 mars dernier, et les moyens mis pour réaliser ces ambitions : un budget étale, des diminutions de personnel.

Sur le rapprochement Institut français - Fondation Alliance française, j'ai mené, avec mes collègues André Vallini et Robert del Picchia, un cycle d'auditions. Le rapprochement entre l'Institut français et la Fondation Alliance française cache en réalité une « dévitalisation » de la Fondation : elle sera probablement réduite à 6 ETP d'ici la fin 2019 ; les délégués régionaux disparaissent ; il est également question de la disparition des directeurs expatriés ; les « synergies » annoncées en étant sur le même site seront limitées compte tenu des très faibles effectifs et des compétences résiduelles de la Fondation.

Des problèmes demeurent entre les deux partenaires. Quand on les auditionne séparément, on se rend compte d'un manque criant de dialogue, voire de confiance. Une convention devrait être signée mais aucune négociation n'a démarré entre eux. Il est dommage que l'Institut Français n'ait pas récupéré les compétences de la Fondation.

La question des locaux est loin d'être réglée, en raison du fort impact financier, tant pour l'Institut Français, qui devra payer une année supplémentaire de bail dans ses locaux actuels, que pour la Fondation, qui devra financer des travaux coûteux.

Il faut un nouvel état d'esprit des ambassades et de l'Institut Français pour travailler avec le réseau des alliances françaises sans froisser les susceptibilités locales, ce qui est loin d'être le cas sur le terrain, et en faisant bien remonter les besoins du réseau des alliances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

L'augmentation apparente des crédits de la masse salariale, de 10 millions d'euros, que vous avez soulignée, monsieur le rapporteur spécial, correspond à un effet de périmètre, en raison d'un transfert de 387 emplois des autres ministères. La diminution des crédits hors masse salariale est forte : 74 millions d'euros. La diminution de 9,73 % des contributions à la sécurité internationale est notable, de même que le transfert de 100 millions d'euros sur deux ans de dépenses d'investissement pour la sécurisation des implantations à l'étranger, correspondant effectivement à une avance.

Les moyens du réseau diplomatique sont soumis à de très fortes pressions, avec une baisse de 24 % en masse salariale. Sur le G7, je vous laisse la possibilité de votre amendement. Je crois néanmoins que les crédits correspondent à des prévisions normales.

Sur Atout France, votre amendement va faire du bruit. Il n'est pas judicieux de diminuer les crédits de ce secteur très rentable pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Lorsque je vais présenter ma part du programme 105 à la commission des affaires étrangères, je vais quand même proposer que nous votions ce budget, tout en exprimant deux regrets très forts. Le premier, sur la masse salariale, surtout que le ministère des affaires étrangères a beaucoup donné depuis plusieurs années. Une fois de plus, au moment où l'Angleterre et l'Allemagne ont augmenté le nombre de fonctionnaires des affaires étrangères, on continue à diminuer notre présence. Ce n'est pas un bon signe.

Ma deuxième inquiétude porte sur le problème immobilier. Nous avons là aussi beaucoup auditionné. Comment va-t-on faire ? On cite un patrimoine qui n'existe plus. On a vendu tous les bijoux de la famille. On récupère des logements de fonctionnaires de l'éducation nationale sans aucun intérêt et surévalués, bref on n'a plus d'argent pour faire les travaux nécessaires.

Les fonctionnaires des ambassades sont inquiets. Quelle est la place de la France dans le monde ? Quelle place voulons-nous ? Nous sommes passés au deuxième rang l'an dernier, les États-Unis étant les plus présents sur l'ensemble de la planète. Les Chinois nous ont à présent dépassés. Nous sommes talonnés par l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui a recréé des postes d'ambassadeurs. C'est le maintien de notre siège permanent au conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU) qui est en jeu. Je ne manquerai pas de le rappeler tout en rappelant que nous allons voter ce budget. La petite concertation avec votre rapporteur spécial a montré que nous sommes sur la même longueur d'ondes et je crois que nous avons raison.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il n'y a pas de contradiction entre l'objectif de maîtrise des dépenses publiques et l'objectif de maintien du réseau. Le ministère des affaires étrangères est l'un de ceux où l'administration centrale est la plus importante, plus de 4 000 personnes. Ne peut-on faire là un effort, tout en maintenant un réseau qui mérite en effet d'être maintenu ?

Ne peut-on multiplier les expériences de mutualisation des services consulaires avec les pays européens proches, l'Allemagne ou l'Italie par exemple ? Cette piste a été légèrement utilisée. Elle me paraît bonne pour les petits postes.

Le maintien du réseau est au coeur de nos préoccupations, mais l'administration centrale peut faire un effort de rationalisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

À la commission des affaires étrangères, Jean-Pierre Grand, sur le programme 151, nous a expliqué que nous n'étions qu'à moitié satisfaits, notamment en raison de l'évolution du budget des bourses. Il manque aussi un certain nombre d'ETP. Les avis étaient partagés au sein de la commission sur ce programme.

Quant au programme 185, nous sommes plutôt d'avis favorable, à confirmer, une partie de notre commission n'ayant pas pris part au vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Sur la masse salariale, l'objectif de baisse est de 10 % d'ici 2022. On ne sait pas comment l'atteindre. En 2019, une hausse de 5,3 % des dépenses de personnel est prévue à périmètre courant, en passant de 925 millions d'euros à 974 millions d'euros. La mutualisation des fonctions support n'explique que 11 millions d'euros de cette hausse. Le reste s'explique essentiellement par une surexécution en 2018.

Nous étudierons la masse salariale et le personnel, en effet, notamment celui de l'administration centrale. Quant au réseau, il s'agit de le maintenir, mais de regarder aussi les rationalisations. Nous en avons discuté avec le directeur des ressources humaines, qui a été ambassadeur et a évoqué des mutualisations possibles, entre réseaux ministériels, des postes de développement économique avec d'autres postes.

Je ne suis pas convaincu qu'il faille rester au même niveau partout. On peut mutualiser en interne, mais aussi avec des pays étrangers. Le nombre d'expériences, une petite dizaine, est limité dans ce domaine. Nos compatriotes à l'étranger sont souvent plus exigeants qu'on ne pourrait l'être en France. Le niveau de service est parfois supérieur à celui de la métropole.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Nous connaissons moins que vous le dossier de la Fondation Alliance française et de l'Alliance française de Paris. La proposition qui a été faite correspond aux préconisations du rapport de Pierre Vimont, notamment pour préserver l'autonomie des réseaux, et nous paraît raisonnable.

Il faudrait peut-être mettre davantage de moyens budgétaires, mais ce serait un autre choix.

Sur les programmes 185 et 151, je suis d'accord avec Robert del Picchia, le budget est tout à fait honorable et stable, et c'est la première année depuis longtemps que c'est le cas.

La mutualisation des services consulaires pose une vraie difficulté liée à la souveraineté nationale. Il n'y a pas encore de visa européen. Une source d'économies paraît possible, pour le réseau consulaire. Il y a dans de grandes villes d'Europe, qui ne sont pas des capitales, des postes qui n'ont de consulats que le nom, à Cracovie, Édimbourg, et quelques villes allemandes, qui font en réalité un travail d'influence culturelle, tout à fait important. Il reste encore une part de rationalisation à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Quand j'étais ambassadeur, il y sept-huit ans, toutes les réunions, toutes les discussions, prouvaient qu'on était à l'os. Il n'y a pas d'argent ! Dans l'hémicycle, et ailleurs, nous prônons l'augmentation des crédits de la défense, le renforcement de notre position internationale, qui compte dans la compétitivité et l'on veut encore diminuer, réduire ! L'attractivité touristique de la France, de Paris, de l'Île-de-France, c'est essentiel. Je ne voterai pas tout ce qui pourrait l'affaiblir. Le signal n'est pas bon. Cela suffit ! On est membre du Conseil de sécurité, et l'on se comporte comme une nation de deuxième ordre.

J'ai fait une tournée de nos lycées et de nos centres à l'étranger, ils ne pleurent pas misère, mais enfin ! Quand on voit le budget des Américains, des Chinois, et que, pour nous, l'on se bat pour arracher un poste...La francophonie est en mauvais état, on n'est pas à la hauteur. J'y reviendrai comme rapporteur spécial, mais pourquoi réduire encore les crédits d'Arte, de France médias monde ? Et il n'y a pas un centime du Quai d'Orsay ! On veut une voix qui porte sans mettre un sou et l'on s'étonne que les autres nous passent devant ! On pourra ensuite pleurer la gloire perdue de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Je remercie Rémi Féraud qui a répondu par avance à une première question sur les réorganisations ou rationalisations possibles de la partie consulaire. Je suis un peu surpris que l'on choisisse d'augmenter ces crédits plutôt que ceux consacrés à l'influence française et je rejoins là-dessus une partie des propos de Roger Karoutchi. Il faut en effet soutenir TV5 Monde et différents médias.

Cependant, sur Atout France, je voterai l'amendement de Vincent Delahaye, car je ne crois pas qu'Atout France fasse venir aujourd'hui plus ou moins de touristes en France. Allons-nous dans tel ou tel pays en fonction de telle ou telle agence nationale de promotion du tourisme dans ce pays ? Il me semble que l'histoire de la France, notre culture, nos produits, font plus pour le tourisme que tel ou tel poste d'Atout France.

Sur le G7, je suis d'autant plus tenté de voter l'amendement de Vincent Delahaye, que l'Élysée, dont je rapporterai bientôt les crédits, m'a fait savoir qu'il prendrait tout à sa charge. Était-ce déjà le cas pour le G8 ? J'étais assez étonné de constater que les dépenses pour aller à Biarritz étaient censées être les mêmes que pour un sommet au Canada ou aux États-Unis...

- Présidence M. Vincent Éblé, président. - 

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Je m'associe aux propos de Roger Karoutchi. Partout où il se déplace, le président de la République dit vouloir doubler le nombre d'étudiants du lycée français dans l'année qui suit sa visite. Je partage cette ambition. En Inde, l'ambassade de France m'a confirmé que l'objectif serait atteint. Mais cela aura-t-il une répercussion financière pour la France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il nous suffit de voyager un peu dans le cadre de nos missions pour constater l'importance de l'Alliance française, des instituts et de nos postes consulaires. En Argentine, où j'étais il y a peu pour l'Union interparlementaire, il y a eu jusqu'à 154 alliances. Il en reste une cinquantaine, y compris à Ushuaïa, qui fonctionnent essentiellement sur la base du volontariat, grâce à des gens très motivés. Ces alliances vivent grâce aux cours de français. L'institut français de Buenos Aires, lui, n'en dispense pas pour ne pas leur faire de concurrence - animé par 6 ETP, il peut se le permettre. S'il faut toutefois faire des économies au niveau national, a-t-on besoin de les chercher dans ces domaines, au risque de décourager ceux qui défendent la langue française à l'étranger ? Je ne vois pas quelles économies autres que des bouts de chandelles généreraient un rapprochement des alliances et des instituts français, et je crains même qu'un tel rapprochement ait un coût net en termes d'influence culturelle, c'est-à-dire, au bout du compte, d'influence économique. Ce secteur a suffisamment donné dans le passé : arrêtons là, ou bien assumons de vouloir réduire la représentation de la France à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Si j'ai bien compris, les biens de l'État à l'étranger seront affectés en totalité au ministère en 2019. Simultanément, on prélève près de 100 millions d'euros sur le CAS « immobilier de l'État » pour financer les besoins, en escomptant des cessions. Mais a-t-on une idée de ce que représente l'immobilier de l'État, notamment à l'étranger ? Des bijoux de famille ont été cédés et des services - du Trésor par exemple - ont été mutualisés : diminuer le nombre de fonctionnaires peut-il avoir un impact sur les mètres carrés utilisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Lalande

La France n'est pas qu'un hexagone de 1000 kilomètres du nord au sud et de l'est à l'ouest, mais une puissance politique et économique mondiale de premier ordre. Parce que nous avons trop longtemps cru qu'il suffisait de faire état de sa qualité de Français pour croire que le monde était à nos pieds, nous perdons chaque jour un peu de notre superbe. Avec un déficit de 67 milliards d'euros de notre commerce extérieur, nous ne pouvons que nous inquiéter de la course aux économies sur ce levier essentiel qu'est l'action extérieure de l'État. La diplomatie culturelle et d'influence du programme 185 et, dans une autre mesure, les éléments du programme 151, apparaissent insuffisants. Quand on veut un État stratège, on doit se doter d'une vision spatiale plutôt que de découper en morceaux des politiques complémentaires. Les agents qui oeuvrent dans tous les pays où la France est présente ne sont-ils pas aussi des ambassadeurs de notre diplomatie économique ? Nous nous abstiendrons, car ce budget est insuffisant, et ne voterons pas les amendements du rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

J'étais en mars à N'Djamena, où le mauvais état du lycée français m'a frappée. Nous avons en outre appris sur place que les logements utilisés par les enseignants avaient été vendus. Or c'était, dans un pays à risque comme le Tchad, un élément de sécurité autant que de commodité. Au passage, la valeur de ces biens était ridicule... Procède-t-on différemment selon les types de pays ? Par exemple, avons-nous une politique spécifique dans les pays naturellement francophones où la communauté française et le rayonnement de la culture française est plus stratégique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Une réponse d'ensemble d'abord sur le poids de la France dans le monde. Je partage votre sentiment. Le ministère peine à nous donner une vision stratégique. Le poids historique de notre présence dans le monde est fort, mais la structure est restée longtemps inchangée, alors que l'on peut s'interroger sur la logique du poids relatif de certaines implantations - nous avons par exemple toujours 160 personnes dans le superbe palais Farnèse. Si nous avions une vision stratégique, je serais disposé à suivre les propositions de rationalisation à tel ou tel endroit. Mais ce n'est pas notre réseau diplomatique qui a empêché la dégringolade de notre puissance économique dans le monde. Si notre budget est en légère diminution, c'est parce que nous pesons relativement moins lourd. Nous pouvons en la matière conserver de l'ambition, à condition de déployer une vraie vision stratégique et de réorienter nos moyens selon les continents et les enjeux stratégiques. Les contributions internationales et les opérations de maintien de la paix diminuent de façon importante dans le budget pour 2019.

La valeur de nos biens à l'étranger est environ de 4 milliards d'euros. Mais dans ces 4 milliards, il y a un peu de tout : de nombreuses propriétés, tels des cimetières au Liban, ne sont pas valorisables. Les ventes de biens diminuent fortement d'année en année, et ne rapportent plus que 30 millions d'euros par an. Il ne sert à rien de tout vendre, certaines propriétés doivent être conservées.

Les amendements que j'ai déposés proposent des diminutions très faibles de dépenses, de l'ordre de 3 ou 5 millions d'euros. Voyez le cas d'Atout France : je ne suis pas contre le tourisme, qui est bien sûr une force pour la France, mais dès lors que cette agence emploie 350 personnes, il faut à tout le moins une évaluation de son action. Aurait-on moins de touristes si Atout France employait moins d'agents, ou même si elle n'existait pas ? J'en doute. Des organismes de sondage pourraient très bien demander à nos touristes si l'agence a joué dans leur décision de nous rendre visite, ce serait bien le minimum. L'amendement n° 4 n'est cependant qu'un amendement d'appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Fabienne Keller, je ne connais pas la situation particulière du lycée de N'Djamena ; je pense que les bâtiments dont vous parlez n'appartiennent pas au ministère des affaires étrangères mais à l'AEFE ou à l'établissement relevant de l'AEFE au Tchad. Un budget spécifique est consacré à la sécurisation des bâtiments dans les pays à risques, même s'ils appartiennent à l'AEFE. Il se peut cependant que ses difficultés financières aient retardé les travaux nécessaires. Reste que nous manquons d'une vision stratégique sur le développement de l'enseignement du français à l'étranger.

Yvon Collin, la subvention de Campus France ne double pas, elle reste stable. Le nombre d'étudiants étrangers en France augmente légèrement pour approcher des 343 000. Considérer les choses pays par pays n'est pas forcément pertinent : le nombre d'étudiants indiens en France, qu'il est effectivement question de doubler, n'est actuellement que de 5 000 : 10 000 étudiants indiens, cela reste peu dans le total des étudiants étrangers. Le coût induit de cet objectif est également faible sur la mission dont nous discutons ; il est plus lourd sur le budget de l'enseignement supérieur, puisqu'une année d'études supérieure coûte en moyenne 11 500 euros.

Je rejoins Vincent Delahaye sur Atout France : il faudrait une évaluation de l'action menée. Mais on ne peut tirer de conséquences avant qu'elle ait eu lieu ! Il y avait un consensus pour renforcer l'attractivité de notre pays après les attentats de 2015, et le nombre de touristes a effectivement augmenté depuis, mais personne ne sait pour l'heure corréler cette hausse à l'action d'Atout France.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Les touristes chinois qui viennent dans notre pays ne connaissent peut-être pas Atout France, mais les tours opérateurs qui les y conduisent, oui ! J'ai moi-même observé le travail d'Atout France pour les informer : on ne peut donc pas dire que son action est nulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il existe huit ambassades mutualisées avec l'Allemagne qui fonctionnent bien, car nos intérêts convergent. Nous avons donc fait des économies en termes de bâtiments et de personnel. Une autre, mutualisée avec l'Espagne, fonctionne aussi. Faut-il aller plus loin ? Oui, mais pas à n'importe quelles conditions. Pour la première fois, la France n'est pas maître d'ouvrage de la nouvelle ambassade mutualisée avec l'Allemagne en cours de construction à Khartoum ; or les Allemands n'ont pas les mêmes standards que nous, en sorte que l'ambassade coûtera 50 % de plus que les autres ambassades mutualisées...

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L'amendement n° 1 propose une diminution de 3,2 millions d'euros du budget affecté à l'organisation du G7, pour l'établir au niveau du budget du G8 de 2011 augmenté de l'inflation, soit 33,2 millions d'euros.

L'amendement n° 1 est adopté.

Les dépenses protocolaires augmentent pour atteindre 17,6 millions d'euros. Or ce poste comprend les 3,1 millions d'euros de dépenses relatives à l'organisation de la réunion ministérielle « Affaires étrangères » dans le cadre de la présidence française du G7. L'amendement n° 2 supprime ces crédits, qui devraient figurer dans le budget affecté à l'organisation de l'événement.

L'amendement n° 2 est adopté.

L'amendement n° 3 concerne la soulte estimée à 15 millions d'euros environ, dédiés aux bourses scolaires de l'AEFE. Or la somme prévue correspond a priori aux besoins. Aussi pouvons-nous ne laisser que 5 millions d'euros pour couvrir d'éventuels risques de change, et retirer le reste.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Alors que le président de la République respecte à peu près l'engagement de stabiliser le budget des bourses, il ne serait pas opportun que le Sénat le diminue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

N'a-t-on pas plutôt intérêt à en discuter dans le cadre de la loi de finances rectificative ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Cela semble plus adapté en effet.

L'amendement n° 3 est retiré.

Voilà des années qu'Atout France existe et que son action ne fait pas l'objet d'une nouvelle évaluation. Il serait temps, surtout que l'on a transféré la compétence tourisme aux régions, et que les ressources propres d'Atout France ne cessent de diminuer. C'est l'objet de l'amendement n° 4, d'appel certes, qui diminue de 5 millions d'euros le budget de l'agence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Le tourisme n'est pas une compétence de la région, c'est une compétence partagée par tout le monde, presque trop même puisque les communes, départements, les régions et l'État y contribuent ! L'idée de la loi NOTRe était de laisser de la souplesse... Mieux vaudrait aussi en discuter dans le cadre de la loi de finances rectificative.

L'amendement n° 4 n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je reste favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Je m'abstiens toujours.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de la France », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

- Présidence de M. Vincent Éblé, président -

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous examinons à présent le rapport conjoint des rapporteurs spéciaux Yvon Collin et Jean-Claude Requier sur la mission « Aide publique au développement » et le compte de concours financier « Prêts à des États étrangers ». Ils en profiteront pour nous livrer le compte rendu de leur déplacement à Washington et à New-York dans le cadre du contrôle budgétaire sur le système multilatéral de l'aide publique au développement. Je salue la présence parmi nous de nos collègues rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense Jean-Pierre Vial et Marie-Françoise Pérol-Dumont.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Nous allons vous présenter successivement les crédits de la mission pour 2019, puis un compte rendu de notre déplacement à New-York et Washington en juin dernier.

L'exercice 2019 constitue une année charnière pour notre politique d'aide publique au développement (APD) : les décisions prises cette année détermineront si notre pays respectera l'objectif posé par le président de la République d'une aide représentant 0,55 % de notre revenu national brut (RNB) en 2022. En effet, étant donné le décalage entre l'engagement des crédits et leur décaissement, qui dépend de la mise en oeuvre concrète des projets, le niveau de l'APD de la France en 2022 dépend en grande partie du niveau des engagements de 2019. C'est donc à l'aune de cet objectif que nous avons analysé la présente mission, en nous demandant si les moyens engagés nous placent sur la bonne trajectoire, en attendant la loi de programmation qui devrait être discutée en 2019 et qui détaillera les moyens consacrés à cette politique dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Un mot d'abord sur l'évolution de l'effort financier en faveur du développement. Les circuits de financement de l'aide publique au développement connaissent cette année des évolutions significatives : d'une part, la part de taxe sur les transactions financières (TTF) affectée au développement est rebudgétisée, d'autre part, une ressource importante qu'accordait l'État à l'AFD sous forme de prêt est remplacée par des crédits budgétaires supplémentaires, à la suite de sa requalification comptable par Eurostat et l'Insee. Je ne rentre pas dans les détails techniques que vous retrouverez dans le rapport, mais je souligne que la comparaison des crédits 2018 et 2019, à périmètre courant, n'a pas de sens.

J'ajoute que la rebudgétisation de la TTF a été fortement critiquée par certaines organisations non gouvernementales (ONG) et peut-être avez-vous été sollicités pour signer des pétitions. Nous ne partageons pas cette vision qui se focalise sur l'outil financier - la TTF - plutôt que sur le niveau global des ressources.

En définitive, nous vous présentons l'évolution à périmètre constant des crédits, qui montre un effort substantiel, en autorisations d'engagements du moins. Au total, les autorisations d'engagement (AE) augmentent de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2018. L'effort est moindre en crédits de paiement (CP), qui augmentent de 127 millions d'euros sur l'ensemble de la mission. Il est normal de constater un écart significatif entre les AE et les CP, étant donné le temps de mise en oeuvre des projets, et le plus important est de pouvoir engager de nouveaux projets dès 2019. Mais concrètement, une grande partie de l'effort financier est en fait reporté aux années ultérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

La France est toujours distancée par ses voisins. Cet effort financier est d'autant plus utile que nous ne respectons toujours pas nos engagements internationaux. Notre aide a fortement progressé - de 15 % en 2017 - et atteint 0,43 % de notre RNB, mais nous restons distancés par l'Allemagne et le Royaume-Uni, dont l'aide représente respectivement le double et 60 % de plus que la nôtre. Cet écart s'explique notamment par le niveau des dons bilatéraux, trois fois supérieurs chez nos voisins.

Il nous semble cependant que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre l'objectif, bien que le budget 2019 n'apporte pas toutes les réponses attendues. Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) a défini en février dernier une trajectoire en pourcentage du RNB, mais sans la traduire budgétairement. Notre APD devrait augmenter en 2022 de 5 milliards d'euros par rapport à 2017, sans que cela signifie qu'il faille réaliser un effort financier de cet ordre, compte tenu de l'effet de levier des prêts.

Malgré nos demandes, nous n'avons pas obtenu plus de précisions sur le montant des crédits budgétaires qui seront nécessaires. Cette trajectoire sera définie - ou du moins il faudra y veiller - dans la future loi de programmation de l'aide publique au développement, qui devrait être examinée au Parlement au premier semestre 2019. Nous avons pu obtenir tout de même des éléments sur la montée en charge des engagements de l'AFD - nous y reviendrons dans un instant.

Malgré certains points à préciser, nous constatons suffisamment d'éléments positifs, qui nous permettent d'accorder une confiance vigilante au Gouvernement, et de considérer que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre l'objectif. En effet, ce budget traduit une hausse inédite des moyens financiers. En outre, nous observons un engagement personnel du président de la République sur ce sujet, qu'il aborde régulièrement lors de ses déplacements et qui s'est illustré dans la création d'un « Conseil du développement » qu'il préside directement. Dix ans après le départ de Jacques Chirac, nous avons à nouveau un président passionné par le développement et conscient de son importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

J'en viens aux moyens dont disposera l'AFD en 2019, qui vont considérablement augmenter.

S'agissant des dons, elle disposera de près d'un milliard d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement. En crédits de paiement, en revanche, l'augmentation n'est que de 68 millions d'euros. On observe à nouveau ce décalage entre AE et CP qui confirme que le gros de l'effort financier est à venir. Ce milliard d'AE supplémentaires sera décaissé sur 13 années.

Concernant les prêts, l'AFD bénéficiera de 500 millions d'euros supplémentaires de crédits de bonification, qui devraient lui permettre d'accorder 1,5 milliard d'engagements supplémentaires.

Par ailleurs, l'augmentation de l'activité de l'agence remet à l'ordre du jour un sujet régulièrement abordé devant cette commission : le niveau des fonds propres de l'agence.

Comme vous le savez, l'AFD est une société de financement soumise au respect des ratios prudentiels qui peuvent l'empêcher de prêter à certains États où son exposition a déjà atteint la limite. C'est le cas par exemple au Maroc, en Colombie ou au Brésil.

Plusieurs mesures sont envisagées. D'une part, l'État accorderait une garantie explicite à l'AFD sur certaines contreparties souveraines afin qu'elle ne soit plus bloquée, cela dès 2019. Un amendement en ce sens pourrait être présenté dans les jours qui viennent. D'autre part, à compter de 2020, il faudra envisager un renforcement de ses fonds propres.

Enfin, une des conditions essentielles de l'atteinte de l'objectif réside dans la capacité de l'AFD à absorber cette hausse de son activité. D'après les informations que nous avons recueillies, pour respecter l'objectif de 0,55 % en 2022, il faudra, à cette date, que les engagements de l'agence s'élèvent à 17,6 milliards d'euros, soit une multiplication par deux en six ans. Demander à un opérateur de multiplier par deux son activité en aussi peu de temps n'est pas anodin...

Une dernière remarque, qui fera le lien avec l'article rattaché et le rapport de contrôle que nous vous présenterons dans un instant.

Le budget 2019 met l'accent sur la hausse de notre aide bilatérale, à travers les ressources de l'AFD. En effet, le Cicid a décidé que l'aide bilatérale bénéficiera des deux tiers de l'augmentation des crédits d'ici à 2022. Cette priorité est logique, dans la mesure où l'aide bilatérale est plus longue à mettre en oeuvre. Nous soulignons cependant la nécessité de ne pas négliger notre aide multilatérale, dans un monde où le multilatéralisme est fortement contesté.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous vous invitons à proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission et du compte de concours financiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

L'article 72 autorise à souscrire à l'augmentation de capital de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et de la Société financière internationale. Ces deux institutions multilatérales appartiennent au groupe Banque mondiale. La première intervient auprès des pays à revenu intermédiaire et dans des pays plus pauvres, à condition qu'ils soient solvables ; la seconde intervient pour sa part dans les pays en développement, mais exclusivement auprès du secteur privé.

Cette souscription correspond à un coût total de 464 millions d'euros en AE, retracées sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », et de 93 millions d'euros en CP par an entre 2019 et 2023.

Nous vous proposons d'adopter cet article, dans la mesure où l'augmentation de capital s'accompagne d'évolutions au sein de la Banque mondiale conformes aux souhaits de la France, y compris en ce qui concerne sa gestion, et qu'il permettra de maintenir la place de notre pays au sein de l'actionnariat de cette institution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

On ne peut que se féliciter des engagements du Président de la République sur les trois points suivants : augmenter les moyens de l'APD ; réorienter la politique d'aide vers l'Afrique ; rendre plus efficaces les actions. De même, on peut se féliciter de l'idée de mettre en place un conseil de développement. Reste à savoir si la trajectoire sera respectée.

La Cour des comptes s'est intéressée à l'AFD sur les années 2010 à 2015 : la future loi de programmation, qui devrait être examinée en 2019 et sur laquelle la commission des affaires étrangères a longuement débattu, devra être l'occasion d'approfondir les points de vigilance que soulèvent les magistrats dans leur rapport.

Par ailleurs, les conclusions du rapport remis par le député Hervé Berville au Président de la République vont dans le sens de certaines remarques formulées par la Cour des comptes. Par exemple, celui-ci rappelle qu'une organisation non gouvernementale (ONG) classe la France au 35e rang sur 42 en matière de transparence de l'aide.

Nous espérons que nous obtiendrons de la part de l'AFD des précisions. Par ailleurs, on peut s'interroger sur la volonté d'augmenter l'aide au développement alors même que le budget consacré à la francophonie baisse, même si ces crédits ne sont pas retracés par la présente mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Perol-Dumont

Je souscris aux remarques de Jean-Pierre Vial. J'ajoute qu'il faut redonner toute sa place au politique et que l'AFD doit rester un outil au service de la politique gouvernementale. Les agences ne doivent pas se substituer à cette ligne, sous la surveillance du Parlement. Le Président de la République a d'ailleurs appelé, à Versailles, les parlementaires à exercer leur contrôle, qui doit être accru. La culture d'évaluation n'est pas assez prégnante si l'on établit des comparaisons avec d'autres pays.

Enfin, si certains groupes, dont le mien, se sont abstenus sur ces crédits, c'est en raison des incertitudes qui pèsent sur la TTF.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je proteste contre l'écrêtement de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, la fameuse taxe Chirac, plafonnée à 210 millions d'euros, le surplus allant au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BA CEA). Si le reliquat ne bénéficie pas au développement, cela veut dire que les passagers paient trop cher leurs billets d'avion ! Les billets d'avion supportent déjà un nombre considérable de taxes. Ce n'est pas la taxe en elle-même qui me choque et encore moins l'affectation de son produit ; ce qui me choque, c'est son écrêtement. Soit on la diminue, soit on donne plus à l'aide au développement !

Par ailleurs, la Chine fait-elle toujours partie des bénéficiaires de prêts français ? Je ne suis pas certain qu'elle en ait vraiment besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Les agences comme l'AFD ont eu leur raison d'être à un moment donné ; or elles deviennent des agences autonomes. Lorsque Brice Hortefeux est devenu ministre de l'immigration, de l'identité nationale et du codéveloppement, il avait insisté pour rattacher à son ministère l'aide au développement afin de faire porter les efforts sur les pays d'émigration vers la France - une immigration subie. C'est à cela qu'il faut revenir. Cessons de prêter à l'Argentine, au Brésil : la Banque mondiale ou la BIRD le font très bien. Recentrons nos aides là où elles sont utiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En effet, si on engage une autre politique migratoire, si on lance un plan Marshall pour l'Afrique, alors il faut donne des signes sur ce que serait ce plan, idéalement européen.

J'ai interpellé à plusieurs reprises le ministère sur le positionnement de l'AFD, sans avoir obtenu de réponse. En particulier, avec le député La République En Marche (LREM) Adrien Morenas, suppléant de Brune Poirson, nous avons demandé pourquoi l'agence soutenait l'université d'été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens, qui s'est tenue à Grenoble, avec le mouvement boycott, désinvestissement et sanctions (BDS). Je ne suis pas convaincu que cela fasse partie de sa mission d'aide au développement. Nous n'avons pas eu de réponse. Davantage de crédits, d'accord, mais pour le développement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Les aides sont-elles dispensées en toute innocence ou, comme les autres pays, en attend-on un retour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Je m'associe aux propos de Roger Karoutchi : le BDS promeut illégalement le boycott d'Israël en France.

Gérard Larcher recevait ce matin le nouveau président du Sénat de la Côte-d'Ivoire - ils ont notamment parlé de l'aide au développement. Celui-ci regrettait un manque de coordination avec les actions menées par les collectivités locales au titre de l'aide décentralisée et par l'Union européenne et soulignait qu'on pourrait gagner en efficacité en ciblant mieux nos interventions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Je m'exprime en particulier avec mon expérience de président d'une fondation et, jusque récemment, de président d'une société d'aménagement.

J'entends les griefs et les questions. Je partage celles qui sont relatives aux évaluations. Toutefois, il faut relativiser. L'AFD permet de construire à l'étranger de vrais partenariats entre le public et le privé. Certaines critiques sont probablement fondées, mais former des ingénieurs et des techniciens dans le domaine de l'eau dans un pays qui ne dispose pas de ressources en eaux douces, par exemple les Comores, c'est utile. De même, intervenir au Mali n'est pas sans conséquence pour un département qui compte une très forte communauté malienne. Au-delà de l'exercice comptable, il faut aussi avoir à l'esprit la cohésion dans nos territoires et l'image de la France à l'étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Les rapporteurs spéciaux de cette mission ne siègent plus au conseil d'administration de l'AFD de manière à mieux exercer leur mission de contrôle.

J'indique au rapporteur général que l'AFD intervient dans certains pays aux conditions du marché, à savoir sans un euro de l'État. Par exemple, en Amérique du Sud, elle gagne 25 millions d'euros par an qu'elle peut réinvestir ailleurs.

Jérôme Bascher et Roger Karoutchi, recentrer notre aide sur les pays d'émigration n'est pas forcément nécessaire puisque les investissements dans les pays émergents ne modifient en rien notre capacité à intervenir dans les pays les plus pauvres.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

J'ajoute que l'AFD est placée sous le contrôle du Gouvernement. C'est un très bel outil de diplomatie d'influence dans les pays dans lesquels elle intervient, mais trop méconnu, comme le montrent les critiques entendues autour de cette table.

Chaque année, on nous demande ce qu'on va faire en Chine ou en Amérique du Sud, sachant que, par esprit gaullien, il faudrait n'intervenir qu'en Afrique. Je rappelle que c'est toujours le cas puisque la quasi-totalité des 17 pays prioritaires, qui bénéficient de dons en raison de leur incapacité à rembourser les emprunts, se situent sur ce continent. Dans les autres pays, nous vendons de l'ingénierie et faisons indirectement la promotion de nos entreprises. Certes, les aides sont déliées, conformément aux règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais nous ne sommes pas naïfs. Ainsi, c'est une entreprise française qui a réalisé le métro-câble de Medellin, en Colombie, l'AFD étant à l'origine du projet. Dans ce pays, l'Agence se finance entièrement par le bénéfice qu'elle retire des prêts qu'elle y consent.

Comme l'a dit Jean-Pierre Vial, il faut rester vigilant. C'est ainsi que nous essayons de contrôler chaque année une ou deux agences de l'AFD. Nous constatons bien souvent qu'elles mènent des actions efficaces et innovantes, donnant une bonne image de notre pays.

En ce qui concerne l'université d'été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens de Grenoble, je n'ai pas d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La coordination des acteurs est un vrai sujet, même si elle existe au niveau européen. Mais elle peut être améliorée. Chaque État ayant tendance à tirer la couverture, nous sommes parfois en concurrence.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, sa part consacrée au développement est rebudgétisée. Mais au final, le compte y est, puisque l'effort cette année est plus important que l'année dernière.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Aide publique au développement », de l'article 72 rattaché à la mission et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Nous complétons la présentation des crédits budgétaires pour 2019 par un compte rendu de notre déplacement de juin dernier à New York et à Washington, dans le cadre de notre contrôle sur le système multilatéral de l'aide publique au développement. La destination de ce déplacement peut surprendre, s'agissant d'aide publique au développement, mais elle nous semblait pertinente pour appréhender l'aide multilatérale française et pour comprendre les grandes évolutions de la politique d'aide publique au développement.

En effet, nous voyons souvent l'aide publique au développement au travers de sa composante bilatérale, notamment celle des concours financiers accordés par l'AFD à des pays en développement. N'oublions pas cependant que l'aide transitant par des organisations multilatérales représente plus de 40 % de notre APD totale. En excluant l'aide transitant par l'Union européenne, 80 % de cette aide multilatérale transite par des organisations sises à New York ou à Washington.

Par ailleurs, ces organisations mènent des réflexions sur l'avenir de la politique d'aide publique au développement (APD) qui dépassent le cadre de l'aide multilatérale et qui peuvent inspirer notre politique bilatérale.

Enfin, nous avons profité de notre présence dans la capitale des États-Unis pour nous intéresser également aux évolutions de l'aide américaine, un an et demi après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je commencerai par dresser un tableau succinct de l'aide multilatérale, sans trop entrer dans le détail des chiffres, qui figurent dans le rapport d'information ayant vocation à être publié. L'aide multilatérale représente, globalement, plus d'un quart de l'APD totale et bénéficie à plus de deux cents agences multilatérales. Plus précisément, cette aide passe, pour l'essentiel, par l'Organisation des Nations unies et ses différents fonds et comités, par l'Union européenne, au travers de son budget propre et du Fonds européen de développement, et enfin par le groupe Banque mondiale et les différentes banques régionales de développement.

La part de l'aide multilatérale dans l'aide de chaque pays est très variable. Elle ne dépasse pas 20 % aux États-Unis, en Allemagne et au Japon. Au Royaume-Uni et en France, cette part est comprise entre un tiers et 40 %. Ces chiffres illustrent un rapport différent aux institutions multilatérales. L'un des grands avantages des institutions multilatérales est que leur aide est particulièrement concentrée sur les pays les moins avancés (PMA), où il est plus difficile d'intervenir. Ainsi, en 2013, ces pays bénéficiaient de 45 % de l'aide multilatérale ; en comparaison, cette part n'est que de 29 % pour l'aide totale de la France - si l'on examinait uniquement notre aide bilatérale, cette part serait bien entendu encore plus faible.

Enfin, l'aide multilatérale française s'élevait en 2017 à 4,8 milliards de dollars ; elle est constituée pour plus de la moitié par l'aide communautaire. Le groupe Banque mondiale et les banques régionales de développement représentent 20 % de cette aide et les contributions au système onusien environ 15 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

L'aide multilatérale est traditionnellement à la fois moins connue et plus critiquée que l'aide bilatérale, y compris par les parlementaires. En effet, elle offre, sur le terrain, moins de visibilité à la France et, si nous participons à la prise de décision, nous ne la maîtrisons pas totalement, si bien que les financements accordés peuvent ne pas correspondre à nos priorités. Toutefois, nous sommes revenus convaincus de l'importance de cet outil, qu'il ne faudra pas négliger dans le mouvement actuel d'augmentation de notre aide.

Le hasard du calendrier nous a menés aux États-Unis au moment où avait lieu le G7 au Canada, que certains ont qualifié de « G6 + 1 » tant l'unilatéralisme américain s'y est illustré. Cette crise du multilatéralisme a été omniprésente dans nos entretiens. Les institutions multilatérales mises en place après la Seconde Guerre mondiale sont de plus en plus contestées, tant par des États qui l'ont toujours fait - la Russie, la Chine - que, désormais, par les États-Unis, qui les ont pourtant largement mises en place.

Les Américains se placent en retrait : ils ont ainsi déjà supprimé plusieurs contributions importantes, par exemple au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Parfois, ils s'opposent même directement à nos valeurs où à nos intérêts. Il est ainsi devenu extrêmement difficile de parler d'environnement ou de commerce international avec eux. Dans ce contexte, on observe également que la Chine essaie d'occuper le vide laissé par les Américains, en particulier sur les financements relatifs au climat. Il en résulte une attente particulière à l'égard de la France : nous pouvons devenir les champions du multilatéralisme.

Cela dit, il est difficile de répondre à cette attente sans moyens financiers. Notre siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies, notre expertise en matière de maintien de la paix, la francophonie et le succès de la COP 21 sont autant d'atouts pour la France, mais le niveau de nos contributions volontaires est parfois ridiculement bas.

Nous sommes ainsi le trente-sixième contributeur au PNUD, pour ce qui concerne les contributions volontaires. De façon générale, nous sommes souvent classés entre la dixième et la vingtième place, quand nos voisins Britanniques se situent autour de la cinquième place. De même, à la Banque mondiale, nous sommes largement distancés par le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Japon ou encore les pays nordiques en matière de contributions volontaires.

Une stratégie efficace consiste à investir massivement sur quelques fonds. C'est par exemple le cas sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dont la France est le deuxième contributeur après les États-Unis. Néanmoins, si nous voulons être les champions du multilatéralisme, il nous faut accroître ces moyens, et sachez que la hausse annoncée de notre APD est très attendue à New York et à Washington.

J'ajoute qu'il ne faut pas sous-estimer notre capacité à défendre nos intérêts dans le système multilatéral et en particulier à promouvoir nos priorités sectorielles. Par exemple, avant la COP 21, la France a obtenu que 30 % des financements de la Banque mondiale soient consacrés à des sujets climatiques, ce qui a facilité la négociation du volet financier des accords de Paris.

De même, les institutions multilatérales peuvent venir renforcer notre aide bilatérale : par exemple, le Fonds vert pour le climat a annoncé, voilà quelques jours, qu'il contribuerait à hauteur de 280 millions de dollars à un programme de l'AFD.

En définitive, nous considérons que l'état actuel du monde nous donne encore plus de responsabilités dans la défense du système multilatéral dans son ensemble, et donc également dans la défense des institutions de développement. Cette responsabilité implique un effort financier, qui pourra être mis en oeuvre dans les années qui viennent. Le projet de loi de finances pour 2019 met l'accent sur la hausse de l'aide bilatérale, mais il ne faudra pas oublier cette deuxième jambe de notre politique de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Quelques mots également sur la mise en oeuvre du programme d'Addis-Abeba, souvent abordé au cours de nos entretiens. Ce programme constitue un nouveau cadre conceptuel pour le financement du développement. Il invite notamment à prendre en compte l'ensemble des flux financiers, et non pas seulement l'aide publique au développement. L'enjeu financier est en effet trop important - plusieurs milliers de milliards de dollars - pour que l'APD suffise.

Il faut donc mobiliser les investissements privés et étudier la façon dont l'aide publique peut les faciliter. De même, il est nécessaire d'aider les pays en développement à mobiliser leurs ressources internes et notamment à utiliser le levier fiscal. Cette philosophie se retrouve par exemple dans le recours aux mécanismes innovants - obligations vertes, obligations vaccinations, ou encore taxes dédiées au développement. De même, la combinaison entre aide publique et investissements privés, et l'association de prêts et de dons vont dans ce sens. La Banque mondiale a par exemple mis en place des obligations « ODD », pour objectifs de développement durable, qui ont permis de lever 165 millions d'euros auprès d'investisseurs privés.

Enfin, nous vous présentons quelques éléments sur l'aide américaine. Les États-Unis sont le premier pays donneur en valeur absolue, mais ils sont seulement au vingt-deuxième rang en pourcentage du revenu national brut. Cette aide passe notamment par l'agence US-AID, qui travaille sous la supervision du président, du département d'État et du Conseil de sécurité nationale.

Un point nous a particulièrement intéressés : le Congrès exerce un rôle central dans le contrôle et la définition de la politique américaine d'aide publique au développement. Ainsi, le président Donald Trump annonçait pour le budget 2018 une diminution de 30 % des crédits du département d'État et les ressources de l'agence US-AID auraient diminué de 13 milliards de dollars. Ces projets de coupes budgétaires ont été sensiblement modifiés par le Congrès, grâce au consensus bipartisan qui existe depuis trente ans sur ce sujet : l'aide publique au développement est vue comme un élément clef du soft power américain.

Malgré tout, nos interlocuteurs ont pointé le fait que les États-Unis voulaient parvenir à une relation « plus équilibrée » avec les organisations internationales ; en d'autres termes, ils ne veulent plus être les principaux bailleurs des différents fonds internationaux, et souhaitent que d'autres pays jouent un rôle accru, c'est-à-dire paient davantage. Cela nous ramène à notre premier point sur la crise du multilatéralisme.

Néanmoins, pour conclure cette intervention sur une note positive, nous soulignons le fait que les États-Unis ont accepté l'augmentation de capital de la Banque mondiale : cela constitue le principal geste du président Trump envers le système multilatéral.

La commission donne acte à MM. Yvon Collin et Jean-Claude Requier, rapporteurs spéciaux, de leur communication et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Nous examinons trois missions et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Nous avons inclus dans notre rapport des éléments relatifs à la gestion italienne du patrimoine immobilier de l'État.

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est la principale mission du pôle économique et financier de l'État. L'administration fiscale - la direction générale des finances publiques (DGFiP) -, et l'administration des douanes - la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) - représentent les trois quarts cet ensemble.

La suppression du mécanisme des « loyers budgétaires », dont je reparlerai, fait mécaniquement baisser, par un changement de périmètre, le montant des crédits de la mission par rapport à l'année dernière. Après correction, il apparaît que ceux-ci diminuent seulement de 0,7 %, pour s'établir à 10,7 milliards d'euros. La quasi-totalité de l'effort est en réalité portée par les dépenses de personnel, qui reculent de 59 millions d'euros - il est vrai qu'elles représentent plus de 80 % des crédits de la mission. Pour le reste, et malgré quelques gains d'efficience çà et là, les dépenses de fonctionnement courant semblent désespérément rigides.

Au sein de cet ensemble, la DGFiP représente les trois quarts des crédits et les quatre cinquièmes des effectifs. Le budget qui nous est présenté a quelque chose de paradoxal : il ressemble à s'y méprendre aux précédents, et pourtant, il porte en lui les prémices d'une restructuration d'ampleur inédite depuis au moins dix ans, c'est-à-dire depuis la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique en 2008.

En quoi ce budget ressemble-t-il aux précédents ? D'abord, parce qu'il est avant tout construit sur une trajectoire de suppressions de postes, dont tout le reste est censé découler, si tout va bien. Ainsi, 2 130 postes seront supprimés en 2019, soit un rythme comparable à celui des dernières années, exception faite des années 2017 et 2018, au cours desquelles 500 postes avaient été « préservés » dans le cadre de la préparation du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Cette année encore, Bercy est le principal contributeur aux réductions d'effectifs dans la fonction publique d'État, juste devant le ministère de l'éducation nationale et très loin devant tous les autres.

Parce qu'il ressemble aux précédents, ce budget présente aussi les mêmes défauts. J'en citerai trois.

Premier défaut, la navigation à vue dans la réorganisation territoriale. Il ne s'agit pas de mettre en doute sa nécessité - la DGFiP doit adapter sa présence aux réalités économiques, démographiques et technologiques -, ni de sous-estimer l'effort accompli - 890 services comptaient moins de cinq agents en 2012 et ils ne sont plus que 506 aujourd'hui, et sur les 42 services qui ne comptaient qu'un seul agent en 2012, il n'en reste plus que 6. Au total, 782 fusions de trésoreries et services des impôts ont eu lieu entre 2012 et 2018.

Toutefois, ce chantier est mené de façon opportuniste, au gré des départs en retraite et des mutations individuelles, sans stratégie d'ensemble et sans concertation. En pratique, chaque directeur régional est prié chaque année de « rendre » un certain nombre de postes pour atteindre le schéma d'emplois. Il ne serait pourtant pas compliqué d'introduire un peu de visibilité pluriannuelle, au moins pour les structures importantes telles que les trésoreries hospitalières.

Deuxième problème, la pression croissante au sein des services. En dix ans, les effectifs de la DGFiP ont diminué de 16 %, mais le nombre d'entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés (IS) a augmenté de 50 %, les personnes accueillies dans les services de proximité de 40 %, et les opérations de publicité foncière de 13 %, avec des délais de publication considérables, parfois au-delà de 120 jours.

On peut certes y voir une capacité - bien réelle - à faire mieux avec moins, notamment grâce à la dématérialisation, mais vient un moment où, à missions inchangées, les agents ne sont plus en mesure de faire leur travail correctement. En outre, cela ne tient pas compte de l'arrivée du prélèvement à la source, de la suppression de la taxe d'habitation, du passage au prélèvement forfaitaire unique (PFU) et à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) ou encore de la révision des valeurs locatives. Le Gouvernement semble pour l'instant faire preuve d'une inquiétante légèreté, ou à tout le moins, d'un sérieux manque de transparence, face à ces échéances - des élections professionnelles auront lieu en décembre, ce qui explique sans doute beaucoup de choses.

Dernier motif d'inquiétude : la baisse continue des résultats du contrôle fiscal, qui n'est sans doute que la traduction de ce que je viens de le dire. On a notifié 13 milliards d'euros de droits et de pénalités en 2017, contre 14 milliards d'euros en 2016 et 16 milliards d'euros en 2015, et encore ce chiffre est-il gonflé par quelques grandes affaires et la dernière année du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR). En outre, on ne recouvre que 65 % de ces sommes, avec de fortes disparités selon les impôts. La création de nouveaux outils ne doit pas nous exonérer d'une réflexion profonde sur les difficultés du contrôle fiscal, sur ses effectifs et sur ses moyens, alors que le Gouvernement a fait de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales sa priorité.

Voilà pourquoi le budget 2019 de la DGFiP ressemble aux précédents. Mais on ne saurait s'en tenir à cet horizon annuel : de fait, il s'agit d'un budget de transition, prélude à un bouleversement inédit des missions et de l'organisation de notre administration fiscale, qui devrait avoir lieu au cours des prochaines années.

Le rapport du Comité Action publique 2022 a donné le cap : généralisation des procédures dématérialisées, intensification du recours au datamining, qui a pour l'instant moins d'existence sur le terrain que dans la communication du Gouvernement, et surtout création à l'horizon de 2022 d'une agence unique du recouvrement regroupant les missions de la DGFiP, de la douane, de l'Union de recouvrement pour la sécurité sociale et les allocations familiales (URSSAF) et de nombreux autres organismes.

Bien évidemment, si ces réformes sont menées à bien, leur impact sur l'organisation de la DGFiP sera sans commune mesure avec les réformes des dernières années. Le ministre de l'action et des comptes publics l'a d'ailleurs assumé dans son discours du 11 juillet dernier devant les cadres du ministère auquel j'avais assisté : de nombreux postes seront supprimés, et de nombreuses implantations seront fermées, dans une logique de séparation entre l'accueil physique (front office) et la gestion des dossiers (back office).

Ces perspectives ne trouvent certes aucune traduction budgétaire dans ce projet de loi de finances, mais elles sont bien réelles. Je souhaite dire ici que, dans ces conditions, le pilotage à vue par le rabot ne sera plus possible. Il faudra de la visibilité, c'est-à-dire une stratégie pluriannuelle transparente et concertée avec les territoires. Il faudra de la logique : comment justifier que 61 % des EPCI dépendent aujourd'hui encore de plusieurs trésoreries ? Enfin, il faudra mutualiser : la DGFiP n'est aujourd'hui présente que dans 250 maisons de services au public (MSAP) sur 1 200, c'est trop peu.

Enfin, je veux dire un mot des systèmes d'information, clef-de-voûte des réformes structurelles qui s'annoncent. Les treize grands projets rattachés à la mission représentent un quart du coût total des grands projets de l'État, soit 608 millions d'euros. Leur retard est assez faible - 18 % par rapport à la prévision initiale -, ce qui s'explique en grande partie par le lancement récent de plusieurs d'entre eux, mais leur dérapage budgétaire est très préoccupant, avec un surcoût global de 95 %, contre seulement 31 % pour l'ensemble des grands projets de l'État. Faut-il rappeler le précédent fâcheux de l'Opérateur national de paye (ONP) et ses 346 millions d'euros dépensés en pure perte, pour mettre en garde contre les erreurs de conception et la faiblesse du pilotage ? Les projets SIRHIUS (ressources humaines) et PAYSAGE (paye), qui totalisent à eux seuls dix-huit années de développement et 106 millions d'euros de surcoût, en sont directement issus.

Il semble pourtant que les différentes administrations de Bercy n'aient pas pris la mesure de la tâche qui s'annonce. Le budget informatique de la DGFiP a été divisé par dix en dix ans - les responsables de CAP 22 affirmaient devant nous que les banques investissent beaucoup plus dans l'informatique que l'État -, et 80 % des dépenses d'investissement de la DGFiP vont à la maintenance d'applications obsolètes, dont certaines, pourtant au coeur de l'administration fiscale, datent des années 1980. Il y a une dizaine de ruptures applicatives dans la chaîne du contrôle fiscal.

Pour un projet aussi ambitieux que celui de l'agence du recouvrement, rien ne pourra se faire sans rendre les systèmes interopérables et évolutifs. Peut-être faudra-t-il même tout recommencer à zéro ou presque, tant les 200 traitements de données et les 50 téléservices de la DGFiP et de la DGDDI sont hétérogènes, sédimentés et « défendus » par les services qui les ont conçus et qui les utilisent. Nous ne sommes qu'au début de ce chantier. Le PLF prévoit déjà quelques transferts de recouvrement des douanes vers la DGFiP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Comme depuis trois ans, la direction générale des douanes et droits indirects fait exception au sein de la mission : ses crédits et ses effectifs augmentent. Ils s'établissent à 1,6 milliard d'euros pour 2019, en hausse de 2,6 %.

La douane se prépare en effet au Brexit : quelle que soit l'issue des négociations - accord ou non -, beaucoup de choses changeront le 31 mars prochain. Dans ce contexte, 350 postes supplémentaires seront créés en 2019 au titre du Brexit, ce qui se traduit par 250 créations nettes compte tenu des 100 suppressions au titre de la modernisation de la douane, chantier structurel et de long terme. Ces nouveaux postes viennent s'ajouter aux créations de postes précédentes : 285 équivalents temps plein (ETP) en 2016, 250 ETP en 2017 et 200 ETP en 2018. C'est un changement de taille pour une administration qui voyait, depuis le traité de Maastricht, ses effectifs diminuer.

Toutes les missions de la douane seront affectées par le Brexit, du contrôle des voyageurs et des marchandises aux missions fiscales, notamment lors de la détaxe. Les effectifs seront affectés en priorité aux grandes frontières que nous avons avec le Royaume-Uni, à Calais, à Dunkerque et dans les autres ports de la Manche, à la Gare du Nord et dans les aéroports parisiens, mais d'autres parties du territoire sont aussi concernées. Les formalités douanières devront ainsi être rétablies dans les aéroports du Sud-Ouest de la France, qui accueillent chaque année par vol direct des millions de Britanniques.

La deuxième grande priorité assignée à la douane pour l'année 2019 est le soutien aux buralistes et la lutte contre la contrebande de tabac, deux actions d'autant plus nécessaires que le Gouvernement a décidé de porter progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros. Le nouveau protocole 2018-2021 signé en février avec les buralistes se traduit par l'inscription de 111 millions d'euros de crédits d'intervention sur le programme 302, en forte hausse par rapport à l'année dernière. Le protocole crée notamment un fonds de transformation pour aider les buralistes à développer de nouveaux services de proximité. Ce fonds est doté de 26 millions d'euros en 2019, avec un effet moindre sur le solde, car cela est financé par une contribution des fournisseurs, les fabricants de tabac.

Je souhaite signaler le rôle des buralistes dans nos territoires, où ils sont parfois les derniers commerçants. À cet égard, l'article 63 du projet de loi de finances, qui permettra à l'administration fiscale de confier à des partenaires l'encaissement des espèces avec un objectif « zéro numéraire » en 2022, pourrait être l'occasion pour les buralistes de diversifier leurs activités, par exemple dans le cadre d'un partenariat avec La Poste.

Le pendant nécessaire à cette politique est une action résolue contre la contrebande. La douane travaille à la mise en place d'un système de traçabilité indépendant des fabricants, ce qui représente une grande avancée.

Cela m'amène, plus généralement, à l'action de la DGDDI en matière de lutte contre les trafics. Les résultats sont bons, quoique très variables d'une année sur l'autre. Toutefois, avec le prisme de la commission des finances, on ne peut que regretter que les indicateurs de performance reposent tous sur des seuils permettant de définir les « dossiers à enjeu » : 2 800 euros pour les cigarettes de contrebande, 1 000 euros pour les stupéfiants, 150 articles pour les contrefaçons, 3 500 euros en matière fiscale etc. Bien sûr, cela incite les douaniers à se concentrer sur les fraudes les plus graves. Toutefois, cette méthode ne paraît pas adaptée à l'un des grands défis actuels de la douane : l'essor du e-commerce, caractérisé par une multitude de petits envois représentant chacun un faible risque ou enjeu, mais dont l'ensemble est très important. À cet égard, une coopération plus étroite avec les plateformes s'impose.

La dernière caractéristique du budget 2019 de la douane est le quasi-achèvement du programme de renouvellement de ses moyens opérationnels. Sa flotte aérienne est maintenant au complet : trois des sept nouveaux avions Beechcraft sont déjà opérationnels, et les autres le seront bientôt. En ce qui concerne le renouvellement des hélicoptères, la douane a finalement fait le choix de louer trois d'entre eux, dont deux aux Antilles. À court terme, cela libère la douane des coûts de maintenance. Le choix de la location explique en partie la forte baisse de 29 % des dépenses d'investissement.

Telles sont les perspectives de l'année à venir. Cela dit, la douane est, comme la DGFiP, engagée dans une transformation de long terme de son organisation et de ses missions. Les progrès de la dématérialisation et de l'exploitation des données, la mise en oeuvre du nouveau code des douanes de l'Union et du « droit à l'erreur », et surtout la mise en place de l'agence du recouvrement auront des conséquences majeures qui appellent plusieurs remarques.

Tout d'abord, si les transformations seront importantes, elles ne devraient pas pour autant avoir l'ampleur de celles de la DGFiP, ne serait-ce que parce que la douane est une administration plus petite, avec environ 17 000 agents, répartis principalement dans les 168 bureaux de douane et les 210 brigades terrestres et qu'elle a une forte dimension opérationnelle. Quelque 44 fusions ont eu lieu depuis 2015, selon un plan stratégique qui devrait s'achever en 2020, avec deux ans de retard. On compte encore 35 bureaux ou brigades avec moins de cinq agents.

Ensuite, les remarques de Thierry Carcenac au sujet de la DGFiP s'appliquent pleinement à la douane : il faudra demain davantage de prévisibilité et de concertation au niveau des territoires. Par ailleurs, la « déconcentration de proximité » voulue par Gérald Darmanin pourrait vite se heurter à la limite du stock de services « déconcentrables ». Le service des ressources humaines de la douane est déjà installé à Bordeaux, celui des finances à Lyon, les écoles des douanes à Tourcoing et à La Rochelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

J'en viens aux crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Dans la mesure où vous trouverez l'essentiel des informations dans notre rapport, je concentrerai mon propos sur un préalable et deux points essentiels.

Le préalable porte sur la suppression des loyers budgétaires à partir de 2019. La question de l'avenir des loyers budgétaires était en suspens depuis deux ans. Plusieurs critiques étaient adressées à cet outil historique de la politique immobilière de l'État, concernant notamment les lourdeurs de leur gestion. Leur objectif était d'inciter les ministères à rationaliser leurs emprises immobilières.

Nous défendions l'idée d'une remise à plat des loyers budgétaires afin de les conforter, dans la mesure où ils permettent aux ministères d'intégrer le coût de la fonction immobilière.

Un choix différent a été fait cet été par le Gouvernement. J'appelle toutefois votre attention sur deux éléments : d'une part, les documents budgétaires intègrent la suppression des loyers budgétaires comme une mesure de périmètre, ce qui réduit artificiellement les crédits portés par les missions ; d'autre part, aucun dispositif alternatif n'est proposé pour inciter les ministères à la rationalisation de leurs emprises immobilières - le taux d'occupation effectif est, avec 14 mètre carrés ou 15 mètres carrés par agent, supérieur à la norme fixée à 12 mètres carrés. Nous serons donc attentifs à la façon dont la Direction de l'immobilier de l'État procédera.

Le compte d'affectation spéciale regroupe 7,5 % des crédits immobiliers ; le reste est réparti dans quarante-quatre programmes, avec près de 9 800 agents. Cela recèle un grand flou.

En 2016, la Direction de l'immobilier de l'État a été créée pour remplacer France Domaine, et elle a été rattachée à la DGFiP.

Cependant, les moyens humains et budgétaires sont éclatés, et l'architecture de la politique immobilière de l'État nous semble baroque. Cet éclatement des moyens est même renforcé avec la création du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multioccupants », qui représente près de 900 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Parallèlement, la rationalisation des emprises immobilières peine à se répercuter dans la maquette de performance. Le ratio présentant le nombre de mètres carrés par poste de travail demeure au-dessus des objectifs ; au Royaume-Uni, ce ratio atteint 8 mètres carrés par agent. La lisibilité et l'efficacité de la politique immobilière de l'État ne sont donc pas au rendez-vous.

Plus encore, sa soutenabilité n'est pas assurée, avec un déficit de 73 millions d'euros. Il importe donc de faire évoluer les produits du compte vers des recettes pérennes, car on faisait fonctionner le CAS avec les cessions immobilières, qui s'essoufflent, surtout avec la décote Duflot. La nouvelle directrice de la Direction de l'immobilier de l'État souhaite faire évoluer les pratiques vers la signature de baux emphytéotiques.

Nous avons étudié comment d'autres pays procèdent en la matière, notamment l'Italie. Dans ce pays, une société à capitaux publics, l'Invimit, reçoit ainsi des biens immobiliers dont l'État n'a plus l'utilité, afin de procéder à leur valorisation en les mettant en location. Ce modèle nous paraît intéressant, dans la mesure où il procure à l'État des revenus récurrents et assure la soutenabilité de la politique immobilière de l'État.

Un changement semble s'opérer en France, puisque la possibilité de procéder à la location à grande échelle des biens inutiles est envisagée. La semaine dernière, à l'occasion de la présentation des axes de la réforme de l'État, le Premier ministre a annoncé la création future de foncières publiques. Or il en existait déjà une, la SOVAFIM. Elle était critiquable mais elle avait le mérite d'exister.

La SOVAFIM avait ainsi une filiale chargée de gérer l'immobilier pénitentiaire, et qui a permis de rénover d'anciennes prisons de centre-ville. La Garde des sceaux souhaite créer 7 000 places de prison avec 1,7 milliard d'euros ; sans système financier de ce type, on ne pourra pas les financer.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

J'aborde désormais la mission « Action et transformation publiques ». Les enjeux budgétaires sont d'une moins grande envergure, mais cette mission revêt une importance politique cruciale puisqu'elle constitue un vecteur budgétaire du processus Action publique 2022.

Il s'agit d'une mission nouvelle, créée par la loi de finances pour 2018, et non pérenne, puisqu'elle a vocation à s'éteindre en 2022. Alors que les montants inscrits l'an dernier étaient anecdotiques, l'exercice 2019 consacre sa montée en charge, avec 310 millions d'euros en crédits de paiement et 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement. La mission comprend deux facettes : la première porte sur la politique immobilière de l'État, avec le programme de rénovation des cités administratives ; la seconde porte sur le politique de transformation de l'action publique, avec deux fonds.

L'essentiel des crédits prévus cette année porte sur le premier volet. Il est en effet proposé d'inscrire la quasi-intégralité des crédits prévus, avec 900 millions d'euros d'autorisations d'engagement dès 2019. L'objectif est de sélectionner les projets retenus au cours du premier semestre afin de permettre leur réalisation d'ici à 2022.

Ce programme répond à un besoin réel - nous connaissons bien l'état des cités administratives de nos territoires. Toutefois, nous appelons votre attention sur deux éléments : d'une part, tous les projets ne pourront pas être financés, et l'anticipation du calendrier ne doit pas conduire à précipiter la sélection des dossiers au détriment de leur qualité ; d'autre part, un lien direct est opéré avec la réforme des services déconcentrés de l'État, dans une perspective de rationalisation et de mutualisation.

Ce lien désormais explicite entre politique immobilière et réforme de l'action publique est confirmé avec les deux autres programmes de la mission. Ils retracent chacun les crédits budgétaires à destination de deux fonds, le Fonds pour la transformation de l'action publique et le Fonds pour l'accompagnement des agents de la fonction publique.

Le Fonds pour la transformation de l'action publique vise à accompagner les réformes, en soutenant les coûts initiaux devant permettre de réaliser des économies structurelles à moyen terme. Il fonctionne sous forme d'appels à projets, dont le premier au cours du premier semestre a retenu dix-sept projets dans des domaines variés.

Le Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines est une création de ce projet de loi de finances. Il s'agit même d'une surprise, car il ne figurait pas dans la maquette budgétaire soumise à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques en juillet dernier. Aucune information ne nous a été communiquée ; des éléments ont cependant été apportés par le Premier ministre lundi 29 octobre dernier. Il s'agit en réalité du fonds devant accompagner la réduction de 50 000 postes de fonctionnaires d'État d'ici à 2022.

C'est d'ailleurs l'écueil principal de ces deux programmes : plus qu'un réel vecteur de la transformation publique, il s'agit en pratique d'une incarnation d'Action publique 2022 devant légitimer les économies attendues de ce processus.

En attendant que ces économies se matérialisent, il est proposé un montant de 160 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour la transformation de l'action publique et de 50 millions d'euros en crédits de paiement au titre du Fonds pour l'accompagnement interministériel ressources humaines.

Je conclus par quelques remarques sur la mission « Crédits non répartis ». Il s'agit de la mission la moins dotée du budget général pour 2019, avec 204 millions d'euros en crédits de paiement et 504 millions d'euros en autorisations d'engagement. L'essentiel des crédits devant être répartis au moment du vote de la loi de finances, en vertu du principe de spécialité budgétaire, il est normal que le niveau de crédits soit minime pour cette mission particulière. Ses deux programmes sont destinés à couvrir des dépenses qui sont ensuite réparties en cours de gestion dans les différentes missions.

Je relève un léger écart de 79 millions d'euros entre les crédits demandés pour 2019 et la programmation triennale, correspondant à la budgétisation du programme 551, « Provision relative aux rémunérations publiques ». Ce programme retrace des dépenses de personnel dont l'absence de répartition est généralement justifiée, dans l'attente de la tenue des négociations salariales dans la fonction publique. Pourtant, cette année, le rendez-vous salarial a déjà eu lieu, deux mois et demi avant le dépôt du projet de loi de finances.

Je m'étonne donc du maintien de 70 millions d'euros inscrits sur ce programme, qui financeront l'an prochain la revalorisation de trois rémunérations : la monétisation des jours épargnés sur un compte épargne-temps, les frais de nuitée et l'indemnité kilométrique.

Par ailleurs, le Gouvernement a inscrit une mesure de transfert de 9 millions d'euros vers le programme 551, à partir de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce montant correspond au versement du forfait mobilité durable pour la fonction publique d'État. Là-encore, je m'interroge sur l'opportunité de ce transfert, qui aurait pu se réaliser en cours de gestion, comme le permet la LOLF.

La dotation du programme 552, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », est strictement égale à celle de 2018, avec 124 millions d'euros. Ce montant, inscrit à titre conventionnel, reste cependant plus élevé que par le passé, afin d'absorber partiellement la baisse du taux de mise en réserve des crédits par mission de 8 % à 3 %, qui s'applique à partir de 2018. Il faudra donc attendre l'examen du prochain projet de loi de règlement pour vérifier que le montant des crédits n'est pas surévalué.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Les constantes sont là. La douane, qui a déjà des difficultés à recouvrer la TVA, fait face à des volumes qui ont considérablement augmenté avec un personnel stable. Nous l'avions constaté lors d'un déplacement à Roissy en 2013 avec Philippe Dallier. Nous y sommes retourné cette année, et les volumes avaient encore augmenté. Cela pose la question de l'informatisation. Je suis très étonné de cette division par dix des crédits d'informatique à la DGFiP.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Pourtant, beaucoup de tâches sont encore faites manuellement, je pense par exemple à la publicité foncière ou à la redevance d'archéologie préventive.

Nous sommes à la veille de bouleversements considérables. Bercy semble avoir un plan secret ; s'agit-il de la suppression du réseau, le recouvrement étant fait par les entreprises ou des opérateurs ? On ne pourrait plus se rendre dans une trésorerie sans rendez-vous. L'impôt n'est pas simplifié mais on a une diminution du service public. Je le regrette. On laisse les citoyens seuls face à leurs questions...

Quant à l'immobilier de l'État, il n'existe malheureusement pas de politique en la matière, l'exemple caricatural étant le cas de l'Imprimerie nationale. C'est très coûteux. Le ministère affiche des objectifs de réduction, au détriment du service. Je préférerais que cela passe par une meilleure productivité et que le service public continue d'exister.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La date annoncée de 2022 pour l'agence du recouvrement est-elle contrainte ou peut-elle être décalée ? Je vois mal comment on pourrait être prêt dans moins de 3 ans.

Par ailleurs, Claude Nougein parlait des débitants de tabac et de l'augmentation du prix du paquet de cigarettes. Les douanes ont-elles l'intention de lutter davantage contre la fraude, y compris en plein Paris ?

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Ma question concerne la réorganisation du réseau de la DGFiP, notamment en zone rurale. On se bat pour installer la fibre optique en zone rurale, afin de permettre l'installation d'entreprises et d'administrations sur le territoire.

Or ce n'est pas le chemin qui semble emprunté ; au contraire, on privilégie la concentration dans les agglomérations plus peuplées - on transfère de Limoges à Bordeaux, de Guéret à Limoges, des petites villes à Guéret. Les maires que nous représentons ont un fort sentiment d'abandon, alors que l'État a les outils pour aménager le territoire. Mais s'il y a un plan secret de fermeture du réseau, tout cela ne sert à rien...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Philippe Dallier, il y a peu de contrôles des douanes à Paris, c'est plutôt la police qui se charge de ces contrôles. Des mesures sont tout de même prises. Un accord a été signé avec Andorre. En effet, la consommation de tabac rapportée à la population de cette principauté est de trois ou quatre paquets par jour par habitant, bébés compris...

Il s'agit maintenant de faire évoluer le métier de débitant de tabac. Des aides publiques ont été mises en place. La Française des Jeux aide aussi : les meubles, loués jusqu'à présent, seront gratuits. Le « cash back » permettra aux débitants de tabac de servir aussi de banques, dans les bourgs où il n'y a plus de distributeurs et où ils sont parfois les derniers commerçants.

Les débitants de tabac viennent souvent me voir ; ils sont très actifs, bien organisés et ouverts, mais inquiets et on les comprend.

En Creuse, comme en Corrèze, on nous explique qu'il faut une seule trésorerie par communauté de communes. On va dans cette direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Y a-t-il un plan caché ? Je ne le sais pas. Cela pourrait représenter 30 000 emplois en moins, sur 100 000...Le ministre, devant les directeurs, le 11 juillet, a signalé qu'il y aurait des conséquences sur l'organisation territoriale. Il a été demandé aux préfets de région et de département de faire des propositions de déconcentration de services, afin de voir de quelle façon on peut maintenir dans le monde rural certains services. Nous avons reçu un courrier pour nous en informer.

Parallèlement, la capacité d'accueil a augmenté en 10 ans de près de 40 %... On veut faire du front office ! L'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 3 du projet de loi de finances qui établit des conventions avec la MSAP pour accompagner les citoyens dans le cadre du prélèvement à la source.

Les trésoreries rurales posent aussi le problème des mutations. On sera désormais affecté à l'échelle d'un département. Il sera intéressant de faire venir le ministre pour répondre à nos questions sur la réorganisation comme il l'avait proposé. Après les élections de décembre, on pourra peut-être aller un peu plus loin. Le personnel est un peu dérouté.

J'en viens au contrôle fiscal. Il a tendance à diminuer, alors qu'on veut faire du datamining. Il y a là un vrai sujet. L'objectif est de 20 % de la programmation fin 2019 et de 50 % à terme. On veut en même temps orienter l'activité des services vers le conseil aux entreprises. Je ne suis pas sûr qu'il y ait une vraie volonté de lutte contre l'évasion fiscale... À suivre !

Article 39 - État B

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

L'amendement n°1 a été adopté par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 et par le Sénat l'an dernier. Il réduit les crédits du programme 156 de 2,2 milliards d'euros. Cette économie résulte d'un alignement du temps de travail dans la fonction publique sur le temps de travail des autres Français, soit 37 heures et demie...

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Le groupe socialiste vote contre cet amendement et les deux suivants.

L'amendement n° 1 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

L'amendement n° 2 a été adopté par le Sénat lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2018. Il porte le délai de carence dans la fonction publique d'État de un à trois jours. L'économie supplémentaire qui en résultera s'élèvera à 216 millions d'euros.

L'amendement n° 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je m'abstiens pour le vote sur les crédits des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits, ainsi modifiés, de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines.

Article additionnel après l'article 77

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Nougein

Il s'agit, par l'amendement n° 3, de généraliser la règle de trois jours de carence pour tous. Il tire les conséquences de l'amendement n° 2.

L'amendement n° 3 portant article additionnel après l'article 3 est adopté.

Enfin, les crédits de la mission « Crédits non répartis », les crédits de la mission « Action et transformation publiques » et les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » sont adoptés sans modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Je voudrais faire une dernière observation après ce vote. Le Sénat n'est plus représenté au conseil de l'immobilier de l'État, depuis le renouvellement du Sénat. J'ai adressé une lettre au Président Gérard Larcher à ce sujet.

La réunion est close à 17 h 30.