Quelques mots également sur la mise en oeuvre du programme d'Addis-Abeba, souvent abordé au cours de nos entretiens. Ce programme constitue un nouveau cadre conceptuel pour le financement du développement. Il invite notamment à prendre en compte l'ensemble des flux financiers, et non pas seulement l'aide publique au développement. L'enjeu financier est en effet trop important - plusieurs milliers de milliards de dollars - pour que l'APD suffise.
Il faut donc mobiliser les investissements privés et étudier la façon dont l'aide publique peut les faciliter. De même, il est nécessaire d'aider les pays en développement à mobiliser leurs ressources internes et notamment à utiliser le levier fiscal. Cette philosophie se retrouve par exemple dans le recours aux mécanismes innovants - obligations vertes, obligations vaccinations, ou encore taxes dédiées au développement. De même, la combinaison entre aide publique et investissements privés, et l'association de prêts et de dons vont dans ce sens. La Banque mondiale a par exemple mis en place des obligations « ODD », pour objectifs de développement durable, qui ont permis de lever 165 millions d'euros auprès d'investisseurs privés.
Enfin, nous vous présentons quelques éléments sur l'aide américaine. Les États-Unis sont le premier pays donneur en valeur absolue, mais ils sont seulement au vingt-deuxième rang en pourcentage du revenu national brut. Cette aide passe notamment par l'agence US-AID, qui travaille sous la supervision du président, du département d'État et du Conseil de sécurité nationale.
Un point nous a particulièrement intéressés : le Congrès exerce un rôle central dans le contrôle et la définition de la politique américaine d'aide publique au développement. Ainsi, le président Donald Trump annonçait pour le budget 2018 une diminution de 30 % des crédits du département d'État et les ressources de l'agence US-AID auraient diminué de 13 milliards de dollars. Ces projets de coupes budgétaires ont été sensiblement modifiés par le Congrès, grâce au consensus bipartisan qui existe depuis trente ans sur ce sujet : l'aide publique au développement est vue comme un élément clef du soft power américain.
Malgré tout, nos interlocuteurs ont pointé le fait que les États-Unis voulaient parvenir à une relation « plus équilibrée » avec les organisations internationales ; en d'autres termes, ils ne veulent plus être les principaux bailleurs des différents fonds internationaux, et souhaitent que d'autres pays jouent un rôle accru, c'est-à-dire paient davantage. Cela nous ramène à notre premier point sur la crise du multilatéralisme.
Néanmoins, pour conclure cette intervention sur une note positive, nous soulignons le fait que les États-Unis ont accepté l'augmentation de capital de la Banque mondiale : cela constitue le principal geste du président Trump envers le système multilatéral.