Intervention de Vincent Eblé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 novembre 2018 à 9h35
Conférence interparlementaire sur la stabilité la coordination économique la gouvernance au sein de l'union européenne prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance tscg — Compte rendu

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, président :

Une délégation de notre commission - le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, Sylvie Vermeillet, Jérôme Bascher, Patrice Joly et moi-même - a assisté à Vienne, les 17 et 18 septembre derniers, à la conférence interparlementaire semestrielle, plus communément appelée « conférence de l'article 13 » du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union européenne, dont l'objectif est principalement de permettre aux parlements nationaux d'exercer un contrôle sur la mise en oeuvre des règles de gouvernance budgétaire. Le Parlement européen et le Parlement autrichien avaient inscrit le cadre budgétaire de l'Union européenne, l'éducation et l'innovation comme moteurs de la compétitivité, la lutte contre l'évasion fiscale et l'impact du numérique sur le marché de l'emploi à l'ordre du jour.

La première session portant sur le cadre budgétaire de l'Union européenne était quelque peu redondante avec la conférence de février dernier à Bruxelles, qui avait déjà permis d'échanger sur l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM) et sur la pertinence du semestre européen. La majorité des interventions ont appelé à un renforcement de la coordination des politiques budgétaires des États membres et ont salué les propositions de réformes institutionnelles de la Commission européenne développées dans sa feuille de route en décembre 2017 et lors de la présentation du prochain cadre financier pluriannuel. La transformation du mécanisme européen de stabilité (MES) en Fonds monétaire européen (FME) a été jugée comme étant une évolution institutionnelle favorable permettant de s'affranchir du Fonds monétaire international (FMI). Le FME pourrait intervenir, comme le MES, en cas de difficultés financières d'un État membre de la zone euro. Il assurerait, en outre, la fonction de filet de sécurité du fonds de résolution unique, le deuxième pilier de l'union bancaire. L'objectif d'achever l'union bancaire a, par ailleurs, été rappelé par le Portugal, les Pays-Bas et la Grèce, mais le refus de certains États membres, notamment l'Allemagne, d'installer un système européen de garantie des dépôts, qui constitue le troisième et dernier pilier de l'union bancaire, n'a pas été évoqué.

Les propositions de la Commission européenne visant à créer deux instruments budgétaires communs aux États membres ont été favorablement accueillis. Alors qu'initialement ces instruments n'avaient été envisagés qu'à destination des États membres de la zone euro, ses propositions sur le prochain cadre financier pluriannuel prévoient qu'ils puissent bénéficier à l'ensemble de l'Union européenne. Cette nouvelle capacité budgétaire serait composée de deux volets : un programme d'appui pour accompagner le financement des réformes recommandées dans le cadre du semestre européen et un mécanisme européen de stabilisation des investissements visant à soutenir le niveau de l'investissement public.

Les échanges ont mis en lumière deux aspects de la coordination budgétaire qui gagneraient à être améliorés. D'une part, plusieurs intervenants ont dénoncé les fragilités du semestre européen. Le député Othmas Karas, membre du parti populaire européen, a souligné qu'entre 2012 et 2017 près de la moitié des recommandations formulées dans le cadre du semestre européen n'avaient pas été mises en oeuvre par les États membres. Il a suggéré que la conférence interparlementaire dite « article 13 » soit davantage associée à la formulation et au suivi des recommandations. D'autre part, une divergence entre les représentants des parlements nationaux est apparue quant aux flexibilités dans l'application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Plusieurs interventions, notamment néerlandaise, ont appelé à une application plus stricte des règles budgétaires, qui prévoient que le déficit public d'un État membre ne peut être supérieur à 3 % de son PIB et sa dette publique à plus de 60 %. Le vice-président du comité budgétaire autrichien, Gottfried Haber, a, au contraire, défendu la marge de manoeuvre de chaque État membre, rappelant que la stricte application des règles budgétaires pouvait conduire à des politiques contra-cycliques, politiquement délicates à l'approche des élections européennes.

La deuxième session portait sur l'éducation, l'investissement et l'innovation en tant que moteurs de la compétitivité européenne, à l'aune des propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel. Le programme « Horizon Europe » devrait comprendre une enveloppe de 100 milliards d'euros pour la période 2021-2027 et rassembler les instruments de financement en faveur de la recherche et de l'innovation. Le fonds « InvestEU » prendra le relai du plan Juncker à partir de 2021 avec la banque européenne d'investissement (BEI) comme principal partenaire financier. Plusieurs parlementaires ont toutefois regretté la diminution proposée des crédits alloués à la politique de cohésion, qui constitue le deuxième budget de l'Union européenne après la politique agricole commune et contribue à la réduction des inégalités infrarégionales.

La troisième session, consacrée à la lutte contre l'évasion fiscale, a été introduite par le discours de Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, qui a dressé le bilan des initiatives de la Commission européenne en matière de transparence fiscale, notamment avec l'adoption de la directive ATAD. Il s'est montré optimiste sur les perspectives d'adoption d'une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), en dépit de plusieurs interventions déplorant le peu d'avancées récentes en la matière. S'agissant de la fiscalité du numérique, il s'est déclaré confiant sur la perspective d'un accord prochain sur la taxe à 3 % sur le chiffre d'affaires de certaines activités numériques. Hélas, la France, face aux réticences de l'Allemagne, se trouve contrainte, désormais, de plaider pour un délai supplémentaire.

Notre rapporteur général l'a interrogé sur le traitement de la fraude à la TVA pour le commerce en ligne, rappelant les dispositions introduites par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude : le principe de la responsabilité solidaire des plateformes en ligne et le dispositif de « paiement scindé » de la TVA. Patrice Joly a souligné que les propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel ne retiennent pas la fiscalité du numérique comme nouvelle ressource pour le budget européen. Si ces deux interventions ont été appuyées par plusieurs représentants de parlements nationaux, nous pouvons regretter qu'elles n'aient pas encore donné lieu à des réponses précises de la Commission européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion