La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n'offre guère de motifs de satisfaction.
Elle regroupe trois programmes aux enjeux financiers très inégaux : le programme 167 est consacré au financement de la journée défense et citoyenneté, la JDC, et à celui des actions de mémoire pour 33,8 millions d'euros ; le programme 158 finance à hauteur de 106 millions d'euros différentes indemnités accordées aux victimes d'actes de barbarie et de persécution commis pendant l'Occupation ; enfin, le programme 169 regroupe la majeure partie des crédits - 2,1 milliards d'euros - destinés à financer les témoignages de reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants.
Cette mission compte deux grands opérateurs de l'État : l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ONAC-VG, et l'Institution nationale des Invalides, INI.
Elle se caractérise par une forte baisse des crédits avec plus de 150 millions d'euros d'économies.
En ce qui concerne le programme 167, je relève que le bilan de la JDC peut faire l'objet d'appréciations contrastées. D'un côté, les jeunes expriment une certaine satisfaction, et, au-delà, on peut évidemment considérer qu'elle a le mérite d'assurer un lien entre les armées et la population française. De l'autre, son coût n'étant pas négligeable, de l'ordre de 150 millions d'euros, on peut se demander quelle est sa valeur ajoutée. Au demeurant, la perspective d'un service universel obligatoire a été confirmée, après quelques hésitations, ce qui équivaut à une sorte de réponse. Par ailleurs, il est regrettable que la JDC, qui est une obligation, soit encore insuffisamment respectée et que l'identification des jeunes décrocheurs à ce moment-là, opportunité rare, reste trop souvent sans prolongement.
En ce qui concerne la politique de la mémoire, la réduction des crédits est excessive. Certes, nous sommes sur le point d'achever la plus grande partie des commémorations de la Grande Guerre, ce qui justifie des économies, mais nous sommes bien au-delà de cela, d'autant que la mission reprend l'organisation du défilé du 14 juillet auparavant à la charge du ministère de la culture.
Deux motifs de satisfaction. Jusqu'à présent, le souvenir du centenaire s'est globalement bien déroulé grâce à un choix d'éviter le spectaculaire pour des manifestations dignes et participatives. Ensuite, le monument aux soldats morts en OPEX devrait enfin voir le jour après des péripéties invraisemblables... Il ne restera cependant plus grand-chose pour les autres manifestations et pour le nécessaire programme de rénovation des sépultures. Il faudra donc compter sur le dévouement des bénévoles, anciens combattants et autres.
Or le moins que l'on puisse en dire est que le budget pour 2019 ne témoigne pas aux anciens combattants la reconnaissance qui leur est due.
Il y a certes deux mesures dont nous pouvons nous féliciter : l'amélioration de la situation réservée aux harkis et l'attribution de la carte du combattant aux militaires demeurés en Algérie après le 2 juillet 1962. Cette dernière mesure a été constamment portée par le Sénat et est, enfin, mise en oeuvre. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il est vrai qu'elle implique un certain coût. À terme, elle pourrait profiter à près de 50 000 personnes pour une charge totale de plus de 60 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre des avantages fiscaux et sociaux.
Pour le reste, qui concerne la quasi-totalité des anciens combattants, nous avions eu un débat, l'an dernier, sur la revalorisation des pensions militaires d'invalidité, des prestations qui leur sont liées et de la retraite du combattant. Le budget pour 2019 n'applique aucune revalorisation, en se contentant de faire jouer une indexation, le « rapport constant », qui implique une progression de la valeur du point d'indice de la pension militaire d'invalidité de 0,7 %. C'est très inférieur à l'inflation envisagée ! C'est plus que pour les pensions de retraite, mais les allocations portées par la mission sont d'une tout autre nature et je ne suis pas certain que nous soyons nombreux ici à approuver la politique des retraites mise en oeuvre par le Gouvernement...
Je ne peux pas approuver ce choix, d'autant que les économies spontanées atteignent, du fait des évolutions démographiques, une masse considérable. Sans doute conscient des critiques auxquelles il s'exposerait, le ministère a proposé de retenir la perspective d'instituer une commission tripartite afin de suivre ces questions de revalorisation. En l'état, je ne peux pas souscrire à une initiative, dont nous ne connaissons pas les détails et dont il semble que la mise en oeuvre soit, au demeurant, repoussée.
Cette proposition est l'une des rares que la revue des dispositifs de reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants a conduit à envisager. La plupart des dossiers que nous avons à connaître lors des débats budgétaires ont reçu un avis défavorable. Je ne peux qu'en prendre acte et je regrette, par exemple, que le sujet des « harkis blancs » paraisse ne pas devoir prospérer. Il en va de même de l'effort qui pourrait être consacré à soutenir les aidants des grands invalides ou participants aux opérations intérieures contre les actes de terrorisme commis sur le territoire français et leurs victimes.
Ce ne sont pas de bons signaux ! Dans ces conditions, il est indispensable que l'ONAC-VG, qui est appelé à combler les trous du filet de protection, soit à même d'accomplir cette mission, en plus des tâches de gestion qu'il assume au bénéfice de ses nombreux ressortissants. Or, s'il faut espérer que la revalorisation des tarifs des médecins chargés de l'examen des dossiers de révision des pensions d'invalidité permette de diminuer les délais actuels, qui sont insupportables, on peut s'alarmer des effets de la réduction des moyens de l'ONAC-VG.
Un exemple parmi d'autres : de l'aveu même du ministère, les ressources déployées pour traiter les demandes correspondant aux dispositions adoptées pour améliorer le statut des opérations extérieures (OPEX), ne permettent pas à l'Office de faire face. Les demandes sont traitées avec beaucoup de retard. Dans ces conditions, nous pouvons nourrir quelques inquiétudes sur le sort de l'extension de la carte du combattant...
Un mot de l'Institution nationale des Invalides, qui est lancée dans un projet, dont il faut se féliciter, qui la verra participer mieux encore à l'offre globale de soins. Cependant, les conditions de financement de ce projet de 50 millions d'euros suscitent une certaine perplexité. Le ministère de la santé n'y concourt pas et la trésorerie de l'établissement devra être largement mobilisée. Or ses recettes propres sont en berne.
Je termine par le programme 158. J'ai récemment présenté un rapport sur la commission d'indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS ; j'alertais sur les effets désastreux susceptibles de découler de la suppression de cette commission, un temps envisagée. J'en appelais, par ailleurs, à prendre une trentaine de mesures afin de constituer une « CIVS augmentée ». Je relève avec satisfaction que le Premier ministre a écarté la perspective de cette suppression, qui était inconsidérée et qu'il fallait conjurer. Par lettre, il m'a fait part de son souhait d'assurer à la CIVS les moyens d'assurer ses missions qui ont été renforcées dans un décret du 10 octobre dernier. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Le budget pour 2019, qui multiplie par deux les crédits nécessaires à l'indemnisation des spoliations, témoigne que, contrairement à un discours lénifiant, la dette de réparation demeure très forte. Hélas, sur les éléments nécessaires au renforcement des missions de la CIVS, la programmation budgétaire va à rebours de ce qu'il conviendrait de mettre en place. Je forme des voeux pour que très vite cette évolution soit corrigée, mais en l'état, le programme 158 ne réunit pas les conditions de la relance que nous avons souhaitée et que le Premier ministre a très opportunément décidé de mettre en oeuvre.
L'an passé, nous avons adopté un amendement prorogeant le délai laissé à l'ONAC-VG pour fusionner les maisons de retraite qu'il gère avec d'autres acteurs du secteur. Quel est l'état d'avancement de ce dossier ? Comment se déroulent ces fusions ?
Le rapport de Marc Laménie est relativement critique sur la JDC, ce qui m'apparaît assez justifié. Comment est-il possible de faire passer autant de messages, sur des sujets aussi différents - la laïcité, les dons d'organes, la sécurité sociale, la sécurité routière... -, en une seule journée ?
Il semble que le ministère entende améliorer l'efficacité du dispositif grâce à l'utilisation des outils numériques, mais notre rapporteur spécial craint des surcoûts importants. Pourquoi pensez-vous que l'utilisation de moyens numériques entraînera de tels surcoûts ?
Par ailleurs, on ne peut que s'étonner que le ministère engage une réforme de la JDC, alors même que se profile la mise en place du service national universel, le SNU... Certes, les coûts relatifs de ces deux dispositifs n'ont rien à voir : 150 millions d'euros pour la JDC, peut-être quelques milliards pour le SNU ! Enfin, je remarque que le coût de ce nouveau service national n'est aucunement inscrit dans la programmation financière pluriannuelle. Je ne sais pas où les moyens pourront être trouvés pour son financement...
Il est vrai que l'ONAC-VG a abandonné la gestion de certaines maisons de retraite, qui ont été reprises par d'autres acteurs. Cela correspond en partie à la redéfinition des missions de l'Office, qui doit mieux aider le monde combattant et développer son rôle social. Je vérifierai cette question avec la directrice générale de l'établissement. En tout état de cause, je suis très attaché au maintien d'une présence de l'ONAC-VG dans chaque département, car il a un rôle important d'information et de distribution d'aides.
Sur la JDC, je vous renvoie notamment au récent rapport que la Cour des comptes a réalisé à la demande de notre commission. J'ai assisté à l'une de ces journées et il est vrai que son programme est particulièrement chargé, surtout si l'on y intègre pleinement le volet éducation nationale. Le coût de la JDC est partagé entre les missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et « Défense ». Comme l'indique Philippe Dallier, nous devrons être attentifs à la manière dont la JDC s'articule avec le futur service national universel, mais nous ne disposons pas d'informations à ce stade. Enfin, je souhaite rappeler que la JDC présente aussi un intérêt important, celui de susciter des vocations pour les métiers de la défense.
Quel avis proposez-vous en ce qui concerne l'adoption des crédits de la mission ?
Sans conviction, je propose un avis favorable...
Enfin, je propose d'adopter sans modification l'article 73 rattaché à la mission, qui revalorise l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère des conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Elle décide en outre de proposer d'adopter sans modification l'article 73 rattaché à la mission.
Le budget 2019 constitue la première année de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, adoptée il y a quelques mois. Force est de constater que le montant des crédits de paiement, hors pensions, inscrits dans ce budget, 37,9 milliards d'euros, en hausse de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2018, est conforme à la trajectoire fixée dans la LPM, dont je ne détaillerai pas ici les limites. Souvenons-nous simplement que l'effort prévu entre 2019 et 2023, qui est réel, est inégalement réparti, la marche la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023, soit au début du prochain quinquennat et de la prochaine mandature !
Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir, l'effort prévu pour 2019 est bel et bien au rendez-vous et l'augmentation des crédits est importante. Dès lors, ce budget est-il réellement « à hauteur d'homme », selon l'expression utilisée par la ministre ?
S'agissant des effectifs, les engagements sont tenus, avec la création de 450 emplois. La répartition de ces postes est également conforme aux dispositions de la LPM, la majorité d'entre eux étant consacrée au renseignement et à la cyberdéfense.
Face à l'enjeu de fidélisation du personnel et d'attractivité des métiers de la défense, plusieurs réponses sont apportées dans ce budget.
Des mesures de revalorisation salariale seront prises avec notamment la création d'une prime de lien au service, destinée à renforcer l'attractivité de certains métiers tels que celui de praticien du service de santé des armées, ou encore la reprise du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations.
Si la question salariale est évidemment clé - 53 % des militaires estiment que leur engagement n'est pas suffisamment rémunéré -, elle ne constitue cependant pas l'unique réponse aux enjeux que je viens d'évoquer.
À cet égard, je ne peux que me féliciter de la montée en puissance du plan famille, lancé en octobre 2017 et qui sera doté de 57 millions d'euros en 2019 contre 22,5 millions d'euros en 2018. Ce plan, qui comporte 46 actions dans les domaines de l'hébergement, de la mobilité ou encore dans le champ du social, a suscité une véritable attente auprès des militaires. Il convient par conséquent que ses crédits soient effectivement sanctuarisés et que toutes les mesures puissent être menées à leur terme.
J'ajoute qu'alors que le plan famille fait de la question de l'amélioration des conditions de vie de nos militaires une priorité, il me semblerait paradoxal de poursuivre le projet de cession du Val-de-Grâce, dernière emprise parisienne à accueillir des militaires, qui contraindrait le ministère à héberger ses soldats hors de Paris, ce qui pose un enjeu majeur en termes de sécurité et de transport.
Les mesures que je viens de vous présenter, qui sont évidemment bienvenues, sont-elles suffisantes ? Probablement pas, si j'en crois l'incapacité du ministère à consommer l'intégralité de ses crédits de personnel. La sous-exécution des crédits du titre 2 devrait atteindre 155 millions d'euros en 2018. Cette situation préoccupante s'explique à la fois par un taux de non-renouvellement des contrats élevé et par une difficulté du ministère à recruter dans certains métiers.
Dans le rapport sur le parc immobilier des armées que j'ai établi en 2017, je faisais le constat d'une dégradation progressive de l'état des infrastructures de la défense et, en particulier, de celles du quotidien dédiées à l'hébergement, à la restauration ou à l'entraînement, la priorité étant accordée à l'accompagnement des grands programmes d'armement.
En 2019, les crédits consacrés à la maintenance progresseront de 7 % en autorisations d'engagement (AE) et de 12 % en crédits de paiement (CP) et les dépenses en faveur des logements et des établissements sociaux et médico-sociaux atteindront plus de 76 millions d'euros en AE et près de 74 millions d'euros en CP.
Sur la durée de la programmation, 13,5 milliards d'euros devraient être consacrés aux infrastructures. C'est un effort significatif. Pour autant, le ministère des armées estime à 1,5 milliard d'euros les besoins non satisfaits. Ce sujet constitue donc un point de vigilance auquel nous devrons être attentifs dans les années à venir.
S'agissant de l'entretien programmé des matériels, là encore, une hausse des crédits est prévue en 2019. En particulier, les AE progresseront de plus de 4,6 milliards d'euros par rapport à 2018 afin de permettre, notamment dans le cadre de la réforme mise en oeuvre cette année du maintien en condition opérationnelle aéronautique, la passation de contrats pluriannuels globaux. Cet effort mettra cependant du temps avant de porter ses fruits.
Enfin, ce budget permet-il de préparer l'avenir ? Il m'est difficile de me prononcer sur la conformité du calendrier de commandes et de livraisons par rapport aux objectifs de la LPM, dans la mesure où elle ne fixait que des objectifs finaux, sans les décliner par année... Pour autant, au cours des auditions que j'ai menées, il m'a été indiqué que les commandes et livraisons prévues en 2019 devraient répondre aux besoins de nos forces.
Au total, le budget qui nous est présenté m'apparaît plutôt positif et conforme aux engagements pris. Néanmoins, cette entrée en LPM est hypothéquée par la fin de gestion 2018, qui, pour reprendre expression de l'un de mes interlocuteurs, en constitue l'antichambre.
Or le projet de loi de finances rectificative pour 2018 déposé hier à l'Assemblée nationale est pour le moins inquiétant. Sur un montant total de surcoûts des opérations extérieures et intérieures s'élevant à près de 1,4 milliard d'euros, les restes à financer atteignent 580 millions d'euros et, à l'exception d'un montant de 40 millions d'euros de remboursements en provenance de l'ONU, il est prévu que l'intégralité de ce surcoût soit financée sous enveloppe par le ministère des armées. Ce serait la première fois depuis plusieurs années que le ministère devrait prendre en charge seul, sans solidarité interministérielle, ce surcoût, alors même que l'actuelle LPM fixe un principe très clair de répartition entre les différentes missions du budget de l'État.
Le projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi une ouverture de plus de 400 millions d'euros sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » entièrement gagée par des annulations sur les autres programmes de la mission. En particulier, le programme 146 « Équipement des forces » sera fortement mis à contribution, à hauteur de 319 millions d'euros. Le reste sera financé par le titre 2, en lien avec les difficultés de recrutement que j'évoquais tout à l'heure.
En 2017-2018, nous avons déjà connu un épisode de ce type : on nous avait dit que l'annulation de crédits de 850 millions d'euros décidée en 2017 serait compensée en 2018.
À cet instant, trois scénarios se présentent à nous. Si les 250 millions d'euros encore gelés étaient in fine annulés, la bonne application de la LPM serait compromise. En effet, le manque à gagner atteindrait plus de 800 millions d'euros, ce qui remettrait fondamentalement en cause la parole donnée et la possibilité de respecter la LPM votée par le Parlement. Dans ce cas-là, je serais amené à vous proposer de rejeter les crédits de la mission. Si les crédits encore en réserve devaient être dégelés, nous limiterions les « dégâts », mais l'effort prévu par le budget 2019 serait amoindri. Dans cette hypothèse, je vous proposerais l'abstention. Enfin, si par extraordinaire une ouverture de crédits à venir, voire une minoration du montant de l'annulation, devait intervenir dès le stade de l'examen du projet de loi de finances rectificative, ma position pourrait être appelée à évoluer.
Devant ces incertitudes, je vous propose de différer notre vote sur les crédits de la mission « Défense » jusqu'à la réunion d'examen définitif des missions. Nous avons besoin de davantage d'informations et de garanties.
Vous estimez, s'agissant du Val-de-Grâce, que le ministère des armées aurait intérêt à ne pas céder le site. La partie hospitalière est néanmoins déjà fermée et les autorités renvoient les patients vers d'autres hôpitaux militaires. Le Val-de-Grâce n'est désormais plus qu'un immeuble fantôme dont seuls les bâtiments de l'arrière sont encore occupés. Il semblerait, en outre, que des acheteurs potentiels se soient déjà manifestés et qu'un accord soit en cours avec la Ville de Paris pour ériger un nouveau quartier. Vous semble-t-il, dans ses conditions, encore possible de revenir en arrière ?
Vous nous avez présenté, en juillet dernier, un rapport édifiant sur les hélicoptères : sur 467 appareils, 300 étaient, dans mon souvenir, immobilisés pour défaut de maintenance. Dans le présent projet de loi de finances, les crédits de maintenance bénéficient d'une augmentation significative ; l'effort vous semble-t-il suffisant ? Par ailleurs, 7,1 milliards d'euros devraient être consacrés à l'achat de nouveaux matériels. Pourriez-vous nous préciser le détail des achats prévus et les fournisseurs concernés ?
Le projet de loi de finances rectificative présenté hier en conseil des ministres prévoit-il une annulation de crédits pour le ministère des armées ?
Le logiciel de paie Louvois a connu d'innombrables dysfonctionnements ayant entraîné, selon les estimations les plus pessimistes, des surcoûts à hauteur de 300 millions d'euros. À combien, selon les éléments dont vous disposez, s'élèvent précisément ces surcoûts ? Quels sont, par ailleurs, les moyens humains consacrés à l'opération Sentinelle pour la protection des lieux publics et quel est le coût du dispositif ? Enfin, les contrats de redynamisation des sites de défense, destinés à accompagner la suppression de casernes et de régiments, sont-ils toujours d'actualité ?
Vos observations relatives à la politique immobilière du ministère des armées, particulièrement intéressantes, nous amènent à réfléchir à la gestion immobilière de l'État dans son ensemble. Dans le rapport spécial que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier, j'ai rappelé que l'application des dispositions de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite Duflot, entraînerait de considérables coûts de décote - de l'ordre de 4 232 euros par mètre carré - dans le cadre de la vente des bâtiments sis dans l'îlot Saint-Germain. N'existe-t-il pas d'autres moyens de construire des logements sociaux que de brader le patrimoine de l'État à des coûts prohibitifs ? Veillons à ne pas reproduire la même erreur au Val-de-Grâce. D'autres pays ont choisi des options différentes : en Grande-Bretagne, par exemple, des baux emphytéotiques ont été conclus sur des sites prestigieux pour permettre à la fois de financer leur rénovation et de bénéficier des loyers versés. Enfin, dans la perspective de la création prochaine d'un service national universel, serait-il envisageable de loger les jeunes dans certaines casernes ?
Vous nous aviez livré, l'an passé, un récit alarmant de l'état de la base navale de Toulon, victime, notamment, de problèmes de plomberie. La situation s'est-elle, à votre connaissance, améliorée ? Quel budget a été, le cas échéant, consacré aux travaux de maintenance ? Je partage votre analyse : il convient d'attendre des précisions du Gouvernement pour voter sur les crédits de la présente mission. Le Président de la République a récemment évoqué la création d'une armée européenne. Quels financements pourraient y être alloués ? S'agissant enfin du service national universel, avez-vous connaissance d'un calendrier de mise en oeuvre et de modalités de financement ?
Je m'interroge également sur la création du service national universel, dont la première cohorte est annoncée en 2019. Quel sera le coût du dispositif et comment sera-t-il financé ? J'approuve votre décision de réserver notre vote sur les crédits de la mission « Défense » dans l'attente de plus amples informations. Je ne puis toutefois imaginer que le Gouvernement renonce à sa promesse d'une meilleure sincérité du financement des OPEX, comme l'évoque votre premier scénario.
Pour répondre à Roger Karoutchi, de nombreux militaires sont stationnés à Paris dans le cadre de l'opération Sentinelle. Pour les loger, des travaux sont réalisés dans des casernes de banlieue. Mais il leur est conseillé de ne pas prendre les transports en commun. Dès lors, au Fort de l'Est par exemple, ils peuvent difficilement sortir de leur baraquement. Il me semble donc préférable de conserver des capacités d'hébergement intra-muros.
À Éric Bocquet, je répondrai que l'augmentation annoncée des crédits destinés à la maintenance laisse espérer des améliorations, d'autant, même si un changement de structure ne suffit pas, que la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) intervenue cette année en confiera la responsabilité à une direction placée sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées. Alors que la maintenance d'un hélicoptère fait l'objet de multiples contrats applicables aux différentes pièces, un chef de file unique assurera leur cohérence. Cette amélioration, néanmoins, ne sera tangible qu'à compter de 2021 ou de 2022, à la condition supplémentaire que les matériels ne fassent pas l'objet d'une utilisation intensive et permanente. La liste des nouveaux équipements figure, par ailleurs, dans mon rapport, elle semble conforme aux annonces et satisfait les militaires.
J'indique à Jérôme Bascher qu'outre 155 millions d'euros sur le titre 2 d'économies de constatation, 320 millions d'euros sont annulés sur le programme 146 « Équipement des forces ». Dans la mesure où des autorisations d'engagement sont également supprimées, certains investissements s'en trouveront décalés.
Pour répondre à Marc Laménie, dans la perspective du remplacement du logiciel Louvois, le nouveau dispositif Source Solde sera prochainement testé dans la marine. Le fiasco de Louvois a effectivement entraîné des coûts faramineux. Récemment, l'État a ainsi renoncé à demander un trop perçu de 95 millions d'euros. L'opération Sentinelle mobilise actuellement 7 000 soldats, pour une mise à disposition maximum de 10 000 hommes. Le coût des missions intérieures s'établit à 150 millions d'euros. Quant à l'accompagnement de la fermeture des casernes, les programmes prévus se poursuivent.
Je partage l'analyse de Thierry Carcenac, sur les dérives du dispositif Duflot : il n'est pas possible de financer une politique du logement et des dépenses d'équipement des forces armées sur les mêmes crédits. Un amendement a été adopté sur la LPM, afin de réserver la décote dite Duflot lorsque le projet prévoit de réserver des logements sociaux pour les armées : j'y suis favorable. En matière d'immobilier, le ministère des armées fait figure d'exception, car il continue à percevoir des crédits au titre du paiement les loyers budgétaires, afin d'assurer le respect des engagements de la LPM.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le service national universel. Je puis vous confirmer qu'aucun crédit n'est inscrit dans le budget 2019 à ce titre. Nous verrons l'année prochaine si d'aventure la première cohorte est effectivement lancée... Quant à l'hébergement de ces jeunes dans les casernes, je rappelle que nous rencontrons déjà des difficultés pour loger les militaires affectés aux opérations intérieures. En outre, les besoins en hébergement des jeunes du service national universel pourraient ne pas se trouver en adéquation avec les casernes disponibles.
Pour répondre à Antoine Lefèvre, la plomberie à Toulon fuit toujours, mais des crédits sont inscrits pour des travaux électriques en 2019.
Soyons prudents s'agissant de la création d'une armée européenne. Les États membres de l'Union européenne suivent des règles différentes pour l'engagement de leur armée : seules la France et la Grande-Bretagne peuvent agir sur la décision unilatérale du chef de l'État sans accord préalable du Parlement - la situation diffère ailleurs, notamment en Allemagne - et disposent de forces de projection, même si certains pays européens peuvent être amenés à accompagner logistiquement des OPEX. Certes, quelques initiatives industrielles, concernant en particulier l'avion et le char du futur, ont été engagées, mais la solidarité demeure fragile : la Belgique, récemment, a choisi d'acquérir des avions américains. La question est hautement politique et devrait faire l'objet d'un débat au printemps 2019. Même si les mentalités évoluent en faveur d'une meilleure coopération, n'oublions pas que de nombreux États membres estiment que leur sécurité dépend avant tout de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).
Le rapporteur spécial nous propose donc de réserver le vote sur les crédits de la mission « Défense » dans l'attente que les incertitudes qu'il a relevées soient levées par le Gouvernement.
La commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Défense ».
Une délégation de notre commission - le rapporteur général, Albéric de Montgolfier, Sylvie Vermeillet, Jérôme Bascher, Patrice Joly et moi-même - a assisté à Vienne, les 17 et 18 septembre derniers, à la conférence interparlementaire semestrielle, plus communément appelée « conférence de l'article 13 » du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union européenne, dont l'objectif est principalement de permettre aux parlements nationaux d'exercer un contrôle sur la mise en oeuvre des règles de gouvernance budgétaire. Le Parlement européen et le Parlement autrichien avaient inscrit le cadre budgétaire de l'Union européenne, l'éducation et l'innovation comme moteurs de la compétitivité, la lutte contre l'évasion fiscale et l'impact du numérique sur le marché de l'emploi à l'ordre du jour.
La première session portant sur le cadre budgétaire de l'Union européenne était quelque peu redondante avec la conférence de février dernier à Bruxelles, qui avait déjà permis d'échanger sur l'avenir de l'Union économique et monétaire (UEM) et sur la pertinence du semestre européen. La majorité des interventions ont appelé à un renforcement de la coordination des politiques budgétaires des États membres et ont salué les propositions de réformes institutionnelles de la Commission européenne développées dans sa feuille de route en décembre 2017 et lors de la présentation du prochain cadre financier pluriannuel. La transformation du mécanisme européen de stabilité (MES) en Fonds monétaire européen (FME) a été jugée comme étant une évolution institutionnelle favorable permettant de s'affranchir du Fonds monétaire international (FMI). Le FME pourrait intervenir, comme le MES, en cas de difficultés financières d'un État membre de la zone euro. Il assurerait, en outre, la fonction de filet de sécurité du fonds de résolution unique, le deuxième pilier de l'union bancaire. L'objectif d'achever l'union bancaire a, par ailleurs, été rappelé par le Portugal, les Pays-Bas et la Grèce, mais le refus de certains États membres, notamment l'Allemagne, d'installer un système européen de garantie des dépôts, qui constitue le troisième et dernier pilier de l'union bancaire, n'a pas été évoqué.
Les propositions de la Commission européenne visant à créer deux instruments budgétaires communs aux États membres ont été favorablement accueillis. Alors qu'initialement ces instruments n'avaient été envisagés qu'à destination des États membres de la zone euro, ses propositions sur le prochain cadre financier pluriannuel prévoient qu'ils puissent bénéficier à l'ensemble de l'Union européenne. Cette nouvelle capacité budgétaire serait composée de deux volets : un programme d'appui pour accompagner le financement des réformes recommandées dans le cadre du semestre européen et un mécanisme européen de stabilisation des investissements visant à soutenir le niveau de l'investissement public.
Les échanges ont mis en lumière deux aspects de la coordination budgétaire qui gagneraient à être améliorés. D'une part, plusieurs intervenants ont dénoncé les fragilités du semestre européen. Le député Othmas Karas, membre du parti populaire européen, a souligné qu'entre 2012 et 2017 près de la moitié des recommandations formulées dans le cadre du semestre européen n'avaient pas été mises en oeuvre par les États membres. Il a suggéré que la conférence interparlementaire dite « article 13 » soit davantage associée à la formulation et au suivi des recommandations. D'autre part, une divergence entre les représentants des parlements nationaux est apparue quant aux flexibilités dans l'application des règles du pacte de stabilité et de croissance. Plusieurs interventions, notamment néerlandaise, ont appelé à une application plus stricte des règles budgétaires, qui prévoient que le déficit public d'un État membre ne peut être supérieur à 3 % de son PIB et sa dette publique à plus de 60 %. Le vice-président du comité budgétaire autrichien, Gottfried Haber, a, au contraire, défendu la marge de manoeuvre de chaque État membre, rappelant que la stricte application des règles budgétaires pouvait conduire à des politiques contra-cycliques, politiquement délicates à l'approche des élections européennes.
La deuxième session portait sur l'éducation, l'investissement et l'innovation en tant que moteurs de la compétitivité européenne, à l'aune des propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel. Le programme « Horizon Europe » devrait comprendre une enveloppe de 100 milliards d'euros pour la période 2021-2027 et rassembler les instruments de financement en faveur de la recherche et de l'innovation. Le fonds « InvestEU » prendra le relai du plan Juncker à partir de 2021 avec la banque européenne d'investissement (BEI) comme principal partenaire financier. Plusieurs parlementaires ont toutefois regretté la diminution proposée des crédits alloués à la politique de cohésion, qui constitue le deuxième budget de l'Union européenne après la politique agricole commune et contribue à la réduction des inégalités infrarégionales.
La troisième session, consacrée à la lutte contre l'évasion fiscale, a été introduite par le discours de Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, qui a dressé le bilan des initiatives de la Commission européenne en matière de transparence fiscale, notamment avec l'adoption de la directive ATAD. Il s'est montré optimiste sur les perspectives d'adoption d'une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), en dépit de plusieurs interventions déplorant le peu d'avancées récentes en la matière. S'agissant de la fiscalité du numérique, il s'est déclaré confiant sur la perspective d'un accord prochain sur la taxe à 3 % sur le chiffre d'affaires de certaines activités numériques. Hélas, la France, face aux réticences de l'Allemagne, se trouve contrainte, désormais, de plaider pour un délai supplémentaire.
Notre rapporteur général l'a interrogé sur le traitement de la fraude à la TVA pour le commerce en ligne, rappelant les dispositions introduites par le Sénat lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude : le principe de la responsabilité solidaire des plateformes en ligne et le dispositif de « paiement scindé » de la TVA. Patrice Joly a souligné que les propositions de la Commission européenne pour le prochain cadre financier pluriannuel ne retiennent pas la fiscalité du numérique comme nouvelle ressource pour le budget européen. Si ces deux interventions ont été appuyées par plusieurs représentants de parlements nationaux, nous pouvons regretter qu'elles n'aient pas encore donné lieu à des réponses précises de la Commission européenne.
Les derniers échanges ont enfin concerné la numérisation et son impact sur l'emploi. Il a été rappelé que la numérisation du marché du travail contribuait à développer des formes atypiques d'emploi, pour lesquelles la protection sociale devait être adaptée. Plusieurs interventions ont salué les propositions de la Commission européenne d'augmenter les crédits alloués au Fonds social européen et à l'Initiative pour l'emploi des jeunes dans le prochain cadre financier pluriannuel, tout en déplorant que son interventionnisme en matière sociale demeure moindre qu'en matière économique ou de droit de la concurrence.
Pour conclure, je souhaite rappeler les interrogations déjà exprimées par notre commission quant à la portée réelle de cette conférence. L'organisation des débats ne permet pas un échange interactif entre les représentants des parlements nationaux et les sujets à l'ordre du jour sont hélas trop vastes pour aboutir à des prises de position sur la gouvernance économique et financière de l'Union européenne. L'organisation d'ateliers plus restreints ou l'obligation d'adopter des conclusions permettrait de valoriser davantage les échanges.
J'ai, pour ma part, été extrêmement déçue par l'intervention de Pierre Moscovici.