Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 8 novembre 2018 à 8h35
Questions sociales et santé — Agence européenne de sécurité des aliments : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mme laurence harribey et m. pierre médevielle

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

L'Autorité européenne de sécurité des aliments, communément appelée EFSA, a été créée en 2002, à la suite du scandale de la « vache folle ». L'objectif était de disposer d'une agence indépendante, capable de fournir une évaluation purement scientifique des risques en matière alimentaire pour ensuite laisser les autorités politiques décider souverainement, sur le fondement de cet avis et dans le cadre d'une procédure de comitologie, des conditions de mise sur le marché.

Cette procédure, distinguant évaluation et gestion du risque, s'applique à l'ensemble des substances et produits en lien avec la chaîne alimentaire - notamment les OGM, les additifs alimentaires ou les substances présentes dans les produits pharmaceutiques.

L'EFSA travaille principalement sur la base d'études fournies par les exploitants. Pour la Commission européenne, il revient effectivement à ces derniers de les financer, dès lors qu'ils tirent profit de la mise sur le marché des substances ou produits. Néanmoins, ces études sont réalisées selon les lignes directrices définies par la Commission européenne, dans des laboratoires respectant les standards de l'OCDE.

Une fois achevées, elles sont analysées par les experts de l'EFSA. Répartis en dix groupes thématiques, ces derniers ne sont pas salariés de l'agence. Ils sont généralement mis à disposition par les agences nationales, contre un défraiement forfaitaire.

Aujourd'hui, le budget de l'EFSA, fixé à 80 millions d'euros et financé en totalité par l'Union européenne, est clairement insuffisant pour refaire certaines études et ne permet pas à l'agence d'employer ses propres experts.

L'EFSA fait l'objet de nombreuses critiques concernant son indépendance vis-à-vis des exploitants, mais c'est le problème du glyphosate qui a conduit à l'élaboration d'une proposition de règlement destinée à réformer le fonctionnement de l'agence.

Pour rappel, la Commission européenne a proposé, en décembre 2015, un renouvellement pour quinze ans de l'autorisation de mise sur le marché du glyphosate, qui expirait en juin 2016. Or, en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, une instance émanant de l'Organisation mondiale de la santé, a publié une étude concluant au caractère « probablement cancérigène » de la substance. La Commission européenne avait alors demandé à l'EFSA, qui avait toujours affirmé le contraire, de prendre en compte cette étude. Dans son avis rendu en novembre 2015, celle-ci a, de nouveau, considéré que « le potentiel cancérigène du glyphosate [était] improbable ».

Ces avis contradictoires ont relancé le débat sur la qualité des évaluations de l'EFSA, avec trois critiques formulées.

S'agissant de la politique de lutte contre les conflits d'intérêts, les ONG et le Parlement européen reprochent que les règles soient appréciées au regard de la mission de l'expert au sein du groupe de travail, et non du domaine de compétences de l'EFSA dans son ensemble. De plus, l'agence autorise les experts à bénéficier de fonds privés pour leurs recherches, dans la limite de 25 % du budget total.

On lui reproche également une prise en compte insuffisante des études académiques, ces dernières ne respectant pas forcément les protocoles imposés par les lignes directrices de la Commission européenne.

Enfin, on lui reproche son manque de transparence. Les ONG ont notamment dénoncé un accès très difficile aux études dans le cas du glyphosate et, en l'absence de format de données standard pour la communication, les études sont de toute manière compliquées à exploiter.

Face à ces critiques, l'EFSA répond généralement qu'elle travaille dans un cadre réglementaire précis. Pour le glyphosate, elle explique avoir évalué la substance seule, conformément au règlement européen balisant sa mission, alors que l'étude du CIRC l'évaluait en association avec d'autres co-formulants. Mais le climat actuel de défiance ne satisfait personne et la Commission européenne a besoin de s'appuyer sur un avis reconnu scientifiquement pour justifier ses décisions. La qualité de ces avis doit garantir à chaque État membre que les substances mises sur le marché ne présentent aucun danger, afin d'éviter la prise de dispositions unilatérales qui pourraient engendrer des distorsions de concurrence.

Pour répondre à la polémique, la Commission a donc présenté une proposition de règlement pour réformer l'EFSA.

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