En effet, nous aurons sans doute ce débat lors de l’examen de l’article 19. J’estime néanmoins utile, comme M. Dussopt et Mme Buzyn l’ont fait hier, de dire quelques mots sur ce sujet à l’invitation de M. Daudigny et de Mme Apourceau-Poly.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur ces amendements, parce que la disposition ici prolongée existait déjà l’année dernière et s’éteindra demain pour les raisons que vous avez évoquées.
Cela dit, plus largement, la question posée par M. Daudigny est celle de la relation entre l’État et la sécurité sociale. C’est une relation importante, complexe et parfois opaque, qui répond à des exceptions désormais très largement devenues des règles.
Agnès Buzyn et ce gouvernement – je pense que c’est à mettre à son crédit – ont eu le courage de commander un rapport sur ce sujet à MM. Dubertret et Charpy afin d’apporter un éclairage net sur ces relations toujours plus complexes, opaques et multiples entre l’État et la sécurité sociale.
Monsieur le sénateur Daudigny, je ne peux pas tout à fait laisser vos propos sans réponse. D’abord, aujourd’hui, les compensations versées par l’État à la sécurité sociale sont de l’ordre de 36 milliards d’euros ; les non-compensations, de 2 milliards d’euros. Il faut savoir rester raisonnable dans les comparaisons !
De manière plus générale, la sécurité sociale ne vit pas dans une bulle. Elle vit notamment grâce à la croissance de l’économie et de la matière sociale au sens des cotisations sociales, par le biais de la masse salariale soumise à taxation.
Parfois, pour qu’augmente cette masse salariale, il faut baisser certains prélèvements et donc toucher à ce qu’on appelle la fiscalité de l’État. Quand on baisse l’impôt sur les sociétés, quand on met en avant un certain nombre de dispositions visant à relancer l’économie, telles que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune ou la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, on permet à l’économie de croître à un rythme de 1, 7 % – ce chiffre a été confirmé dans le projet de loi de finances rectificative que j’ai présenté hier à l’Assemblée nationale. Ainsi, la masse des cotisations sociales et de la CSG est plus importante que lorsqu’on raisonne en vase clos.
Il me faut mentionner une autre chose à laquelle chacun est attaché : si les débats parlementaires sont séparés entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il n’y a en revanche, bien sûr, qu’un seul contribuable, qui paye son impôt de manière générale. C’est tellement vrai que, quand je présente au nom du Gouvernement l’état des comptes publics et que vous le commentez, en bien ou en mal, vous parlez bien du déficit public toutes administrations publiques confondues, y compris la sécurité sociale ; il en est de même du taux de prélèvements obligatoires et du taux de dépense publique, à l’évidence compris toutes administrations publiques confondues.
Faut-il pour autant mettre fin à l’autonomie de la sécurité sociale ? La réponse est non, évidemment. D’ailleurs, la réforme constitutionnelle présentée par le Gouvernement ne prévoit pas la fusion des textes financiers. En effet, nous respectons, comme la Constitution le prévoit, l’autonomie de la sécurité sociale, même si cela peut parfois prêter à confusion et qu’on aurait pu imaginer que le débat sur les recettes soit mis en commun. Ce n’est pas le choix qu’ont fait le Gouvernement et le Parlement dans leurs réflexions constitutionnelles : il y a bien des textes séparés, dans chacun desquels figurent recettes et dépenses.
Faut-il pour autant maintenir les règles telles que nous les connaissons ? La réponse est non. Ainsi, Mme la ministre des solidarités et de la santé et moi-même compensons l’intégralité des allégements généraux. Quand nous décidons de transformer le CICE en allégement de charges – zéro charge sur le SMIC ! –, ce qui représente 20 milliards d’euros, nous le faisons avec l’argent de l’État, si vous me permettez cette expression.
Cela pousse d’ailleurs M. Albéric de Montgolfier, dans un propos sans doute plus rapide que de coutume – j’imagine d’ailleurs qu’il le corrigera en séance publique –, à nous reprocher d’avoir dégradé le déficit de l’État. Mais nous ne l’avons pas dégradé ; nous ne faisons que prendre en charge les effets que les allégements de charges ont eus sur la sécurité sociale. S’il n’y avait pas les allégements de charges, s’il n’y avait pas de compensation de l’État à la sécurité sociale, à la suite de la réforme très structurante du CICE, bousculé en allégement de charges, le déficit de l’État serait inférieur à celui de l’année dernière.
Nous ne sommes pas ici pour faire de la comptabilité, mais bien pour remettre, sinon l’église au milieu du village – je ne le dirais pas dans une enceinte républicaine et laïque –, mais le Sénat au milieu du jardin du Luxembourg, si vous me permettez cette expression.