Intervention de Alain Milon

Réunion du 13 novembre 2018 à 14h30
Financement de la sécurité sociale pour 2019 — Article 6

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Quoi qu’il en soit, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 témoigne du paradoxe et des limites de la politique du « en même temps ». Peut-on en même temps baisser les recettes et tenir l’équilibre, baisser les dépenses et résorber la dette ?

C’est à tout le moins un exercice délicat, et je me permets d’émettre certaines réserves sur la capacité du Gouvernement, et de tout gouvernement quel qu’il soit, à y parvenir rapidement.

Le levier des recettes n’est pas le plus difficile à manier. La commission des affaires sociales a approuvé les mesures de baisse des prélèvements sur les entreprises au bénéfice de la compétitivité et de l’emploi. Je ne doute pas que les débats qui vont suivre témoigneront de l’inventivité dont on peut faire preuve dans ce domaine. Le Gouvernement a ouvert la voie avec plus de 20 milliards d’euros, ce qui ne saurait manquer de susciter des initiatives.

L’équilibre des comptes sociaux semble enfin à la portée de notre pays, qui n’a pas connu une telle situation depuis vingt ans. Nous le devons avant tout à l’amélioration de la masse salariale du secteur privé et à l’amélioration de la situation de l’emploi.

Nous ne pouvons que saluer cet équilibre retrouvé. Dans l’intérêt même de notre protection sociale, nous devons nous efforcer de le préserver.

Dans ses différentes composantes, un système de santé tout à la fois de pointe et solidaire, des retraites décentes et une politique de soutien aux familles, la protection sociale appartient à l’identité même de notre pays. Laisser filer les déficits, c’est évidemment la mettre en péril.

L’équilibre des comptes permet-il d’envisager la résorption de la dette sans en faire porter le poids sur les générations futures ? Pour la partie transférée dans le mécanisme d’amortissement pour le moins original de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES, très certainement. Pour le reste, évalué par notre rapporteur général à quelque 14 milliards d’euros en fin de période couverte par le présent texte, rien n’est moins sûr.

Nous avons du mal à comprendre le choix, clairement assumé par le Gouvernement, de laisser perdurer cette dette, certes compensée en trésorerie par les excédents consolidés de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, car, nous semble-t-il, ni l’un ni l’autre ne sont justifiés.

La commission des affaires sociales insiste beaucoup sur ces paramètres, qui devront impérativement être intégrés dans les relations financières entre l’État et le champ social. Peut-être le Gouvernement souhaite-t-il laisser cette dette à la sécurité sociale comme aiguillon pour l’inciter à la vertu budgétaire.

Vous n’avez pas fait mystère, monsieur le ministre, du souhait du Gouvernement de voir disparaître le texte que nous examinons aujourd’hui, afin de pouvoir enfin piloter ces dépenses aussi bien que celles de l’État.

Le montant de 100 milliards d’euros atteint par les niches fiscales me semble témoigner du fait que les règles de compensation des pertes de recettes de la sécurité sociale sont une corde de rappel indispensable pour la responsabilisation des acteurs.

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